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Temps de lecture estimé : 7 mn
03/08/09
Résumé:  Jean rencontre une jolie interprète lors d'une foire en Afrique. Va-t-il céder à la tentation ?
Critères:  fh hplusag extracon nonéro
Auteur : Jean Balun            Envoi mini-message

Série : Lydia ou la tentation de Saint-Jean

Chapitre 01
Luanda

Me revoici à Luanda, ville que je déteste, laide et embouteillée. Seule la baie avec son vieux fort portugais et le front de mer bordé de palmiers et de bâtiments historiques lui confère quelque intérêt.


Je viens d’arriver avec deux collègues pour participer, comme chaque année, à la foire internationale de Luanda. Aucun d’entre nous ne maîtrise le portugais, nous avons recours à des interprètes locaux. En l’occurrence Lydia, jolie petite Congolaise, 1 m 56 de douceur et de charme ; j’allais l’apprendre à mes dépens.


Le stand est plus long que large et il est inévitable de se frôler. Et Lydia est très frôleuse, justement. C’est vite devenu un petit jeu entre nous, tout à fait innocent, un petit flirt en tout bien, tout honneur, qui me vaut les commentaires taquins des collègues qui me savent sensible aux attraits de la gent féminine, sans y avoir jamais succombé cependant.


J’avais oublié le plaisir de ces petits contacts fortuits. Comme Lydia ne me manifeste pas d’intérêt particulier, il n’y a pas de danger, je baisse ma garde et profite de ces petits câlins « innocents » volés au passage. D’autant plus que notre représentant angolais, monsieur Paulo, lui fait une cour empressée et que je les crois ensemble.


Lors des périodes plus calmes, nous avons l’habitude de discuter, de blaguer entres collègues. Et le plaisir de Marc est de collecter un maximum de renseignements sur chacun. J’apprends ainsi qu’elle est divorcée, a deux enfants, l’aîné a cinq ans. Elle est originaire de Kindu dans le Maniema, a une formation universitaire en informatique de gestion et vit en Angola depuis huit ans. Donc, par recoupement, elle a environ trente ans, mais en paraît vingt.


Nous apprenons aussi qu’elle n’apprécie pas du tout monsieur Paulo dont le comportement mesquin et arrogant la dégoûte, encore plus que son aspect physique. Je jubile : je suis allergique à ce gaillard depuis le début, et imaginer le joli corps de Lydia caressé par ses petites mains boudinées me donnait de l’urticaire. Le champ est libre mais, tout à ma délectation face à la déroute de Paulo, j’en oublie que le garde-fou a aussi disparu et continue à conter fleurette à la belle qui, sans donner de signes d’encouragement, ne manifeste pas d’agacement, comme elle le fait avec Paulo.


L’avant-dernier jour, nous allons visiter une université en dehors de Luanda, assez loin vers le sud. Enfin une autre vision du pays, finis les bidonvilles de la banlieue, nous traversons le nouveau Luanda, moderne, structuré, toujours en chantier, signe d’un pays qui veut se développer. Ensuite la route longe la côte, nous admirons des lagunes parsemées de chapelets de petites îles couvertes d’herbes. Un petit coin de paradis pour les oiseaux et les pêcheurs !


Lydia est assise sur la banquette arrière entre Guillaume, le troisième collègue, et moi, Marc se dispute avec le chauffeur et Lydia traduit les noms d’oiseaux avec entrain. J’assiste, amusé, à la scène. Mais c’est mon bras posé contre sa cuisse, toujours fortuitement, ma main sagement sur mon genou, qui est l’objet de toute mon attention. Si je m’écarte un peu, sa cuisse revient au contact, mais pas immédiatement, c’est donc peut-être involontaire et dans ce cas toujours sans danger, je prends goût à cette gaminerie, mais commence à me sentir frustré. Maintenant j’ai envie de plus de câlins, le piège se referme sur moi, je me sens comme une mouche prise dans une fleur carnivore. Seule l’indifférence de Lydia peut encore me sauver.


La visite se révèle très intéressante, nous finalisons le contrat et convenons avec le recteur de nous revoir le lendemain à l’aéroport pour la remise des documents dûment signés. Le retour se passe aussi agréablement que l’aller. Même le chauffeur est de bonne humeur.


De retour sur le stand, Lydia a l’air un peu triste :



Marc vient avec ses gros sabots comme d’habitude :



La blague tombe un peu à plat, mais Marc a l’habitude de débiter les pires énormités sans froisser quiconque. Je continue donc à badiner avec Lydia, lui confirmant que ma suite comportait bien un agréable séjour avec canapé, TV à écran plat, etc.



Je ne réponds pas, il vaut mieux se taire que de se prendre les pieds dans le tapis et se planter lamentablement.


Je suis à la fois déçu et soulagé. Je suis attiré – le mot est faible – par elle. Elle me rappelle celle qui fut ma première maîtresse, que j’avais follement aimée et dont la blessure de la rupture n’est pas vraiment guérie vingt-cinq ans après : même taille, même poitrine menue, même sourire espiègle et impénétrable – à la différence notable que la première était coréenne.


Mais je ne me sens pas prêt à tromper ma femme, qui ne me le pardonnerait pas. En lâche parfait, je laisse les événements décider pour moi. Le dernier rempart serait l’absence de préservatif ; pourquoi en aurais-je ? Je ne fais jamais d’écart ! On pourrait m’appeler Saint-Jean et me donner le bon Dieu sans confession !


Le jour du départ arrive, j’ai dormi en rêvant de Lydia, vêtue seulement d’une petite culotte en dentelle blanche. Même dans mes rêves, je suis – presque – sage !


À l’intense activité du remballage du matériel dans trois grandes caisses en bois succède une accalmie durant laquelle je monopolise Lydia, lui parle du Congo, son pays, que nous connaissons très bien, de nos autres voyages en Afrique, et même de ma femme, dont je lui montre des photos ; elle me parle de sa famille, de son père, marié trois fois, de ses deux enfants. Elle me redit sa tristesse de nous voir partir et demande s’il est possible de venir à l’aéroport avec nous pour nous saluer une dernière fois. Il reste de la place, elle monte dans la voiture à côté de moi, comme la veille.


Les véhicules démarrent et je sens sa main prendre la mienne. Ce que j’avais tant espéré et redouté se produit juste avant la séparation. Nous restons ainsi tout le trajet.



En fait, je suis bouleversé et la présence des autres passagers m’empêche d’ouvrir mon cœur.


À l’aéroport, Guillaume se fait attraper par un policier en manque d’argent sous le prétexte qu’il a ouvert sa portière avant l’arrêt complet du véhicule. Profitant de ce répit, Lydia se rapproche de moi et reprend ma main, cette fois en public. Je suis mal à l’aise, la vie d’homme infidèle ne me convient vraiment pas !


Guillaume revient débarrassé de son cerbère et de quelques sous. Je récupère ma main dont j’ai besoin pour porter mes bagages. Excuse trouvée bien à propos, personne n’a remarqué le manège de Lydia, ouf !


Nous arrivons à la limite de la zone réservée aux voyageurs, nous saluons nos accompagnateurs et embrassons Lydia, moi en dernier. Nous nous embrassons sur la joue, mais la pression des mains sur les épaules en dit long et, sans spectateurs, je l’aurais serrée dans mes bras. Je passe le poste de police, je me retourne, Lydia s’en va avec les autres… sans se retourner.


Durant le check-in, nous apercevons au premier étage un de nos aides qui nous salue ; je cherche en vain Lydia. Je ne peux étouffer ma déception.


Nous sortons de la zone réservée pour notre rendez-vous avec le recteur dans la cafétéria de l’aéroport. Qui vois-je assise entre le recteur et son épouse ? Lydia ! Que fait-elle là ? Son job est terminé, elle a été payée. Pourtant elle continue à prendre à cœur sa mission d’interprète…


Je résiste à la tentation de m’asseoir à côté d’elle ; ce ne serait pas professionnel. Je prends une chaise près de mes collègues et nous réglons les derniers détails du marché. Tout se termine dans la bonne humeur, le recteur nous a même fait goûter des scampis entiers avec tête, pattes et carapace ! C’est bien meilleur que la queue seule ! Par contre, les résidus de carapace sont moins agréables !


Nous revoici au poste de police : à nouveau poignées de mains et embrassades ; très serrée avec Lydia, bisous sur la joue. Et elle s’en va toujours sans se retourner. Fichtre !


Après un court séjour dans ce qui sert de salon VIP, nous embarquons pour la première étape de notre voyage de retour : Luanda-Kinshasa, une heure de vol environ.


Lors de l’escale, Marc, Guillaume et moi nous plaçons à la porte de l’avion pour humer les odeurs caractéristiques du fleuve tout proche et assistons amusés à l’embarquement du vol Air France. Mais dans mon cerveau, les derniers événements tourbillonnent, je ne me sens pas vraiment zen…


Durant le vol vers Bruxelles, je suis en mal de confidence et je dis à Marc :



Rassuré, mais aussi frustré, je me dis que j’ai peut-être dramatisé un peu vite. C’est vrai que les messages corporels sont différents selon les cultures. C’est d’ailleurs ainsi que j’avais interprété les fois où elle avait posé brièvement sa main sur mon bras lors de nos conversations…


Notre avion atterrit à Bruxelles à six heures du matin après huit heures de vol durant lesquelles j’ai peiné à trouver le sommeil. La navette me dépose à la maison vers huit heures trente. Le temps d’embrasser ma femme, de prendre une douche, de me changer et me voici au bureau pour le débriefing.


Les photos sont mises sur le réseau avec les commentaires d’usage, surtout pour celles où j’apparais en compagnie de Lydia. Aucunes ne sont compromettantes, même pour les esprits obtus.


Lydia avait promis d’envoyer un email, je le reçois le lendemain. Elle y fait allusion au « magnétisme » entre nous le jour du départ et me demande ingénument si je l’ai aussi remarqué.


Je lui réponds que oui, je l’ai remarqué, et pas seulement le dernier jour. Mais aussi que j’ignore encore quand je reviendrai en Angola, que par contre je serais à Kinshasa avant la fin de l’année !


La réponse ne se fait pas attendre : elle non plus ne sait pas ce que notre relation va devenir, mais elle désire rester en contact. Elle est prête à me rejoindre à Kin quand j’y serai et ajoute qu’elle désire que je la serre encore dans mes bras et lui fasse des câlins…


Me voilà maintenant face à mes responsabilités, assumer ou rompre tant qu’il en est encore temps…


Saint-Jean va-t-il perdre son auréole ? Vous le saurez au prochain épisode !