n° 14900 | Fiche technique | 63359 caractères | 63359Temps de lecture estimé : 34 mn | 05/04/12 corrigé 11/06/21 |
Résumé: Un appel à 3 h du matin, une alerte générale. Arkel et Mylène se retrouvent dans une situation qui dégénère rapidement. | ||||
Critères: ffh fbi fsoumise fdomine voir lingerie cunnilingu fgode pénétratio double fdanus sf -sf -couple+f -fbi | ||||
Auteur : Arkann Envoi mini-message |
Épisode précédent | Série : Framm Chapitre 06 | Fin provisoire |
Résumé du chapitre précédent : Avec un bon emploi et de l’argent, Arkel soumet à Mylène une idée, celle de tenir un rôle de prostituée pour son plaisir. Petite visite au Zoccalo, où Mylène fait un petit numéro de strip-tease.
Un coup de coude. Mylène qui se débattait pour se libérer de mon étreinte. Son téléphone sonnait avec un son aigu et urgent que j’entendais pour la première fois. Maintenant réveillé, un peu désorienté, je la laissai aller.
Mylène, pas tellement plus éveillée que moi, attrapa son téléphone d’une main et répondit. Elle ne parlait pas, écoutait. Après un moment, avec un juron étouffé, elle se jeta hors du lit et commença à s’habiller, d’une seule main.
Le réveil matin indiquait qu’il était presque trois heures. Bon, ça semblait important, au moins. Je m’assis et m’étirai.
Au plafond, le gyrophare d’alerte s’activa pour la première fois depuis que j’avais emménagé. Au même instant, dans le corridor public, les sirènes commencèrent à hurler leur lugubre chant, et les klaxons à émettre leur signal codé. Un vent glacial semblait souffler dans mon dos.
Totalement éveillé, debout, enfilant mes pantalons en vitesse. La télévision s’était allumée automatiquement, et donnait des instructions.
… pas un exercice. Aux armes ! Restez calme, ne bougez pas de votre position. Activités démoniques dans votre secteur. Forces militaires et paramilitaires en route. Suivez les instructions. Ceci n’est pas…
Pas un ordre d’évacuation. C’était sérieux, mais pas une invasion. Ça allait aller. Les pieds nus dans mes bottes. Mylène était déjà habillée, son téléphone dans une poche et en train de fixer son mains-libres à une oreille.
Un démon qui arrivait à opérer parmi la population sans vite se faire repérer était invariablement puissant et extrêmement dangereux. Pas le temps pour ma veste. J’attachai mon baudrier. J’avais un SBAS-12 dans mon coffre, un shotgun de combat. J’y pris aussi une besace emplie de munitions. J’étais prêt, et Mylène aussi ; épée au dos, fusil d’assaut en mains. Elle ne chercha pas à me dissuader de l’accompagner.
Je la suivis, au pas de course. Il n’y avait personne dans les corridors à cette heure de la nuit mais, dans les appartements, tout le monde était réveillé. J’entendais les enfants qui braillaient, les bébés qui hurlaient, et les adultes à moitié paniqués. Les plus calmes se barricadaient comme ils le pouvaient, poussant leurs plus lourds meubles devant leur porte.
Mylène qui criait alors que nous arrivions à la place centrale du quartier. Un bon réflexe : Alem et plusieurs membres de sa bande étaient là, très nerveux, avec des armes à feu. Prêts à défendre leur territoire, même contre une menace démonique non spécifiée. Je pouvais dire ce que je voulais d’Alem, mais il avait des couilles.
Son visage était illuminé de joie, pensant que nous arrivions en renforts.
D’autres cris de « en approche » fusaient du corridor Ouest. Régis, bras droit de Mylène, à moitié habillé, armé d’une hache de combat et d’un gros fusil mitrailleur, arrivant avec deux de ses hommes, bien armés. Avec eux, ne faisant pas le poids avec leur 9 mm, les policiers Ducran et Lapoigne. Ça me faisait bizarre d’être du même bord que ces deux-là.
Le corridor Est, à pleine vapeur. Une lourde porte blindée, en avant de nous, bloquait le passage.
Mylène était habituée à ce genre d’opération, fonçant sans ralentir vers la porte, sûre qu’elle s’ouvrirait à temps, ce qui fut le cas. À une centaine de mètres devant nous, réfugiés dans une zone bleue, une vingtaine de civils. Un étage en haut d’eux, déployées à partir des murs, deux tourelles les protégeaient. Un canon à tir rapide de 30 mm, et deux mitrailleuses lourdes jumelées. En haut, un monorail avec quelques passagers. Il y avait du monde qui regardait ce qui se passait, à partir de leur balcon. Les gens essayaient de savoir ce qui arrivait, criaient des questions.
Les gens qui en possédaient avaient leur arme à feu en mains, prêts à défendre les leurs. La plupart des armes étaient de couleur orange fluo, hautement visibles ; quand il y avait beaucoup de fumée, quand la seule lumière provenait des feux ou de votre lampe de poche, ce qui pouvait vous être utile devait être facile à repérer. L’obtention d’un permis était facile, mais vous ne pouviez sortir de telles armes de votre coffre que pour trois raisons ; l’entretien, l’entraînement, et des situations comme celle-ci. Les peines pour l’usage illicite de ces armes étaient draconiennes.
Je pouvais entendre un cognement sourd et rythmique, loin en avant, et les cris de rage d’un démon pris en souricière et qui se savait condamné s’il ne s’enfuyait pas au plus vite. Des cris de joie et d’encouragement fusaient de toutes parts, les gens comprenant que nous étions là pour en finir avec lui.
Notre groupe s’était enrichi de quatre autres policiers et de trois soldats qui semblaient sortis d’une boîte de nuit, éméchés, mais capables de suivre. Ils n’avaient pas d’armes. Je fis un geste au sergent, qui m’avait l’air solide et fiable. Son visage s’illumina lorsque je lui tendis mon shotgun. Je fouillai dans ma besace, toujours en courant, et lui donnai les boîtes de cartouches.
En avant, un vieux drone de combat avançait dans la même direction que nous. Armé d’une mitrailleuse légère, faiblement blindé, il allait peut-être avoir son utilité. Il n’allait pas vite.
De plus en plus, je voyais des groupes de personnes, équipés, armés, prêts à évacuer si les choses dégénéraient, comptant sur leur mobilité pour s’écarter de tout danger. D’autres se regroupaient pour défendre leur quartier immédiat, utilisant leurs meubles pour improviser des barricades. Avec une procédure de confinement en cours, chaque compartiment de la cité scellé par des portes blindées, les deux stratégies avaient leurs mérites, même si je favorisais toujours la mobilité. Ce n’était pas tout le monde qui avait le luxe du choix ; une résidence pour personnes âgées, à notre droite, où semblait régner un grand chaos. Il n’y avait pas d’hôpital dans la zone immédiate, au moins ; un « code Noir » dans un hôpital était un cauchemar indescriptible.
Puis nous étions à une autre porte blindée, qui faisait elle aussi quatre étages de haut. De l’autre côté, des gens criaient, frappaient désespérément le métal. Le Central, quand une procédure de confinement était en vigueur, n’ouvrait de tels obstacles que sous certaines conditions. Un Paladin était l’une d’elles.
La lourde porte se leva, comme une herse. Cette fois, une véritable marée humaine nous força à nous arrêter, à nous mettre de côté pour laisser fuir ces gens qui nous auraient piétinés, sinon. Nous pouvions maintenant entendre le démon très clairement. La partie du corridor qui était proche de nous était intacte. À une centaine de mètres, cependant, le corridor était saccagé, des dizaines de corps gisant au sol. Plus d’éclairage, aucune caméra ou autre dispositif de sécurité. Beaucoup de civils terrifiés sortaient de cette zone dévastée, fuyant vers la lumière.
Nous pouvions avancer à nouveau. Mon automatique au poing, mon épée dans la main droite. Mon épée, qui réagissait au démon en émettant une lueur bleutée. Les hommes de Mylène avaient de puissantes torches, et le Paladin avait son halo qui radiait courage et détermination. Nous plongions dans les ténèbres. Derrière nous, un fort grincement métallique, une secousse. Enfermés, avec le démon.
Je le sentais, plus puissant que ce que je n’avais jamais confronté. Lui aussi nous percevait, et il comprit rapidement que nous étions sa mort. Je trébuchai presque lorsqu’il nous frappa de sa haine, de sa rage, promettant souffrance éternelle à quiconque osait s’approcher. Je savais comment résister aux horribles visions qu’il cherchait à forcer dans mon esprit. Pas Ducran. Pas Lapoigne. Pas la plupart des autres n’ayant jamais fait face à un vrai démon. Des cris d’effroi, de désespoir.
Mylène rallia bien quelques hommes, mais les autres avaient leur compte. Ceux qui n’étaient pas paralysés par l’horreur fuyaient éperdument. Ducran faisait honneur à son nom, rallié par Mylène, blanc comme un drap, mais avec nous.
Sortant d’un corridor latéral, un groupe de civils armés, assez nombreux pour faire une différence si nous parvenions à les rallier.
Mylène ouvrit le feu sur eux, se jetant au sol.
Mon hésitation me coûta presque la vie, quelqu’un me tirant dessus en feu continu, les deux premières balles me manquant de peu, les autres passant loin au-dessus de moi. Maintenant au sol, incapable de voir l’ennemi, je tirais sur les flashes de lumière, les hérétiques révélant leurs positions chaque fois qu’ils tiraient. Régis, avec son fusil mitrailleur et ses balles traçantes, était particulièrement dévastateur. Un des gars de Mylène avait un lance-grenades monté sur son fusil d’assaut, et lui aussi contribuait au carnage. Contre des soldats d’élite, des hérétiques sans expérience et fouettés en un courage suicidaire… mais ils nous retardèrent.
De nouveau au pas de course. Mylène n’hésita pas un instant à achever les hérétiques qui n’étaient que blessés, alors que Régis tirait de courtes rafales dans les cadavres. L’un d’eux ne faisait que feindre ; se rendant compte de ce qui allait lui arriver, il bougea, tentant de prendre Mylène pour cible, mais deux de ses hommes n’attendaient que ça. Rien de feint, cette fois, lorsqu’il arrêta de bouger.
Une zone bleue, dévastée, les tourelles arrachées, le sol rendu glissant par le sang de la centaine de victimes. Certains n’étaient que blessés, criaient, gémissaient. Il y avait au moins un bébé, hurlant à pleins poumons. Des carcasses de démons mineurs, déchiquetés, esclaves de notre cible, utilisés comme de la chair à canon pour absorber le feu des tourelles.
Peu après, une autre porte blindée. Martelée, déchirée, éventrée. Cinq centimètres d’acier… Dans la lueur des lampes de poche, je distinguai « H14 » en caractères orange d’un mètre de haut. Puis nous y étions. Le tapage des coups sur la H15, les cris de rage et de panique, assourdissant. Un sprint ; il y avait urgence, l’air empli d’une énergie maléfique que je connaissais trop bien.
Mylène n’avait pas réalisé. Elle avait l’air malade. Trop tard. Des millions allaient mourir.
Nous pouvions entendre les klaxons au loin, le hurlement des sirènes. Deux secondes après le message de Mylène, le code émis par les klaxons changea, et le chant des sirènes devint plus urgent et sinistre. La structure sembla vibrer du désespoir et de la terreur des vingt millions d’âmes prises au piège, des millions de gorges laissant passer des cris de désarroi au même instant.
Nous étions morts, d’une manière ou d’une autre, mais si nous pouvions tenir le portail quelques moments, un temps précieux serait gagné. Je sentais ma rage monter, et je l’embrassai. Mon épée chantait dans mon esprit sa haine, sa soif, son enthousiasme… J’allais mourir, les armes à la main, Mylène à mes côtés. Je pouvais imaginer pire sort.
En avant de nous, surgissant de corridors latéraux, une centaine d’hommes. Les forces amassées par le Central et retenues pour un assaut coordonné avec notre arrivée, jetées prématurément dans le combat en un effort désespéré pour stopper la création du portail. Des policiers, soldats et simples citoyens se jetant dans la mêlée sans la protection substantielle que la proximité d’un Paladin offrait contre les attaques mentales.
Le démon frappa. Frappa fort. Certains étaient paralysés, d’autres ne pouvaient voir l’horreur qui se trouvait pourtant à portée de main, alors que certains, cruellement, voyaient ce que la créature voulait qu’ils voient, tirant désespérément sur leurs camarades à l’arme automatique et à la grenade. Et le démon qui massacrait tout ce qui bougeait.
Les décombres d’une autre zone bleue, vingt secondes de course effrénée, et Mylène était assez proche pour protéger la poignée de survivants. Mais il était trop tard. Le démon, affaibli, gravement blessé, sachant qu’il ne survivrait pas, décida plutôt de s’immoler dans ses énergies et d’ouvrir le portail qu’il n’avait pas autrement la force de compléter. Il regarda droit dans les yeux de Mylène en faisant cela. Sa voix, rendue puissante par sa mort imminente, résonna dans nos esprits.
Mylène, frappée plus durement, tomba à genoux en vomissant. Je titubai, le choc de la créature frappant le sol me faisant presque chuter. Mes nerfs brûlaient, me causant une souffrance atroce. Les autres aussi ; des cris d’agonie quasi animale ; jamais avant n’avais-je souffert la mort volontaire d’un démon. Un vortex d’énergie qui se coalesçait, prenait forme sous mes yeux.
Les cris perçants de mon épée dans mon esprit finirent par vaincre les affres du supplice et l’épouvante qui me figeaient sur place. Je bougeai, comme un automate, obéissant à l’arme, frappant dans le tourbillon. Le choc du premier coup arracha presque la lame de mes doigts, et la retirer était difficile, comme si enfoncée dans un mètre de mélasse. Je lâchai mon automatique pour y aller à deux mains. Je compris, au deuxième coup : je tranchais le tissu du portail en formation, provoquais des fuites d’énergie, rendais le tout instable.
J’y allai avec toute ma force, un espoir désespéré s’éveillant en moi. Au cinquième coup, quelque chose de l’autre bord s’enroula autour de la lame et tira, espérant m’arracher l’arme des mains, et ne réussit qu’à se trancher ce qui devait être un tentacule. Puis Mylène arriva, donnant un violent coup. Son épée, du meilleur acier que le génie industriel de Framm pouvait concevoir, éclata comme du cristal, un fragment m’ouvrant la joue. Elle tenait ce qui restait de l’arme, la poigne et la garde, avec une expression de stupéfaction furieuse. Elle la laissa tomber et dégaina son 357, visa avec soin, et tira, la balle se désintégrant en un nuage de poussière de cuivre.
Pour la deuxième fois, quelque chose s’agrippa à ma lame et se servit du métal comme conduit. La douleur était si cruellement intense que mon cerveau, qui en avait connu beaucoup, n’arrivait pas à la comprendre, rejetait l’information. Je comprenais ce qui se passait. D’un geste sec et réflexe, je tordis le poignet en tirant l’épée. L’espace d’un instant, la rage du démon. Ça et sa douleur, une douleur à sa mesure, qu’il pouvait comprendre.
Une ventouse, sur le plat de l’épée, avec un bout de chair qui se tortillait. Je ne pouvais plus donner de coup, le portail maintenant solide. Je sentais son extrême instabilité, mais une créature de l’autre bord versait son énergie sans compter pour le maintenir. D’autres cherchaient à élargir, agrandir le portail.
Mylène, un chargeur entre ses dents, pâle, ouvrit le feu dès que le portail s’ouvrit. L’aurait-elle voulu qu’elle n’aurait pu manquer, tellement il y avait un immonde mur de créatures se battant entre elles pour entrer en premier. Il soufflait un vent étouffant de chaleur humide, portant une puissante odeur d’égouts et de putréfaction. Le portail était petit, et ils ne pouvaient entrer qu’un seul à la fois.
Première à entrer fut une larve ; celle-ci ressemblait à une coquerelle de deux mètres de long, avec des pinces de crabe et des mandibules surdimensionnées. Mylène ne s’en préoccupa même pas, sachant que je n’aurais aucun problème. Deux bons coups, et c’était fait. Deux autres avaient déjà pris sa place. Ça faisait longtemps que je n’avais pas fait ça, mais tout me revenait. Une danse, mortelle. Aucune des créatures n’était pareille, mais je connaissais leurs astuces, réagissais sans avoir à penser, et Mylène m’appuyait.
La pression était forte, chaque larve que je tuais se faisait pousser hors du chemin, vers moi, me forçant à abandonner ma position, et c’était exactement ce que recherchait le démon qui contrôlait les larves. C’est à ce moment que l’un des civils armés qui avaient survécu à l’assaut initial trouva le courage de venir nous aider, armé d’une relique de musée, une hallebarde.
C’était l’arme idéale, et il savait la manier, comment éviter de se la faire arracher des mains. Il retardait ce qui cherchait à entrer, m’achetait le temps requis pour manœuvrer, courir après les larves qui refusaient le combat pour pouvoir s’en prendre à moi plusieurs à la fois. Il y avait ce démon qui cherchait à altérer mes perceptions, l’autre qui s’attaquait à mon système nerveux, me causant des sensations de brûlure, alors que deux autres, se tenant sur les bords du portail, tentaient de me faire trébucher ou de me saisir un bras avec leurs tentacules, fouets, pattes et pinces. Quand elle le pouvait, Mylène leur faisait payer le prix, tirant sur leurs appendices. Elle ne le faisait pas souvent, trop occupée à garder tranquille les saloperies qui pouvaient me projeter des dards empoisonnés, des écailles coupantes, ou me vomir dessus avec leurs infâmes sucs gastriques, hautement acides.
Notre situation s’améliora lorsque le Sergent à qui j’avais donné mon SBAS-12 parvint à vaincre sa terreur et à nous rejoindre, déchargeant l’arme de manière dévastatrice, le mélange de chevrotines et de balles explosives ravageant tout ce qui se trouvait devant lui. Il hurlait sa terreur, tirait comme un forcené. Il allait devoir recharger cartouche par cartouche, mais ça me permettait de souffler un peu. Puis la cavalerie arriva, sous la forme du vieux drone chenillé que nous avions passé il y avait maintenant une éternité.
Il était peut-être vieux et lent, mais son système de visée, sa mitrailleuse et son logiciel de contrôle fonctionnaient impeccablement. Ça n’était pas la première fois qu’un drone de combat situé derrière moi tirait sur une cible devant moi, mais l’expérience était toujours aussi terrifiante. Des balles sifflaient à quelques centimètres de mes oreilles. Un feu nourri, mais économe, le minimum possible dans les points vulnérables. Précis, rapide, sans erreur, même à une distance de cent mètres. Mieux encore, le Central, maintenant doté de senseurs, réalisant que le portail était encore tenu, décida d’abandonner les positions défensives et de commettre maintenant toutes les troupes possibles à l’assaut du portail. Une décision froide et risquée.
Subitement, tout changea, la charogne qui contrôlait l’ennemi sentant le vent tourner. En un instant, plus aucune attaque sur mon esprit ou sur celui de ceux que Mylène pouvait protéger, l’attention tournée sur les troupes en approche. Cris d’horreur, de douleur, tirs d’armes automatiques. Si un homme sur vingt parvenait à nous atteindre, j’allais être surpris. J’espérais juste que Mylène parviendrait à nous éviter les tirs amis.
La tactique était maintenant différente : fini les larves si nombreuses, mais faibles, qui pouvaient être sacrifiées sans compter. Un démon, un gros, un vrai, s’avançait au travers du portail, contre son gré, résistait sans succès à l’autre plus puissant qui le contrôlait, déchiqueté par le drone, les balles explosives, les rafales bien placées de Mylène, qui avait récupéré son fusil d’assaut. Il tomba, à l’agonie, ses membres frappant dans toutes les directions, heurtant le civil avec sa hallebarde, défonçant sa cage thoracique.
Sa chute révéla l’autre, immédiatement derrière, déjà de notre côté, intact. Et l’autre qui traversait. J’avançai, l’engageai. Après trois secondes, le drone cessa de tirer, à court de munitions. Je me battais vite, attaquant sauvagement, avec peu d’égards pour ma défense : des comme lui, je pouvais en prendre un, mais pas deux. Mon épée hurlait sa joie dans mon esprit, sa soif, et le démon l’entendait. Paniqué, perdant ce qui lui servait de sang par les profondes coupures que je lui avais infligées, il réussit à se libérer et fonça contre le démon qui cherchait à entrer, me laissant avec les deux qui avaient passé. Ils se mirent sur mon cas. Un fusil mitrailleur ouvrit le feu, Régis de retour dans la mêlée. C’était trop tard.
Surgissant de nulle part, gueulant comme une damnée, une femme des Forces d’intervention rapide, armée d’un TeufelShrek. Elle tira de la hanche, sans ralentir. Chance ? Intervention divine ? Compétence ? La roquette passa entre mes deux opposants et alla exploser, juste de l’autre côté du portail. Considérée comme dangereuse à 50 m, elle explosa à moins de six mètres.
Mes copains des bataillons ne le croiraient jamais, mais… pas une égratignure. Il n’en était pas de même pour les deux lourdauds en face de moi. L’un d’eux s’écroula, mort, et l’autre était tellement amoché qu’il ne me prit que quelques secondes pour l’achever.
Je me jetai au sol : la folle au lance-roquettes remettait ça !
Cette fois, je fus bien secoué par le souffle, les éclats frappant le cadavre de larve derrière lequel j’étais caché. Mais indemne, encore. Je ne savais pas si je devais être déçu ou soulagé, mais la maniaque n’avait plus de roquettes. Un coup d’œil me permit de constater qu’elle avait fait tout un massacre !
Elle avait une besace de grenades ! Elle les balançait avec entrain. Des grenades à fragmentation, des explosives, des incendiaires. Ça pétait, ça brûlait.
Quoi encore ? Okay. Juste un automatique. Elle tirait sur un démon que tout ça n’avait pas tué et qui se débattait, cruellement brûlé par le phosphore. Pour un démon comme ça, les balles étaient comme des piqûres de guêpes. Ça ne le tua pas, mais, dans son état, c’était suffisant pour casser ce qui lui restait de concentration.
C’est lui qui avait gardé le portail actif. Celui-ci s’écroula, se dissipa.
Tout le monde la regardait, à moitié hébété, à moitié incrédule. Elle semblait tout aussi surprise que nous.
Le Sergent, qui tenait mon shotgun par le canon, commença à recharger l’arme avec des mains qui tremblaient.
***
… et l’ordre d’évacuation est levé. Une veille démonique demeure en vigueur. Les citoyens sont priés de signaler toute activité suspecte au 777. Veuillez collaborer avec les autorités policières et militaires. Pendant la durée de la veille démonique, un état de loi martiale est en vigueur. Les habitants de tous les secteurs peuvent rentrer chez eux, à l’exception des habitants des secteurs suivants : -30H12. -30G13. -30H13. -30I13…
Ça faisait une bonne trentaine de fois que j’entendais le même message, et il commençait à sérieusement m’irriter. Pas que ce soit difficile : j’avais la gueule de bois d’un guérisseur qui avait trop poussé. Je m’étais pris plusieurs blessures que je n’avais pas remarquées, dans le feu de l’action, et j’avais été parasité en trois endroits différents. J’avais aussi été éclaboussé par le sang ichoreux des démons, qui était très toxique. J’avais développé une certaine résistance au cours des années, mais ça me rendait quand même malade. J’avais froid, trempé, les pompiers ayant utilisé une lance d’incendie pour me décontaminer de manière grossière. Je ne m’étais que partiellement guéri, le minimum pour demeurer fonctionnel. Beaucoup de personnes gravement blessées, dont des enfants. J’avais fait tout ce que je pouvais, mais là, j’avais mon compte.
Ducran me soutenait, m’aidait à marcher. Je ne m’en étais pas rendu compte, mais lui aussi s’était battu, avait vidé ses chargeurs, puis trouvé un pistolet mitrailleur, qu’il avait encore avec lui. Au passage, il avait récolté une blessure au visage qui allait lui laisser une vilaine cicatrice. Je lui avais offert de régler ça, mais il avait décliné, et je le sentais fier de cette blessure. Ça, je pouvais comprendre.
Un policier pour m’assister, ça aidait beaucoup : il y avait des soldats et des policiers partout, et un grand nombre de points de contrôle. S’il restait des hérétiques, je ne donnais pas cher de leur peau. Il y avait aussi les contrôles sanitaires : les pestes démoniques n’étaient pas rares après l’ouverture d’un portail, et les autorités médicales allaient être sur les dents pour les semaines à venir. Nous aurions dû être en quarantaine, mais j’étais guérisseur, j’avais vérifié tout le monde dans mon groupe, et il n’y avait aucune contamination. En convaincre les autorités, c’était une autre paire de manches.
Nous étions enfin dans mon coin. Alem et sa milice improvisée étaient présents, même si, avec le peloton de soldats lourdement armés pour garder la place, leur présence relevait plus d’un exercice de relations publiques que d’une réelle nécessité.
Alem était bien des choses, mais je sentais un réel souci dans sa voix. Juste pour ça, j’étais prêt à passer l’éponge sur beaucoup.
Je sentais toutes les questions qui se bousculaient dans sa tête, mais il n’en posa aucune.
Mylène allait être très occupée dans les prochains jours. Et ses hommes avaient subi une attaque mentale très dure, elle voulait être présente pour eux. Je la connaissais trop bien, et je savais qu’elle voulait cogiter sur certains mots, loin de moi. « Fidèle esclave » et « te livrera à son Maître ». Je n’avais aucun doute, mais Mylène manquait de recul sur ce genre de choses. J’allais devoir dissiper ses craintes.
Ducran me mena jusqu’à mon appartement, et me laissa après que je l’eusse assuré que je pouvais me débrouiller seul. Une douche aussi chaude et longue que mon chauffe-eau le permit. Je volai à Mylène sa plus chaude et confortable robe de chambre, son odeur féminine particulièrement plaisante. Une soupe en sachet, poulet et nouilles, fortifiée de tabasco et de jus de tomates, rendue épaisse par des biscuits soda. Ma recette secrète contre la gueule de bois.
Et après, après avoir bien pensé à mon affaire, un coup de fil à ce numéro d’urgence que je n’avais jamais utilisé en plus de quinze ans.
Un long moment de silence. Le démon n’avait pas menti sur ça. Il y avait de la hargne dans sa voix lorsqu’elle me répondit.
Une autre vérité. Elle me coupa net, très fâchée.
Un autre moment de silence, puis elle rit.
***
On cogna à ma porte. 9 h 00 tapantes. J’ouvris la porte. Une femme, grande, presque ma taille. Vêtue de manière très stylisée, des vêtements griffés certains d’attirer la mauvaise sorte d’attention à ce niveau. Avec la police et l’armée qui patrouillaient en force, il n’y avait pas de problème, mais j’avais l’impression qu’elle aurait passé de toute manière : une indéfinissable impression de menace émanait d’elle. Sa veste noire de vrai cuir était, je devinais, faite de tissu balistique, à l’intérieur, et je ne pouvais concevoir une agente de ma mère se promenant sans armes. Même une personne chargée du ménage était quelqu’un de foncièrement dangereux. Ma mère n’aimait pas les moutons.
Je la fis entrer, cherchant qui elle était. Je connaissais sa voix, mais je n’arrivais pas à la placer. Mon âge, cheveux noirs, yeux bruns, se déplaçant comme une panthère… je n’arrivais pas à y croire.
Elle était franchement amusée. Elle déposa la longue mallette plate sur ma table repliable, et prit un tour d’horizon de mon antre. Avec les vêtements qu’elle portait, elle ne devait pas être bien impressionnée.
J’en avais de prêt, du vrai, du bon, provenant de la cache secrète de Mylène.
Je tirais de la hanche, mais son silence surpris en disait long. Je lui expliquai en préparant son café et le mien.
Elle était assise à la table, et me regardait avec un sourire en coin. Je m’assis avec elle, plaçant sa tasse devant ses mains.
Elle n’y répondit pas, ouvrant plutôt la mallette noire. Comme dans un écrin, l’épée reposait dans son fourreau sur du velours de couleur cuivre. Un fourreau en ébène, parfaitement poli et laqué, d’un noir profond, ses ferrures en un alliage de cuivre. Et sur la pièce de cuivre formant les lèvres du fourreau, étampées dans le métal, les armes de Mylène, en noir.
La fusée de l’arme était recouverte de lanières de peau de requin teintes en noir, le pommeau et la garde, en un style très simple, étaient d’un acier auquel on avait donné un fini cuivré par traitement chimique.
J’hésitai à prendre l’épée, à tirer la lame : de l’arme émanait une sensation de malice.
Mon hésitation la faisait sourire. Je saisis l’arme en serrant les dents. Arkel. C’était comme un murmure imagé dans mon esprit. Myilenyis ? Elle cherchait, voulait Mylène, et je sentais son déplaisir de ne pas la trouver à proximité. Myilenyis ! C’était un ordre, un commandement brutal. Elle cherchait à me forcer, mais je résistai. L’impression de ma propre épée, prête à m’épauler, à croiser le fer avec l’autre. Abaddir se calma.
L’image de Mylène qu’elle avait laissée dans mon esprit était celle d’un ange destructeur. Nue, incroyablement belle, mais d’une beauté sévère, dure et vengeresse, de grandes ailes, noires comme le jais, et tenant une épée brûlant de flammes obscures. Borgne. Mylène, mais pas du tout elle. Un halo de lumière, mais même lui semblait ténébreux.
Je tirai l’arme. Le corps de la lame était du même acier que la garde, avec le même fini, avec une longue encavure de chaque bord. Le métal était épais : il n’avait pas le choix que de l’être, pour tenir en place les lamelles d’obsidienne qui formaient le tranchant. Je pouvais à peine percevoir les imbrications. J’avais des scalpels à lame d’obsidienne, et rien ne tranchait aussi nettement. Parfaitement balancée, plus légère qu’elle n’avait le droit de l’être.
Ma mère disait toujours qu’une arme était un outil, que la fonction devait primer l’esthétisme. Je ne savais pas ce que ça voulait dire pour sa fonction, mais j’avais en main l’arme la plus belle que j’avais jamais eu le plaisir de tenir.
Dans ma tête, mon épée bourdonna son mécontentement.
***
Mylène, de retour depuis moins d’une heure après plusieurs jours d’absence, ne comprenait pas pourquoi je la menais à la salle d’armes que nous utilisions pour nous entraîner lorsque c’était à son tour de payer. Située sur un niveau supérieur, elle était bien meilleure que celle que je pouvais me permettre.
Nous étions presque arrivés. Je lui mis un bras autour des épaules.
C’était prévisible, elle me connaissait trop.
Elle frissonna violemment, et secoua la tête. Elle était pâle.
Je sentais sa curiosité, qui se réveillait enfin. C’était l’une des manières de casser son humeur, lorsque celle-ci était plus sombre. Elle regardait la mallette que je transportais avec un certain degré de suspicion.
Je lui donnai un sourire moqueur, mais rien de plus. Nous y étions. Je payai pour la salle que j’avais réservée.
Je lui donnai un sourire énigmatique, mais rien de plus. Je la sentais irritée, mais elle n’entra pas dans mon jeu.
L’endroit avait des salles pour se changer, mais comme nous avions la salle à nous seuls… Mylène mettait un vieux kimono gris, alors que j’y allais avec une de mes vieilles tenues de combat.
Elle avait réellement l’air surpris et un peu égaré. Bon, ça avait valu la peine même si ça avait été improbable.
Elle allait répondre avec irritation, mais se dirigea plutôt vers la mallette, qu’elle ouvrit sans hésitation. Une exclamation de joie, quelques moments pour admirer l’arme, puis elle saisit la poigne et tira la lame hors de son fourreau. C’était beau à voir, son expression d’émerveillement et de béatitude la rendant encore plus belle que d’habitude. Pendant plusieurs minutes, le monde cessa d’exister, Mylène en parfaite communion avec son épée.
Nous allions devoir faire très attention et y aller doucement ; on pouvait se blesser avec des armes d’entraînement et de l’équipement de protection, alors… mais c’était le meilleur moyen pour elle de bien comprendre son arme.
Elle se leva, après un moment, avec un sourire retors, et attaqua.
***
Un enfant dans une cour d’école n’aurait pas fait mieux. Mylène marchait en reculant devant moi, parlant d’une voix forte et moqueuse, s’assurant que tout le voisinage l’entende. Elle était comme ça, des fois, insupportable, une vraie peste, lorsqu’elle passait trop rapidement d’une humeur pessimiste et sombre à une allègre et débordante de confiance. Ça la rendait ivre de légèreté, et plus rien ne la modérait.
Je serrai les dents lorsqu’elle vola des mains d’un adolescent qui faisait des graffiti sur un mur une bouteille aérosol de peinture blanche et peintura en grosses lettres « Arkel est un mauvais perdant ! ». Elle lança sa bouteille au graffiteur amateur et revint me narguer.
Rien d’autre à faire que d’endurer. Et tenir la liste de ses petits crimes contre ma personne. Bouder, moi ? Elle allait voir… et l’heure de la vengeance sonnerait dès notre arrivée.
Il fallait vraiment être stupide, ou sous l’influence d’une épée avec un côté sanguinaire, pour agir comme elle l’avait fait. Je voulais bien croire que son arme l’avait assurée que rien de sérieux ne se produirait, mais même une arme magique pouvait se tromper, et c’était sans parler de mon arme, avec laquelle je ne pouvais réellement communiquer. Mon épée n’arrivait pas à blairer Abaddir, et j’avais senti l’enthousiasme féroce de ma lame, sa volonté de se mesurer à l’autre. Son ressentiment avait été grand ; j’avais mené un combat purement défensif, refusant ce jeu incroyablement risqué. J’avais été magistral, mais la défense pure contre un adversaire de votre calibre… elle m’avait fait goûter au plat de son épée, et j’allais porter les bleus des jours durant. Rien que je ne pouvais rapidement guérir, mais il allait être satisfaisant de porter la douleur à l’ardoise de Mylène.
Mais c’était correct. Le dernier mot allait être mien.
Elle disait cela d’un ton qui se voulait léger, mais ma petite chevalière commençait à se rendre compte que j’étais trop zen, que mon comportement était suspicieux.
Elle ne répondit pas. Je la voyais cogiter, analyser. Elle ne me laissa pas entrer dans l’appartement en premier. Les lumières étaient fermées, mais il y avait de la lumière en abondance, chancelante, provenant d’une vingtaine de bougies, dont une qui était aromatique, une plaisante odeur de cannelle flottant dans l’air, pas trop forte.
Elle ne répondait pas vite, la Mylène. J’entrai et fermai la porte. Yelena était sur le lit étendue sur le côté, nue, complètement à l’aise, avec son petit sourire en coin.
Mylène me fit face, son regard un peu dur, même si elle contrôlait bien le reste de son expression. Elle leva un sourcil plutôt expressif.
Mylène devait souvent prendre des décisions de vie ou de mort très rapidement, et qu’elle soit toujours en vie était la preuve qu’elle ne se trompait pas souvent. Je sentais son processus décisionnel à l’œuvre, ses options soupesées, retenues ou éliminées. J’aurais adoré la voir choisir la jalousie, mais elle n’allait pas se mettre dans une position impossible, me donner ce genre de levier.
Son regard était encore un peu dur, contenait une promesse de vengeance, mais aussi de la curiosité et de l’amusement. Elle me concédait implicitement la victoire. Et, étant fidèle à elle-même, contre attaqua immédiatement, histoire de bien commencer la joute suivante.
Aucune réponse à donner. J’enlevai mes bottes et rangeai mon sac de sport. Yelena n’était pas dupe.
Vous pouviez compter sur Mylène pour vous donner des cheveux blancs. Je secouai la tête et Yelena le remarqua.
Mylène joignit Yelena dans le lit, avec des mouvements très sensuels. Elle courba la tête pour déposer un petit baiser sur la cheville de mon amie d’enfance, dont la loyauté me semblait maintenant éminemment mercenaire.
***
Mylène était debout devant le miroir, nue, ou pratiquement. En fait, pas vraiment, la plus habillée de nous trois. Elle était à bout de souffle, cherchait à s’adapter, tout en s’admirant dans le miroir. Je devais admettre que le résultat était frappant, très à mon goût.
Je voulais bien suivre les instructions, mais comment ? C’était déjà très serré, et chaque fois que je tirais plus sur les sangles, j’avais l’impression de lui comprimer dangereusement les organes internes. Yelena m’avait assuré que c’était sans danger lorsque bien fait, qu’une femme enceinte vivait bien pire. Mais…
Mylène avait l’air choquée, et me lança dans le miroir un regard noir qui m’assurait que la question des bénitiers allait être discutée, en profondeur. Pas très gentille, la Yelena. Elle me regarda droit dans les yeux.
Aucune expression sur le visage de Mylène, mais je savais qu’intérieurement, elle se frottait les mains à ce qu’elle allait apprendre. Rien à y faire. J’admirai plutôt les nouvelles courbes de Mylène ; le corset ne lui donnait peut-être pas une taille de guêpe, mais procurait une emphase marquée à ses hanches et sa poitrine, qui paraissaient bien plus amples.
Je voyais bien à quel point Mylène aimait. Avec les autres choses que j’avais en réserve…
***
Mylène avait la tête entre les cuisses de Yelena. Couché sur le lit, à côté d’elles, spectateur avide, il m’était difficile de dire qui de nous trois aimait le plus. Certainement, c’était une situation où l’expression « le plaisir des yeux » prenait tout son sens.
Yelena, en apprenant que Mylène n’avait jamais expérimenté avec une femme, avait décidé de l’initier. Très unidirectionnel jusqu’à maintenant, mais mon amie d’enfance n’était plus très loin et, après, ça serait au tour de Mylène.
Et moi dans tout ça ? J’avais bien tenté de participer, mais elles y avaient été à deux pour me faire comprendre que je pouvais regarder, jouer avec mon corps si je le voulais, mais que je ne pouvais les toucher. Je savais exactement ce qu’elles faisaient : elles voulaient me rendre fou de désir afin de plus facilement faire ce qu’elles voulaient de moi.
Ça marchait.
L’idée de m’imposer était tentante, mais ça aurait été de la folie.
Les abandonner était une option, probablement la meilleure, mais je me punirais moi-même, et Mylène était si curieuse qu’elle arriverait aisément à se passer de moi, alors que j’avais remarqué combien Yelena semblait aimer instruire Mylène.
Capituler était ma seule autre option.
J’avais plutôt opté pour la guerre. Une guerre non déclarée, subtile.
Yelena était sur le bord du précipice, y était depuis un temps, et ma petite chevalière déployait tous ses efforts pour l’y pousser.
Pauvre Yelena. Elle n’y arrivait pas.
Elle le voulait. Son corps le voulait. Mais moi, je ne le voulais pas.
On s’en prenait à un Guérisseur à ses risques et périls…
Je manipulais son corps très légèrement, laissant les sensations monter en elle et, lorsque je sentais qu’elle était proche du but, forçais son corps à se détendre, atténuait ses sensations. Palier par palier, elle montait un peu plus haut, son corps toujours un peu plus tendu, crispé. Je n’avais pas utilisé mes talents de cette façon depuis les bataillons pénitentiaires, mais j’avais un meilleur contrôle qu’à l’époque, et ça me revenait vite. Ça aurait été plus facile si j’avais pu toucher, mais j’étais suffisamment proche pour être efficace.
Ma victime était très silencieuse, les mains sur la tête de Mylène, pressant son sexe de manière urgente contre la bouche du Paladin. Toute bonne chose devait avoir une fin, et je ne voulais pas me faire prendre, alors je laissai son corps répondre pleinement. Elle était bien haute, et je lui donnai un petit coup de pouce pour que sa chute soit brutale et soudaine.
Surprise par cet orgasme soudain qui s’était fait tant désirer, elle échappa un bref – mais bruyant – gémissement. Son corps était moins discret, la tête de Mylène fermement piégée par les cuisses, alors qu’elle donnait des coups de reins pour bien se frotter contre une face qui n’avait encore jamais connu cette façon d’être utilisée. Yelena forma des poings dans les cheveux de Mylène lorsque celle-ci arrêta de bien s’occuper de cette chatte dont le besoin était si brûlant.
Je m’amusai en faisant durer les choses pour un maximum de plaisir, mais en laissant un vide subtil, une petite faim profondément en elle que la langue de Mylène ne pouvait espérer atteindre ou combler.
Mylène ne fut libérée qu’après un certain temps, essuyant son visage du dos de sa main.
Elle semblait tout excitée et chaude, la pauvre.
Le contraire eût été étonnant, avec la stimulation légère, mais soutenue, que je lui avais procurée. J’allais lui faire découvrir son petit côté lesbienne que ni elle ni moi n’avions suspecté à ce jour. Elle allait jouir, aisément et souvent, sous les attentions de ma chère Yelena.
Cruel pour moi, qui était tout triste, bien bandé et à l’abandon depuis trop longtemps. Mais c’était un investissement.
Ma Mylène, avec un petit goût pour les femmes ? Yum !
***
Mylène était bannie dans la salle de bains, le temps que Yelena se prépare pour la suite des choses. Les quarante dernières minutes avaient été distrayantes à souhait, Mylène répondant à merveille aux caresses d’une autre femme. J’avais lu la surprise, puis un certain doute, légèrement consterné, sur son visage. Je savais qu’elle ne douterait pas de ses préférences bien longtemps, mettrait ça sur le dos d’une expérience nouvelle, d’une partenaire expérimentée et talentueuse.
J’avais les mains sous la tête, couché sur le dos, et je regardais Yelena fixer son harnais. Allaient-elles me laisser participer, cette fois ? J’espérais bien que oui ! Mais si la réponse était non, j’allais quand même y trouver mon compte : petite vengeance sur les deux femmes, Mylène qui serait intéressée par l’idée d’inviter une autre femme dans notre lit, et ces délectables souvenirs. Voir ma petite chevalière s’amuser avec une autre femme, ça m’excitait vraiment trop !
Debout sur ses genoux, elle donna un très suggestif coup de reins en ma direction. Soudainement, le gros godemiché fixé à son harnais semblait menaçant. Oops.
Son petit sourire en coin de retour. Elle hocha lentement de la tête. Les images qui me venaient… trop d’information !
Elle pouffa de rire à mon expression, la satisfaction se lisant sur son visage.
Bon. Elle était redoutable. Il me restait comme un doute, ce qui était peut-être son intention, et je n’étais plus du tout certain de vouloir tremper ma queue dans cette, c’était clair maintenant, dangereuse vipère. Aussi amicale puisse-t-elle être. Si c’était vrai qu’elle avait fait des trucs avec ce père inconnu… Ses yeux moqueurs riaient encore de moi. Elle se tourna, prit une enveloppe de condom sur la table de chevet, et me la lança.
Elle se glissa dans le lit, sous le drap. Mon érection, qui avait disparu depuis un certain temps, revint à la charge. Le condom, bien glissant et lubrifié, prestement mis, je la joignis sous les draps, et elle appela Mylène, qui arriva vite, curieuse de savoir ce qui se tramait. Yelena tapait l’espace entre elle et moi.
Elle ne daigna pas me répondre, mais je savais déjà que j’allais soigneusement marteler ce clou dans les jours à venir, et que la vipère dans mon lit n’allait pas me trahir sur ce point, amusée par notre interaction. Pire encore, elle m’épaulait !
Mylène était maintenant avec nous, me tournait même le dos, mais elle se trémoussait, m’empêchait d’une main d’accomplir ma mission.
Je fis mine d’y songer, mais c’était l’assassin qui avait l’arme de destruction massive bien sanglée sur elle. Et j’avais pleine confiance en sa volonté vengeresse.
Rien ne paraissait, mais si elle avait été une chatte, Yelena aurait ronronné de plaisir. Mylène tomba dans le panneau, se tourna pour me faire face et m’enlacer de ses bras. J’eus à peine le temps d’arracher le condom avant de me faire piéger dans un endroit chaud et étroit, profondément. Un petit frémissement autour de ma chair me montra que Mylène était encore très en appétit. De mon bord, spectateur abandonné comme je l’avais été… J’embrassai Mylène pour qu’elle ne puisse voir le godemiché se faire enduire de lubrifiant. Mylène cherchait à me faire bouger, mais j’avais eu mes instructions.
Yelena passa de longues minutes à caresser sa proie, à éveiller sa chair avec des doigts qui savaient, pendant que je gardais Mylène prisonnière. Et que je faisais délicatement durer les sensations. Je sentais combien Mylène adorait, même si elle aurait préféré plus… vigoureux. Elle allait être servie, les doigts de sa prédatrice maintenant sur ses fesses, massant ses muscles, écartant, préparant…
Les yeux de Mylène, soudainement écarquillés, ses lèvres laissant passer un petit cri de surprise et de douleur. Elle tenta bien de s’esquiver, de se défendre, mais prise entre deux feux…
Yelena aurait pu pénétrer profondément plus rapidement, mais elle s’amusait, voulait que Mylène sente tout, la lente progression, l’écartement de sa chair par cette longue pointe qui n’arrêtait pas de s’élargir. Mylène, se faisant étirer comme je ne l’avais jamais fait, emplie des deux bords.
Et puis c’était à mon tour de sentir la pointe de ce phallus qui cherchait le mien, qui pourfendait Mylène pour m’offrir des sensations très particulières, sans grand égard pour le confort de celle qui servait de champ de bataille… j’allais en avoir pour mon argent.
Paladin et assassin dans mon lit ? Dangereux… mais ce mélange corsé me plaisait !
Vocabulaire :
coquerelle : blatte (cafard)
encavure : rainure