n° 13444 | Fiche technique | 51935 caractères | 51935 8595 Temps de lecture estimé : 35 mn |
02/09/09 corrigé 31/05/21 |
Résumé: Sur Terre Bis, nos héros font une étrange découverte. Mais, surpris et capturés par les Duveteux, ils sont condamnés à être "livrés à la Voix". | ||||
Critères: #aventure #sciencefiction #fantastique | ||||
Auteur : Jean de Sordon Envoi mini-message |
Épisode précédent | Série : Les premiers Chapitre 03 / 03 | FIN de la série |
Résumé : Il suffisait de disposer d’une énergie presque infinie pour propulser le navire, et de réduire un dieu en esclavage pour le piloter : la route des étoiles était à ce prix. Ils sont partis. Quelles aventures les attendent ?
Ils sont cinq à avoir fait le grand saut dans l’inconnu, cinq pionniers qui ouvrent la voie à l’humanité. Quatre êtres humains et un dieu qu’ils ont réduit en esclavage.
Ils découvrent une Terre Bis, et les Duveteux qui la peuplent, petits êtres vaguement humains, qui les sauvent d’une attaque de "loups", avant de les emmener jusqu’à leur village. Ils parviennent à communiquer, mais un sujet reste tabou : la Voix, qui semble guider les Duveteux dans leurs actes.
Et comme ils essaient finalement d’en savoir plus, ils sont faits prisonniers.
* * *
Après le départ de Bettina et Hiroko, Abraham et Catherine, d’abord un peu désorientés, se firent vite à leur nouvelle vie d’isolement. Les duveteux, accueillants, rieurs, étaient aux petits soins pour eux. Les terriens partagèrent le brouet commun, accompagnèrent un groupe à la pêche au bord d’une rivière voisine. Au début de l’après-midi, alors qu’Abraham accompagnait un groupe parti à la chasse, Catherine alla rôder sur les hauteurs à la recherche d’insectes et d’herbes, pour satisfaire une curiosité écologique encore en friche. Elle arriva de la sorte devant une grotte dont l’entrée était fermée par une herse de bois et gardée par un duveteux armé d’une pique. La jeune femme s’approcha, résolue à en savoir plus.
La voix.
Catherine demanda au duveteux la permission d’entrer, permission qui fut refusée poliment :
La servante du dieu… Sans aucun doute, ce nouveau mystère était en relation avec la mystérieuse voix qui occupait une place centrale dans l’âme des duveteux. D’une manière ou d’une autre, les terriens devraient élucider ce mystère…
Aux questions de la jeune femme, le duveteux répondit par des haussements d’épaules désolés : il ne savait pas, pas plus que quiconque sans doute. Seule la mystérieuse Minagar…
Catherine fit mine de s’éloigner, mais revint par derrière, se cachant parmi les hautes herbes. Le garde, incommodé par le soleil, était allé s’asseoir à l’ombre d’un arbre. C’était le moment : s’approchant de la grille et y collant son visage, elle sonda du regard les profondeurs de la grotte. Mais sa déception fut grande car l’endroit était si obscur qu’elle ne pouvait discerner qu’un étalage confus de petits objets épars sur le sol. Des reliques, sans doute. Mais des reliques de quoi ?
Qui était ce dieu mystérieux ?
Par quel prodigieux miracle les duveteux parlaient-ils le français ?
Il fallait aller voir de plus près ce qu’il y avait dans cet endroit secret. Catherine se promit d’en parler à Abraham…
Lorsqu’elle s’écarta de la grille, elle constata que vers le bas, deux des branches élaguées étaient assemblées non pas avec un grossier cordage de lianes, mais avec des fils électriques torsadés. Qui provenaient de quoi, d’où ?
En revenant au village, elle s’enquit de la nommée Minagar, fut bientôt mise en présence d’une femelle dont le poil avait uniformément viré au blanc. Elle tenta de lier conversation, mais, soit que Minagar ne voulût pas lui parler, soit que l’âge l’eût rendue sénile, elle n’en put tirer que des phrases décousues et sans signification.
Ce fut une soirée tranquille et sans histoires. Abraham et Catherine mangèrent du poisson grillé et des agrumes, burent une sorte de vin de baies et ils firent longuement parler les duveteux, sans toutefois rien obtenir sur le sujet qui excitait si fort leur curiosité : la mystérieuse voix, les non moins mystérieuses reliques stockées dans la grotte. Sitôt que le sujet était abordé, toute la volubile jovialité des duveteux se tarissait d’un seul coup, le silence tombait, pesant, qui mettait les terriens mal à l’aise.
Le soir, seuls dans la grotte qui leur avait été attribuée, ils parlèrent à nouveau de ce sujet. Abraham était réticent à l’idée de l’expédition projetée par sa compagne, se laissa néanmoins fléchir. Ils convinrent de lancer l’expédition d’espionnage à trois heures du matin, au plus profond de la nuit. Catherine s’endormit rapidement sur son grabat. Abraham, lui, ne put trouver le sommeil, tournant et retournant sur sa couche en proie à des pensées confuses et peut-être aussi à une peur vague qui ne pouvait prendre ses racines d’une manière précise. À l’extérieur, un oiseau lançait à intervalles réguliers un cri perçant et musical. Près de la tête du terrien, un insecte froissait ses élytres. Le bois craquait, un vent léger faisait frémir doucement les feuillages de la forêt proche. La nuit murmurait de ses bouches multiples.
Enfin, ce fut l’heure. Abraham toucha l’épaule de la jeune femme qui se redressa, aussitôt consciente.
Ils se faufilèrent sans bruit dans les couloirs déserts. Seules quelques sentinelles étaient éveillées mais, surveillant le talus conduisant au bas de la falaise, elles ne purent voir les Terriens s’éloigner à pas de loup en direction des hauteurs. Enfin, Abraham et Catherine arrivèrent devant la grotte. La sentinelle avait disparu. Abraham posa la main sur l’épaule de sa compagne, approcha les lèvres de son oreille :
Catherine porta la main à sa poitrine, un léger bip résonna dans l’oreillette du commandant.
Restée seule, Catherine entreprit de défaire les nœuds qui maintenaient ensemble les branches constituant la porte. Avant de pénétrer dans la grotte, elle jeta un coup d’œil derrière elle, mais elle ne vit que l’obscurité, la lueur lointaine d’une torche qui brûlait sur la falaise, à l’entrée du village. Elle franchit l’entrée, alluma sa torche et en promena le pinceau de clarté sur le sol. La grotte n’abritait qu’un seul objet, assez surprenant il est vrai pour légitimer leur visite.
Elle avait saisi sur le sable où il reposait l’épais volume dont la couverture s’ornait d’abstraits motifs polychromes, tourna machinalement les pages faites d’un matériau synthétique plus brillant et plus rigide que du papier, vierges de toute souillure. Elle s’attarda sur la table des matières, étreinte par un sentiment d’irréalité épouvantée.
Les mirifiques aventures d’H. Sapiens Sapiens
Préface
In Memoriam. L’homme, cette si surprenante petite espèce
Par Carl
La nuit des temps
Génèse
Quelque part en Afrique
Chasseurs et cueilleurs
L’invention de l’agriculture, les premières cités
Le début des temps historiques
Par Carl
Les grandes explorations
Qui furent les premiers marins ?
Soudain, les océans s’ouvrent : Colomb, Magellan, Cook et Compagnie
Conquérir la troisième dimension :
Les frères Montgolfier
De l’hydrogène à l’hélium, le temps des ballons
Monsieur Zeppelin enfante des géants
Mais le ciel appartiendra au plus lourd que l’air
De Clément Ader à Charles Lindberg
Plus vite que le son
L’espace, ultime frontière
1958/1969 : de Spoutnik à Neil Armstrong
Puis vint le temps de la coopération
Par Jules Verne
L’âge de la science
Par Isaac Asimov
La fin et le commencement
En 2050, la théorie de la Grande Unification débouche sur les travaux d’Appelski
La Clef des Forces Naturelles
Domestiquer les dieux
Par Albert Einstein
Abraham, Bettina, Catherine, Mitsumo : la légende des Premiers
Escale à Terre-Bis
La féerie continue sur Trantor
Retour à Luna
Un monde où la science…
Par Bettina T’Acht
Apprentis-sorciers
La seconde défaite de Prométhée
Le prix de l’orgueil
Nous vivrons dans l’ignorance
Par Hubert Reeves
Le mot de la fin
Chasseurs et cueilleurs
Chasseurs et cueilleurs
Chasseurs et cueilleurs
Par Carl
Elle crut entendre un bruit sourd qui l’immobilisa sur place. Elle retint son souffle et écouta intensément, mais elle ne perçut plus rien d’inquiétant. Elle sortit précautionneusement. Abraham était invisible. Elle avança de deux pas et à ce moment deux paires de mains la saisirent par derrière. Elle hurla, cri vite étouffé par des mains plaquées sur sa bouche ; se débattit en vain contre des poignes solides.
Des torches furent allumées et elle vit Abraham, gisant face contre terre, les poignets liés dans le dos, veillé de près par une douzaine de duveteux armés de piques. À quelques pas, la vieille Minagar, juchée sur le dos d’un robuste jeune duveteux, observait la scène sans que sa face ridée exprimât le moindre sentiment.
Un grognement douloureux lui répondit. Sous les coups de piques qui meurtrissaient ses flancs, le capitaine se releva, secouant la tête. Du sang lui coulait sur le visage d’une plaie au cuir chevelu.
Puis il ajouta avec hargne :
Il désignait Minagar d’un coup de menton.
Minagar donna un coup de talon dans le flanc de son porteur qui se mit en marche, s’approchant des deux terriens.
Puis elle se tut, comprenant l’inutilité de tout ce qu’elle pourrait dire. En vérité, ils avaient bel et bien trahi leur parole, ils avaient bel et bien violé la confiance des duveteux et leurs intentions réelles n’y changeaient rien. Minagar braqua sur les terriens un bâton bizarrement sculpté, symbole sans doute de son autorité :
Sur ces mots, elle piqua derechef les flancs de son porteur qui s’éloigna lourdement.
* * *
Abraham jurait sourdement en arpentant les quelques mètres carrés de l’étroite salle dans laquelle on les avait enfermés, et décocha à la roche un vain coup de pied.
Épuisé, car il n’avait cessé d’arpenter la cellule, il se laissa choir sur le sol.
Catherine lui décrivit par le menu sa découverte.
Cette diatribe se conclut par un vigoureux coup de pied dans la muraille.
Elle se blottit contre le torse maigre de l’ingénieur qui haussa les épaules, dit avec un calme qui ne lui était pas habituel :
Ils dormirent mal, firent leurs besoins dans un angle de la geôle et le jour passa sans que nul ne se souciât de venir leur offrir à boire ou à manger. La seconde nuit, torturés par la faim et la soif, ils dormirent à peine et la seconde journée passa sans que rien ne se produisît. Abraham, en proie à une rage inextinguible, arpentait le cachot à grandes enjambées, proférant tout bas de terribles promesses. Catherine, affalée dans un coin, méditait sombrement.
Enfin, le soir, la porte fut ouverte avec violence et deux formes humaines catapultées à l’intérieur.
Ils tombèrent dans les bras les uns des autres, mais n’eurent guère le temps d’échanger leurs expériences mutuelles car tout aussitôt la porte s’ouvrit pour la seconde fois, livrant passage à une phalange de duveteux armés de piques. Minagar était là, bien entendu, juchée sur un nouveau porteur.
Elle adressa quelques mots aux terriens, que Catherine traduisit :
Il semblait que les duveteux, jusqu’au dernier, étaient là. Au milieu d’une cohue indescriptible, les terriens aux poignets liés, furent poussés, tirés au long de sombres tunnels. Les torches jetaient une lumière vacillante et grésillaient. Un parfum lourd, agressivement biologique, flottait sur les couloirs.
Enfin, un air plus léger arriva aux narines des voyageurs qui débouchèrent en plein vent sur une vaste surface rocheuse dont l’obscurité empêchait de deviner les limites. Des quartiers de viande cuisaient à la flamme et des outres passaient de main en main. Un genre de flûte distillait dans l’ombre une mélodie alerte : c’était la fête.
Plusieurs torches illuminaient un puits de trois à quatre mètres de large, ouvert dans le roc.
Dans une cage faite de branches, des « loups » aux membres liés observaient toute cette animation d’un air sombre.
D’un coup de talon, Minagar fit avancer son porteur au bord du vide et entreprit d’effeuiller dans le puits une branche de chêne. En même temps, elle débitait une chanson heurtée dont Catherine ne saisit que quelques phrases décousues et probablement dépourvues de sens : Les tabous, méchants tabous t’ont manqué de respect… qui fait la faute la boit… Le crâne attendait l’eau du ciel, l’épine dorsale s’est remplie de sable.
En d’autres circonstances, Abraham n’eût pas retenu un commentaire sarcastique, tant était ridicule le spectacle de cette vieille chose ridée juchée son porteur duveteux, mâchonnant des formules vaguement incantatoires entre ses gencives édentées.
Ce bavardage leur valut des coups de bâtons sur le dos.
Le peu endurant Abraham céda à son caractère emporté et pivota avec rage, faisant peureusement reculer les duveteux. Brève victoire : dans l’instant, les petites créatures se reprirent et dix pointes de lances durcies au feu menacèrent le commandant.
Minagar, interrompue dans sa diatribe, se retourna et leur décocha un regard haineux.
L’un des « loups », aux bras toujours liés, fut extrait de sa cage, poussé à coups de pique en direction de la bouche du puits.
Le « loup », dans un ultime effort pour sauver son existence, pivota sur ses talons et fendit la masse des duveteux en deux coups d’épaules, fuit à toutes jambes à travers le long plateau. Les duveteux s’élancèrent sur les talons de la brute avec des cris aigus d’allégresse. Le « loup », gêné par ses bras entravés, courait mal, longea la falaise abrupte, dut revenir vers son point de départ pour éviter un groupe de duveteux. Bloqué par un autre groupe de minuscules créatures, il fit face à ses poursuivants en montrant les dents. Écrasé sous une grappe de petits êtres qui lui avaient sauté sur les épaules, le Furieux plia et s’affaissa ; un morceau de bois forcé dans sa bouche l’empêcha de mordre ; il fut traîné, poussé jusqu’au bord du puits où Minagar venait de jeter dans le vide sa branche de chêne à présent dépourvue de ses feuilles.
À l’instant où la brute roulait et basculait dans le vide, une lumière blanche et dure jaillit brièvement du puits. Les duveteux s’étaient figés et leurs voix explosèrent en murmures excités.
Il échappa aux petites mains qui le tenaient et se fit de la place à grands coups de poings. Un duveteux leva sa lance, détendit son bras. La longue pique de bois vint s’enfoncer dans la cuisse du terrien qui boula sur le sol. Pâle comme un mort, il jurait sans discontinuer.
Un profond silence était tombé sur les duveteux. Catherine, qui se trouvait au plus près du puits énigmatique, fut poussée vers l’ouverture béante qui ouvrait sa gueule au milieu d’un fouillis de branches. En dépit de sa blessure et du sang qui ruisselait sur sa jambe, Abraham voulut se précipiter. Un duveteux le frappa à la gorge avec le manche d’une lance. Hiroko et Bettina, saisis aux jambes et aux poignets, furent immobilisés et contraints de contempler en spectateurs révoltés l’assassinat qui allait avoir lieu.
Parvenue au seuil fatal, Catherine s’immobilisa un instant en dépit des piques qui meurtrissaient son dos. L’intérieur de la mystérieuse excavation était empli d’une sorte de brume lourde. Respirant profondément, résignée, elle ferma les yeux, effectua le pas qui devait la conduire à la mort.
Au bout de quelques secondes de chute, elle eut l’impression de heurter un corps élastique. Il lui sembla rebondir, puis, basculant sur elle-même, elle s’enfonça la tête la première dans la masse gazeuse. Elle agita machinalement bras et jambes. Quelle que fût la nature du milieu où elle se débattait, elle respirait normalement. Elle flottait mollement au sein de cette brume mouvante qui masquait les parois du tunnel. Levant la tête, elle distingua confusément ses compagnons qui comme elle tournoyaient dans ce néant blanchâtre et leur adressa un large signe des bras qui la fit pivoter. Elle se tortilla des hanches et des jambes pour revenir sur le dos… encore que dans cet étrange milieu les notions de haut et de bas fussent très relatives.
Elle toucha le fond sans être en mesure d’assigner une profondeur à ce gouffre, écarquilla les yeux au sein d’un brouillard gris qui ne donnait pas plus la sensation de l’obscurité que celle de la lumière. Tout de suite, elle sentit une pluie de gouttelettes sur son visage comme si la prison de vapeurs se résolvait en eau. Autour d’elle, une chose bizarre se produisait : le brouillard cessait de l’étreindre, dessinait une sorte de niche oblongue de dimensions un peu supérieures au volume du corps de Catherine. Elle leva les yeux, mais ne vit qu’une brume impénétrable : ses compagnons avaient disparu. Elle appela, sa voix résonna comme si elle s’était trouvée sous la voûte d’une cathédrale.
Presque tout de suite, l’espace libre devant elle se déforma maintenant en une sorte de tunnel étroit et bas qui s’allongeait, creusé par une force invisible. Assez machinalement, elle suivit ce couloir. Au bout de quelques pas elle se retourna et vit que le brouillard gris s’était reformé. Perplexe, elle s’arrêta, mais devant elle le tunnel continuait à se creuser.
Et elle se remit à avancer vers le fond du cul-de-sac de brume. Mais elle avait beau marcher, elle ne se rapprochait pas de cet horizon fuyant, à la fois proche et lointain, au point qu’elle ne put se retenir de se demander si en réalité elle ne faisait pas du sur-place. Elle s’arrêta, en proie au sentiment confus d’impuissance que l’on a dans les rêves, considéra le mur de brouillard toujours aussi distant.
Pendant dix secondes, elle resta immobile, torturée par le doute et l’angoisse et soudain elle se rendit compte que de confuses transformations agitaient la masse grise. Insensiblement, les teintes changeaient ; une image distincte naissait au sein du brouillard, s’annonçait par des altérations d’ombre. Le cœur de la jeune Française se mit à battre plus vite, quelqu’un venait à elle à travers la masse de vapeur. Elle entendit crier son nom et un instant plus tard elle tombait dans les bras de Bettina.
Une voix au timbre doux et feutré s’exprimant avec un léger accent roulant et chantant retentit soudain, émanant de chaque point de l’espace avec une terrifiante uniformité.
Catherine porta les mains à sa tête, reconnaissant la douleur lancinante d’une clef en plein travail. Mais cela ne dura qu’un instant : tout de suite, les pulsations cessèrent tandis que leur invisible interlocuteur s’exclama sur un ton peiné :
* * *
À l’endroit où sa main soutenait sa tête, sur la tempe et au-dessus de l’oreille, la sueur poissait les cheveux de Catherine.
Le soir venait. Ou plutôt c’est l’après-midi entier, comme une barque, qui glissait peu à peu et s’enfonçait dans le soir. De légers frissons de vent, qui semblaient nés de la terre même, des bouquets de noisetiers, commençaient à desserrer l’étreinte molle et compacte de la chaleur.
Catherine sentait ces langues de vent lécher sa nuque, courir entre ses omoplates et dans le creux de ses reins, cerner la tête de Hiroko sur sa poitrine. Elle déplaça son coude et assura la main contre sa tempe. La tête du Japonais avait glissé, elle reposait maintenant sur le ventre de la jeune femme qui, peu à peu, émergeait de cette torpeur pleine de charme et interrogeait mollement toutes ces odeurs qui emplissaient sa poitrine. Odeur des herbes, aromatique, brûlante, enivrante ; odeur miellée ou fruitée des arbres, odeur de la terre.
J’ai dormi. Ce que j’ai dormi ! Mais où sommes-nous ?
Elle tourna la tête et les vit. Abraham, Bettina, Hiroko, ses trois compagnons dans l’incompréhensible aventure, encore abrutis de sommeil, abandonnés comme elle sur l’herbe épaisse. Et quelqu’un d’autre, une femme, assise en tailleur à quelques pas de là.
L’inconnue jouait à tresser des brins d’herbe. Elle portait roulée autour des hanches une jupe drapée à motif fleuri. Elle avait les pieds nus, les jambes nues et ne portait rien au-dessus de la taille. Elle avait des cheveux bruns, longs et très brillants, qui lui descendaient jusqu’à la ceinture. Sa peau était brun pâle et ses yeux très bridés. Elle sourit à Catherine. Elle ne mesurait guère plus d’un mètre cinquante, nota la jeune Française, et ses seins quoique bien galbés étaient petits. Elle semblait toutefois formée : les mamelons étaient larges et les aréoles sombres bien que cela pût tenir à son teint de peau.
Catherine scruta du regard les environs : personne d’autre en vue.
Ce mot parut éveiller Hiroko qui battit des cils, redressa la tête et considéra avec surprise ce qui l’entourait. Avec un temps de retard, Bettina, puis Abraham ouvrirent les yeux à leur tour. La jeune femme brune aux seins nus continuait à les observer avec intérêt.
Catherine ne fut même pas surprise de l’entendre s’exprimer en français. En vérité, elle en arrivait à un stade où plus rien ne pouvait l’étonner.
Elle fronça ses fins sourcils, comme attentive à de fins détails qu’ils ne pouvaient imaginer :
Elle concentra pendant quelques secondes son attention sur le délicat travail de tressage puis, braquant à nouveau ses yeux joliment bridés sur les nouveaux venus :
« La Première Espèce, l’humana prima, la velue, la Vieille Race a pour ainsi dire disparu : trop fragile. Elle ne subsiste que sur un monde, celui supposé des origines, elle s’est repliée sur elle-même au point d’en oublier le peuple des étoiles, a régressé presque jusqu’à la sauvagerie. Par respect pour les Antenois, nous autres humanas respectons la solitude de ce monde et avons poussé la sollicitude jusqu’à recréer au moyen de projections à grande échelle l’aspect du ciel tel qu’il était au temps où ce monde était jeune. Seuls de rares visiteurs sont admis à fouler le sol de la planète à des fins d’étude ou de surveillance.
« La Seconde, correspond aux descendants de la première vague de spatiaux, établis sur de nombreux mondes. Ces salvagets ne peuvent voyager que très difficilement car leur biologie a dû être adaptée aux conditions de leur monde d’accueil, pauvre en atmosphère, ou dont l’atmosphère n’était normalement pas respirable, mondes trop froids, trop chauds…
Ces races, créées tout au début de l’expansion, alors que les techniques génétiques étaient encore primitives, ne subsistent souvent que grâce à l’aide de l’humana, sont sujettes à des maladies héréditaires et à de nombreuses malformations.
« La Tierce Espèce, les Libres, d’apparition bien plus récente, a pour habitat naturel l’espace entre les étoiles. Les membres de la troisième espèce peuplent des mondes artificiels, peuvent affronter avec un minimum d’équipement une vaste gamme de milieux planétaires. Ils jouissent d’une grande longévité et n’offrent que minoritairement l’apparence humana traditionnelle.
« Parallèlement, Les Serviteurs poursuivaient leur propre évolution depuis les formes les plus primitives d’êtres autonomes créées avant l’Expansion, les Silicium, pour aboutir à des esprits infiniment supérieurs à tout ce que la biologie a jamais pu produire. Le Grand Chantier, entamé en commun par l’humana et l’ensemble des espèces intelligentes est coordonné, dans son infinie complexité, par des Serviteurs.
Elle le considéra avec perplexité comme s’il venait de proférer des propos dépourvus de sens puis, enfin :
Le Commandant se redressa, repensa à sa blessure et contempla sa cuisse où ne subsistait pas la moindre trace du coup de lance reçu à son départ de Terre Bis.
Elle répond par un haussement d’épaules.
L’air tiède de la fin de journée résonna soudain d’une succession de très sourds coups de gong en même temps qu’une sorte d’onde de pression passait entre les voyageurs et les arbres, en voilant l’image.
Devant l’incompréhension manifeste des nouveaux venus, elle dut expliquer, en soupirant comme quelqu’un que l’on contraignait à ressasser une histoire trop connue :
« Autant l’avouer, l’humana et ses alliés sont en passe de perdre leur combat contre l’inéluctable fin de l’Univers. Des dissensions entre les participants sont en voie de paralyser tout effort. Par ailleurs, des doutes de plus en plus nombreux émis quant à la validité du projet sapent les énergies.
« Certaines constantes physiques sont affectées. La gravitation, notamment. Une énergie minimum suffit désormais pour atteindre la vitesse orbitale. Les géantes gazeuses, ainsi libérées de leur propre poids, atteignent des tailles colossales en attendant de se dissoudre dans l’infini comme de simples fumées.
« L’incertitude quantique s’est accrue à un niveau tel que ses effets se font désormais sentir au niveau même de la matière, perturbant les réactions chimiques. Le temps n’est plus loin où toute vie deviendra impossible. Les Serviteurs, dont la pensée repose sur des réactions infiniment subtiles, sont gravement atteints et manquent désormais de fiabilité.
Elle se dressa à son tour. Elle était plus grande qu’il n’y paraissait de prime abord, toute en jambes.
Abraham, qui nourrissait une passion sans borne pour ce genre de belles plantes, en fut fort émoustillé.
Trottant, légère, elle les précéda au milieu des arbres jusqu’en vue d’un village niché au pied d’une colline. Les maisons, groupées en un large demi-cercle face à une petite baie, paraissaient créées à partir de feuilles de cuivre embouties en formes de dômes.
* * *
Jola les avait conduits à l’auberge : une vaste salle avec des tables allongées munies de bancs fixés de part et d’autre. Bizarrement, ils disposaient de cet espace pour eux seuls. Une vaste fenêtre ouvrait sur la mer et une plus petite, de l’autre côté, sur la placette du village. Une jeune femme vint les voir sur la pointe des pieds, déposa devant chacun d’eux une petit verre de lait, un autre plus grand empli de jus de raisin et un troisième plus grand encore rempli d’eau. Chacun des convives reçut également deux œufs pochés accompagnés de lamelles de fromage à pâte blanche, ainsi qu’une bonne assiette de poisson grillé garni de petites pommes de terre sautées et servies sur des feuilles bien vertes de laitue. Les arrivants attaquèrent ce repas de bon appétit.
Catherine somnolait contre l’épaule de Bettina. Jola s’absenta un instant, revint et annonça :
Ils passèrent dans une arrière-salle meublée d’un lit bas et allongèrent Catherine qui, murmurant des paroles indistinctes, se roula en boule et sombra aussitôt dans le sommeil. Bettina lui ôta ses chaussures puis défit la fermeture de sa vareuse. Jola lui prêta la main.
Aussitôt, à titre de comparaison, elle soupesa dans sa main en coupe, à travers le tissu, ceux de Bettina :
En même temps qu’elle prononçait ces mots, elle fut étonnée de constater la survivance de ces particularités physiques à travers l’évolution dirigée qui avait remodelé l’espèce humaine… ou plutôt les espèces.
La humana, c’est ainsi qu’ils disaient à présent.
Jola, apparemment, éprouvait les mêmes curiosités. Elle poursuivit son exploration, dénudant le pubis de Catherine et passa un doigt entre les lèvres de son sexe. Catherine lâcha un soupir et arqua les reins.
Sans s’éveiller tout à fait, Catherine sourit, renversa la tête en arrière, émit des mots mêlés lorsque les lèvres de Jola se collèrent à son sexe.
Tandis qu’ils se promenaient à travers les ruelles du village, Hiroko et Abraham échangeaient des propos frappés au coin de la même perplexité.
Cédant à une colère soudaine, il donna un grand coup de pied à un caillou qui traversa la place.
Abraham levait le pied pour envoyer au diable un second caillou, il le laissa retomber, en proie à une lassitude soudaine.
Le petit Japonais s’assit en tailleur parmi les hautes herbes.
Par la fenêtre, leur parvinrent les râles de jouissance de Bettina.
Il y avait plusieurs variétés de poisson, en même temps qu’un potage dans lequel nageaient des lamelles de ce qui pouvait bien être du chevreau bouilli. Sur la table étaient disposées de grosses miches de pain à couper en tranches, du beurre et de la confiture pour le tartiner. Une grosse salade venait ensuite et le dessert brillait par son absence, même si les brocs de jus de fruit semblaient inépuisables. Après le copieux petit déjeuner, les terriens ne purent faire honneur à la chère, mais le reste des convives semblait manger de bon appétit.
C’était à l’évidence une société où l’on ne se souciait guère d’étiquette à table. Il y régnait un brouhaha de cris, de rires, de vaisselle brutalement maniée.
Bettina et Jola, les yeux dans les yeux, se faisaient la becquée.
Il devait forcer sa voix pour se faire entendre. Ils allèrent s’asseoir devant la porte pour avoir un peu de silence.
Elle hésitait, cherchant les mots qui rendraient le plus fidèlement compte de ce qu’elle tenait à exprimer :
Elle le regarda avec surprise, ajouta :
Catherine le fixait avec ardeur :
Il hocha la tête sans répondre, perdu dans des spéculations lointaines. Lorsque la voix résonna derrière lui, il n’en fut pas surpris : il s’attendait confusément à quelque chose de semblable.
Étrangement, les convives avaient fait silence juste avant cette déclaration.
Après cette entrée en matière, la jeune femme avait gardé pendant quelques secondes le silence, comme pour laisser à chacun des voyageurs le temps d’en saisir toute la signification puis, traversant la pièce, elle alla s’asseoir sur le bord de la table.
Ce fut Hiroko qui répondit.
Bettina ouvrait la bouche, mais Abraham la prit de vitesse.
Les derniers mots de sa phrase se perdirent dans un grondement sourd. Les murs de la pièce vacillèrent, secoués de bas en haut. Les vitres se brisèrent à grand fracas.
Une seconde secousse, plus violente que la précédente, fit vibrer les murs.
Talonnant ses amis, Abraham atteignit la porte et, à l’instant de sortir, il se retourna. Jola, toujours assise sur le bord de la table, inhumainement calme, épargnée miraculeusement par les secousses, lui adressa un petit signe de tête avant de… s’effacer, de disparaître. Et, en même temps, tout le mobilier disparut, laissant une pièce vide.
Un craquement se fit entendre et, dans une avalanche de plâtras, le plafond s’effondra. Abraham s’élança derrière ses amis, sentant le sol danser sous ses pieds. Autour d’eux, les maisons dansaient, se disloquaient et cependant nul n’en sortait en courant. Les rues demeuraient désertes. Personne, nulle part…
Les secousses devenaient de plus en plus violentes, faisant trébucher les quatre amis.
Soudain, la terre s’ouvrit devant les pieds de Bettina : une masse énorme de terre et de roc, déstabilisée, venait de se détacher, glissant à grand fracas au bas de la pente. La jeune femme poussa un cri, bascula en pivotant sur elle-même en un effort désespéré pour échapper à la mort, offrant à Abraham une ultime vision de son visage décomposé… avant de disparaître dans le vide, emportée, engloutie, noyée, broyée par l’énorme coulée de boue et de rochers.
Alors, les secousses s’apaisèrent, laissant les terriens hébétés, en état de choc, contempler l’effroyable spectacle. Du village, il ne subsistait qu’un vaste amas de ruines. La coulée de terrain qui servait désormais de tombe à la jeune Hollandaise achevait de se stabiliser.
Abraham tourna la tête, sentant une présence à côté de lui : c’était Jola qui contemplait, elle aussi, le désastre.
Abraham lui décocha un coup de poing qui traversa bien inoffensivement la jeune femme. Illusion…
Et, aussitôt, la terre recommença à trembler…
Le véhicule dansait comme un canot sur la vague. Abraham manqua se faire arracher une main en saisissant la portière. Il jura, poussa ses amis à l’intérieur, se laissa choir sur le siège du conducteur. Cramponné au volant, secoué à en claquer des dents, il explora du regard le tableau de bord à la recherche du démarreur, actionna plusieurs interrupteurs. En vain.
Abraham baissa les yeux, vit près de son pied gauche un gros contacteur rouge, l’enfonça, sentit la lourde machine renaître à la vie, poussa brutalement vers l’avant le levier de vitesses. La violence du démarrage lui envoya la tête en arrière.
Abraham braqua sèchement et il furent dépassés par un énorme bloc de granit qui dévalait la pente de la colline. Pied au plancher, jurant sans discontinuer, Abraham lança la lourde machine dans une course folle jusqu’au pied de la colline où elle s’enlisa jusqu’aux moyeux dans la terre meuble.
L’espèce de cercle d’ombre qui matérialisait « l’entrée » d’Enigma ne se trouvait plus qu’à une centaine de mètres. Courant, leurs chevilles s’enfonçant à chaque pas dans la boue épaisse, ils parvinrent enfin devant l’irréelle ouverture.
Une nouvelle secousse les fit vaciller.
Il ramassa une pierre plus grosse que sa tête et, avec une force décuplée par la colère, la souleva, la jeta dans le cercle de noirceur qui figurait la « porte » du serviteur.
La « porte » acquit plus de réalité. Abraham jeta au loin la seconde pierre qu’il venait de soulever en soufflant comme un bœuf. Les terriens se ruèrent dans la coursive brumeuse et, enlacés, demeurèrent plusieurs minutes immobiles, sans parvenir à croire qu’ils avaient survécu à l’effrayant phénomène.
La voix d’Enigma les ramena à la réalité.
Abraham ne se retint pas de jurer.
Et la lumière s’éteignit subitement.
Le sol se déforma sous les pieds de Catherine qui ne put retenir un cri, tendit instinctivement le bras pour se retenir contre la cloison de brouillard. Mais elle ne rencontra que le vide, tomba en avant, s’étala… sur du sable. Elle en ramassa une poignée, incrédule, pensa qu’elle était devenue folle : un bruit régulier de ressac, l’odeur à nulle autre pareille de l’océan… La lumière revint tout soudain. La lumière du soleil… La chaleur du soleil leur brûlait le visage.
Bettina tourna la tête en tous sens, sans parvenir à croire le témoignage de ses sens. Ils se tenaient sur une plage qui paraissait sans fin, doucement incurvée pour dessiner une baie immense, une baie avec son ciel, ses mouettes, des vagues, des crabes qui couraient en biais, le vent qui soulevait le sable… Tout cela paraissait si terriblement réel…
Identiquement stupéfait, chacun des compagnons contemplait bouche bée l’incroyable spectacle.
Et subitement, ils étaient nus. Plus que nus, même, car glabres, chauves. Les moindres poils avaient disparu de leur corps.
Sa phrase se termina par un cri de stupeur car sa verge, s’allongeant subitement, pendait à présent jusqu’au sol.
En un instant trop bref pour être mesuré, Catherine sentit son corps adopter une nouvelle configuration et une petite voix s’éleva du bas de son ventre, une voix qui disait :
C’était son sexe qui venait de parler de la sorte, d’une voix aiguë et chantante.
Ahurie, Catherine plaqua les deux mains contre son ventre, mais il en fallait plus pour étouffer la petite voix qui se remit à glapir.
C’était trop épouvantablement grotesque, ce sexe qui les houspillait d’une petite voix d’enfant et Abraham éclata d’un rire nerveux, imité avec un temps de retard par le Japonais, puis par Catherine elle-même qui gardait toujours les deux mains jointes sur son ventre.
L’hilarité d’Abraham redoubla.
* * *
Sur les écrans de l’Albert, le complexe panneau de configuration de l’ordinateur quantique, dont les réseaux avaient mystérieusement emprisonné un dieu, se peupla fugitivement de flashes d’avertissement, prélude rouge clignotant à l’effondrement du système.
Erreur.
Processus terminé.
Fermeture de session.
Terminé.
Les écrans n’étaient plus que des rectangles blafards. Des alertes se mettaient à hurler un peu partout, signalant des dysfonctionnements qui mettaient en péril l’existence des voyageurs.
L’Albert, privé subitement de son âme, n’était plus qu’un énorme tas de ferraille, aveugle, sourd, incontrôlable, enfoui dans le sol de la lune.
Abraham, qui avait gardé ses mains appuyées sur le bord du clavier, se redressa avec un effort excessif, comme si son dos était devenu de pierre et, avec un soin que désormais plus rien ne justifiait, il arrêta successivement chacun des systèmes. Les écrans s’éteignirent et la pièce ne baignait plus que dans la clarté pâle de l’éclairage de secours, provisoirement alimenté par des batteries.
Bettina toujours appuyée au dos de Mitsumo, fixait la console inerte et murmura :
Abraham tourna très machinalement la tête dans sa direction, mais il était perdu dans ses pensées, il n’avait pas réellement écouté.
Disparues, les mille et une rumeurs nées des multiples appareillages en fonctionnement ; évanoui, le bruissement des ventilateurs ; éteint, le bourdonnement des armoires électriques avec le cliquetis des relais : toute cette musique de fond que l’on finissait par ne plus entendre. Un silence funèbre.
Elle répondit machinalement :
Hiroko tourna la tête vers Bettina :
Elle paraissait chercher le fil de ses pensées, mais elle n’eut pas le temps de parler : la voix familière de Carl résonna dans leurs esprits avec une nuance narquoise.
Maintenant. Il était libre. Disparue, la cage.
Maintenant, vous allez pouvoir rentrer chez vous, ainsi que convenu.
Je vous déposerai en bas dans la mer atmosphérique.
Vous n’allez pas mourir, vous allez rentrer chez vous…
Il n’y eut pas de réponse
Et la nuit s’abattit sur eux.
FIN