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n° 14595Fiche technique19752 caractères19752
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Temps de lecture estimé : 14 mn
02/10/11
corrigé 12/06/21
Résumé:  Sur l'ordre de son maître, Jean est convié à relater par écrit, le début de leur histoire. Mais le personnage décide de tromper son attente en lui narrant ses débuts au service militaire et sa rencontre avec une prostituée.
Critères:  #humour #initiation fh hh hplusag prost forêt hsoumis cérébral revede
Auteur : Alexina      Envoi mini-message

Série : Minordome

Chapitre 02
Bidasse en croisière

MINORDOME – 2 –



Résumé de l’épisode un : Récit de la première journée de Jean sous les ordres de son maître, Jacques, durant laquelle il a dû subir un châtiment à cause des fautes qu’il a commises en tapant des articles pour un journal. À la suite de cette « fouettée », il se fait vigoureusement sodomiser.




Bidasse en croisière



Mardi 4 juillet


Debout à 6 heures ! J’ai vu le soleil se lever à travers la vitre de la cuisine : une éclaboussure de sang sur les murs de la pièce… Petit déjeuner, première cigarette du matin, comme une première gorgée de bière… première gorgée de fumée, la meilleure, qu’on avale comme un premier jet de sperme (quand on aime !). Purge et douche.


7 heures : je monte le plateau du petit déjeuner à Jacques. Il me remercie, me demande de lui remonter l’oreiller pour être à l’aise. Je m’apprête à le laisser.



En fait de parlotte, il avale ses tartines beurrées, confiturées, son verre de jus d’orange et son café bien fort. Agenouillé au pied du lit, jambes écartées, mains croisées dans le dos, je l’observe. Son visage halé a une certaine beauté : des traits réguliers, virils, un nez petit et épaté, une bouche aux lèvres moelleuses. Mais ce sont ses yeux, surtout, qui exercent sur moi une certaine fascination. Frangés de petites rides, surmontés de sourcils en broussaille grise et noire, ils ont une teinte bleue très pâle qui parfois confine au gris. Une teinte qui inspire le respect – voire la peur – lorsqu’elle se fait glaciale. Rien de plus intimidant que son regard qui se fixe sur vous et semble pénétrer au plus profond de vos pensées !

Son crâne est un peu dégarni, il faut le reconnaître, et ce matin, des épis gris sur les côtés lui donnent un petit air clownesque. Je souris.



Il sourit à son tour.



Il lève un sourcil étonné.



Il n’a pas élevé la voix. Son regard s’est juste assombri et témoigne de sa colère retenue… Colère peut-être feinte… presque sûrement, même. Je connais mon Jacques par cœur.



J’écarquille les yeux : Jacques vient d’user d’une vulgarité dont il n’est pas coutumier… « bourrer le cul », c’est bien une expression qui choque dans sa bouche ! Ses yeux frisent… oui, décidément, il s’amuse.



Il déclare tout cela d’une voix qu’il veut mélodramatique, en fait, il déclame. Sourire, il se lève, arborant une belle érection matinale qu’il exhibe ostensiblement sous mon nez puis sort un peu théâtralement de la chambre en me lançant :



Quelle mauvaise foi et quel mauvais acteur ! Il s’attendait à ce que je proteste. Il voulait m’entendre déclarer que nonobstant le contrat établi entre nous, je souhaitais des relations plus complices, plus amicales… à défaut de tendresse dont il n’était pas question entre nous. Cela lui aurait permis de pontifier sur la nature exclusivement sexuelle de nos rapports. Mais je n’avais pas trop envie de débattre avec lui de la nature exacte de nos relations.


J’aime la distance instaurée entre nous… Nous avons créé une complicité qui tient à ce que nos fantasmes s’épousent étroitement. Mais seulement nos fantasmes. Il n’est pas question d’y mettre du sentiment. Le sentiment amoureux, en ce qui me concerne, il est tout entier voué à Chantal, la jeune étudiante que j’ai rencontrée quelques semaines après ma première visite chez Jacques. Pour l’heure, elle est au Canada en train d’accomplir un stage dans un cabinet d’avocats. C’est pourquoi, d’ailleurs, j’ai accepté la proposition de mon maître concernant ces deux mois d’emploi saisonnier : je ne pouvais suivre mon amoureuse sur le nouveau continent. Penser à elle me rend nostalgique…


Jacques réapparaît dans la cuisine, prêt à partir au travail.



PS aparté : Je suis friand de ces expressions saisissantes, quasi blasphématoires pour peu que l’anglicisme contamine par associations d’idées, ladite expression :


  • — goder l’âme… Ô dieu, c’est odieux… L’antithèse, le quasi zeugma… « Il s’enfonça dans la nuit et un gode dans l’âme !… fin du PS (rien à voir avec DSK) aparté.


Faire la chambre n’est pas en soi une corvée… mais les bibelots ! Jacques est un collectionneur de n’importe quoi, et il thésaurise ! Les étagères, le dessus de la cheminée, le rebord de la fenêtre, arborent un capharnaüm éclectique digne d’un brocanteur. Cela va des statuettes de pachydermes et de dauphins (étrange association !) aux chandeliers, en passant par des expositions de pierres variées – opales opaques, rubis sur ongles, granites roses, grès grégaires –, des flasques emplies des sables des quatre coins du monde, des coffrets ouvragés, des décapsuleurs exotiques, des bateaux en bouteilles, des bouteilles de parfum, des armes anciennes, des coupe papiers, des bréviaires et des chapelets… Et j’en passe ! De sorte que je passe une bonne partie de la matinée à dépoussiérer et réordonner ce gigantesque bric-à-brac.


Re-PS (rien à voir avec Sophie Tell) : le lecteur pourrait biffer les mentions inutiles de l’énumération précédente, car j’ai conscience que j’en ai fait un peu trop. Parfois, le souci du style l’emporte sur l’homme et cela au détriment du bon style. (Et dire que je me suis retenu !)


Je m’assieds enfin au bureau pour entamer le récit commandé par Jacques. Ce projet me comble… J’avais de toute façon, l’intention de rédiger un compte rendu détaillé de ce que j’ai vécu avec lui. Problème, par quoi commencer… ? Désarçonner mon maître étalon, le surprendre en le mettant, pour un temps seulement – je ne suis pas masochiste à ce point ! – entre parenthèses… L’émoustiller par un compte rendu de mes infidélités à sa mémoire ! Voilà une idée qu’elle est bonne !


Je décide de lui raconter l’épisode qui va précéder notre tout premier échange épistolaire. Putain, (ô !) ça va l’échauffer…



Comment corriger ces stéréotypes culturels sur les femmes allemandes, qui font rêver les saints innocents d’épanchements dans les profonds décolletés délacés des corsages – traditionnels – de Bavaroises aux fessiers aussi généreux que leurs seins… à ne plus savoir où donner de la tête ? Quelles foutaises ! De toute façon, elles n’étaient pas mon fantasme, ces femmes callipyges… ou plus, car je venais de découvrir via une revue des plus explicites, sur papier improprement appelé « glacé », les charmes débridés d’une jeune actrice, dont le prénom seul, me rappelait celui de mon amour d’enfance : Brigitte Lahaie ! Ô que j’eusse aimé ceindre ma demeure de sa haie patronymique, et du reste, tant qu’à faire !


Baden en hiver, dans une caserne triste comme un jour sans fin, réveillée tambour battant par un clairon plus que matutinal relayé par les barrissements menaçants d’un adjudant-chef mal luné, a de quoi décourager vos ardeurs (quelles qu’elles soient !). Debout dans le glacial petit matin, au garde-à-vous, transi dans les brumes d’un sommeil qui peine à vous quitter… vous apprenez qu’on va batifoler… dans la nature givrée : 30 bornes de marche avec 10 tonnes de matériel dans le sac à dos militaire qui vous scie les épaules, plus le FSA, fusil réglementaire… en cas d’attaque (mais de quel ennemi ? l’armistice, ce n’est pas fait pour les chiens, enfin !).


Là, j’avoue, j’ai rêvé de me retrouver à l’église, à la messe, quitte à tenir les burettes en tant qu’enfant de cœur, pour le curé… j’ai même rêvé de m’épancher dans un confessionnal avant de m’y lover pour DORMIR du sommeil du juste… Et au diable mes péchés !


Cette marche – miracle ! – je l’ai accomplie… grâce à Brigitte, grâce à toutes les Brigitte de mes rêves, de mes fantasmes, de mes fantasmagories… même si, à l’arrivée, je n’étais plus qu’un fantôme en voie d’extinction ! Elles m’ont tenu compagnie ces vaillantes petites Aphrodite, sur les chemins verglacés, dans les douleurs de la fatigue, sous le ciel gris de plomb qui pesait comme un couvercle baudelairien sur nos têtes… je les ai effeuillées au rythme de mes pas, m’émerveillant de leurs doux et tendres reliefs tandis que je gravissais les pentes escarpées d’une montagne indéniablement hostile… Je maudissais le sentier rocailleux, je vénérais ces visages et ces purs corps de vierges – c’est un peu exagéré en ce qui concerne l’actrice, je le concède, c’est juste pour l’allitération !… et même pour les autres, je ne fais que leur accorder la présomption d’innocence ! – J’oscillais entre l’épuisement fatal, et l’extase ascensionnelle… Glisser le long du fuselage voluptueux de leurs jambes pour atteindre l’inaccessible tabernacle espéré comme un nirvana, me hissait, presque malgré moi, au sommet de cette foutue montagne qui n’avait été créée que pour torturer les soldats de mon espèce, les secondes classes déclassés d’emblée, à cause de leur pacifisme trop voyant !


Merci, les belles… ! J’ai eu mon brevet de marcheur patenté de l’armée grâce à vous.


Quelques jours plus tard… la première perm (après trois mois de classe) ! Revenir en France, sans avoir vu l’ombre d’une ébauche d’esquisse de flirt avec les demoiselles autochtones (callipyges ou pas…), ça vous donne les crocs ! Trois mois avec la veuve-poignet pour unique compagne, c’est dur !… puis mou. Le train… sans couchettes… les yeux dans les poches, on débarque à Paris dans une gare indifférente ! Personne ne remarque que vous venez d’affronter les pires épreuves, une montagne escaladée comme un glacier conquis grâce au rêve d’un Olympe peuplé de déesses au doux prénom de… Brigitte ! Tous semblent ignorer que vous faites barrages, là-bas dans votre triste caserne, de vos frêles corps aux potentiels envahisseurs pour protéger leur sécurité… Parisiens inconscients, tellement pressés, l’œil absent, la bouche pincée, pas un sourire, automates d’une fourmilière qui m’étourdit… Où allez-vous ?

Moi je sais où je vais…


Rue Saint-Denis !


La rue Saint-Denis ! Damnée rue ! Damné saint ! J’erre comme un vilain diablotin dans son blanc seing, avec le regard vitreux d’un alcoolique buvant à longs traits les silhouettes qui guettent en sentinelles sous les portes cochères. Les lumières de la nuit s’écrasent sur des ombres qui font vibrer ma chair ; gorges transparentes, presque nues, cuisses de femmes impassibles, minérales… regards d’invite… bruissement de la foule qui ondule, là, comme une vague.


Des grappes humaines s’agglutinent sur le trottoir, sortent des billets pour parier sur le bon gobelet, celui qui cache la boule rouge effacée comme par magie par les mains expertes d’un prestidigitateur dépenaillé… J’ai une boule dans la gorge et j’ai aussi des billets dans ma poche… mais pas pour parier ! Mon ventre se creuse, un trou d’envies, de désirs confus qui me transpercent comme une tarière. Avec le sang qui bat mes tempes et tout le feu qui brûle mes reins, j’ai pris le chemin des femmes qui se louent. Je suis parti des Halles et j’ai remonté toute la rue. En bas, ce sont des femmes un peu grasses, fatiguées, le visage crémé de fards, mais plus on monte, plus elles deviennent diaphanes, aériennes, jolies… J’ai arpenté toute la rue, jusqu’à la porte Saint-Denis.


Et c’est là que je l’ai vue. J’ai eu l’impression de découvrir l’ange de mon enfer… Elle patiente, haute silhouette aux cheveux courts dans un grand manteau de fourrure – fausse, bien sûr ! –… Je suis passé tout près d’elle et j’ai entraperçu ses yeux, des yeux d’un bleu qui fait mal. J’ai respiré très fort et… je me suis réfugié dans un bar ! Je n’osais pas encore l’aborder. Et puis, je voulais ruminer mes songes, J’avais le temps… elle ne s’envolerait pas, je n’aurais pas besoin de lui faire la cour !


Un café, un calva, pour me donner du courage… feu dans l’œsophage ! Pourquoi elle ? Rien à voir avec les autres femmes croisées dans la rue… Elle a, comment dire… quelque chose de fragile et de tremblant à la fois ou alors d’indestructible, de glacé… Je ne sais pas… Je ferme les yeux pour imaginer son regard posé sur moi, comme un remords… et ses mains sur mon visage, le caressant doucement… et son regard encore… peut-être de mépris, sûrement, même ! « Pense plus loin, me morigéné-je, descends, ses seins et tout le reste…  ». Rien à faire, ma mauvaise conscience ne veut pas imaginer son corps. « Ne prémédite pas, agis, alors !  ». Pas mieux !


Le temps a passé. Dehors, il fait froid. En moi, c’est l’incendie des sens, une fièvre insensée… je me sens ivre de désir et de… trac ! Tout à trac, je me suis forcé à me lever, sans penser, comme si j’ordonnais à mes réflexes d’agir à la place de mon cerveau… foutue bête humaine ! Et si la péripatéticienne convoitée était déjà « en main »… ?


Non, elle est toujours là, grande, élancée, magique, une danseuse en fourrure sur un ciel de trottoir glauque… Elle m’a vu venir vers elle. Elle ne bouge pas, ses tranquilles yeux clairs ne cillent pas. Son souffle exhale dans la nuit froide de légers nuages blancs… de merveilleux nuages que j’aimerais bien suivre là-haut pour les boire tout mon soûl ! Il fait froid… et je pense à toute la chaleur qu’enferme son ventre…


Il n’y a pas d’invite dans son attitude, pas de ces « Tu montes, chéri ? ». Elle attend, patiente, immobile comme une statue. Peut-être sait-elle que je suis déjà pris dans ses rets de femme fatale, de Diane chasseresse aux aguets ! J’aime cette retenue, mais elle ne facilite pas ma tâche tant je suis intimidé. Quand je suis enfin tout près d’elle, environné de ses petits nuages blancs que j’oublie de boire, je coule dans le lac de ses yeux, je m’immerge dans leur eau limpide, je me noie dans leur paix… inexplicablement, ils me font penser soudain, au silence des églises.


J’ai dû bafouiller lamentablement je ne sais quoi… Je prends conscience, tout à coup, qu’il y a du monde autour de nous… et si par inadvertance, quelqu’un de ma connaissance surgissait là, sur le trottoir dans cet écoulement ininterrompu de promeneurs, et me surprenait en flagrant délire de luxure tarifée ? Tant pis !


N’ayant pas compris mon bredouillis d’idiot, elle se penche vers moi et me souffle :



Certes, « vous lécher » eût été mieux approprié, voire « vous cunilinguer », mais là, c’était nettement au-delà des maigres possibilités de mon bagage lexical du moment en rupture de contrat avec le reste de ma personne. A-t-elle souri ? Je n’ai rien vu sur ses lèvres rouges qui ressemblât à un quelconque rictus, mais je suis sûr qu’intérieurement, elle devait se gausser du demeuré paysan, juste parvenu à atteindre le bout de la rue Saint-Denis…



Honte… quelle honte !… Je l’ai suivie dans un petit escalier étroit et sombre qui grinçait. J’avais sous mon nez, ses escarpins noirs, ses chevilles mignonnettes, et le début du galbe joli de son mollet enveloppé dans le nylon noir de ses bas… qui dansaient en escaladant les marches. Et, au-dedans de moi, je ressentais une faiblesse absurde, un mollissement de la chair (ce n’était pourtant pas le moment !), une sorte d’abandon funèbre qui me liquéfiait littéralement… l’abandon que ressent peut-être le veau qu’on mène à l’abattoir.



À SUIVRE




PS : Dans mon précédent envoi, une coquille s’est glissée, dont la responsabilité entière me revient, l’équipe correctrice ayant interprété, logiquement, une faute de ma part. Lorsque j’ai voulu écrire, « la RTT du sodomite » (!), mon doigt a fourché et écrit « l’ARTT » qui s’est transformé en « ART » dans le texte final… je ne doute pas que les sodomites aient fait de leur pratique un « art »… mais il leur faut parfois, faire une pause… histoire de boire un café arrosé !