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Temps de lecture estimé : 25 mn
10/09/11
Résumé:  Des Bahamas au plein cœur d'Haïti, à la recherche d'une aide contre Bazouk...
Critères:  fh bizarre délire humour aventure sorcelleri -humour -merveille
Auteur : Gufti Shank            Envoi mini-message

Série : Ultimate Bazouk

Chapitre 02 / 03
Sans tort et cent reproches

Résumé de l’épisode 1 : Bazouk est devenu fou et violent après avoir été atteint par la foudre. Il nous a abandonnés, Aurélie et moi, prisonniers sur notre île, et s’est rendu à New York pour frapper la ville de ses maléfices les plus délirants. Estelle nous rejoint finalement, et nous découvrons à la télévision l’ampleur des dégâts qu’il a provoqués.








Bon, retrouver la trace de Bazouk ne serait sans doute pas bien difficile ; par contre, le localiser précisément poserait peut-être davantage de problèmes. Et ensuite, il faudrait encore le maîtriser, et l’obliger à réparer tous ses dégâts, ce qui, vu son état apparent, n’était pas gagné d’avance. D’après les dernières informations internationales, où l’on pouvait découvrir que le Pentagone était désormais rond et rose, ou encore que la Maison-Blanche était prise d’assaut par des hordes de pingouins, il semblait que le génie révolté se trouvait plus au sud que la veille. Les journalistes se répandaient en fumeuses théories de complots ourdis par des puissances occultes ou terroristes, mais indiquaient également que la CIA n’avait pas franchement avancé dans l’identification des phénomènes qui tombaient sur les États-Unis.



Je ne répondis même pas à Estelle. Et je crois qu’Aurélie, même si ça l’avait fait marrer au début de se retrouver dans un corps d’Apollon avec une grosse bite, aspirait somme toute à envisager de regagner sa véritable apparence.



On soupira, tous les trois. On avait l’impression que ça dépassait franchement nos compétences. On ne savait même pas se protéger des sorts de Bazouk.





***





Tu m’étonnes qu’il devait s’en souvenir. Dans sa carrière de bateau-taxi, il avait déjà pas souvent dû prendre des meufs du calibre de notre jolie blondinette, mais en plus des qui l’avaient sucé après lui avoir fait faire une heure de plomberie pour sortir un playboy et une bimbo d’une grande cage, ça limitait sûrement les choix.



D’après Estelle, Peter connaissait du monde, beaucoup de monde, et elle était parvenue à nous convaincre de nous adresser à lui pour chercher de l’aide. Quelqu’un qui aurait été plus ou moins versé dans la magie. Après tout, on n’était pas très loin du pays des vaudous…


Et quelques heures plus tard, après avoir pris un peu de temps pour acheter des fringues et des soutifs — ceux des filles étaient trop petits pour moi —, nous rejoignions le fringant Peter, qui s’était fait beau comme jamais pour nous accueillir, Estelle et moi, dans une sorte de restau sommaire pas très loin du port d’Eleuthera. Il devait avoir ses habitudes dans ce troquet, car lorsqu’on nous vit nous asseoir à sa table, il donna l’impression d’être soudain monté en grade aux yeux des piliers de bar qui traînaient là en ce début d’après-midi. Devant une tournée d’imitations plus ou moins réussies de piñas coladas, on entama la conversation à voix basse.



Mes copines n’osaient pas y aller franchement, sans doute par peur qu’il se mette à ne plus finir de se bidonner. Mais comme il semblait que j’avais vraiment une sérieuse touche avec le pilote-plombier, je n’hésitai effectivement pas :



Il y eut un silence.



Mon style oral anglais soutenu laissant pantois mon interlocuteur, Estelle lui répéta posément et sans doute bien plus clairement.



Mais ça le laissa tout aussi sceptique. Je soupirai ; ça m’en coûtait, mais je me mis à lui jouer une grande scène de provocation en lui lançant des œillades appuyées et en le suppliant du bout des lèvres et des seins. Estelle en remit une couche de son côté, et le brave homme se trouva soudain tout ragaillardi :





***




Le lendemain, vers midi, nous atterrissions, livides, à bord d’une épave volante dans une sorte d’aérodrome de campagne près de Port-de-Paix, au nord d’Haïti, après un vol inquiétant de trois cents kilomètres. Le pilote, Alfonso, sans doute aussi vieux que son appareil, était un des nombreux amis de Peter, qui avait accepté de nous emmener, après avoir longuement hésité en matant ma poitrine, mon cul, et mes dollars. On s’était serrés tous dans le cockpit, juste derrière le pilote, les filles sur les genoux des garçons. J’avais tiré à la courte paille avec Estelle, mais j’avais perdu, et c’était moi qui avais eu l’honneur de chevaucher Peter, et celui-ci avait passé la moitié du voyage à bander de toutes ses forces en me caressant les seins à tout va. Mais pendant la deuxième moitié, il s’était détendu radicalement car je lui avais gerbé dessus. Ainsi que sur le pilote, qui faisait pourtant des efforts démesurés pour tenir à peu près droit le véhicule qu’on avait quand même décidé d’appeler un avion.


Après que je me fus confondu en excuses auprès de tout le monde et que quelques autres billets eurent calmé la crise de nerfs d’Alfonso et suffi à offrir un nouveau costume aussi ridicule que le précédent à Peter, celui-ci nous fit louer une sorte de voiture dont il choisit de prendre les commandes après m’avoir fourni par précaution plusieurs sacs en plastique.



Comme je n’étais pas sûr d’avoir tout bien compris, je questionnai des yeux Estelle qui se fit expliquer qu’un hougan était un prêtre vaudou et que Sambo était le meilleur que connaissait Peter. En fait, plus exactement, c’était le seul, mais ce n’était pas grave, il était quand même parmi les tout meilleurs, c’était lui-même qui l’avait dit à notre guide.


Ben on n’était pas au bout de nos peines ! Pendant l’heure et demie de voyage cabossé, Aurélie réussit à capter une radio dans un patois plus ou moins français imbibé de créole. Mais ça faisait du bien d’entendre quand même à nouveau notre langue (enfin, un truc qui s’en rapprochait un peu). Et ça faisait aussi du bien d’écouter les nouvelles fraîches en provenance des États-Unis : la police de la ville de Charlotte était débordée par des milliers de manifestantes qui défilaient et copulaient nues dans les rues et les lieux publics. Il y avait encore sans doute du Bazouk là-dessous…




***





Je m’étais sans doute attendu à trouver un vieux type louche bardé de grigris inquiétants, mais Sambo était un homme d’une quarantaine d’années qui avait l’air sympa (même s’il matait un peu trop mes seins à mon goût). Mais malgré tout, ça me gênait de lui dire la vérité crue ou même de commencer à parler de Bazouk.



Je le regardai avec un brin de déception, mais me repris aussitôt en battant des cils et en gonflant le torse.





***




Et hop ! C’était reparti pour un nouveau tour de fête foraine dans la guimbarde que dirigeait toujours un peu rudement Peter. Celui-ci semblait avoir pris fait et cause pour notre quête, et son amabilité, sa disponibilité, son optimisme, sa résolution, nous touchaient tous les trois.


On commençait à être serrés à l’arrière de la pauvre petite bagnole, mais Aurélie paraissait ravi(e) de se retrouver entre Estelle et moi, cédant sa place du mort au hougan qui conseillait notre pilote sur les chemins à emprunter. Celui-ci jetait parfois un œil inquiet dans l’espèce de miroir qui jouait le rôle de rétroviseur pour s’assurer qu’Aurélie n’était pas en train de se nous taper toutes les deux… Mais le voyage, bien que sur des routes toujours plus « cahotiques », ne fut pas très long et Sambo nous arrêta bientôt devant une bicoque ruineuse à moitié sordide où s’entassaient plusieurs autres bagnoles à côté desquelles la nôtre faisait grand luxe.





***




Effectivement, il nous fallut de la patience. On poireauta presque trois heures dans une espèce de cuisine où les quinze autres personnes qui attendaient en permanence taillaient à gogo des bavettes en créole. Sambo fut reconnu par de nombreux patients et se mit à papoter prêchi-prêcha ; Aurélie fut entreprise par une énorme mama qui trouvait sans doute son anatomie athlétique très à son goût ; et Peter, comme il se faisait chier et ne comprenait que dalle ni au français ni au créole, nous fit la conversation, à Estelle et moi, à tour de rôle. Il était vraiment très sympa, finalement. Et de plus en plus, je sentais mon corps de femme irrémédiablement attiré par son charisme. J’étais entre ses bras, sur le point de m’abandonner à ses avances pressantes, lorsque la petite vieille toute rabougrie qui servait apparemment de secrétaire vint nous chercher, non sans avoir lancé à Peter des regards réprobateurs.



Nous suivîmes la mémé dans un couloir parfaitement obscur ; elle frappa bientôt contre une porte en balbutiant un truc en patois. Ça allait être coton si nous devions communiquer en créole… Il y eut une réponse, de l’intérieur, et la secrétaire nous ouvrit. Une puissante odeur d’encens ou de camphre nous assaillit. On entra, prudemment. Au milieu d’une montagne de bougies trônait une nana toute maigre encore plus vieille que l’autre, avec des cheveux blancs épars, au teint blafard malgré sa peau sombre.



J’avais chuchoté, mais j’eus l’impression que ma voix résonnait, bruyante. Kalima — puisque ce devait être elle — tourna vers moi son visage. J’aperçus soudain ses yeux blancs laiteux, probablement parfaitement aveugles.



Elle était cinglée, ou quoi ?



Mais ça affola encore la vieille, qui se mit à la chercher aussi du regard.



Je tendis ma main pour toucher la sienne ; elle poussa soudain un bref hurlement, puis se reprit :



On la regardait, tous les quatre, scotchés. Même Peter, alors qu’il comprenait rien. Kalima palpa un à un nos quatre visages, puis retourna s’asseoir à tâtons.



C’était incroyable ! Elle avait visiblement percuté que je n’étais pas vraiment une femme et Aurélie pas vraiment un homme…



Ah merde ! Il n’y avait donc que Bazouk qui pourrait annuler ça ?



Ben c’était bien la première fois qu’on me parlait de Bazouk en ces termes…



J’hésitai un court instant avant de répondre, mais me résolus à y aller franco. Il y avait sans doute peu de choses à même de déstabiliser notre interlocutrice.



Là, quand même, elle était scotchée.



Elle dodelina un instant la tête, apparemment perplexe.



Ben oui. Merci bien. On venait de faire mille bornes pour découvrir ça ?



Elle acquiesça, sans toutefois paraître bien sûre d’elle. On la regardait pesamment, déconcertés. Elle reprit d’une voix miséricordieuse :



Ah…



Et dès lors, la vieille s’enferma dans une sorte de mutisme ; on devinait qu’elle réfléchissait de toutes ses forces. Quand on commença à trouver le temps long, Estelle toussota plus ou moins discrètement.



À deux à l’heure, elle se dirigea vers le fond de son antre, derrière son tas de bougies, pour aller farfouiller un moment dans une étagère de bibelots. Quelques secondes plus tard, elle revint s’asseoir face à nous en se marrant, avec à la main une bouteille de pinard. Elle la caressa à deux reprises et sous nos yeux ébahis — et ceux parfaitement stupéfiés de Peter — un génie en sortit dans des volutes de fumée grise et bleue.



Il était presque en tout point semblable à Bazouk, pareillement évanescent, d’une même couleur bleutée, paraissant s’épancher de la bouteille et se matérialiser pour former un homme de petite taille, enturbanné, au torse nu. Mais légèrement moins « bedonnant » que le nôtre, et son visage était quelque peu différent, moins jovial, moins allègre.



Je m’aperçus soudain qu’il louchait.



À côté de moi, Aurélie et Estelle faisaient une drôle de tronche, et Peter était carrément sens dessus dessous. Quant à moi, je découvrais avec tout de même un brin de stupeur l’existence d’autres créatures de l’engeance de Bazouk.



Et hop ! Celui-ci disparut, sous les yeux stupéfaits d’Aurélie.



Je l’observai avec appréhension, mais elle ne s’étendit pas. Elle refusa les billets verts que je lui tendis et nous recommanda d’en faire don à des habitants du village voisin. Et nous prîmes congé non sans l’avoir remerciée de toutes nos forces.




***




Sans avoir la taille et la vigueur de celle d’Aurélie, la bite de Peter était tout à fait respectable ; il ne résista pas longtemps à l’envie de me la montrer dans la chambre d’hôtel que nous avions prise à Port-au-Prince. Il s’était fait de plus en plus pressant à mon égard, et mon corps de femme le désirait toujours plus. Et puis, de voir Aurélie troncher Estelle à quelques mètres avait achevé de nous exciter, lui et moi. On baisa donc tous les quatre dans la grande suite, et la jolie blonde me convainquit même d’essayer la double pénétration après avoir elle-même savouré les queues de nos deux athlètes.


Notre avion pour Miami ne décollait que dans la matinée du lendemain, et les trois heures de route sur les chemins misérables de l’île et sous la conduite nerveuse de Peter nous avaient parfaitement épuisés. Notre chauffeur semblait résolu à nous accompagner jusqu’au bout de notre « mission » : localiser Bazouk, le maîtriser avec l’aide de Kraçou, et le foudroyer jusqu’à ce qu’il retrouve sa bonhomie coutumière.


Mais tout épuisé que je fusse, je n’arrivais pas à m’endormir ; sans doute ressassais-je trop. Même après m’être masturbé(e) un grand coup, je ne succombai pas à la fatigue, alors que les trois autres ronflaient à tout va autour de moi. Je finis par me relever, nu(e), pour boire un litre d’eau, et avisant la bouteille que nous avait confiée la vieille Kalima, je fus soudain pris de l’envie de faire apparaître le génie.



J’avais beau m’être habitué à Bazouk, j’étais toujours quelque peu impressionné. Mais Kraçou avait quand même une allure bizarre : il louchait comme personne. Quand il me regardait, j’avais l’impression que ses yeux exploraient tous les autres coins de la pièce.



Même si j’avais savouré les assauts d’Aurélie et Peter, même si j’avais joui en hurlant, même si ça m’éclatait de me caresser, j’étais plutôt nostalgique de mon enveloppe charnelle habituelle, et mon esprit se trouvait mal à l’aise, tiraillé entre sa mémoire et les pulsions que lui envoyait ce corps de femme.



Il lança un éclair, qui passa à deux mètres de moi pour aller frapper le lit où dormait paisiblement Peter. Celui-ci fut littéralement catapulté en l’air, hurlant. Pendant qu’il se remettait plus ou moins, j’observais le plumard, m’attendant presque à ce qu’il prenne vie.



Et hop ! Il rebalança un gros jet de foudre qui s’écarta cette fois de l’autre côté et manqua de peu Estelle, que l’agitation commençait toutefois à éveiller.



Il ne répondit rien mais produisit un troisième éclair et m’atteignit enfin. Et je sentis que mon corps se transformait de nouveau, mon bassin et le bas de mon dos semblaient comme écartés, tiraillés.



Mon hurlement de surprise et de douleur se mêla à celui d’horreur de Peter et à ceux de stupeur d’Estelle et Aurélie qui ouvraient enfin les yeux. Cela n’avait duré qu’à peine une seconde, mais je sentais déjà qu’il y avait quelque chose d’anormal. Je me penchai pour découvrir mon nouveau corps et le parcourus de mes deux mains. J’avais toujours les épaules et la taille fines, une grosse poitrine, des hanches larges… mais à partir de là, tout se compliquait : à la place de mon cul, il y avait mon dos qui se prolongeait, vers l’arrière, pour finir un mètre plus loin par une belle paire de fesses surmontant deux autres jambes.



Ah merde ! Je me démenai pour apercevoir mon arrière-train et touchai le bout de mon corps en tendant le bras. Et toutes mes quatre jambes bougeaient en même temps que je me déhanchais. Et tiens, j’avais même une bite, une grosse bite, au beau milieu de mes deux jambes arrière…



Mais ça ne faisait pas rire Peter, qui se frottait les yeux en invoquant je ne sais quel dieu. Le bon génie Kraçou non plus, nie riait pas, surtout peut-être en voyant ma tronche.



En me visant comme il pouvait avec ses yeux de traviole, il me lança encore un autre éclair qui partit droit sur Peter. Celui-ci hurla et tomba soudain sur le sol. Le sortilège de la créature l’avait privé de ses deux jambes.



Mais bien au contraire, on commençait à s’en faire pour de vrai. Deux nouveaux éclairs fusèrent, nous ratant de peu. Estelle se précipita derrière un lit, à l’abri, et Aurélie courut de l’autre côté du furieux dans sa bouteille, qui s’énervait de plus en plus.



Esquivant de justesse un jet de foudre sans doute destiné à rajouter une paire de jambes à Peter (et ne souhaitant pas écoper d’une troisième), je me ruai à mon tour hors de portée de l’affreux lanceur de sorts en criant :



Celui-ci parut me chercher un instant de ses yeux multidirectionnels, mais s’exécuta finalement. Aurélie et Estelle sortirent de leur cachette en soupirant. Peter hurlait toujours, de rage, de dépit, d’affolement, d’inquiétude. Usant de maints stratagèmes, nous essayions de le calmer et lui promettions que tout rentrerait bientôt dans l’ordre, lorsqu’on entendit frapper fort contre la porte de notre suite.



C’était bien le moment… Entre Peter qui s’énervait au bout de son caleçon et moi à poil avec mes quatre jambes, mes gros seins et ma bite… Estelle et Aurélie me lancèrent un regard inquiet. J’attrapai le cul-de-jatte et l’emmenai jusqu’à la salle de bains pendant qu’elles allaient enfiler une fringue pour répondre. J’entendis bientôt un type brailler dans un mélange de créole et de français qu’il était inadmissible qu’on fasse autant de bruit et qu’il exigeait de savoir ce qui se passait. Ma compagne au corps d’athlète tenta de bobarder je ne sais quoi, mais cela ne lui suffit probablement pas car il décida de fouiller lui-même toute la chambre au peigne fin et il débarqua soudain au beau milieu de la salle de bains. Son hurlement fut impressionnant, de même que le son qu’il produisit en s’effondrant évanoui sur le sol…





***




J’avais enfilé en hâte un soutif, un tee-shirt, et deux pantalons, mais qui ne tenaient qu’à moitié, et j’avais encore une bonne partie de mon corps à l’air. On avait emmitouflé Peter dans une sorte de toge et Aurélie l’avait porté jusqu’à la voiture pendant qu’Estelle et moi courions à côté d’eux en trimbalant nos affaires. On ne croisa heureusement personne le temps de parvenir à la bagnole, mais s’y installer ne fut pas la moindre des peines. Je m’y engouffrai en me déhanchant de partout et me laissai choir sur le côté, occupant toute la banquette arrière dans une position extrêmement inconfortable, et Aurélie se démena pour caser encore plus ou moins sur mon dos le demi-corps du pauvre Peter. Elle prit ensuite le volant tandis qu’Estelle dépliait une carte plus ou moins précise de l’île.



C’est assez difficile de décrire la tronche que fit Alfonso lorsqu’il nous vit sortir de la bagnole sur la piste de l’aérodrome de Port-de-Paix. Nous étions parvenus à convaincre Peter de le rappeler pour qu’il nous ramène au moins jusqu’à notre île où nous serions tranquilles pour tenter de ressortir ce génie de Kraçou, et le pilote avait accepté, mais seulement pour le double du prix du voyage aller. Il fallut finalement encore doubler le tarif et une bonne heure de discussion avant qu’il consente à nous reprendre à son bord dans notre état. Je fis de mon mieux pour me retenir de gerber et supporter les contorsions que m’imposait l’étroitesse du cockpit. Peter dormit, le nez entre mes seins et Estelle et Aurélie somnolèrent sur l’une ou l’autre de mes nombreuses cuisses.


Nous atterrîmes tard dans la soirée, et ce n’était pas plus mal. On prit congé d’Alfonso, qui ne cessait de rire nerveusement dès qu’il me regardait, et on ne croisa que peu de monde, heureusement, jusqu’au port ; à chaque fois, mes compagnons se serraient autour de moi pour me cacher au mieux. On se précipita finalement tous les quatre dans la cabine de notre bateau, mettant le cap au plus vite sur notre petite île, même si ça n’amusait pas franchement Aurélie de naviguer de nuit.




***





J’achevai d’ôter les diverses fringues dont je m’étais couvert. Estelle se pencha pour constater mon érection entre mes deux cuisses de derrière. Elle se saisit de ma queue en me caressant les fesses et me branla doucement.



Moi pas vraiment. Ses caresses étaient agréables, mais je crois que c’était plutôt une sorte d’érection réflexe.



C’était Aurélie qui revenait dans le salon. Elle me roula une grosse pelle en refermant ses mains sur ma poitrine.



Peter avait passé sa colère et sa détresse sur un flacon de whisky.



Hébété, je les regardai, l’une après l’autre. Elles souriaient, malicieuses. Les salopes ! Elles étaient tout excitées !



Elle bandait à tout rompre, mais son corps d’Apollon ne me faisait pas plus d’effet que ça, et je crois que j’aspirais surtout à retrouver le mien. Estelle s’était agenouillée sous mon bas-ventre, entre mes quatre jambes, et referma sa bouche sur mon gland gonflé. Je soupirai de plaisir lorsqu’elle fit glisser ses lèvres autour de mon sexe. Aurélie, sa grosse queue tendue vers le plafond, me contourna pour venir me caresser les fesses à son tour.




***





Je jetai un œil en arrière, sur le lit où ronflait bruyamment le demi-Peter, puis reportai toute mon attention sur la demeure de la créature et le fis réapparaître.



Il prit soudain un air bouleversé en feignant de ne se le rappeler que maintenant. Il entreprit de lever les mains pour me désortilègifier.



Il se tourna pour contempler le corps de Peter que je lui désignais.



Il me regarda (enfin, je me dis qu’il me regardait, car il tourna sa tête vers moi, mais ses yeux partaient à droite à gauche) et fit celui qui ne comprenait pas.



Je lui lançai un regard étonné.



Que pouvais-je répondre à cela ?



Kraçou prit un air vaguement indigné.



Je pris garde de bien fermer la porte derrière mes quatre pattes, et écoutai soigneusement. Un soupir, puis un jet de foudre, suivi d’un juron étouffé, et d’un second puis un troisième éclair, et enfin une sorte de cri de victoire. Précautionneusement, je rentrai, et fus soulagé de découvrir le génie contempler d’un air satisfait les jambes apparemment normales de Peter.



Kraçou dut croire que je me moquais de lui car il me jeta un nouveau regard indigné de ses yeux en carafe. Je vérifiai en tâtant vaguement le corps visiblement entier de l’homme qui cuvait toujours.



Il se renfrogna mais abaissa ses paluches.



Nous rejoignîmes le salon où Estelle et Aurélie comataient encore. Je les avais épuisées l’une après l’autre. La jolie blonde était affalée sur un canapé, nue, les bras en croix, avec du sperme partout sur le visage ; respirant lentement, elle fixait le plafond d’un air béat. Et étendu par terre un peu plus loin, le corps d’athlète d’Aurélie paraissait inerte, sa grosse queue ramollie courbée sur le haut de sa cuisse ; elle semblait dormir.



Elle vint m’embrasser chaleureusement, puis ramassa ses fringues et s’éloigna vers la salle de bains.




***




Profitant de la présence d’Aurélie pour temporiser ou reformuler mes propos, je mis Kraçou au courant de la folie qui s’était emparée de Bazouk et de l’aide que nous attendions de lui pour parvenir à le maîtriser. Le génie louchant nous confirma que la foudre pouvait avoir des effets pour le moins inattendus sur ses congénères, et que la même foudre pouvait aussi tout faire rentrer dans l’ordre.



Il s’indigna, pour la forme, mais répondit rapidement :



On se regarda, Aurélie et moi, en écarquillant les yeux. C’était pas gagné…




***





Estelle me lança un regard mi-amusé mi-désolé, mais Aurélie était concentrée sur les informations télévisées. On nous annonçait un chaos sans précédent à Las Vegas. Cela avait commencé par une tempête de neige qui avait soudain recouvert le sable brûlant du désert environnant, et puis toutes les machines à sous des casinos avaient été remplacées par de grandes théières, avant que des hommes des cavernes, armés de massues, n’envahissent soudain la ville entière. Toutes les forces spéciales déléguées sur place par le vice-président (qui avait pris en urgence la relève du président indisposé par les ailes qui lui avaient poussé dans le dos) essayaient de maintenir un semblant d’ordre et de traquer la cause des maux. On commençait à parler de magie occulte et d’un puissant sorcier.



C’était Peter qui venait de se lever et débarquait dans le salon en se massant la tête. Je m’assis en hâte derrière un canapé en repliant mes jambes arrière pour tenter de paraître le plus normal possible.



Il se frotta les yeux en m’observant avec effroi.



Aurélie soupira en reportant toute son attention sur les news de la téloche. Estelle me regarda d’un air interrogatif ; je haussai les épaules ; elle se leva pour courir après Peter.



Estelle revint, désemparée.



Devant nos yeux curieux, elle ajouta :



Elle éteignit la télé et tourna vers moi un regard salace. Je soupirai.






(À suivre…)