Une Histoire sur http://revebebe.free.fr/
n° 14576Fiche technique48185 caractères48185
Temps de lecture estimé : 26 mn
14/09/11
Résumé:  Nous partons pour Las Vegas, où nous espérons pouvoir neutraliser Bazouk avec l'aide de Kraçou.
Critères:  fh ffh uniforme grossexe bizarre hotel trans pénétratio délire humour aventure merveilleu -humour -aventure
Auteur : Gufti Shank            Envoi mini-message

Série : Ultimate Bazouk

Chapitre 03 / 03
Bouteilles, théières, et missiles sol-air

Résumé de l’épisode 1 : Bazouk est devenu fou et violent après avoir été atteint par la foudre. Il nous a abandonnés sur notre île, Aurélie et moi, prisonniers de nouveaux corps transexués, et s’est rendu à New York pour frapper la ville de ses maléfices les plus délirants. Estelle nous rejoint finalement, et nous découvrons à la télévision l’ampleur des dégâts qu’il a provoqués.



Résumé de l’épisode 2 : Sur les conseils de Peter, un taximan local, nous nous rendons jusqu’à Haïti pour rencontrer une magicienne du nom de Kalima. Celle-ci découvre qu’Aurélie et moi sommes toujours sous l’emprise du maléfice de Bazouk et nous « prête » Kraçou, un autre génie, qui a malheureusement un strabisme assez prononcé à cause duquel je finis transformé en une sorte de centaure.








Les filles admirent que c’était pas plus mal de me rendre une apparence décente avant qu’on parte à la chasse au Bazouk, et Kraçou s’employa à me faire redevenir un homme. Sauf que le résultat, obtenu après une dizaine d’éclairs qui shootèrent tout ce qu’il y avait dans un rayon de trois mètres autour de moi, n’était pas vraiment formidable : j’avais effectivement de nouveau deux jambes et une allure humaine, mais à l’évidence, un corps qui n’était pas le mien. Le génie ne connaissait pas ma véritable apparence, de fait, et ne pouvait dès lors me la rendre. Estelle et Aurélie y allèrent de leurs avis éclairés pour conseiller le magicien bigleux sur la façon de me « corriger » ; et je me pris une quinzaine de nouveaux jets de foudre, après en avoir vu passer trois ou quatre fois plus tout autour de moi, avant que ces dames soient satisfaites de la musculature délirante et de la bite gigantesque dont elles m’avaient affublé. Je me sentais tout aussi monstrueux que lorsque j’avais plein de jambes, mais ça avait au moins le mérite d’être plus discret.


Et dans l’après-midi du surlendemain, nous atterrissions à Los Angeles, après un voyage sans histoire. Le plus délicat fut de franchir les diverses frontières avec notre fausse bouteille de pinard, en faisant croire aux douaniers que c’était un objet de collection, et surtout de les empêcher de l’astiquer de trop près pour éviter une apparition épineuse du distrayant Kraçou. Ils tiquèrent aussi sur les trois sacs de cinq kilos de sel que nous traînions avec nous dans l’espoir de l’utiliser pour remballer Bazouk. Il fallut leur en faire goûter pour les persuader que ce n’était pas de la cocaïne.


Plus aucun vol pour Las Vegas, ce qui semblait y confirmer la présence toujours active de mon génie détraqué. Les derniers événements faisaient état de sévices physiques, de nombreux hommes et femmes se plaignant de s’être vu pousser un pénis à la place du nez. Une sorte de rasta accepta toutefois de nous y conduire pour mille dollars et une pipe d’Estelle, et nous découvrîmes enfin la capitale mondiale des jeux et des casinos, en effet curieusement très enneigée. L’armée avait monté des barrages à tous les coins de la ville et contrôlait tout ce qui entrait et sortait, et notre pilote nous déposa simplement aux abords des premiers immeubles, après qu’on eut convaincu les soldats que nous n’étions que de gentils et innocents touristes. On prit une grande piaule au MGM, un immense hôtel situé le long du Strip, l’artère principale du patelin.



C’était déjà pas mal, mais ça risquait quand même de nous prendre un moment si l’on devait arpenter la ville en tous sens. En contemplant par une fenêtre les avenues enneigées, je me dis qu’on pouvait peut-être tenter de jouer ça autrement.



Trop tard ! Il y eut une violente déflagration accompagnée d’un flash aveuglant et toute notre suite fut soudain baignée d’une lumière et d’une chaleur insoutenables.



Aurélie se contenta de soupirer en lançant au génie un regard sombre. Celui-ci sourit bêtement et ses yeux parurent plus évasifs encore.



On se regarda, les filles et moi. Après tout, pourquoi pas ?



Et la jolie blonde sortit en hâte sous nos yeux étonnés sans en dire davantage.



Son sourire libidineux ne me disait rien qui vaille.



Je me jetai à terre par précaution juste au moment où un jet de foudre partit des mains du subtil génie ; mais c’était inutile, l’éclair fusa droit sur Aurélie qui reprit instantanément une apparence féminine, tandis que l’enchanteur se mordait discrètement la lèvre inférieure en se préparant à me lancer un nouveau sortilège.



Il s’exécuta en soupirant tandis qu’Aurélie faisait une drôle de tronche en examinant son corps.





***





C’était sans doute Estelle qui revenait ; ben elle attendrait bien quelques minutes… J’étais agenouillé derrière Aurélie qui braillait, et la défonçais toujours en lui tenant les hanches.



J’étais sur le point de jouir, elle patienterait encore un moment. De toute façon, elle devait bien entendre les hurlements que poussait ma compagne. Mais la porte s’ouvrit et Estelle entra, suivie d’un gugusse en costume qui écarquilla les yeux en me voyant soudain grogner et me crisper par spasmes tandis que j’explosais dans le derrière d’Aurélie.



Nous lançant un regard mauvais, elle continua en français :



Pendant que je remballais ma queue géante sous les yeux hallucinés du costumé, Estelle nous fit les présentations :



Bravo ! Estelle avait dû sucer le gars, ou lui promettre une pipe. Elle poursuivit, malicieuse :





***




Nous étions sur le toit de l’immense building, dominant la ville enneigée et inhabituellement calme. Estelle et Aurélie étaient agenouillées en train de s’occuper du sympathique Johnny. Attendant les premiers soupirs d’extase du loufiat, je faisais semblant de prendre des photos. Et quand je fus sûr qu’il ne faisait plus attention à moi, je m’éloignai un peu et caressai brièvement la fausse bouteille de pinard. Kraçou apparut dans une légère fumée bleuâtre.



Le génie parut se concentrer quelques secondes, puis produisit de nouveau un énorme flash lumineux et une déflagration impressionnante. Un soleil chaud brilla soudain dans le ciel tandis que toute la neige environnante avait instantanément disparu. Je remballai l’enchanteur, puis revins, l’air de rien vers mes copines toujours occupées à pomper Johnny, qui soit n’avait rien vu, soit faisait semblant pour continuer de savourer sa pipe. Et alors que j’allais dire aux filles de se grouiller de le finir, une nouvelle détonation déchira le silence ambiant et nous fûmes soudain pris dans une incroyable tempête de neige. Estelle s’arrêta un instant de sucer, Aurélie me lança un regard inquiet, et Johnny lui-même parut s’alarmer. Courant rapidement quelques mètres plus loin, hors de leur vue, je réinvoquai Kraçou en hâte.



Shlak ! Un nouveau flash, une nouvelle explosion, et de nouveau un beau grand soleil d’été qui illuminait la région. Une dizaine de secondes s’écoulèrent seulement avant que le même phénomène se reproduise, nous apportant encore une effroyable tempête hivernale. Mais loin d’impressionner Kraçou, cela sembla au contraire l’inciter à recommencer. Et ce fut dès lors une succession interminable de détonations et d’éclairs éblouissants, alors que la canicule alternait à toute vitesse avec le blizzard.



C’était Aurélie qui me rejoignait ; elle avait visiblement abandonné Johnny à Estelle et venait aux nouvelles.



Ma compagne l’aperçut avant moi et beugla à son tour.



Je suivis son regard et entrevis moi aussi la théière dorée qui s’approchait de nous au-dessus des buildings environnants. Je vis en même temps une sorte de boule de foudre grossir à toute allure.



Attrapant Aurélie par le bras, je me précipitai en direction de la petite porte par laquelle nous étions arrivés sur le toit. Derrière nous, Kraçou fit une dernière fois l’été avant de nous suivre en voletant. Le sortilège de foudre que nous avait lancé Bazouk explosa à quelques mètres, là où nous nous trouvions l’instant précédent.



En arrivant à hauteur d’Estelle, qui faisait encore d’incroyables efforts pour maintenir un semblant d’érection à Johnny (que la météo semblait quand même avoir quelque peu désemparé), je la saisis au vol par un bras en lui hurlant de nous suivre. Une nouvelle boule de foudre explosa juste devant le réceptionniste au moment où il remballait finalement sa bite dans un mouvement de panique, et je m’aperçus en regardant derrière moi que le pauvre malheureux avait été littéralement pétrifié. Kraçou tenta de le sauver en lui propulsant je ne sais quel sortilège destiné vraisemblablement à animer la pierre, mais ce fut finalement un chapeau de cheminée voisin qui reçut l’éclair et parut soudain s’épancher lentement sur le sol.



La théière n’était plus qu’à quelques mètres de nous ; Bazouk avait toujours cet air terrifiant qui l’avait saisi après qu’il eut reçu la foudre.



Il lança un nouvel éclair. Je me jetai sur le côté, esquivant de justesse.



Il lança derechef un nouveau jet de foudre dans ma direction, que j’esquivai encore de justesse. Les filles avaient disparu dans le petit escalier ; je me précipitai après elles au moment où Kraçou envoyait toute une flopée d’éclairs plus ou moins dans la direction de Bazouk qui riait toujours en les regardant le frôler. J’attrapai la bouteille de Mister Bigleux et me ruai dans l’escalier, mais mon génie adoptif se débattit dans son flacon et m’échappa, visiblement déterminé à en découdre avec son collègue.


Dévalant les marches quatre à quatre, je tentais de réfléchir à toute allure. Les deux génies nous suivaient, illuminant l’escalier, quelques mètres au-dessus de moi, à grands coups de boules de foudre et d’invectives. Hors d’haleine, je descendis jusqu’à l’étage de notre suite et m’y précipitai ; les filles aussi s’y étaient réfugiées. Elles paraissaient aussi désemparées que moi.



Nous armant chacun d’un sac de cinq kilos de sel, nous nous postâmes juste derrière la porte d’entrée de la suite, prêt à en balancer à plein régime sur la théière de Bazouk quand il entrerait. Nous attendîmes, le cœur battant. Une minute s’écoula, puis une autre.



Je lui lançai un regard impuissant, puis ouvris doucement la porte. Et elle vola soudain en éclats dans une explosion assourdissante, me projetant à quelques mètres, à moitié sonné. Les filles se crispèrent encore, sur leurs gardes, prêtes à balancer toutes leurs munitions. Un jet de foudre surgit du couloir, m’atteignant de plein fouet alors que je tentais de me redresser, et je fus immédiatement paralysé, ne pouvant plus que respirer. Et voir. Je vis la théière de Bazouk s’avancer lentement dans la suite ; je vis les filles lui lancer du sel en hurlant ; je le vis s’immobiliser. Quelques fractions de seconde. Avant de finalement rire aux éclats.



Il tourna vers Estelle son regard terrifiant ; la jeune femme recula en chancelant, apeurée.



Il se retourna soudain vers elle et lui projeta un éclair qui la paralysa à son tour. Estelle reculait toujours et disparut derrière un fauteuil, mais un nouveau jet de foudre réduisit celui-ci en miettes et la blondinette se retrouva agenouillée sans défense face à la créature qui s’avançait lentement vers elle avec son rictus diabolique.



Je retrouvai un soupçon de confiance ; c’était Kraçou qui venait d’entrer à son tour. Il avait l’air épuisé, et le goulot de sa bouteille était fendu.



Un éclair fusa des mains du bigleux plus ou moins dans la direction de Bazouk, mais frôla celui-ci et atteignit Estelle qui poussa un long hurlement en se liquéfiant littéralement peu à peu.



Dans sa panique, il lança une flopée d’éclairs pour tenter d’annuler le sortilège précédent ; aucun n’atteignit jamais Estelle, mais j’en reçus un en pleine tête et pus de nouveau me mouvoir. Aussi vite que possible, je me relevai en me saisissant du dernier paquet de sel à moitié vide qui avait volé avec moi dans la pièce. Un autre éclair me manqua de peu tandis que je m’enfuyais en courant vers la salle de bains.



Les paroles de mon génie m’étaient revenues en mémoire : « L’eau salée, c’est encore pire que le sel ! » Je remplis en hâte au robinet le sac de sel ; ça fuyait à moitié tandis que je secouais pour mélanger ; je devais vite tenter ma chance. Entrouvrant la porte, je glissai un œil vers la salle où les deux créatures magiques étaient en train de s’abreuver d’éclairs de toutes sortes. De la lave en fusion semblait couler sur Kraçou tandis que la théière de Bazouk était propulsée à tout va dans la pièce, envoyant son propriétaire valdinguer brutalement contre les murs. Mais cela ne paraissait pas leur faire grand-chose, ni à l’un ni à l’autre. Profitant d’une très légère accalmie, je courus jusqu’à mon génie et au moment où il leva les bras vers moi pour lancer un nouveau sortilège, je me jetai en avant en projetant sur son corps et sa théière les trois ou quatre ultimes litres de mon mélange d’eau salée. Il hoqueta bizarrement tandis que je m’écroulais juste devant lui, et resta un moment désemparé.



Et le génie de la vieille Kalima se concentra un très court instant, puis ferma les yeux et se prépara à lancer un sort sur Bazouk. Mais celui-ci se reprit quelque peu et projeta un éclair de foudre au moment précis où Kraçou jetait le sien. Il y eut comme une incroyable explosion : une détonation fracassante et une lueur aveuglante. Et quand je rouvris les paupières, les deux génies avaient disparu, et devant moi, la théière tournoyait sur elle-même tandis que la bouteille roulait vers un coin de la pièce.


Je me relevai péniblement ; mes yeux me brûlaient et j’avais l’impression d’être devenu sourd. Aurélie était toujours comme pétrifiée, mais respirait calmement. Je courus jusqu’à Estelle. Enfin… ce qu’était devenue Estelle. Une sorte de bouillie parcourue d’énormes bulles qui tentait de ramper vaguement sur le sol ; c’était écœurant. Abandonnant momentanément cette espèce de blob avant de lui dégueuler dessus, je me précipitai pour ramasser la bouteille qui hébergeait Kraçou. Lui seul pouvait défaire les sortilèges qui affectaient mes compagnes. Je caressai doucement la demeure du génie. Mais celui-ci ne sortit pas. Mon ventre se noua soudain. Deuxième essai, pas plus de réussite. Merde !



Et remerde ! La voix provenait d’un mégaphone, au-dehors. L’électricité se coupa soudain. Évidemment, les sbires de l’hôtel avaient vite dû voir d’où venait le barouf. Mais c’était vraiment pas le moment ! Je jetai un œil par la fenêtre. Effectivement, le bâtiment était cerné, c’était le moins que l’on pouvait dire : des nuées de soldats en arme, des chars d’assaut, des rampes de missile, plusieurs hélicoptères… Pffff ! Et tiens… il ne neigeait plus, et il n’y avait plus de soleil non plus ; juste de gros nuages sombres et une pluie fine. À force de jouer avec la météo, les deux guignols avaient dû bien détraquer le temps. Ça m’aurait presque arrangé, d’ailleurs, un bon orage. Mais pour l’instant, je devais déjà sortir mes compagnes de leur pétrin. Et sans génie, c’était pas gagné.



Je frottai la bouteille de toutes les façons possibles, insistant jusqu’à me faire mal, et je poussai soudain un hurlement de bonheur quand le génie apparut finalement, se matérialisant lentement, difficilement. Il paraissait vraiment à bout et faisait peine à voir.



Il voleta avec peine pour s’approcher de mes compagnes et constata leur triste état.



Je poussai sa bouteille juste devant Aurélie et Kraçou lui envoya un minuscule éclair bleu pâlichon, mais qui suffit à rendre vie à ma compagne qui s’effondra aussitôt dans mes bras en pleurant presque.



Je la serrai contre moi un court instant, tandis que le génie épuisé s’approchait à présent de la gélatine rampante. Et de nouveau, le minuscule éclair qu’il produisit à dix centimètres du blob suffit à annuler le maléfice. Mais c’en fut trop pour le pauvre Kraçou qui disparut, comme aspiré au fond de sa bouteille. La bouillie rosâtre s’agglutina rapidement pour reformer sous nos yeux soulagés le corps d’Estelle. Celle-ci, agenouillée, nous fixait d’un regard vide en répétant :



Aurélie se précipita pour la prendre dans ses bras et tenter de la rassurer. Et moi je courus encore jusqu’à la fenêtre : la situation n’avait pas évolué d’un poil : la moitié de l’US Army cernait toujours l’hôtel, et des soldats devaient être en train de l’explorer. Mais ce n’était pas ça qui m’intéressait : je levai les yeux vers le ciel, de plus en plus sombre ; un orage se préparait, c’était certain. C’était l’occasion rêvée de tenter de foudroyer de nouveau Bazouk. Et quoi de mieux que le toit d’un immense building pour essayer ça ? Mais des hélicoptères faisaient des rondes au-dessus de nous… N’importe ! Je devais y aller. Je ramassai la théière.



Je sortis sans avoir répondu. Douze étages à monter avant d’attraper la porte de service qui conduisait tout en haut de l’immeuble… une bonne petite promenade de santé. Et j’espérais ne pas croiser de GI. Mais je n’étais pas tout seul dans la cage d’escalier ; l’annonce spectaculaire du colonel Mac Douglas n’avait pas eu l’effet escompté : les clients de l’hôtel paniquaient et se ruaient en masse vers le rez-de-chaussée, craignant sans doute une attaque terroriste. Mais surtout, ils gênaient ma progression ; tous descendaient alors que je montais.



Ça marcha assez bien ; les braves touristes hurlèrent de toutes leurs forces mais s’écartèrent effectivement à mon approche, me permettant de braver plus rapidement le flot de panique. Je montai quatre à quatre, épuisé, braillant ma fausse alerte à la bombe dès qu’une troupe de péquins se radinait. Mais plus j’approchais des derniers étages et moins j’en croisais. Et plus je m’essoufflais, aussi.


La seule lumière arrivait de l’extérieur à travers de petites fenêtres, mais il faisait bien de plus en plus sombre ; des nuages noirs s’amoncelaient. Plus que deux étages ; je continuai, hors d’haleine. La lueur d’un éclair brilla presque en même temps qu’un formidable coup de tonnerre retentit. La foudre n’avait pas dû tomber loin. Je parvins enfin au dernier étage, éreinté, et courus encore jusqu’à la petite porte qui menait sur le toit du bâtiment. Encore quelques marches et je poussai l’ultime sas.


Au-dehors, c’était apocalyptique : des bourrasques violentes balayaient en tous sens la pluie cinglante des nuages noirs étonnamment bas, tandis que le ciel était zébré d’éclairs. À une centaine de mètres devant moi, un hélicoptère tentait désespérément de se maintenir immobile. La voix de l’amiral Mac Douglas me parvint encore vaguement.



Je me marrai quand même nerveusement. Mais une monstrueuse détonation me fit chuter en arrière en même temps qu’un éclair parut sortir du ciel pour aller frapper le toit, pas très loin de moi. À moitié sonné, je me relevai péniblement, rattrapant la théière qui m’avait échappé. La foudre était tombée sur le bâtiment ; elle toucha un autre building, plus loin, puis encore un troisième. Et le vent soufflait toujours plus fort. L’hélicoptère fut emporté par une nouvelle rafale. Une ou deux minutes, réfléchissant, je parcourus du regard la plateforme du toit de l’immeuble, cherchant à savoir où déposer la demeure de Bazouk. Il y avait peu de chances que la foudre tombe précisément sur lui. À moins que… peut-être que si je le faisais apparaître…


Mais une nouvelle explosion me projeta encore en arrière dans un grondement fracassant. De nouveau, la foudre avait frappé l’hôtel. Je me relevai, groggy mais indemne. On aurait dit qu’elle était tombée au même endroit que précédemment. Mais bien sûr ! il devait y avoir un immense paratonnerre. Quittant le maigre abri que m’offrait le sas, je m’avançai sur la plateforme, luttant contre les trombes d’eau et de vent tourbillonnants. Et j’aperçus bientôt une longue et épaisse barre métallique qui dépassait du toit d’une quinzaine de mètres. Pas complètement convaincu que ce fût une bonne idée de m’approcher de ce truc-là pendant un orage, je reculai vers mon abri pour attendre le prochain éclair, déterminé à compter ensuite sur la faible probabilité qu’il y en ait deux coup sur coup…


Et quand je fus de nouveau à demi projeté en arrière dans une déflagration gigantesque, je me ruai aussi vite que possible vers le paratonnerre, tout en détachant ma ceinture : j’allais la passer dans l’anse de la théière de Bazouk et la nouer autour de la barre métallique, et puis je réveillerais mon génie. Il n’y avait plus qu’à espérer que la foudre ne me dégomme pas pendant que je faisais tout ça.


Le cœur battant, je fis un rapide nœud à deux mètres du sol autour du métal brûlant, enserrant la théière, sur laquelle je déposai en hâte les quelques caresses destinées à faire sortir l’animal. Celui-ci apparut et sembla se demander où il était ; je battis en retraite à toute allure.



En plus de la foudre ordinaire, je risquais désormais de me prendre un éclair de Bazouk !



Je continuai de courir. Il y eut un éclat bleuté derrière moi. Il s’était sans doute libéré.



Il ne finit pas sa phrase ; dans un vacarme abominable, la foudre s’abattit une fois encore sur l’hôtel. Je tombai en avant, mais me retournai immédiatement, plissant les paupières, cherchant à travers la pluie ce qu’il était advenu de Bazouk.



Je levai les yeux, effondré, anéanti ; il était là, quelques mètres plus haut, voletant.



Il s’approcha de moi. Je ne me relevai même pas. Tout avait échoué. Je n’avais plus de force, ni le moindre courage.



Non ! Les accents de sa voix n’étaient plus les mêmes ! Un soupçon d’espoir me reprit.



Il regarda autour de lui en fronçant les yeux.



Un éclair frappa encore une fois le bâtiment, faisant sursauter Bazouk, qui prit un air affolé pour me commenter la situation :



Je soupirai profondément de la satisfaction de le retrouver. Mais tout n’était pas réglé pour autant.



À cause du vent et de la pluie, nous étions presque obligés de hurler pour nous entendre



Il se concentra un court instant et produisit une explosion et une sorte d’anneau lumineux qui s’éloigna à toute allure de son corps. Et la tempête, le vent, la pluie, les gros nuages noirs, disparurent soudain pour laisser la place à un épais brouillard grisâtre qui nous empêchait de voir à plus de cinq mètres.



Et hop ! Il rebalança en hâte un gros anneau de foudre, et le brouillard s’évanouit pour laisser place à un soleil radieux brillant dans un ciel bleu sans le moindre nuage.



Il clignota un quart de seconde mais parut soudain perplexe :



Comme en réponse, des vrombissements nous parvinrent, sans doute les hélicoptères qui pouvaient de nouveau décoller.



Soudainement alarmé, je me jetai à terre tandis que Bazouk s’élevait dans les airs.



Des tirs de mitraillettes lui répondirent ; des balles le traversèrent même.



Et une flopée d’éclairs bleutés sortirent bientôt de ses doigts, irradiant vers le sol dans toutes les directions tout autour de l’hôtel. De nouveaux tirs fusèrent de partout, mais sans le moindre effet sur Bazouk qui continuait bravement d’apaiser l’un après l’autre tous les soldats. Un missile sol-air nous frôla soudain et je commençai à flipper sérieusement et entrepris de ramper jusqu’à la porte qui menait vers l’intérieur de l’hôtel. Mais mon bon génie ne s’arrêtait pas, visant même les types qu’on apercevait à bord des hélicoptères.



Il finit par me rejoindre alors que j’avais descendu une quinzaine de marches. J’espérais surtout ne pas croiser trop de soldats dans les escaliers. En même temps, se taper les cinquante étages à pied leur aurait sans doute pris quelques bonnes minutes.



Je reçus un bel éclair bleuté indolore et sentis une fois de plus que je me transformais, et j’eus bientôt tout à la fois un joli corps de femme et une longue barbe épaisse. Bazouk s’agaça :



Il s’exécuta, après s’être savamment concentré quelques secondes.



Il obtempéra et sembla soudain aspiré par le bas. C’était pratique, finalement, cette formule que nous avait apprise la vieille Kalima. J’attrapai la théière et repris tranquillement ma descente vers les étages inférieurs. Je croisai très vite des escouades venues sans doute sécuriser l’hôtel, mais l’ensemble avait l’air plutôt désorganisé, et le joli minois et les gros seins que m’avait faits Bazouk ne les inquiétèrent pas outre mesure, pas plus que le fait que je me trimbale avec une théière dorée à la main. Dès que je tombais sur un groupe de militaires, il me suffisait de m’affubler d’un air apeuré en désignant les étages supérieurs et en criant :



Et hop ! Tous les soldats montaient au pas de course.


Prenant la direction de la piaule que nous avions louée et où j’avais demandé aux filles de m’attendre, je m’immobilisai à quelques pas de la porte qui avait volé en éclats lors de l’assaut de Bazouk. Deux militaires surveillaient la suite, et d’autres semblaient enquêter à l’intérieur.



Et en m’éloignant gentiment, je les entendis chuchoter :



Bon… j’espérais que les filles n’avaient pas été « capturées » et qu’elles s’étaient simplement tirées avant que les troufions débarquent. Ignorant les consignes des sympathiques plantons, je descendis tranquillement à pied les trente-sept étages qui me séparaient du rez-de-chaussée, rejoignant peu à peu une foule considérable qui essayait toujours d’évacuer l’immense hôtel malgré les recommandations du contre-amiral Mac Douglas.


Mais je sortis finalement sans encombre du hall ; sur le parvis avait étonnamment lieu une partouze géante qui paraissait impliquer plusieurs centaines de militaires, ainsi que quelques civils. Sans doute le résultat des apaisements de Bazouk… M’écartant de la foule des soldats qui tentaient de maîtriser leurs collègues en rut dans un brouhaha énorme mâtiné de mégaphones hurlants, et de celle des badauds et des journalistes qui se délectaient du spectacle, je me mis activement à la recherche d’Aurélie et Estelle. Mais il y avait là au bas mot dix ou quinze mille personnes et j’eus rapidement l’impression qu’elles étaient deux aiguilles dans une immense botte de foin. Et elles-mêmes ne pourraient pas me trouver, ne s’attendant probablement pas à devoir chercher une femme. Mais étaient-elles seulement bien là ? N’avaient-elles pas été emmenées ?


Au bout d’un quart d’heure à zyeuter désespérément partout, je me résolus à m’approcher d’un groupe de quatre policiers qui avaient l’air de ne pas trop savoir quoi faire. Je leur bobardai que j’étais une touriste française en vacances à Vegas et que mes deux copines et moi avions été séparées lorsque nous avions quitté l’hôtel en hâte. À force de battre des cils et de bomber le torse, je parvins à obtenir qu’ils fassent une annonce au mégaphone.



Je doutai que ça suffise. Ouvrant grand mon décolleté et passant ma langue sur mes lèvres tout en feignant la détresse, je les suppliai de me laisser faire une annonce dans notre langue natale. Ils acceptèrent après que je leur eus promis que mes amies et moi ferions tout ce qu’ils voudraient sitôt qu’on se serait retrouvées. Je fus autorisée à m’approcher du porte-voix électronique et toussotai avant d’y hurler de toutes mes forces en français :



Je reposai l’engin et remerciai les flics d’un petit bisou. Et j’attendis. Au bout de trois ou quatre minutes, j’aperçus enfin la longue chevelure blonde d’Estelle et Aurélie marchait à côté d’elle ; les deux jeunes femmes scrutaient soigneusement la foule autour d’elles.



Elles se jetèrent dans mes bras et on s’embrassa, se roulant des pelles sous les yeux médusés des quatre flics, qui, ne pouvant se permettre grand-chose (comme ils étaient en service), insistèrent quand même pour prendre au moins une photo.




***





On avait rejoint notre petite île, sans encombre, et on était tranquillement assis, tous les trois, sur le canapé, savourant un apéritif en regardant les infos à la télé. Et Bazouk flottait à côté de nous, captivé par les informations. Nous l’avions ressorti, une fois revenus chez nous, pour qu’il nous rende nos apparences originelles, ce qui n’avait pas été sans mal. Et nous avions entrepris de lui raconter toute l’histoire de son pétage de plombs et de ses exploits à la chaîne. Mais il n’avait pas vraiment réalisé l’ampleur du truc avant de voir les images à la télé et d’entendre les commentaires dramatisants des journalistes en mal de conneries à conter.



Aurélie m’embrassa, tendrement. Estelle se serra contre nous et posa une main entre mes cuisses. Et Joan Gillespie terminait son reportage :



La télé nous montra à cet instant l’image d’un énorme bonhomme avec une bite sur le nez.



Bazouk se renfrogna un instant avant de me reprendre :



Je soupirai.



Je me servis un autre apéro tandis que les deux jeunes femmes entamaient auprès de Bazouk la description de la créature de leurs fantasmes. Bah… Kalima, Johnny et les hommes des cavernes attendraient bien quelques jours de plus…