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Temps de lecture estimé : 27 mn
11/08/09
corrigé 12/06/21
Résumé:  "Elle m'a laissé entrer, la neurochirurgienne, elle m'a laissé parler, déverser la salive de mon hypothalamus dominant sur sa rigueur professionnelle. Elle a accepté la suite : l'Examen. Vous voilà pris au piège..."
Critères:  fhh collègues médical travail cérébral intermast fellation pénétratio double délire humour
Auteur : Felin            Envoi mini-message

Série : Mon Hypothalamus et moi

Chapitre 02
Examen

Vendredi, 09 h 56



Le parlophone grésille. La secrétaire tend la main, machinalement, sans quitter son écran des yeux.



Catherine abandonne le moniteur deux secondes le temps de vérifier ce qu’elle sait déjà… Parfois, le cerveau nous fait faire des choses ineptes.



Pas difficile : il n’y a que nous dans la salle d’attente. Elle et moi. Ce n’est pas l’heure des consultations, c’est l’heure des expériences.



Catherine se redresse, écarte la mèche colorée qui lui sert de para-gens. Acajou, la mèche. Verts, les yeux surmaquillés.



« Je suis à lui dans un quart d’heure… ». Notre langage est une mine d’or, truffée de sous-entendus, d’allusions, de malentendus, de déceptions. Il est 9h59 et je bande.


Sur la table basse devant moi, quatre magazines à peine. Deux revues de mode, une revue de voyage et un hebdomadaire rasoir entre actualité et politique. Le plus récent aura deux ans dans un mois… Je ne fais même pas semblant de m’y intéresser.

Images dans mon crâne. Tension coutumière.


10 h 16. Savez-vous ce qu’un hypothalamus peut vous faire subir en 17 minutes ? Savez-vous ce que le mien peut me faire subir ? Et à vous, lectrice imprudente, jeune, moins jeune, demoiselle, dame, avez-vous vraiment une idée claire de ce qu’il peut vous faire subir ? Tant qu’il sera là, en vie, je n’arrêterai pas le déballage. Ce sera à vous d’arrêter.

10 h 16. Le parlophone enfin :



Le regard vert, un rien excédé, m’interroge, un sourcil en l’air :



(Nom de dieu, oui, Catherine, petite secrétaire blasée, qui posez votre ennui chaque jour de la semaine devant votre paperasse ! Oui, je désire boire quelque chose !)



Je me lève avec cette espèce de déhanchement disgracieux censé dissimuler mon état. J’avance vers la porte du cabinet non sans appréhension : le film de l’autre jour, je l’ai revu plusieurs fois, identique à un détail près. Dans la version remaniée, le string est orange…

Je respire un grand coup et je rentre. Dans mon dos, la secrétaire tire peut-être des conclusions de mon attitude, par expérience : ce gars-là, se dit-elle, doit subir une méchante intervention, ça se voit.

Madame la neurochirurgienne n’est pas derrière son bureau. Elle est debout devant une machine, genre photocopieuse, juste à côté d’une table de consultation matelassée. En face d’elle, devant une autre machine, plus massive et plus barbare encore, un jeune homme, petite trentaine, cheveux noirs bouclés, un peu négligés, rasé d’avant-hier. Tous deux ont enfilé la blouse blanche de fonction par-dessus leurs vêtements. Elle porte une jupe noire et longue sous l’uniforme, trop élégante pour travailler. Lui, je m’en fous. Ils se tournent vers moi.

Je n’interromps aucune conversation. Le silence régnait. Je le brise.

Elle, ses yeux gris, moins froids, moins liquides aussi. La fossette sous la joue droite.



Elle semble sur le point de me passer la langue.



« Parce qu’on en savait pas assez ? » grince la partie cynique de mon cerveau, non loin du coquin d’hypothalamus.

Je n’aime pas ce docteur Gentil. Ça n’a rien à voir de précis avec lui. Je n’aime pas les hommes, je ne m’entends pas avec eux, d’autant moins quand ils ont accès à mes pensées. C’est comme être nu face à eux. Ça me gêne. Je n’ai jamais joué au football, je n’ai pas connu les douches communes, camarades !

Il va commencer son explication mais elle le prend de vitesse, attentive :



Je m’impose :



Elle fait la moue. Ça lui va bien de dévoiler sa lèvre inférieure si souvent pincée. Ses ongles griffent la machine.



Les yeux gris se font glace derrière les montures dorées. Monsieur Gentil relève la tête de ses boutons de réglage, passe d’un visage à l’autre, immobile, comme s’il assistait à un match de tennis. Il décide de mettre fin à l’échange en proposant :



Ce docteur Gentil remonte dans mon estime, provisoirement. Isabelle fronce les sourcils et capitule :



Le jeune homme m’adresse un sourire, style « je comprends parfaitement », et quitte la pièce. Aussitôt, ma chirurgienne à la jupe noire change de place et s’en va présider dans son fauteuil de cuir. Elle me laisse debout au milieu du jeu de quilles, ne prononce qu’un mot :



Je ne tourne pas autour du pot, n’octroyant qu’à mon pied gauche le droit de manifester mon embarras :



Elle a de bons arguments. J’insiste malgré tout car j’ai raison ! Je ne sais pas en quoi mais j’ai raison !



C’est à ce moment que Catherine entre dans la pièce avec ses cafés, son verre d’eau et un air un peu hébété. Elle n’a pas l’habitude de surprendre Madame à engueuler les patients. Elle hésite trois secondes avant de poser le plateau sur le bureau sans une parole.



Je me reconcentre sur ce temps. Je sens que je m’enlise et je ne suis pas venu pour perdre le peu de crédit qu’il me reste. Elle reprend avant moi :



Je dois avoir l’air sincère et désappointé car elle se radoucit. Moins de froid dans les lèvres et les yeux.



Elle se relève. La blouse blanche s’ouvre sur un chemisier noir, très chic lui aussi, fermé à ras de cou. Elle doit avoir une réception ou un dîner prévu pour après. Elle revient vers les machines.



Elle soupire, fait la grimace.



Elle a dit ça sans me regarder. Dans la négation.

On frappe à la porte. Isabelle autorise le docteur Gentil à nous rejoindre. Aussitôt, elle lui explique qu’on va procéder autrement, qu’il faut reconnecter le PC dans le vestiaire, que Monsieur V… a besoin d’un peu d’intimité. Monsieur Gentil s’exécute, garde le sourire impeccable. Monsieur V… est toujours planté où ses pas l’ont arrêté il y a bien dix minutes maintenant. Il a des fourmis dans les jambes et des idées dans la tête.

Le matériel déplacé, une courte hésitation interrompt les acteurs. Le docteur au sourire Charles Ingals prend l’initiative.



J’échange un regard avec Madame la neurochirurgienne. Isabelle… C’est un drôle de regard, complexe. L’éclat humide est de retour dans les yeux gris.

Elle tend la main vers la table matelassée.



Je me désincruste du milieu de la pièce et j’enlève quelques vêtements que je pose sur un tabouret ou sur le sol : chaussures, chaussettes, veston, chemise. Torse nu, je m’arrête. Mon docteur en noir et blanc sourit légèrement et m’ordonne :



J’obéis. C’est gênant évidemment parce que l’érection est là, pas au mieux de sa forme mais elle est là. Elle était là dès 9 h 56 avec un pic vers 10 h 10, avait perdu de sa superbe à 10 h 17, en présence de Monsieur Gentil, avant de reprendre du poil de la bête depuis 10 h 25 environ.

Il est 10 h 38 me dit ma montre. J’enlève mon pantalon. Dieu merci, mon slip retient encore la chose dans son élasticité.



Je me couche sur la table. Elle glisse un oreiller sous ma tête et mes épaules. J’ai relevé une jambe en écran partiel devant mon caleçon. Elle n’y prête aucune attention.



Elle se penche au-dessus de moi. Consciencieusement, elle pose le gel du bout des doigts, puis les récepteurs, sur mon front, mes tempes et dans mes cheveux courts. Sa blouse blanche me chatouille le menton. Je sens son parfum, agréable, et, me semble-t-il, je sens au-delà du parfum des effluves presque imperceptibles de son savon, de son shampooing, et d’elle sous les artifices. Devant mes yeux, sa poitrine menue se cache dans la noirceur opaque du chemisier. Aucune intrusion possible aujourd’hui.


Tandis qu’elle continue de me connecter, je me fais la réflexion qu’elle a inversé les rôles de notre première entrevue. Sciemment ou pour la science ? Je l’ignore. J’ignore même si ça me dérange en fait. Ses gestes ne trahissent rien. Ses doigts sur ma poitrine sont presque trop professionnels. Ses yeux presque trop appliqués. Au goût de mon hypothalamus ! Je le sens venir, lui ! Il va la modifier, la modeler. Ça commence… Ça a commencé peut-être beaucoup plus tôt ; parfois, ça se passe à la limite de la conscience.

Elle en a presque terminé. Encore une ventouse sur le cœur.



Ses pupilles font un aller-retour rapide entre mon bas-ventre et mon visage.



Elle découvre ses dents. C’est la première fois. Je suis persuadé qu’elle se venge en quelque sorte et que ça l’amuse beaucoup.



Je me redresse sur les coudes, manquant détacher le macramé de fils colorés qui émergent de mon crâne. Je grogne, interloqué :



Elle dit ça en s’écartant et en mettant en route le cardiogramme et un petit enregistreur de poche. Mon cœur pulse à 95 battements par minute. 95 afflux de sang dans ma verge chaque minute. Ma chirurgienne prend une chaise dans un coin, la place à un bon mètre de moi et commence à me parler en me regardant droit dans le slip.



Ma queue tressaute. Le gland émerge du slip, gonflé à bloc. Je murmure un « merde » inutile. Mes pulsions viennent de monter à 112. Isabelle a sa réponse, affiche sa petite fossette sous la joue droite.



Elle griffonne deux, trois notes sur un calepin. Elle a croisé les jambes pour écrire, ne bouge plus ensuite. Ses yeux gris ne lâchent plus mon entrejambe tendu et le bout de chair mâle qui a surgi du tissu. Elle poursuit :



Je débute mon récit à 106 pulsations par minute. J’ai déjà la tête qui tourne : c’est complexe aujourd’hui. Il a frappé fort.





94 battements/minute.


Cette partie du récit n’est qu’une mise en place, une manœuvre hypothalamique pour rendre crédible l’autre scénario, celui qui est vraiment destiné à accroître ma folie. Cela dit, mon bout de zizi n’a pas regagné le couvert du caleçon pour autant. L’érection dure, l’érection règne, l’érection fait mal…




Je n’ai pas eu à vous guider pour que vos doigts glissent le long de la tige, l’enserrent en écartant le slip, l’enserrent encore, plus étroitement. Ça vous excite qu’ils n’en fassent pas le tour. La taille ne compte pas, lit-on dans les magazines pour décomplexer les oiseaux modestes, mais, désolé les mecs, pensez-vous en dégageant encore le bel engin fusiforme, la taille compte et celle-là me convient ; c’est parce qu’elle me fait peur qu’elle me convient…


Le docteur Gentil ne chôme pas quant à lui. Son nom devient inapproprié. Plaqué à vous, il a soulevé sans douceur le chemisier noir et attaque par le bas la poitrine sévèrement gardée. Ses doigts, dix au moins, font une abstraction totale du soutien-gorge pourtant élégant et sensuel, noir comme le reste. C’est moi qui en profite au gré des amples mouvements. Qu’alliez-vous fêter dans cette tenue digne et bandante : un enterrement chic ? Un anniversaire de mariage ? Les poussées brutales de votre assistant vous obligent à vous pencher en avant, petit à petit. Votre visage s’approche de mon cœur. Qu’en disent mes électrodes ?


115…



97 en réalité. Ce n’est toujours pas le vrai début pour moi mais Isabelle l’ignore. Tout en parlant, je scrute son visage impassible. J’ai envie de mordre dans son insensibilité. Enfin, pas moi ! Lui ! Tout à l’heure, peut-être…




Vous interprétez en tout cas cette main légère dans votre nuque comme un appel que je ne suis pas sûr d’avoir lancé. Votre visage achève de s’abaisser, votre joue s’étend sur mon abdomen. Pendant qu’Olivier torture littéralement vos tétons durcis, un gland vous regarde de son œil unique où perle, en suspens, une larme de désir. Cette chose arrondie et nue vous paraît soudain aussi expressive qu’un visage. Elle vous paraît malheureuse. Du bout des lèvres, vous posez un baiser sur la tête purpurine. La larme glisse son goût salé sur votre langue. Vos narines s’enivrent d’une odeur épicée, musquée. Insatisfaites, vos lèvres offrent un second baiser puis un autre. Le sexe s’émeut, se décolle du ventre, fait le beau sous vos yeux. Des baisers encore pour l’encourager et à chaque baiser, vos lèvres moins fermées, la bouche plus ouverte, le contact plus ferme, plus salé, plus profond. Derrière vous, on soulève votre jupe fourreau avec énergie. Devant vous, sous vos yeux, dans votre main aussi, l’animal est maintenant prisonnier de votre salive. Vos yeux se ferment. Parce que c’est nécessaire à votre abandon total : la cécité pour le bien des sens. Vous ne portez pas de slip, pas de string, rien qu’un porte-jarretelles noir, à l’unisson. Voilà qui doit affoler le docteur affairé dessous votre jupe. Ça ne lui était pas destiné pourtant. Qu’alliez-vous fêter ?..


Aussitôt, des phalanges investissent votre chatte, s’empoissent de votre mouille, fouillent, dérapent sur votre clitoris, sans vraiment s’attarder, coulissent entre vos fesses, taquinent le petit trou, sans vraiment s’attarder. Les gestes sont imprécis, sauvages, mais ils vous inspirent. D’une égale sauvagerie, vous sucez le dard que vous trouviez triste tantôt. Il a l’air moins malheureux à présent. Il envahit votre bouche, gagnerait volontiers votre gorge, vous le sentez quand il heurte votre palais mais vous hésitez. Il est trop grand, vous le retenez. Ou vous vous retenez. Il y a une envie diffuse de tenter l’engloutissement, juste pour voir, pour le rendre plus heureux aussi. D’un autre côté, vous ne voudriez pas qu’il éclate. Ce serait dommage. Vos pensées s’interrompent soudain. D’un coup précis, Olivier vient rouvrir la blessure entre vos cuisses, enfonçant toute la force de sa pine jusqu’aux frontières utérines, vous arrachant un gémissement forcément étouffé. Le deuxième assaut vous semble pire encore. Olivier vous fend le ventre, cherche le cœur peut-être. On dirait qu’il veut vous tuer. Votre cerveau s’éteint… Vous voilà femme-objet. En arrière-plan, le moniteur s’affole quelque peu : 140 pulsations, tension à 17, signes de tachycardie.



120 en fait. Dans les poils frisottants de mon abdomen, le bout de ma verge se met à suer doucement une sève incolore. L’hypothalamus a fini de placer ses pièces sur l’échiquier subtil de mes désirs. C’est ici que commence la véritable torture pour moi.




Le moniteur n’en peut plus de biper.

130… 124… 145…


"Vos yeux abandonnent leur observation, auscultent les traits hachés sur le moniteur, sourcils froncés, l’air soucieux. Vous vous levez, approchez de la table. J’arrête de parler, observe vos gestes pendant que les rouages de mon cerveau triturent votre version fellatrice.


148… 133… 149…


Vous posez une main sur mon cœur. Enfin, non, sur l’électrode qui vous relie à mon cœur. Je vous observe, attentive, belle. L’électrode semble bien mise. Vous saisissez un stéthoscope qui pend sur le côté de la table. Vous voulez vérifier par vous-même. Vous posez le rond d’acier froid sur ma poitrine et soudain, c’est la guerre qui envahit vos oreilles, un bombardement de tous les diables.


154… 158… 145…


D’instinct, votre main se pose à plat sur mon thorax comme pour apaiser l’organe qui disjoncte. Vos pupilles essayent de tout enregistrer : les infos du moniteur, le sexe congestionné toujours à demi prisonnier du caleçon, la main à plat sur mon sein, mon regard finalement. Oui, finalement, vous m’accordez vos yeux gris, pas si froids, liquides, pour constater que les miens sont au bord des larmes. Mon menton tremble un peu. Ça n’est pas censé aller aussi loin, vous dites-vous. Et à moi, vous dites :


« Vous devriez jouir, Monsieur V… Laissez-vous aller. »


« Je ne peux pas ! je réponds. Il ne veut pas. »


« Il faut qu’on arrête ça ; vous allez nous faire un infarctus. »


« Non ! je crie. »


Et j’attrape votre main sur ma poitrine et j’enserre les doigts si soignés.


« Il ne veut pas ! je répète. Il veut que je termine l’histoire. »


137… 141… 136…


Vos yeux dans mon affolement, soudain condescendants comme si vous parveniez à me croire, à me croire pour de vrai. De la main gauche, vous vous libérez du stéthoscope ; je garde la droite prisonnière de mes doigts crispés. Vous ne bougez plus.



« Très bien, poursuivez alors… Mais essayez de vous détendre. »


J’esquisse un drôle de rictus : me détendre… Très drôle ! Je ferme les yeux, sens la chaleur moite de votre paume chercher ma guérison. Je reprends dans le menu détail le terrible effeuillage de votre vertu.


Vous voilà femme-objet, disais-je, dans une position que vous avez rêvée parmi d’autres quand les nuits sans lune vous dissimulaient de vous-même. Dans une semi conscience, vous aidez votre assistant à vous débarrasser de votre blouse blanche, de votre chemisier et des restes de votre soutien-gorge. Ses allées et venues dans votre ventre produisent des bruits de succion que vous traduisez en aspirant ma hampe de plus en plus hardiment. Vos mâchoires vous font mal, votre luette n’est pas à la fête, mais vous êtes dans l’abstraction de tout cela. Vous êtes un objet de plaisir. C’est plus fort que moi, je m’agrippe toujours à votre nuque. Je ne pousse pas. Je vous tiens simplement, partagé, comme tant d’hommes dans cette situation désarçonnante, entre le désir violent de pousser la bouche à la queue jusqu’à ce que le sexe entier soit englouti et la volonté tendre de se défaire de ce plaisir égoïste pour vous offrir autre chose, quelque chose dont vous jouiriez.


Les femmes ont-elles conscience de ce que nous combattons parfois pour ne pas verser dans la bestialité ? D’un grand effort, d’un grand élan d’amour ai-je envie de dire, je vous arrache à votre jeu de bouche. Vous grognez telle une panthère à qui on a enlevé son os mais je tourne vers moi votre visage et vous voyez que je murmure.


« Venez, venez, venez » soufflent mes lèvres.


Je l’attire à moi, votre visage. Votre corps est toujours secoué, votre vagin toujours assailli par votre ardent collègue. Simplement, cela passe au second plan. Mes lèvres vont à la rencontre des vôtres, votre langue communique à la mienne la saveur piquante de mon propre désir.


« Venez » dis-je entre deux baisers.


Je fais fi de l’autre mâle, je vous veux cette minute pour moi seul.


156… 149… 160…


« Calmez-vous ».


Votre voix douce et maternelle tandis que mes doigts s’accouplent aux vôtres, à cheval sur le cœur emballé. Vous les laissez faire. Vous laissez ces mains simuler l’amour, ces doigts s’entrelacer comme des jambes, investir les creux de l’autre. Chaque caresse, chaque geste minuscule semble la traduction d’un acte précis et vous le comprenez. Votre bassin collé à la table le comprend aussi.


« Calmez-vous » répétez-vous, alors qu’à l’intérieur de vous, le magma en fusion rêve de faire surface.


151… 147… 144…


Olivier est mis dehors. À son tour de grogner. Mais il n’est pas égoïste. Et puis, qui sait ce qu’il a en tête ? Pas moi. Je ne m’intéresse qu’à vous. Libérée et adhérant à ma cause, vous passez une jambe leste, et longue décidément, au-dessus de moi. À califourchon sur la table et sans me quitter des lèvres, vous conduisez le sexe aux veines saillantes à l’intérieur de vous. Aussitôt, les reliefs vous épousent, la longueur vous assaille, effrayante, indicible. Un long frisson vous parcoure. Auriez-vous joui de cette seule intromission ? Je n’en jurerais pas. J’aime vos baisers suaves ; ils sont l’achèvement de votre reddition. À l’arrière de mon cerveau, mon hypothalamus hurle son pouvoir à une foule de neurones ébahis ; il me fait penser à Hitler. "Nous l’avons pour nous seuls !" glapit-il en Führer.


Toujours garnie de ses électrodes, ma poitrine s’associe à la vôtre, mes mains prennent position sur vos hanches, vous enfoncent un peu plus encore sur moi, puis glissent sur vos fesses animées d’un nouveau rythme. Nos deux cœurs l’un contre l’autre, le cardiogramme va-t-il s’y retrouver ?


159… 155… 156…


« Monsieur V… »


Vos lèvres ne prononcent plus rien d’autre. Votre visage mêle de drôle d’expressions : inquiétude, excitation, tendresse.


« Monsieur V… »


Votre main gauche s’est posée tout doucement sur ma hanche. Elle tremble. Elle hésite puis se décide. En prenant bien garde de ne pas toucher le phallus infernal, elle abaisse mon slip de plusieurs centimètres, achevant de mettre à jour mon érection. Je gémis. La marque de l’élastique est presque mauve sur la peau lisse. Je prends soudain conscience que ça faisait un mal de chien. Vous observez la queue meurtrie, vos ongles grattent ma peau en marche arrière, viennent se mettre à l’abri à hauteur de nombril.


« Monsieur V… »


Votre voix est lointaine, comme fatiguée.


« Vous devriez jouir. »

« Mon récit n’est pas fini » vous dis-je.


152… 148… 140…


Notre étreinte n’est pas finie. Je suis en vous et je n’ai pas l’intention d’en sortir. C’est trop agréable, trop en partage. Le temps s’échappe… puis nous rattrape d’un coup ! J’avais oublié Monsieur Gentil. Pas lui, pas mon hypothalamus. Le bon assistant se rappelle à vous en particulier. Il est derrière vous, s’est posté assez discrètement entre vos fesses que je tiens toujours écartées. Vous n’en prenez vraiment conscience que lorsque son gland déjà a forcé l’étroiture de votre anus. Un râle vous échappe mais vous le laissez faire car cela aussi, vous en rêviez, plutôt deux fois qu’une. Vous forcez vos entrailles à laisser passer l’intrus, vous abaissez vos barrières, distendez vos chairs en ouvrant votre esprit. Je le sens à mon tour, fort, de l’autre côté de la paroi. Etrange sensation.


J’accorde mes mouvements et les accentue : une sorte de concurrence s’installe dont vous profitez follement, pas si victime que ça. Que dirait votre pouls au moment de l’orgasme dévastateur qui électrise votre corps, vous coupe les jambes, hurle dans vos deux ventres ?


163… 155… 162… culmine le mien.


« Monsieur V…, s’il vous plaît ! »


Le voile d’eau devant vos pupilles cernées de gris, j’ai l’impression d’y voir la scène se dérouler. Vos doigts légers sur ma hanche écrivent des messages de réconfort. Bientôt toutefois, c’est vous qui aurez besoin de réconfort. Votre désir n’est plus éloigné du mien. Vous comptez sur moi maintenant pour mettre un terme à cette comédie dramatique. Mais… Il n’en a pas assez ! Vous comprenez ? Il n’en a jamais assez !


« Aidez-moi, Isabelle ! »

« Je ne peux pas » vous insurgez-vous.


Ma main libre se jette sur votre jupe, se rit de l’étoffe et saisit votre cuisse gauche. Vous sursautez. Une onde liquide dévale les nymphes de votre sexe esseulé. Vous ne prononcerez plus un mot articulé avant la fin de tout ceci. Vous en êtes incapable. Ma main resserre sa prise à dix centimètres à peine de votre chaleur.


171… 172… 174…


Les mouvements s’accélèrent à l’intérieur de vous. Vous les sentez, Isabelle ? Vous sentez le bonheur de ces deux hommes, le bonheur que vous allez prodiguer en même temps ? Soyez ouverture jusqu’à la fin de la joute et jouissez, deux, trois, quatre fois car ceci n’arrivera plus. Je vous aime et, à moins d’un centimètre de moi, un autre vous aime. Tout cela à l’intérieur. Nous avons fait durer les choses jusqu’aux limites de votre résistance. Et nous allons jouir à présent et nous voulons que vous sentiez nos semences irriguer votre corps et le faire vibrer d’extase. C’est le moment qu’il a choisi pour vous, une bite dans chaque trou, trois orgasmes simultanés. Vous l’aviez rêvé. Je le vois, là, en direct.


174… 170… 175…


« Jouissez ! »


J’ai crié cet ordre. J’ai meurtri votre cuisse, enfoncé mes doigts dans la chair à travers la jupe. Et votre corps tressaute tandis que votre visage exprime l’incompréhension, presque la peur. L’orgasme vous a prise par surprise. La sensation est bizarre, vous ignoriez pouvoir jouir sans être touchée. Mais ne l’êtes-vous pas justement ? Touchée. Les spasmes passés, vous recouvrez vos esprits. Vos yeux retrouvent mon sexe familier.


« Vous n’avez pas joui » constatez-vous. Cela vous paraît cruel. Instinctivement, vous tendez la main qui sculptait ma hanche. Votre majeur effleure mon pénis, juste sous le gland.


181


La queue tressaute et explose. Sous vos yeux, sous votre doigt, le sperme jaillit, fort, loin, macule les électrodes sur la poitrine. Je crois mourir mais c’est avant qu’il fallait mourir… L’appareil alarmé à nos côtés freine doucement ses appels à la raison. Je vais survivre. Vous aussi. Le docteur reprend du service. Vous ôtez un par un les électrodes, emportant ma semence au passage. Vous l’étalez au bout de vos phalanges, pensive. Tantôt, vous porterez vos doigts à votre bouche…



156…



J’ai fini… Pas comme dans le film. Énorme différence : je bande encore et ma chère neurochirurgienne n’a rien fait, n’a pas bougé d’un poil. Je suis épuisé, transpirant, et elle a l’air de s’en foutre royalement. J’en veux à mon hypothalamus, plus que jamais : c’était si réel…

Je me redresse, hagard, tourne ma panoplie de fils vers Elle. Quelle impassibilité ! A-t-elle seulement bougé la tête ? Des deux mains, symétriquement, elle ramène des mèches illusoires derrière ses oreilles et se renseigne :



Elle lance une ultime œillade à mon caleçon.



Je me sens un peu trop nu soudain. D’un geste, je recouvre le gland englué de ses pleurs. Pas de sperme, que du lubrifiant inutilisé. Je ronchonne :



Elle fait son travail. Froide. Bordel ! Qu’elle est froide ! C’est frustrant à un point que je ne m’explique pas. Pour couronner le tout, elle rappelle celui que j’avais presque oublié. Monsieur Gentil repasse la porte du vestiaire. Il a le même sourire que tantôt, paraît limite euphorique. Il me serre la main comme si je lui avais rendu service.



J’ignore les remarques, me tourne vers Isabelle.



Elle hausse un sourcil.



Elle agite un minuscule objet dans sa main. Un lecteur MP3 et des écouteurs microscopiques. Elle arbore un air triomphant.



Je reste complètement abasourdi. Elle n’a pas écouté un mot. J’ai presque envie de pleurer. J’attrape ma veste en me persuadant qu’elle est de mèche avec mon hypothalamus. Je tempère mes réactions cependant. Avant de prendre congé, je respire profondément et regarde mon bourreau dans les yeux.



Poignée de main impersonnelle. Au revoir, Monsieur gentil. C’est ça, au plaisir !

Je sors du cabinet. Il est 11h55. Je ne bande plus mais ça ne durera pas.

J’ai très mal à la tête.



* * *



Belvaux, c’est le nom d’Isabelle. Et là, c’est la voix, pleine de colère, d’Isabelle. Je regarde ma montre. Il est 22h54 et on est toujours vendredi.



Raccroché. Il est 23 h 02. Et devinez quoi ? Je bande comme un taureau.

La nuit s’annonce… dure.