Une Histoire sur http://revebebe.free.fr/
n° 13348Fiche technique49078 caractères49078
Temps de lecture estimé : 26 mn
05/07/09
corrigé 12/06/21
Résumé:  Il faut l'expliquer au lecteur : Revebebe, à l'origine, c'est une personne. Qui s'exprime peu. Nous avions envie d'en savoir plus, et il a accepté de répondre à mes questions.
Critères:  -revebebe -articles
Auteur : Padoum  (En service commandé...)      Envoi mini-message
L'invité du jour : Revebebe

Il faut l’expliquer au lecteur : Revebebe, à l’origine, c’est une personne. Même si aujourd’hui pas mal de volontaires participent à la vie du site (et en premier lieu les correcteurs, on ne leur dira jamais assez « merci »), le site Revebebe reste la responsabilité d’une seule personne. Sa dernière intervention sur la politique du site datait de 2003 (Interview). Poussée (un peu) par Pattie et Gufti, j’ai frappé à la porte de son bureau et nous avons trouvé un coin sur le site pour discuter tranquillement.



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Padoum - L’aventure Rêvebébé… (Tiens, oui, avec ou sans accent ?)


Revebebe - Pour moi, c’est sans accent.




Padoum - Donc, Revebebe commence en 1999. À ce moment-là, le web n’est pas encore dans la vie de tous les jours, mais on en parle de plus en plus. Vous êtes donc dans les pionniers du net. Comment ça a débuté, exactement ?


Revebebe - En 1999, le web existe déjà depuis pas mal de temps, peut-être pas encore pour monsieur tout le monde (quoique ?), mais en tout cas pour bon nombre d’internautes accros qui y sévissent depuis longtemps. Ce sont parfois les mêmes qui craquaient les logiciels (beaucoup trop chers) du temps de l’Apple II, les mêmes qui s’échangeaient les codes de gratuité des sites payants du minitel, les mêmes aussi qui, plus tard, seront à l’origine du développement de Linux et des open-sources.

Avant d’être, comme toutes choses dans ce monde, récupéré par la manne commerciale, Internet c’est avant tout une certaine idée de la libération dans les échanges et une certaine conception de la communication. On peut certes en critiquer les travers, et tout particulièrement le pillage abusif qui trop souvent y sévit, mais les aspects positifs restent, selon moi, prédominants.


Libérer l’érotisme n’est pas une mince affaire car, s’il y a un domaine gangrené par les rapports marchands, c’est bien celui-là, où tout est prétexte à se faire de l’argent (même les photos ou vidéos amateurs sont désormais sujets à commercialisation).

À l’époque (en 99), rares sont les sites qui distillent des histoires érotiques gratuites, en tout cas en français ; car en anglais, le concept existe déjà : il y a le fabuleux « asstr », riche de plusieurs milliers de récits, et aussi pas mal d’autres sites. Mais c’est vrai qu’en langue française, ils ne font pas légion, il y a quand même « Sophiexxx » plus quelques adresses canadiennes dont j’ai provisoirement oublié le nom.

Mais ces précurseurs ne sont pas exempts d’imperfections. D’une part, ils n’excluent pas les bannières publicitaires, d’autre part ils ne font, en règle générale, aucune sélection sur les textes, tant du point de vue de la qualité des récits (on y trouve le pire comme le meilleur, et très souvent le pire, un peu à l’image de ce que l’on voit aujourd’hui par exemple sur des forums comme doctissimo où l’on trouve allègrement mélangés récits et commentaires), que du point de vue de leur nature (à l’instar d’asstr qui, par choix et par militantisme libertaire, ne fait aucun filtre, certains sites en langue française iront jusqu’à publier des textes ouvertement pédophiles). Or ce n’est pas mon choix. Dès le début du site, je me fixe certaines règles, en tout cas de façon implicite.

Il nous faut certaines limites : on ne publiera évidemment aucun texte illégal, mais on évitera également les récits pouvant être sujets à controverse, ceux qui pourraient nous amener des visiteurs indésirables (par exemple les récits incestueux pourraient attirer des visiteurs pédophiles, et le SM esclavagiste qui pourrait séduire des extrémistes pour qui la négation flagrante de la personne humaine serait source de plaisir).

Ce n’est pas encore la charte, telle qu’on la connaît aujourd’hui. Dans les premières années on publiera par exemple un certain nombre d’histoires de viols sans trop d’états d’âme, et la charte ne se construira finalement que progressivement.



Padoum - C’est étrange, Revebebe, comme nom, pour un site érotique, non ? C’est venu comment ?


Revebebe - L’origine est « rêve, bébé », donc une notion de rêve, d’onirisme, de fantasmatique. L’imaginaire prévaut ; Revebebe, ce sont avant tout des histoires imaginaires, inventées ou rêvées, tout le contraire de la confession sensée décrire une réalité. Mais je regrette parfois de ne pas avoir appelé ce site onirik, fantasmatik ou même fantastik, avec un « k » pour l’aspect warez.



Padoum - Euh… warez?


Revebebe - Il faut impérativement virer ce terme « warez » de ma réponse précédente, c’est une simple provocation.


Il fut un temps où j’étais fasciné par l’esthétisme lié aux pirates informatiques, même si, personnellement, je n’en faisais pas partie, n’ayant ni le temps ni les compétences pour y parvenir.

C’est mon côté ado, j’aime la liberté rebelle et l’absence de limites. J’aime aussi les vampires, les « Sex Pistols » et la série « le Prisonnier », tout ça c’est vraiment culte. On vit dans un monde tellement prévisible qu’il est nécessaire d’avoir des points de rupture pour s’évader.

Je comprends la détresse des jeunes : depuis que la communication est devenue universelle, elle ne sert presque plus à rien, cela ressemble à un brouhaha duquel rien ne semble plus pouvoir émerger.



Padoum - Je suppose que vous avez reçu des propositions financières (compte tenu du nombre de vautours qui s’attaquent à la base, deux cette année…)


Revebebe - Oui, régulièrement. Il fut un temps où je les entassais consciencieusement dans une boîte aux lettres des propositions, de même que j’archivais également les lettres d’insultes ou celles de félicitations, à croire que je voulais faire de tout ça des confitures… Mais depuis quelques années je n’ai plus l’âme d’un collectionneur, j’ai fait de grands ménages. Je ne conserve plus rien excepté les textes publiés et leurs appréciations.


Mais je reste difficilement achetable et, à mon avis, on a plus de chances de me séduire avec une bonne cause qu’avec un paquet d’oseille.



Padoum - Au tout début, les rêves et les espoirs pour l’avenir du site, c’était quoi ?


Revebebe - L’origine du site, disons plutôt sa raison de vivre initiale, c’est uniquement la publication et la diffusion de mes propres récits. Au départ, je n’aspire à rien d’autre, sachant que je sais pertinemment, dès le début, que je vais être obligé d’enrichir le site avec les textes d’autres écrivains (et si possible d’écrivains dont les textes me plaisent) si je veux qu’il prenne une certaine ampleur et qu’il acquière une certaine notoriété.

En quelque sorte, le devenir du site est donc une altération de son but initial qui n’est à mon sens pas atteint. Auteur de plusieurs centaines de récits, dont certains sont encore sur le site, dont d’autres sont sur d’autres sites et d’autres encore non publiés, je n’ai encore entamé aucune unification de mon « œuvre », si l’on peut appeler ça une œuvre.



Padoum - Vous dites "je", et dans le texte "interview", vous dites "nous". Pourquoi ce changement de pronom ?


Revebebe - Probablement pour plusieurs raisons. Les deux qui me viennent en tête sont les suivantes :



D’ailleurs, pour tout dire, je n’ai plus trop envie d’écrire sur Revebebe, et je suis en général en empathie avec les auteurs qui ont connu le même découragement que moi ou avec ceux qui ont été écœurés par quelques travers. Quand vous mettez des heures et des heures à mettre au point un récit et qu’un hurluberlu vient vous le sabrer par quelques phrases lapidaires, avec une vision souvent très parcellaire et parfois non justifiée de votre texte, cela ne donne pas spécialement envie de continuer à perdre son temps pour ces conneries.



Padoum - Vous n’avez jamais pensé à passer la main, filer la maintenance à quelqu’un d’autre, pour pouvoir vous occuper de vos textes tranquille ?


Revebebe - Petit à petit, je file la maintenance à d’autres. Encore quelques efforts et je n’aurai bientôt plus rien à faire, tout sera soit automatique soit pris en charge par d’autres acteurs. Il suffit que je m’y mette… mais tout ce que je développe va désormais dans ce sens.



Padoum - Revebebe transformé en utopie anarchiste, un site qui vit par lui-même. On m’aurait dit que quelqu’un essayait de faire ça, je l’aurais traité de fou, mais finalement je n’en suis pas si certaine…


Revebebe - C’est beaucoup moins une réelle volonté, qu’une nécessité qui s’est imposée d’elle-même.

Le site aurait été structuré dans une hiérarchie avec des dirigeants et un encadrement, il aurait implosé depuis belle lurette, vu les dissensions qui ont existé par le passé. Le bénévolat est trop fluctuant et trop disparate pour suivre des lignes directrices très claires et encore moins constantes. Il s’agit donc plutôt d’un magma où sévissent des bonnes idées qui partent un peu dans toutes les directions.

Plutôt qu’« utopie anarchiste », je préfèrerais « entropie naturelle » car il n’y a finalement aucune volonté politique derrière le mode de fonctionnement du site. Celui-ci est né d’une succession d’essais qui ont parfois fonctionné (et parfois pas) et qui ne sont de toute façon jamais immuables. Rien ne dit par conséquent de quoi l’avenir sera fait.


On reproche parfois au site son manque de ligne éditoriale, je pense que celui-ci est directement lié à ces imprécisions dans la démarche.



Padoum - Donc, au départ, Revebebe, c’est un lieu pour vous éditer vous-même. Pourquoi sur Internet plutôt qu’un autre média ?


Revebebe - Tout simplement parce qu’Internet reste le moyen de diffusion le moins onéreux et en contrepartie le moins rémunérateur, mais aussi celui qui a potentiellement le spectre de diffusion le plus large et le moins tributaire des rouages du commerce.

Et puis cela correspond parfaitement à ma façon de penser. Se faire connaître et apprécier reste une entreprise louable quand il ne s’agit que de reconnaissance. Se faire connaître et apprécier pour ensuite être célèbre et gagner plein d’argent est quelque part une perversion du système. Ceci dit, moi aussi j’ai besoin d’argent, comme tout le monde, et il me semble que nous sommes tous conditionnés entre l’envie de nous la couler douce sous un cocotier et la peur de crever la dalle dans un bidonville.



Padoum - Revebebe auteur(s)… C’est pas un secret, par contre, le(s)quel(s) ?


Revebebe - Le principal problème c’est que les 100 derniers récits publiés l’ont été sur au moins 80 noms d’auteurs différents, il m’est donc très difficile d’en faire la liste.

Sinon je peux quand même dévoiler quelques secrets de polichinelle :



Et tiens, un plus récent : Mérédith



Padoum - Bon, je suis pas trop surprise, en fait (même si je n’ai jamais trop joué à ce jeu, étant sûre de perdre). Elle ne correspondait à aucun de mes rêves, c’est un chouette texte, quand même. On a une petite chance de lire la fin de Monstrueuse, un jour ?


Revebebe - Pour Jean-Christophe, je pensais beaucoup plus à la série La bigote, que j’aurais bien aimé continuer parce qu’elle m’amusait beaucoup. J’en ai d’ailleurs écrit deux autres demi-épisodes que je ne finirai peut-être jamais. Pareil pour Chris, la dragueuse, j’ai écrit les prémices du numéro suivant.

Mais j’ai toujours beaucoup de mal à continuer mes séries, je dois en avoir un peu moins d’une dizaine sur le site, mais elles demeurent presque toutes inachevées. Je crois que je suis perturbé ou même paralysé par les commentaires reçus sur les épisodes précédents, et j’ai beaucoup de mal à m’en extraire. Pour les séries, il ne faudrait jamais aller voir les évaluations avant la publication du dernier épisode, et continuer sur son idée sans tenir compte des avis du lectorat, c’est du moins mon avis personnel.


Je n’écris pas pour faire plaisir aux lecteurs mais beaucoup plus pour satisfaire un besoin d’écrire, j’ai horreur des clins d’œil aux lecteurs et prends autant de plaisir à choquer, à énerver, à ulcérer qu’à émerveiller. Mon rêve : écrire un texte qui serait porté aux nues par une poignée de personnes et qui serait vilipendé et décrié par tous les autres.

En particulier j’ai horreur des distinctions collégiales : érotique / non érotique, érotisme / pornographie, bon goût / vulgarité. Et le mot « érotique » évoque pour moi quelque chose de vraiment très chiant, de codifié, de normalisé, propre à être étudié dans des revues insipides. Je préfère de loin le mot « perversion » qui évoque avant tout un rapport à la morale et à normalité (et une perversion n’est pas uniquement sexuelle). D’ailleurs, en règle générale, dans mes récits, les choses sexuelles, même si elles sont souvent omniprésentes, ne sont souvent qu’un prétexte à introduire d’autres idées perturbatrices, elles ne constituent jamais une finalité en soi, mais beaucoup plus un moyen, au pire du saupoudrage.


Parfois aussi, je suis en confrontation directe avec le site, quand la tendance était d’aller vers le toujours plus hard, ma tendance à moi était d’écrire des textes sans cesse plus softs ou, mieux, des récits excitants qui se terminaient volontairement en jus de boudin. Étant donné que la tendance actuelle est plutôt de dire « berk, le porno c’est nase », je suis beaucoup plus enclin à écrire des 100% porno, quitte à me faire incendier.


Pour Monstrueuse, c’est encore un autre sujet. Je n’en suis pas encore à la moitié de la publication de cette série. J’ai arrêté de la publier parce qu’à l’époque j’avais été contacté par un éditeur qui me demandait tout bonnement de la terminer et d’en réécrire certaines passages en vue de sa publication sur papier. Je lui avais donné le pitch et, apparemment, ça lui avait beaucoup plu. Suite à ce contact, j’ai commencé à travailler un peu sur le sujet mais, après quelques séances d’efforts, je n’ai plus senti la même volonté de la part de cet éditeur, ce qui m’a passablement refroidi et démotivé.

D’autre part, je suis un peu embêté vis-à-vis du site car certains passages, vers la fin du récit, sont carrément hors charte et il est difficile d’y échapper car le texte en lui-même est une espèce de thriller qui ne dit pas son nom. Comme quoi la charte est parfois envahissante!

Mais bon… il suffirait que la motivation revienne, comme c’est toujours le cas avec les récits inachevés…



Padoum - Donc, l’édition "papier" c’est un rêve pour vous aussi…


Revebebe - Disons que publier un roman, pourquoi pas. Par contre, des petits textes, certainement pas. Je ne lis jamais de recueils de nouvelles sur papier. Je pense que chaque support est adapté à son format, le papier plus confortable pour les romans, le web mieux adapté pour les petits textes.

Mais publier un roman sous forme de série n’est pas très adéquat, je trouve que c’est une aberration de délivrer au fil de l’eau quelque chose d’inachevé. Décidément, je n’aime pas les séries mais je comprends que les autres puissent aimer.



Padoum - Votre dernier texte a été publié dans le cadre d’un concours. C’est un hasard, ou pas ?


Revebebe - Oui, totalement un hasard. C’est un texte que j’ai retrouvé l’autre jour dans mes dossiers Word et je ne me souvenais même plus qu’il avait fait partie d’un concours. D’autre part, c’est loin d’être mon dernier texte, j’en ai publié au moins 60 depuis.

Les concours, j’y participe parfois, quand le sujet me plaît. Pour moi, tout est question de motivation ou de démotivation. Je n’aime guère les exercices de style car je préfère me concentrer en général sur les idées.



Padoum - Tout à l’heure, vous avez dit "publier mes propres textes et ceux d’auteurs que j’apprécie". Des auteurs que vous appréciez, ça donne quoi (sur le site et ailleurs, ne restons pas autour de notre nombril) ?


Revebebe - Vu ma position, j’aurais un peu de mal à privilégier certains auteurs du site au détriment d’autres, ce ne serait pas très juste, d’autant plus que je suis très loin d’avoir tout lu.

Je citerais Rodolph : un ex-auteur du site que j’adorais, disparu depuis de très nombreuses années, suite à des divergences d’opinions avec les critiques de cette époque. Il écrivait exactement le style de récits que j’aime publier, des scénarios originaux et bien construits, des textes pas trop descriptifs…


Sinon, j’aime la littérature américaine, aussi bien les grands auteurs classiques (Hemingway, Melville, Steinbeck, Edgar Poe…) que la Beat Generation (Henry Miller, Jack Kerouac, Charles Bukowski…), mais aussi les auteurs plus récents (H. P. Lovecraft - l’horreur à l’état pur -, Philip K. Dick - la science-fiction schizophrénique - et même Stephen King). Et plein d’autres choses aussi. Dommage que je n’aie pas trop le temps de lire car je suis certain qu’il y a plein de bouquins qui m’échappent!


Côté littérature française, je serai sans doute beaucoup moins bavard, j’adore Françoise Sagan parce qu’elle est déjantée, Albert Camus aussi parce que je m’y retrouve et, parmi les auteurs actuels, je reste fan d’Amélie Nothomb (malgré son succès) et j’ai un faible pour le trop souvent décrié Philippe Djian.



Padoum – Vous semblez ne pas tenir les commentateurs en odeur de sainteté. Si je ramène ça à un débat actuel sur le forum, est-il souhaitable d’interdire à un inscrit de noter s’il ne commente pas ? Pour quelles raisons ?


Revebebe - Je ne suis pas partisan d’imposer ce genre de contrainte, simplement parce que je ne suis ni convaincu, ni certain, que les rares personnes qui notent sans apporter de commentaires le fassent de façon plus bizarre ou moins cohérente que d’autres qui rajoutent des commentaires.

Les commentateurs fleuves mis à part, parce qu’ils ont acquis une certaine légitimité du fait de leur pugnacité, je m’interroge sur la fiabilité de certaines interventions beaucoup plus ponctuelles, ce qui légitime d’ailleurs pleinement le système de pondération actuellement en place.


Mais, plus globalement, je ne suis pas non plus spécialement partisan des notations, sous quelques formes que l’on puisse d’ailleurs les imaginer. L’évaluation est un système pervers qui a conduit par le passé à toutes les dérives. Pourquoi a-t-on limité les possibilités de notation et d’influence des non-inscrits ? À cause de certaines manipulations (l’adresse IP ne permet pas tous les contrôles car elle n’est pas toujours fixe). Pourquoi a-t-on randomisé les classements meilleurs textes ? À cause d’une sensibilité excessive sur ces hits qui incitaient sans cesse certains auteurs à booster leurs textes pour les ramener en première page.

Et beaucoup de choses vont à l’avenant. Même les discussions actuelles sur la qualité ne me semblent pas toujours très catholiques. Je rappellerai simplement que le choix du site n’a jamais été de présenter de façon immuable les 200 meilleurs récits érotiques de tous les temps (ni même les 500, ni même les 1000) mais que le souhait est au contraire de générer un turn-over et un renouvellement.


Qu’il y ait des listes et des présentations qui mettent en valeur les textes les plus importants, je trouve ça très bien ; je pense même qu’il faut encore en inventer d’autres : des hits, des best-of, des mises en avant, des articles, tout ce qu’on veut en fait. Mais, d’une part, le 501e sur une liste de 500 se sentira toujours floué et aura toujours des doutes vis-à-vis de l’objectivité et de l’impartialité du choix effectué (pourquoi le 500e et pourquoi pas moi ?). D’autre part et surtout : qui va faire ce choix et, au-delà, quelle est la légitimité de ce groupe de personnes ? Et n’y a-t-il pas risque de manipulation ? Le comble c’est que nous avons écarté les noteurs anonymes justement à cause de la manipulation, mais qu’en restreignant la cardinalité des votes à un petit groupe d’évaluateurs, on diminue d’autant l’assise statistique de la moyenne des notes.

Vaste problème apparemment insoluble car on aimerait bien, quand même, déterminer les « bons » textes et écarter l’ivraie. Je n’ai malheureusement pas de réponse toute faite à cette problématique mais reste convaincu :

► que le nombre global d’intervenants reste une garantie pour déterminer une tendance générale ;

► et réciproquement que les opinions particulières doivent être préservées pour ne pas s’assujettir au diktat d’un point de vue unique.



Padoum - Je vais changer de sujet d’ici peu, mais avant, une question piège : y a-t-il une question que vous ne voulez pas que je pose ? (Je ne la poserai pas…)


Revebebe - A priori non, excepté les questions relatives à mon identité, évidemment (nom, adresse, …).



Padoum - D’accord, pas nom et adresse, mais… quelques petits détails : âge, profession, loisirs…


Revebebe - Mon âge précis je ne le dirai pas, mais j’ai malheureusement dépassé la quarantaine, quant à ma profession, rien de bien passionnant, comme tant de boulots bac+5 actuels, elle tourne autour de l’informatique, rien à voir toutefois avec mon activité plus technique sur Revebebe.


J’ai deux centres d’intérêt chronophages qui sont pour moi, par périodes, souvent plus importants que le site :

► La musique pop/rock dans la plupart de ses composantes, des années 60 à nos jours, avec une légère préférence pour le rock Indie. Ma radio préférée reste Oui-Fm et je passe mon temps à fouiner sur des sites comme Deezer.

► Le cinéma des années 60 à nos jours, avec une légère préférence pour le fantastique et les thrillers, mais en fait je regarde tout.



Padoum - Sur le forum, on vous appelle par différents petits noms (grand chef, patron, je crois même avoir lu dieu quelque part…). Ça vous inspire quoi ?


Revebebe - Euh… pas grand-chose, c’est gentillet, cela ne me dérange pas, mais si la question est « est-ce que cela flatte mon ego ? », non, pas spécialement.



Padoum - Non, en fait, je connais des tas de gens que ça ficherait en rogne (mais ça a pas l’air d’être le cas pour vous, c’est même pas drôle…) .


Revebebe - Je ne vois pas trop pourquoi ça me ficherait en rogne, je ne suis pas un petit coq…

Non, moi ce qui me fout en rogne, ce sont les gens qui se la pètent, quand leur démarche n’est pas accompagnée d’un minimum d’autodérision. À commencer par ceux qui se prennent vraiment au sérieux et qui font chier avec l’immense importance de leurs besoins et la grandeur de leur démarche. D’ailleurs les rares personnes que j’ai virées du site étaient comme ça. Leurs desiderata étaient certainement on ne peut plus respectables, mais ils n’avaient pas l’art et la manière de présenter les choses, un peu comme ces automobilistes rageurs qui vous insultent parce que vous n’allez pas assez vite pour leur laisser le passage : de la connerie à l’état pur.

Dans la vie, l’autodérision et la tranquillité devraient être obligatoires.



Padoum - Pas mal d’auteurs vous ont mis en scène. Vous vous reconnaissez dans un des portraits ?


Revebebe - Question difficile. D’abord je ne suis pas certain de connaître toutes ces mises en scène. Ensuite je crois qu’en fouillant bien, on peut toujours retrouver un peu de soi en toutes choses…

De là à m’y reconnaître vraiment, non je n’en ai jamais eu l’impression, même dans mes propres textes où il y a parfois un peu de moi mais perdu dans tellement d’autres choses que ce ne sont plus que quelques traces éparses.

Réponse sans doute décevante mais la question reste assez peu précise.



Padoum - Bon, je précise, alors : si vous deviez faire votre portrait de base (honnêtement, je dirais), ça donnerait quoi (couleur de cheveux, d’yeux, poids, taille, enfin bref, tout ce que les auteurs ne doivent pas faire s’ils veulent qu’on dépasse la quatrième ligne du texte…) ?


Revebebe - Je dirais : normal, vous voyez la courbe de Gauss, je suis tout en haut du pic. Cheveux bruns, yeux marron, taille moyenne, poids moyen (peut-être un peu en surcharge par moments car je ne suis pas du genre sportif), aucun signe distinctif particulier… Je n’ai donc pas grand-chose à vendre, mauvais départ certainement pour un texte.


Une anecdote, un souvenir de fac : Il y a longtemps de ça (vous n’étiez même pas née), à la cafét’, je tournais autour d’une fille, ni vraiment baba cool, ni vraiment branchée, mais un look atypique et une façon d’être passablement déjantée. Le problème c’est qu’elle, de son côté, me trouvait incroyablement « banal » et sans aucun intérêt.

Pendant de nombreuses années, cette constatation m’a hanté. Ainsi, il faut se battre pour son apparence! Ceci dit, comme je suis un gros feignant je n’ai jamais pris la peine d’améliorer cette apparence et ne suis pas non plus certain qu’il faille faire des efforts.



Padoum – Mince! j’avais vraiment fait votre portrait, alors, dans mon épisode de la Traque! Est-ce que ça veut dire que le reste va se réaliser aussi…


Revebebe - C’est évident que cela va se terminer ainsi puisque c’est écrit… après tout, ce n’était qu’un simple petit baiser. En plus, avec tout ce que l’on m’avait fait endurer au début de cet épisode, je méritais bien ça!


Je ne sais trop pourquoi mais ce texte m’a fait penser à « Web de mon cœur », une enquête policière au sein de « Revepoupée », un texte polémique du début des années 2000, aujourd’hui disparu du site. J’avais adoré, je me souviens qu’une des héroïnes s’appelait « Latrodectine », je suis tombé par hasard dessus il y a quelques mois.



Padoum - Et pour vous séduire, qu’est-ce qui fait la différence ?


Revebebe - Pour me séduire :


Justement, la différence : je suis naturellement attiré par la différence, par tout ce qui s’écarte de la « normalité » et qui sort un peu de la courbe de Gauss.

L’étrangeté : je suis intrigué par les personnes qui ont un petit côté mystique ou qui sont un peu strange, et encore plus par celles qui marchent à côté de leurs pompes ou qui sont complètement space.


Et pour ne pas me faire fuir (ce qui va de pair) :


La complexité : dans la mesure où les gens trop prévisibles, trop limpides ou trop transparents finissent toujours par m’agacer.

L’indépendance : je déteste foncièrement que l’on dépende de moi, comme je déteste dépendre de quelqu’un d’autre.



Gros soupir… bon, tant pis, ça n’ira jamais plus loin qu’un baiser…



Padoum - Vous avez dit avoir plusieurs "vies" sur Revebebe, mais y en a-t-il dans lesquelles vous nouez des contacts qui dépassent le simple fonctionnement du site ou la relation lecteur/auteur ?


Revebebe - Il y a eu plusieurs périodes…


Dans la première, au tout début du site (1999-2000), j’étais un peu comme chef d’orchestre de toutes mes vies virtuelles. C’était l’époque des vaches maigres où il fallait que j’anime le site et j’étais à la fois auteur, lecteur, correcteur, évaluateur et trublion, je m’inventais autant de personnages qui interagissaient les uns les autres.

Par chance, d’autres intervenants sont arrivés et j’ai pu laisser tomber progressivement ces rôles, dont certains devenaient vraiment chronophages, pour me consacrer un peu plus au site lui-même.

Par la suite, je n’ai gardé qu’un nombre restreint d’identités, mes autres virtualisations (en particulier mes nombreux noms d’auteurs) n’étant pour la plupart que des coques vides avec des e-mails bidon qui tombent peu à peu en désuétude, faute d’être réellement actifs, et parfois pas d’e-mail du tout.


Dans la seconde période (2001-2002), j’ai eu des échanges mails assez soutenus avec un certain nombre d’acteurs majeurs de l’époque, aussi bien à travers mon entité officielle Revebebe (c’est le début de la centrale, le début de l’ère collaborative), qu’à travers divers noms d’auteurs. Au moins un de ces échanges a débordé du cadre strictement « professionnel » : une relation sentimentale que j’ai entretenue avec Jeanette. Bien qu’elle soit restée purement épistolaire et limitée dans le temps (uniquement par ma faute d’ailleurs), cette relation a eu par la suite d’importants impacts tant sur le devenir du site que sur ma vie personnelle. Mon premier désengagement du site correspond d’ailleurs précisément à la fin de cette relation.


Ensuite il y a eu les années noires (2003-2005) au cours desquelles le site a battu un peu de l’aile, voguant au gré de ses péripéties, entre épurations drastiques et arrêts intempestifs. C’est à cette époque qu’un de mes auteurs a entretenu une longue correspondance érotique avec une de ses ferventes admiratrices. Le bon côté de la chose, c’est que cela m’a permis de tenir le coup et de ne pas tout abandonner car après l’épisode Jeanette, mon désintérêt pour le site était vraiment très grand.



Depuis ces deux incartades, plus rien, mis à part quelques échanges d’idées pour améliorer le site, avec brevebebe à une certaine époque, avec Gufti plus récemment, avec quelques autres entre temps également. Depuis la mise en place du forum, mon désengagement est progressif et les modifications que j’opère sur le site sont surtout dans l’optique d’améliorer son autogestion.

Quant à mes auteurs, depuis 2006, ils ne correspondent plus avec qui que ce soit et se contentent de relever de temps en temps quelques mails d’encouragement.


Ah si, une petite anecdote, certifiée 100% réelle :

Un jour, j’attendais l’heure de ma séance de cinéma au MacDo du coin, quand j’entendis trois jeunes femmes, qui bavassaient à la table voisine, prononcer le mot magique Revebebe, évènement suffisamment rare (personnellement c’était la première fois que j’entendais des inconnues parler du site) pour que je me retourne et que je m’intéresse à leur conversation, qui a malheureusement dérivé par la suite vers d’autres sujets. Étant donné que je devais les regarder assez bizarrement, l’une d’entre elles a fini par m’interpeller et par me demander franchement ce que j’avais et, comme je devais être dans un jour de folie, je lui ai avoué que l’extraordinaire Revebebe n’était autre que moi-même.

Pour elles : surprise ou déception ? Je ne sais pas, à mon avis ce qui leur a surtout plu, c’est le côté personnage public, elles auraient rencontré Johnny, ç’aurait été tout comme. J’ai donc eu l’impression d’être une célébrité l’espace de quelques minutes, mais ce n’était ni émouvant, ni spécialement agréable, et même au contraire passablement dérangeant.

Ensuite, elles sont parties voir leur film, je suis parti voir le mien, bye bye tout le monde, je ne sais même pas si elles se rappellent de ce moment-là.

Comme quoi le réel est souvent très banal.



Padoum - Vous donnez l’impression, en fait, d’avoir des vies différentes: dans l’une d’elles vous êtes le créateur du site, plutôt distant, centré sur le site et pas sur autre chose, et votre(vos) vraie(s) vie(s) est(sont) ailleurs.


Revebebe - Heureusement que j’ai une vie en dehors du site, sinon comment je ferais ne serait-ce que pour me nourrir ? Et j’ose espérer que tous les membres participants sont dans le même cas que moi.


Mine de rien, être webmaster prend malgré tout beaucoup de temps, si l’on ne met pas un peu le holà, on risque d’être rapidement phagocyté. Et si l’on s’implique trop, c’est pareil, c’est ce que j’ai dû faire à une certaine époque, mais je ne faisais plus que ça, alors exit la musique, exit le cinéma, exit la vie perso, exit même le boulot. Il est donc important de fixer des limites.


D’autre part cette position implique de toute façon une certaine distance. Certes, on peut faire copain-copain avec les uns ou avec les autres mais cela ne fonctionne qu’un certain temps, car il y a toujours un moment où survient un problème, un litige, une discorde et alors il faut trancher, ce qui est toujours plus difficile lorsqu’on est soi-même impliqué.

Si je m’écoutais, mon tempérament m’entraînerait naturellement à participer à tous les forums, à donner mon avis sur tout, à échanger avec les uns, avec les autres ; c’est ce que je fais de temps à autre, mais ce n’est pas une qualité, car on ne peut être juge et partie, même à travers des entités virtuelles.


Enfin, compartimenter ma vie est un penchant qui est chez moi très naturel, je n’ai pas besoin de me forcer pour le mettre en œuvre. Quand je suis au travail, je n’étale pas ma vie privée et dans le privé je parle très peu de mon travail. Je fais pareil pour Revebebe, ce n’est qu’une des facettes de mon existence. Mais cela ne signifie pas que ma vie soit entièrement ailleurs, elle est là ET ailleurs, en fait elle est partout dans plusieurs existences dont je suis finalement le seul lien. Mais je ne pense pas être vraiment schizophrène!



Padoum - J’arrive à la fin de mon interview… (c’est pas que je m’ennuie, c’est que je pars en vacances…)


Revebebe - Euh, eh bien, bonnes vacances, alors.


Padoum -C’est donc la dernière série de questions. Celles-ci m’ont été transmises par mes complices… Qu’est-ce qui vous amuse le moins dans RVB ?


Revebebe - Le concours « Sexe brut ». (Non, je plaisante, évidemment!). N’empêche qu’avec des contraintes comme « Les pensées des personnages sont limitées à la scène qui se déroule. », c’est vraiment tout ce qui aurait tendance à m’horripiler.


Ce qui m’amuse le plus, ce sont deux choses : écrire des histoires et créer de nouvelles fonctionnalités ou résoudre des problèmes techniques.


Et ce qui m’amuse le moins : probablement les échanges de courrier avec les internautes. J’en ai tellement écrit que je fais une allergie aux mails et aux mini-messages. Et puis ce sont un peu toujours les mêmes questions qui sont posées et les mêmes besoins qui reviennent… Parfois, quand j’en ai marre, je by-passe certains messages, les mets de côté et attends qu’ils deviennent obsolètes…

En plus avec les problèmes de messagerie vers Hotmail, ça ne simplifie pas les choses… Je pense que je vais faire en sorte dans les semaines qui viennent de structurer un pool questions/réponses directement sur le site qui permettra aux internautes de correspondre, de préférence hors mail, avec tout ou partie du comité éditorial.



Padoum - Qu’est-ce que vous auriez envie de faire pour que ça continue à vous amuser ?


Revebebe - En premier lieu, déléguer tout ce qui est déléguable, c’est-à-dire a priori pratiquement tout, pour ne conserver que l’évolution technique du site.


En second lieu (ou en premier, mais j’ai beaucoup moins d’idées claires sur la question), faire en sorte que Revebebe soit plus diversifié, le structurer en tendances, en « univers », en façons de voir les choses, privilégier les points de vue originaux, marginaux et minoritaires, et sortir enfin du diktat d’une opinion trop souvent monolithique parce que consensuelle ou moyennisée.



Padoum - Si un jour ça ne vous amuse plus du tout, que comptez-vous faire du site (et de nous!) ?


Revebebe - De vous ? Je vous vendrai un bon prix à un autre seigneur, sur le marché aux esclaves…


La question ne se pose plus actuellement, mais s’est déjà posée par le passé. À l’époque je n’en avais plus rien à foutre, et je n’ai continué cette activité que pour faire plaisir à un petit groupe de personnes qui m’exhortaient à poursuivre. Et je l’ai fait, même si la charge de travail était, en ce temps-là, nettement plus contraignante pour moi qu’elle ne l’est aujourd’hui. Tout ça pour dire que vous ne risquez pas grand-chose.

Sinon, comme solution alternative, je pourrais aussi céder mon rôle à l’un d’entre vous ou à quelqu’un d’autre, mais il faudra me filer un paquet de thunes! (Je plaisante évidemment…)


Padoum - Qu’est-ce que Revebebe vous a apporté ?


Revebebe - Beaucoup de temps libre en moins! ;-)


Padoum - Et par ailleurs, si vous avez envie : avez-vous une question à me poser ?


Revebebe - Une seule question… ce n’est pas beaucoup… J’en ai au moins trois.



Revebebe - 1- À quoi ça vous sert de lire toutes ces histoires érotiques ?


Padoum - À quoi ça me sert… Ça me plaît. Quand ça me plaît moins, j’en lis moins. Quand j’ai moins le temps, aussi.

Au départ, je venais sur le site de manière occasionnelle (et je n’étais pas inscrite). À un moment, je me suis retrouvée pour raisons professionnelles à vivre à 800 km de mes proches, mon mari compris, sans avoir ni le temps (je travaillais en partie le week-end) ni l’argent pour remonter régulièrement, et sans réussir non plus à m’intégrer (j’ai essayé, mais les codes de l’hospitalité varient vraiment d’un endroit à un autre). Je me retrouvais donc avec de très longues soirées d’hiver…

Et dans ce contexte, lire (et écrire) des histoires érotiques, c’était un moyen de canaliser une énergie que je n’employais pas ailleurs.

Là, j’ai retrouvé une vie de famille normale, je m’implique dans d’autres choses (URL et IRL), mais je continue à apprécier la littérature érotique. Or, trouver le rayon érotique d’une librairie est une gageure : quand il y en a un, il est planqué, et 8 romans se battent en duel parmi 50 livres de conseils en tout genre… Et sur ces 8 romans, 2 sont de la prétendue histoire vécue et les 6 autres du SM… que je peux apprécier, mais là, j’ai une overdose… Donc, au final, c’est ce que j’ai trouvé de plus simple.

Si je reviens sur la question… à quoi ça « sert »… comme le chocolat, non ?



Revebebe - 2- N’avez-vous pas souvent l’impression de tomber sur une énième version de choses plus ou moins déjà lues ?


Padoum - Si. Mais dans ce cas-là, je passe. Et si j’ai souvent l’impression de tomber sur du déjà lu, je trouve aussi pas mal de bonnes choses, originales, ou simplement bien écrites.

D’un autre côté, j’aime aussi beaucoup la littérature sentimentale, et c’est pareil : on retombe toujours sur les mêmes ficelles. Par moment, lire du prévisible, c’est un plaisir (mais point trop n’en faut, ok).



Revebebe - 2bis- Accessoirement, que pourrait-on faire pour y remédier ?


Padoum - Ma solution à moi, c’est le désherbage (déformation professionnelle). Publier tout ce qui est correct, ok (même si je vois avec plaisir l’équipe de correction définir ce qu’elle entend par « correct »), mais alors, ensuite, on ne garde que le meilleur. Mais je travaille en bibliothèque, et c’est ce qu’on fait : d’un auteur, garder les titres incontournables et ne pas racheter les autres s’ils sont usés, sur un même sujet, garder les n titres les plus intéressants (voire les plus récents), et virer les autres. Forcément, ici, c’est plus dur, vu que les lecteurs ne risquent pas de renverser du café sur le texte qu’ils lisent, il faut donc regarder les notes, le nombre de lectures, l’ancienneté…

Là encore, le boulot du comité éditorial est intéressant, même si c’est une grosse logistique.

Sinon, les concours, les challenges, les jeux entre auteurs, c’est un moyen de casser la routine. Un truc tout bête : si plusieurs auteurs, sur ce concours, décident de se donner une contrainte supplémentaire (n’utiliser aucun synonyme de sexe, par exemple), ça peut donner des choses intéressantes. Pas des histoires, cela dit.



Revebebe - 3- Quel est pour vous le scénario idéal (personnages et circonstances que vous aimeriez voir mises en scène) ?


Padoum - Une des choses que je recherche, et qu’on trouve peu, c’est un récit où le sexe (plus largement la sensualité) est une composante de la vie des personnages. C’est bizarrement assez rare en littérature « classique », comme si le bon personnage était désincarné.

Ensuite, je veux qu’on me raconte une histoire. Elle peut être à peine ébauchée, mais qu’elle soit présente. Après, laquelle…

Si, éventuellement : on trouve très peu de vrais textes historiques. C’est assez logique dans la mesure où éviter les anachronismes demande énormément de travail, mais c’est un créneau à prendre, pour moi.



Revebebe - 3bis- Et plus généralement quelles doivent être les caractéristiques d’un texte pour retenir votre attention ?


Padoum - Avoir un début surprenant. Aujourd’hui, à part les auteurs que je connais et que je suis, je lis les quatre premières lignes du texte, et si ça me paraît banal, je ne vais pas plus loin. Avoir des personnages construits : les archétypes sont faciles à utiliser (la fille à gros seins, le plombier), mais au final ils n’ont pas de consistance. Déjà, quand l’auteur décrit ses personnages en introduisant des défauts physiques, ça a des chances de me plaire.

Et enfin, être vraiment construit. Pas mal d’auteurs ne savent pas trop passer d’une scène à l’autre. Ça m’arrive assez souvent de décrocher parce qu’on ne m’a pas « accompagnée » vers la suite du texte. Ça peut être fait de plein de manières (du suspense au départ, des rebondissements, ou au contraire les choses qui s’enchaînent très logiquement).

Et puis, raconter une histoire…



Revebebe - Merci beaucoup pour ces longues réponses.


Padoum - De rien, c’est un juste (même pas) retour des choses. On arrive à la dernière : est-ce qu’il y a une question que je n’ai pas posée à laquelle vous voudriez répondre ?


Revebebe - Je ne sais pas si vous m’avez demandé si j’aimais les histoires érotiques. La réponse est "non". En soi je n’aime pas ça, j’ai toujours l’impression de les avoir toutes lues. Surtout celles qui sont académiques. L’irrespect vis-à-vis des règles convenues de l’érotisme est toujours pour moi un plus.

Moi ce que j’aime ce sont les fantasmes qui se trament dans la tête des autres, à condition qu’ils soient bien tordus, les délires à condition qu’ils soient débridés, la perversité quand elle s’écarte vraiment du quotidien, ainsi que toutes les idées non contrôlables qui peuvent flinguer les certitudes acquises. Je ne rêve donc pas d’un "Revebebe, histoires érotiques" qui me semble parfois un peu trop terne, mais beaucoup plus d’un "Revebebe, histoires déjantées et contes à dormir debout", voire d’un "Revebebe, histoires qui dérangent".


Padoum - Merci beaucoup!