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Temps de lecture estimé : 30 mn
20/06/10
corrigé 12/06/21
Résumé:  Paul et Sylvie s'aiment : ils vont devoir affronter des obstacles inattendus.
Critères:  mélo
Auteur : Passerose            Envoi mini-message

Série : Atelier d'artisanat

Chapitre 05 / 05
Atelier d'artisanat - 5

(texte non corrigé)



Résumé : On croit avoir trouvé le bonheur, rien n’est acquis. On voudrait être tolérant, ce n’est pas facile.






Le grand jour approche, le mariage civil aura lieu le 30 octobre. Il a fallu remplir toutes les conditions ; en premier permettre au frère de Sylvie de venir de Norvège où il travaille. Son épouse et lui seront les témoins de Sylvie. Un couple de mes collègues me rendra le même service. Nous avons résolu de convoler dans l’intimité, en présence de nos parents et témoins. Selon Sylvie la robe de mariée traditionnelle, pour un second mariage, n’est pas souhaitable : elle préfère un tailleur que nous irons choisir prochainement. Nous ferons notre voyage de noces en Egypte, en Tunisie ou au Maroc dans la foulée. Nous consulterons une agence de voyage le 13/10. Cela demande de pouvoir profiter d’une période de vacances scolaires. Enfin il faut régler notre situation patrimoniale, nous avons pris un rendez-vous chez un notaire le 9/10. Je me suis renseigné en mairie et suis en train de réunir les pièces d’état civil et le 12/10 nous avons rendez-vous à l’hôtel de ville pour la publication des bans. Tout ou presque est planifié.

Nous dansons avec entrain. Quand l’orchestre fait une pose pour se rafraîchir, un grand blond nous aborde. C’est Roger, prof de maths dans le lycée où enseigne Sylvie. En mauvais allemand il s’adresse à ma fiancée, elle-même prof d’allemand. C’est pour nous inviter : des amis sont là. Ce soir ils occupent une grande table. Seul l’un des cinq hommes m’est inconnu, un certain Germain accompagné d’une grande bringue rigolote nommée Odile remontée pour faire «  Ollé  » une fois par minute. Je connais déjà les quatre autres et leurs compagnes pour les avoir rencontrés plusieurs fois au bal, en petits groupes ou séparément.

Outre Roger, époux de Juliette, petite brune très vive, mère de trois enfants : la meneuse de cette petite troupe qui frotte avec conviction lorsqu’elle a réussi à vous traîner sur la piste, il y a Mario chanteur infatigable, bilingue, qui connaît tout le répertoire français et italien de chansons anciennes : Ô sole Mio, Montagnes Pyrénées, Elle descend de la montagne, Etoile des neiges ; capable de vous amener à vous taper sur les cuisses en une tyrolienne enlevée ou de débiter l’alphabet en chanson avec reprises en chœur, toujours soutenu en tierce ou en quarte par la voix rauque de sa blonde Emilie à l’invariable queue de cheval, au rire profond, elle aussi amatrice de contact étroit et excitant. Le chauve, c’est Claude, bègue, endiablé grand conteur d’histoires sans fin qui s’accroche au bras de sa plantureuse Lisa à la poitrine débordante, aussi entreprenante que Juliette ou Emilie. Catherine enfin, dans le rôle de Laurel secoue sur les pistes son André à l’appétit légendaire lorsque personne ne l’a enlevée et sortie de la salle de bal. Elle a une réputation qui dépasse les bornes du canton. La joyeuse troupe est au complet

A la reprise Roger se précipite, s’incline ridiculement devant Sylvie. Juliette, l’œil coquin, m’invite d’un coup de tête et me plonge dans une résistance acharnée à l’érection. La nuit sera chaude, elles sont encore quatre à vouloir tester leur pouvoir de séduction sur la conquête de leur meilleure amie. Il faut que j’explique à Germain notre règle, dictée par Sylvie : une fois par cavalier au cours du même bal et en alternance avec moi. Il comprend et me laisse reprendre ma fiancée.

La tablée applaudit à notre retour. Sylvie a confié la date de notre mariage à Roger qui a confié la nouvelle à Juliette qui l’a bruyamment annoncée à tout le monde. Et chacun veut en savoir plus… Nous manquons les premiers pas de la suite, Sylvie est heureuse d’apporter des précisions sur notre calendrier. Elle est resplendissante et Germain réclame son dû. Odile me fait : Ollé : je dois la suivre. Si Germain est aussi offensif qu’elle, Sylvie va être soumise à rude tentation.

J’interromps les questions sur la tenue de la mariée, pour profiter pleinement du temps qui m’est concédé. Je lui expose mon désappointement de devoir céder ma place en permanence. Elle rit du récit de mes émois physiques. Ses cavaliers se sont montrés d’une grande correction. Roger a émis un petit doute sur le fait que nous nous mariions. Selon lui nous aurions pu attendre. Elle lui aurait répliqué que nous nous connaissions assez et que nous étions sûrs de nos sentiments



J’ai subi l’haleine parfumée à la gauloise d’Emilie, la vue des tremblements de l’opulente poitrine de Lisa en transes. La plus canaille de toutes c’est Cathy qui a proposé de me donner des conseils pratiques sur la manière de trouver le point G, avec exercices d’application à son domicile. Lorsque mon tour est revenu, je n’ai obtenu de Sylvie qu’un gros fou-rire



Elle redouble de rire. Nous faisons du surplace. Je jette un œil à la ronde. Là-bas Juliette a une conversation animée avec une jeunette. De l’autre côté Roger en compagnie de trois jeunes gens semble nous désigner du menton.

Nous nous sommes acquittés de nos obligations envers ces amis. Désormais la nuit nous appartient. Nous restons en piste en attendant la reprise. C’est un moment délicieux, nous nous buvons des yeux. C’est connu, les amoureux sont seuls au monde. Nous sommes amoureux et ça doit se voir. L’orchestre étouffe quelques sifflets qui s’enhardissaient. Sylvie est rouge de plaisir : elle affiche ouvertement son amour. Ma réserve naturelle ne résiste pas, je l’embrasse au milieu des danseurs.



J’ai commandé, ils ont levé les verres à notre santé et à notre bonheur

Juliette se penche entre Sylvie et moi au moment où l’orchestre relance la musique. La toute fraîche jeune fille au plaisant minois qui m’invite repart aussi déçue que le galant qui sollicitait Sylvie.



Si tu crois, mon cher Paul, qu’on peut lier une femme libérée de cette manière, tu vas bientôt connaître une terrible déconvenue.

Je ne relève pas cette pique. J’aurais pu rappeler que la règle a été dictée par ma femme libérée.



Sylvie a l’air soucieuse.



Ca vaut bien une étreinte. Si Sylvie savait comme je me sens soulagé. Juliette et Roger me paraissent de moins en moins sympathiques


Le mardi 6, alors qu’elle me quitte pour aller au travail, Sylvie m’avertit



Je suis surpris de cet arrangement, mais je n’ai pas le temps de le déclarer : l’oiseau s’est envolé. J’irai au service du personnel me renseigner sur les modalités d’application de ce congé de mariage. Tout salarié a droit à quatre jours de congé à l’occasion de son mariage. Certaines conventions collectives sont plus généreuses. Nulle part il n’est question de compensation. Si ça ne se produit qu’une fois, je mettrai ça au crédit de l’amabilité habituelle de Sylvie et de sa conscience professionnelle.

Le mardi soir j’apprends que Sylvie a conclu un nouveau marché avec sa collègue pour le lendemain… Je lui rappelle ses droits à congé et j’estime qu’elle fait de l’excès de zèle.



Elle me regarde, soupçonne un certain agacement, que je n’ai pas réussi à dissimuler et m’interroge du regard. Je me suis juré de garder mon calme, je me réfugie dans mon journal.



Je reçois enfin ce baiser qu’elle m’accorde généralement quand elle revient plus tard que moi.



Le jeudi, Sylvie n’a qu’une heure de retard.



Elle va à la salle de bain sans m’avoir embrassé et en ressort en se brossant les dents. Le brossage du soir suit le repas les autres jours. Le baiser arrive maintenant mentholé à souhait. Bizarre. Je me tais.


Le vendredi son retour à l’heure me surprend. Notre rendez-vous chez le notaire consiste à entendre l’énoncé des différentes formes de contrats et à comparer leurs avantages et inconvénients. J’étais partisan de la communauté universelle avec application de l’article 1520 qui attribue les biens au dernier vivant. Nous en avions discuté.



Sylvie est troublée et je vais devoir m’expliquer



Quant au contrat, j’ai réfléchi aux propos de tes conseillers Roger et Juliette qui nous annoncent un divorce.



Je préfère me taire. Il est inutile d’envenimer la situation. Bisous oubliés, retards à répétition ce brossage de dents (pour cacher quoi ?) et cet endormissement rapide, comme les fois où nous avons sacrifié à Eros me troublent l’esprit. Je me suis juré d’être cool : ce n’est pas facile. Je fais des efforts, mais peut-on se refaire. Chat échaudé craint l’eau froide. Nous nous couchons plus tard. Sylvie boude-t-elle ? Il n’y aura rien cette nuit qu’un lourd silence. J’ai une boule dans la poitrine.


Dès le petit déjeuner Sylvie attaque le chapitre du contrat. J’explique :



A l’entracte, dans les couloirs, nous tombons comme par hasard sur Roger et Juliette



Ces deux là sont collants à la longue. Je salue et ne m’attarde pas. Sylvie a plus de mal à s’en détacher.



Je me contente de cette réponse, mais ma soirée est fichue, le spectacle m’échappe en partie.



Nous consacrons le dimanche à nos familles. Tout va bien ; le frère de Sylvie restera quinze jours au pays. Mes parents admirent leur future belle-fille.



Au lit je retrouve une Sylvie apaisée, enfin elle ressort le grand jeu. Il ne fallait que ça pour me délivrer des démons de la semaine.



Si quelqu’un prépare un nouvel empêchement pour l’inscription, il attendra le mercredi.


Le lendemain, mardi13/10



J’aurais envie de dire :



Je me contente de demander



L’inscription a été rapide. Le choix du costume plus disputé a été fait avant la fermeture des magasins.


Mercredi 14. Rien au programme. J’en profite pour mettre ma voiture en révision. Le garagiste la ramènera en soirée. Un mécanicien a bien voulu me ramener à la maison. Je vais faire une petite sieste tardive. Il fait sombre dans la chambre, la porte est poussée, pas fermée

La porte du sas s’ouvre.



Qui accompagne Sylvie ?



Tu rêves encore de Gilles, ne dis pas non.



Je n’ai jamais aimé vos fantasmes malsains d’insatisfaits sexuels, d’obsédés.



Enfin, je t’aurai avertie. À propos, quel est le groupe sanguin de ton Paul ?



On ne pourrait pas monter en chambre au Central après le pot d’anniversaire de Gilberte le 20 ? Il n’y a pas de mal à se faire du bien. Et si je peux t’aider à faire le petit, j’en serai heureux.



J’utilise la porte du local technique pour me faufiler à l’extérieur. Je reviens par le sas



L’influence de Roger est évidente. Je n’en parle pas. Je me suis fixé une ligne de conduite, je veux la suivre : c’est dur.



L’altercation a été brève. L’orage est passé. J’explique que j’étais à l’arrière de la maison occupé à arracher des mauvaises herbes.


Cette fois la coupe est pleine. Nous devions aller acheter la tenue de mariage de Sylvie au lieu d’aller au tennis du jeudi. Quelle nouvelle réunion l’a retenue ? A 19h45 une voiture s’arrête ; celle de Roger. C’est Juliette qui s’avance en éclaireur, pendant qu’arrive la voiture de Sylvie



Pardon, ma chérie, je ne voulais pas te rappeler de mauvais souvenirs


Cette brave Juliette ne brille pas par le tact. ! Il est inimaginable qu’elle l’ait fait volontairement, ce serait trop méchant de la part d’une amie aussi dévouée.



Je ne dis mot. Le visage contrit de Sylvie révèle qu’elle n’a pas su résister à l’impulsivité de Juliette.

Les intrus se félicitent encore d’avoir respecté la tradition qui veut qu’un marié découvre la tenue de la mariée au moment de la cérémonie. Enfin ils ont eu le plaisir de me voir bouillonner de rage, me mordant les lèvres…



Quoi, déjà ? Tu es fâché ? Oh !

Si je me laissais aller, voilà ce que je dirais :



J’ai peur de ne plus pouvoir me retenir longtemps.

. Cet essayage m’a épuisée. C’est fait, mais je suis morte et je vais m’endormir dès que je serai couchée. Tu ne m’en voudras pas. Roger et Juliette prétendent que pour connaître une nuit de noce de qualité, il faut se ménager avant.

Là encore, si je me laissais aller, je dirais :



Mais je me contente d’un :



J’ajouterais :



Je dis simplement :



Je vide un verre d’eau et je vais coucher dans la chambre d’amis, sous le regard médusé de Sylvie. En pleine nuit un corps chaud se glisse sous mes draps. Je m’emploie à sécher ses larmes, à calmer ses sens. C’est tellement meilleur que de bouder. Nous nous réconcilions. Si Roger et Juliette observaient nos ébats, ils sauraient que nous sommes faits l’un pour l’autre : pauvres demeurés. Dans l’euphorie, je comprends que Sylvie participe à une réunion avec les membres du petit groupe qui organise une fête, ce vendredi soir après 17 heures. Cela devrait être rapide.

Ce fut rapide en effet…


C’est samedi.



Elle a compris que je soupçonne des connivences.



Cette fois, je suis persuadé que Sylvie et moi sommes sous surveillance et que la sentinelle a renseigné ces indésirables. Ils ne sont que quatre hommes accompagnés. Tant mieux.

Evidemment ils ne tardent pas à faire danser Sylvie. Elle m’a proposé de rejeter tous ses candidats, exceptionnellement. Je lui ai recommandé de persister dans la règle. Pendant que Roger profite de son tour avec Sylvie, Juliette m’a présenté la petite de l’autre fois. Elles sont folles ces gamines. La petite Linda me trouve si beau. Elle rêve de se donner pour la première fois à un homme comme moi. Est-ce que j’ai une voiture, on pourrait… La musique s’arrête et met heureusement fin à son délire… Arrêtés en milieu de piste Roger et Sylvie discutent. Essaie-t-il encore de casser mon ménage. Ce type a toutes les audaces, il pose sa main droite à plat sur le ventre de Sylvie. Elle en rit. Un petit flash les éclaire, un deuxième. La musique reprend : Sylvie enfreint sa règle. Bizarre.

Quand elle me sourit en venant s’asseoir, elle s’étonne de mon air sombre.

Chéri, que t’arrive-t-il. Tu en fais une tête.

Juliette ne se contente pas de se réjouir de la brouille qui naît, elle nous photographie. Elle s’approche :



Sylvie ne semble pas comprendre :



Juliette lui fait remarquer qu’elle vient d’accorder deux séries de danses à Roger.



Le candidat suivant est refoulé. Sylvie se dit navrée : je regrette, je ne recommencerai plus



Je saisis une rose du vase qui décore la table, la lui tends en gage d’amour : elle démarre un sanglot et je saisis alors qu’elle a donné à mon geste une signification différente de la mienne. La rose et Rose et ses regrets.



Bien sûr, Roger vient aux résultats et pousse au crime. Sylvie me retient quand je veux me lever.



Quand nous quittons le bal, Roger nous rappelle le rendez-vous du dimanche.



Ils constituent parait-il un petit cercle fermé en veille depuis que l’animateur principal s’en est retiré. Ils ont promis de redonner vie à leur petit club à l’occasion du mariage de leur amie.



Entre Egypte, Tunisie et Maroc que préfères-tu ?



Ouf, je me suis contenu. Ce type est un cauchemar. Depuis mercredi je le hais. Demain, à l’agence je prendrai n’importe quelle destination sauf le Maroc. Je pourrai toujours raconter que toutes les places étaient prises. Mais je vois à la mine de Sylvie qu’elle a reconnu un accent d’ironie et d’irritation. Je laisse mijoter.

Nous avons eu raison de fermer portes et volets : deux portières de voiture claquent. Quelqu’un sonne. Le doigt appuie longuement…



Nous entendons un individu qui peste



Sylvie me souffle :



Ta Juliette avait si bien préparé les jeux. Sylvie déconsidérée y aurait laissé des plumes. Paul aurait renoncé au mariage.



Une moto passe au ralenti, nous n’entendons pas la suite. Sylvie me serre la main



Bon, on va pas continuer à se les geler. Renvoie ton gusse, c’est fichu pour aujourd’hui. Viens chez moi, qu’on trouve un moyen. Mais rappelle-toi ; rien qui attire les flics… Essaie de refiler une gamine à Paul, compromets-le aux yeux de Sylvie, ça marchera peut-être mieux dans ce sens.



Ils sont partis.



Elle fait deux camps, hommes d’un côté, femmes de l’autre. Le premier groupe porte un bandeau sur les yeux et ses membres doivent mettre un nom sur les membres de l’autre groupe, en s’aidant des mains pour reconnaître une chevelure, un nez, un menton, un sein dénudé, un mollet, un pénis ou une motte ou en s‘aidant de la bouche pour deviner qui on embrasse ou pour retrouver son mari. Ainsi on passe de jeux innocents à des séquences plus ou moins scabreuses pour explorer toutes les parties des corps, y compris les plus intimes.



À trop vouloir nous séparer, ils nous ont encore rapprochés : heureusement, portes et fenêtres fermées ne laissent rien échapper des bruits de cette nuit torride. Ce ciment rend notre union solide et durable.


Le lundi est mon premier jour de congé payé, alors que Sylvie assure ses derniers cours. Il est entendu que Sylvie rentrera à 18 heures, une de ses collègues offre un pot à l‘occasion de ses quarante ans. À l‘agence de voyage, on me félicite pour mon prochain mariage et on me tend des billets : nos amis Juliette et Roger ont retenu samedi deux places pour le Maroc à notre nom, il ne me reste plus qu’à payer. Avec beaucoup de difficulté je réussis à faire comprendre que cela ne me convient pas : je n’ai rien demandé ni signé et je ne paierai pas. À bout d’arguments je menace de m’adresser à un concurrent. Le directeur de l’agence consent à me trouver un voyage à Djerba, mais du dimanche au samedi : le départ retardé ne me dérange pas. J’obtiens même de pouvoir conserver les billets pour le Maroc pour les montrer à la mariée : je m’engage à ne pas les utiliser.

En fin de matinée le facteur me remet le courrier. La première enveloppe contient un petit carré blanc signé «  un ami qui vous veut du bien  » et quatre photos. L’une a été prise devant la grille du lycée, elle présente une accolade de Roger et de Sylvie. Sur la deuxième on voit Roger s’effacer devant Sylvie au moment où elle franchit la porte de l’hôtel Central. La troisième ne montre qu’un chiffre 7 sur une porte. Sur la quatrième, vue de dos, une blonde nue chevauche un homme nu, couché sur un lit : je reconnais le visage de Roger. L’intention de l’expéditeur est évidente. Mais les interprétations peuvent varier. La deuxième lettre vient de Bruxelles, elle est destinée à Sylvie, l’enveloppe est froissée et je ne réussis pas à déchiffrer la date d’expédition, par contre je lis que l’expéditeur est un laboratoire d’analyse médicale. Me revient à l’esprit le mot de Roger : l’état de Sylvie.

Aurait-elle un problème de santé ? Délicatement je commets une indélicatesse ; mais le souci de la santé de ma femme l’emporte sur les autres considérations.

Le papier à l’entête du laboratoire doit être une copie faite avec un mauvais appareil. Je découvre avec stupeur la confirmation de la grossesse de deux mois de madame Sylvie… La recherche de paternité, faite sur les prélèvements présentés, exclut le donneur B+ ; mais il y a 99, 99% de chances que le père soit l’individu de sang O+. Suivent compliments et vœux pour la mère et l’enfant et remerciements pour le chèque signé de l’heureux père. Je rencontre une résistance quand je veux remettre la lettre dans l’enveloppe, un petit carton blanc fait obstacle. Je le sors, c’est une carte de groupe sanguin O+ au nom de Roger… Ma première sueur froide se transforme en grosses gouttes de transpiration qui dévalent de mon front et de ma nuque. La terre se dérobe sous mes pieds, je m’affale dans un fauteuil. Et je pleure.

Ce n’est pas possible, à quel jeu Sylvie se livre-t-elle depuis des mois ? Quand va-t-elle m’annoncer qu’elle ne veut plus se marier avec moi ? Pourquoi fait-elle procéder à une recherche de paternité ? Le père de l’enfant serait donc Roger, mais avec qui a-t-elle encore couché, qui est cet individu de groupe B+ ? Mon groupe est le groupe A- : elle n’a même pas supposé que je pourrais être le père de son enfant ! Je suis doublement cocu. Elle fréquente deux autres hommes. Voilà le pourquoi de la multiplication des retours tardifs. Que faire ? laisser la lettre sur son secrétaire et attendre. Aura-t-elle l’effronterie de se marier avec moi dans cet état et avec la bénédiction du si attentionné Roger et de Juliette ? Je comprends mieux l’ami qui me veut du bien.

Je ne suis pas au bout de mes surprises. Vers quatre heures je reçois la visite de Juliette



Autant faire comme si je savais, j’aurai l’air moins bête.



Elle m’avait assuré que je serais le premier informé. Si je rassemble les pièces du puzzle, Roger est le père, il a été le premier averti, et moi, le futur mari, je ne suis au courant que par des indiscrétions. Retards, fatigue, choix de la robe, projet de voyage : tout porterait à croire que je suis le dindon de la farce. Sauf, sauf les propos de Roger le mercredi 14, quand il a proposé de lui faire un enfant ou ce qu’il a dit à Gilles dimanche. Quelque chose n’est pas cohérent.

Je me suis tu trop longtemps, il faut que je sache. Je bondis dans ma voiture, me précipite jusqu’au lycée. Voilà un groupe de profs. Sylvie est au milieu. Au passage de la grille je l’appelle, elle se retourne, me fait un signe de la main et continue son chemin. Je perds mon sang froid, fends la troupe et saisis sa manche.



Roger intervient



Tout le groupe s’est arrêté



Ces abrutis applaudissent.



Ils avancent, à l’exception de Roger qui lance :



Cette fois je marche sur lui, les poings serrés, rouge de rage, il recule et c’est Sylvie qui s’accroche à mon bras. Que craint-elle ? Que je casse la figure à son amant ? Un scandale devant le rassemblement de profs et d’élèves ?



Nous faisons quelques pas et elle déclare :



Je regarde la route. Elle scrute mon visage…



J’aurais aimé apprendre la nouvelle de toi, avant Roger qui le sait depuis samedi. Ces deux photos ont été prises par Juliette au moment où tu annonçais à Roger l’heureux événement : il caresse le sein qui porte ton enfant. Pourquoi lui : en général la mère informe en premier le père ? Est-ce lui ? Alors, estimes-tu que j’avais une bonne raison de te détourner de ton pot d’anniversaire ? A la veille de notre mariage, j’apprends par des étrangers que tu attends un enfant, j’apprends que tu l’as annoncé en premier à l’homme qui passe son temps à te dissuader de te marier, que la nouvelle se répand alors que tu me maintiens dans l’ignorance.



Elle lit, pâlit, me regarde. Elle tourne et retourne l’enveloppe



J’étale sur la table le mot de l’ami qui me veut du bien et les quatre photos. Sylvie est blanche, elle a saisi le sens de cette mise en scène, me regarde, désolée.



Elle ressort de la pharmacie avec un paquet



. Me croyant enceinte ils ont essayé de créer un nouveau conflit : cette analyse a été demandée par eux. Regarde bien le papier du labo, ce n’est pas propre, ça ressemble à un montage scanné et imprimé. Ils ont utilisé un résultat de Juliette ou d’une autre et ils l’ont falsifié. Tu vois ces traces sous la date, autour de mon nom ? C’est moi qui ai dit à Roger que tu était du groupe B+. Je ne savais pas pourquoi il me demandait ton groupe sanguin. Je lui ai dit n’importe, il a utilisé ma réponse pour falsifier ce certificat médical, c’est sa signature.



Je les déchire malgré les protestations de Sylvie contre cette perte d’argent mais pour la consoler je brandis les billets pour la Tunisie. Nous nous embrassons, le cœur léger

C’est-ce soir-là que fut conçue notre fille Marie.