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Temps de lecture estimé : 21 mn
28/03/12
corrigé 11/06/21
Résumé:  Mylène boude toujours lorsqu'Arkel revient, de fort bonne humeur. Elle finit par capituler et découvre qu'il a une surprise pour elle. Quelques jours plus tard, une visite au Zoccalo, quartier « red light » mal famé.
Critères:  fh prost hdomine cérébral voir exhib strip pénétratio fsodo sf -sf -tarifé
Auteur : Arkann            Envoi mini-message

Série : Framm

Chapitre 05
Le Zoccalo

Résumé du chapitre précédent : Une gueule de bois, une visite indésirable, et une soirée au cinéma se terminant par une Mylène abandonnée loin de chez elle, sans pantalons ou petite culotte.







J’avais de l’argent dans les poches, et j’avais fait sans pendant trop longtemps. Le choix n’était pas fameux, mais le supermarché du quartier était ma moins mauvaise option, à part d’aller à un magasin des niveaux supérieurs, mais il me répugnait de payer le genre de prix y ayant cours.


La plupart des produits avaient passé leur date de péremption. Pour les cannages et produits embouteillés, aucun problème. Les pâtes et certains autres produits non plus. Pour certains produits, on pouvait y aller en choisissant les emballages endommagés, mais dont le produit demeurait intact : invendables sur les niveaux supérieurs, ceux-ci étaient souvent encore frais et étaient de véritables occasions.


Avec moi, mon « coupeur », Alex, un enfant de treize ans avec qui j’avais l’habitude de traiter : il connaissait toutes les aubaines, avait tous les coupons, et cachait certains des meilleurs produits pour les refiler à ses clients réguliers. En échange, il prenait la moitié des économies qu’il me faisait faire. Avec lui, tout allait toujours très vite, le garçon courant d’une allée à l’autre avec son panier et ma liste, bien au fait de mes marques favorites, et de ces produits pour lesquels la marque n’importait pas. Il ajoutait toujours, au passage, les produits à fortes aubaines qu’il croyait susceptibles de m’intéresser. Son jugement était toujours très bon.


Pendant qu’il courait partout, je faisais la ligne pour faire face à l’épicière responsable des fruits et légumes. Avec le boucher, elle était la personne qu’il ne fallait absolument pas offenser, puisque c’est elle qui prenait votre commande et choisissait pour vous. Puisque les produits étaient ceux qui étaient invendables sur les niveaux supérieurs, son attitude envers vous était cruciale. J’arborais mon sourire le plus agréable. Comme tout le monde. Je regardai les prix affichés, et fis quelques modifications en maugréant intérieurement à la montée des prix.


Le système planétaire comptait soixante-dix milliards d’âmes. Nourrir tout le monde était un cauchemar pour le gouvernement, même avec les cavernes agricoles de Kazin, les stations orbitales, les usines d’aliments de synthèse, les océans de Framm… La moitié de la surface terrestre de Framm était vouée à l’agriculture intensive et à l’élevage. Le quart aux autres activités humaines comme l’habitation, et tout le reste était réserve naturelle où personne n’allait jamais, sauf quelques infortunés. J’avais eu cette malchance à quatorze ans, balancé dans la Jungle Noire, seul avec ma sœur pendant un mois. Seuls avec les moustiques, sangsues, araignées, et des milliers d’autres bestioles du même acabit. Ma mère avait voulu nous voir appliquer nos leçons de survie. Quatre mois à passer d’un environnement hostile à un autre. Si ça pouvait faire baisser les prix, j’étais pour la transformation des réserves en champs agricoles !


Puis c’était mon tour.



Avec mon meilleur sourire, je lui tendis ma liste.



Elle avait parlé ! Chaleureusement ! Elle avait même souri ! Je savais, depuis six mois, qu’elle avait un faible pour moi, la sélection bien meilleure qu’avant, mais je n’aurais pu dire pourquoi. Mais là, ça défiait toute compréhension. Cette femme taciturne n’avait jamais rien dit, jamais souri en toutes ces années où j’avais fait mon épicerie ici. Des murmures de surprise dans la filée derrière moi.


Elle revint de la salle arrière avec deux sacs opaques et scellés. Je payai, mais elle me fit une deuxième surprise en faisant un signe au boucher et en me donnant un beau sourire.


Je tâtai discrètement les légumes au travers du sac, en attendant mon tour pour le boucher. Le céleri était ferme ! Les carottes n’étaient pas rachitiques ou tordues !


Le traitement reçu par le boucher était plus normal, mais il mit un doigt discret sur ma liste, à côté des saucisses et fit le signe utilisé dans l’armée pour signaler un danger. J’acquiesçai avec un clignement des yeux.


Plus tard, lorsque je demandai à Alex, qui savait toujours tout, pourquoi j’avais droit à un tel traitement…



Tout était clair. Cette fillette de dix ans, son cancer rare, et l’effort profond qui m’avait valu ma dernière gueule de bois. J’aurais pu obtenir le même résultat, plus tôt, pour moins cher, si j’avais été présent de manière régulière et prévisible.


J’avais un talent précieux, et je le gaspillais. Avec de bons revenus, plus d’excuses.


Dans la filée pour payer, j’avais le temps d’agir sur ma décision impulsive.


Je composai le numéro du dispensaire, obtins la boîte vocale.



Je flottais sur mon petit nuage. Faire le bien… ça faisait du bien !


Ça ne dura pas, la chute rapide et brutale. 1096,89 ducats, pour deux gros sacs d’emplettes, et pas loin de cent de plus pour Alex.



Sous les yeux des gardes armés de l’épicerie, je déployai ma matraque télescopique. Les deux sacs tenus par la main gauche, marchant, aux aguets. Le vol de nourriture par une personne dans le besoin, tant qu’il n’y avait pas de violence, était relativement toléré par la police et les juges, et c’était l’une des rares occasions où je devais être sur mes gardes contre le monde normal. Mais tout se passa bien et je regagnai rapidement la place du quartier, où j’avais peu à craindre.


J’étais fatigué. Mais j’étais heureux. Les trois dernières semaines… avaient été très payantes.


Spécialiste, je pouvais porter des armes en public. Je pouvais les porter dans les aéroports, les navettes, les zones gouvernementales, pratiquement partout. Un tel avantage était particulièrement intéressant pour un garde du corps. Et puis il y avait mon halo qui me rendait menaçant, ce qui était très utile pour dissuader les gens qui cherchaient à trop s’approcher. J’avais enfin trouvé une manière de faire un travail payant tout en ne mouillant pas dans le crime. Je n’aimais pas mon client, mais je n’avais pas besoin de l’aimer.


Je portais veston et cravate, de beaux pantalons, une ceinture de cuir. Des souliers cirés à la place de mes bottes de combat. J’aurais préféré mon linge habituel, parfaitement adapté pour le combat, mais si c’était le sacrifice à faire pour me sortir du trou, je le ferais allègrement. Je devais avouer que j’avais une particulièrement belle gueule, rasé de près, astiqué, éminemment présentable.


La vie était belle !



Le sourire d’Alem était détendu. Il pouvait voir, de par la faible puissance de mon halo, que j’étais de bonne humeur. Et pourquoi pas ? Alem n’était pas exactement une bonne personne, mais qui l’était, devant survivre dans les bas-fonds de la société ?



Je prenais mon temps. Deux chiens se battaient dans un corridor, certains passants arrêtés pour les voir à l’œuvre. Ils eurent une petite pause, me regardèrent, et décidèrent de recommencer à se mordre allègrement.


Mylène était présente à mon arrivée. Comme c’était le cas depuis que je lui avais fait mon coup au cinéma, elle ne répondit pas à mes salutations. Elle me boudait. Depuis plus de trois semaines. Tant pis pour elle. J’étais de bonne humeur. Le pire, c’était qu’elle avait réussi à bien s’en tirer : avec sa longue chemise lui tombant à mi-cuisse, elle était parvenue à faire comme si de rien n’était, à prétendre qu’elle avait des shorts sous sa chemise, et à bluffer son chemin jusqu’à mon appartement. Combien de temps me bouderait-elle encore ? Difficile à dire. Pas important.


Mes sacs d’emplettes sur le comptoir. Je déballai le tout, gardant le meilleur pour la fin. Les légumes, les viandes ! Oh ! C’était encore mieux que ce que j’avais espéré. Mon estomac émettait des borborygmes vulgaires. Je pensais à tout ce que j’allais pouvoir faire. Ma fameuse sauce à spaghetti allait être sublime. Je rangeai soigneusement les précieuses denrées.


Je me mis à l’aise, mettant des vêtements plus confortables. L’armoire ouverte, une fine robe blanche capta mon attention. Je rangeai mon veston, puis tirai cette robe à ma vue, souriant de plus belle. Ah ! Quelle nuit que celle-là avait été ! Il y avait un certain temps, moi et Mylène avions entrepris de la « déflorer » à nouveau. Nous en avions fait tout un rituel. Elle avait joué l’ange innocent. Je l’avais « instruite ». Deux jours ensemble, dévoués à ce petit jeu, à bâtir le moment, à aiguiser l’anticipation.


Un jour, peut-être, elle irait voir son spécialiste en la matière pour se refaire encore une autre virginité. Peut-être. Ce jeu se devait de demeurer rare, ou il perdrait sa valeur.


Je sentais ses yeux, et je savais combien elle se rappelait du moment. Elle était entrée profondément dans son rôle, l’avait joué à la perfection, et ces deux jours avaient été encore plus intenses pour elle que pour moi, ce qui n’était pas peu dire.


La robe avait une déchirure à l’aine, toute cette zone tachée de sang. Le tissu était plus fragile en cet endroit, mais c’était son hymen reconstitué qui avait déchiré avant le matériel de la robe. J’allais m’en souvenir longtemps. Du sang sur un matériel d’un blanc pur et éclatant. Juste à le regarder…


Je sentais la frustration de Mylène. Elle se rendait bien compte que je n’allais pas être le premier à plier, que c’était bien plus dur pour elle que pour moi, et les souvenirs déclenchés par la robe tachée, les désirs ravivés…


Elle capitula, éventuellement, avec un rire franc.



Elle était assise à la table de cuisine, son ordinateur portable déployé. Il y avait des paladins qui laissaient leurs aides faire l’analyse des données, mais Mylène était du type à vouloir faire une partie de ce travail elle-même. C’était laborieux, mais elle disait mieux comprendre ses dossiers ainsi.



Je hochai de la tête. Puisque j’étais son petit ami, que nous discutions parfois de son travail, les paladins m’avaient accordé une cote de sécurité, une cote plutôt élevée, qui aurait fait l’envie de bien des généraux. Mais, même avec celle-ci, elle ne pouvait discuter d’au moins la moitié de ses dossiers avec moi. Ses documents n’étaient pas sur son ordinateur même, mais sur leur ordinateur central, accessibles au travers d’un lien bénéficiant de cryptages avancés. L’appartement était discrètement vérifié chaque semaine par une équipe de spécialistes pour des microphones et autres systèmes d’espionnage.


Même maintenant, si je me concentrais, je pouvais entendre le bourdonnement à peine perceptible d’un des systèmes qui faisaient qu’on ne pouvait nous espionner au travers des murs, plafonds et planchers.



Je lui demandai cela, car je savais combien elle avait tendance à s’acharner, même lorsqu’elle était trop fatiguée pour obtenir de bons résultats. Elle hésita un moment, regarda son écran, puis hocha de la tête.



Un message assez clair. Je repris mon veston et refis le nœud de ma cravate.



Elle ne répondit pas immédiatement.



Un changement de sujet, s’il en était un.



***




J’avais de l’argent. Lorsque j’avais de l’argent, j’en faisais usage. Nous avions une bonne table, nous avions bien mangé. Je prenais mon café, tout détendu. Bonne bouffe, bonne compagnie, conversation intéressante…


Mylène me regardait depuis quelques minutes, réalisant que quelque chose clochait. Elle me connaissait trop bien. Sa face était emplie de suspicion.



Avant de quitter, j’avais glissé une lourde enveloppe dans la poche de mon veston, sans qu’elle me voie faire. Je sortis cette enveloppe, la poussai vers elle.


Elle regarda cette enveloppe une longue minute avant de la prendre, de l’ouvrir. À l’intérieur, il y avait des imprimés, donnant les détails. Et puis il y avait cette carte d’identité, avec sa photo. Un copain des bataillons pénitentiaires qui me devait énormément m’en avait émis plusieurs, il y avait maintenant quatre semaines.



Elle sortit son ordinateur de poche de sa sacoche, et glissa la carte dans la fente.



Les paladins avaient les meilleurs gadgets. Elle ne m’écoutait pas vraiment. Elle accédait aux données contenues sur sa carte. Données médicales, financières… et policières. Je la vis frémir, se mordre la lèvre. Elle était un peu blême. De longues minutes à lire les informations à l’écran, puis sur les papiers.



Elle me jeta un regard incrédule, puis ses yeux se fermèrent presque, ses narines frémissaient. Elle était… fâchée. Et extrêmement excitée.



Oh ! Que j’adorais ses yeux, lorsqu’elle était furieuse et excitée à la fois, incapable de se venger.


J’étais bon dessinateur, et j’avais fait un certain nombre de croquis pour elle, afin qu’elle comprenne bien le style auquel je m’attendais. Je pris l’un d’eux.



Elle dévorait mes dessins des yeux. C’était elle, l’air farouche, fatiguée, usée. Trop de cosmétiques. Des vêtements trop provocants. Je pouvais imaginer l’odeur de parfum bon marché et trop puissant. Une prostituée de corridor qui avait eu une vie difficile. Une prostituée, mais… j’avais capturé sa défiance, sa force. Je voulais l’appeler pendant la nuit, la faire venir pour une heure, en faire usage, la payer et la mettre à la porte. Ou encore, la trouver sur le bout de corridor qu’elle ferait sien, et engager ses services pour dix minutes. Je voulais l’amener dans le genre d’hôtel où les prostituées servaient leurs clients, la baiser là, ses faux cris de plaisir m’encourageant, audibles au travers des murs trop minces. Je voulais une version plus « présentable » mais qui criait tout de même « escorte » et l’amener dans des bons restaurants, lui faire subir les regards désobligeants et moralisateurs des autres. Je voulais la voir se faire arrêter par l’escouade du vice, se faire prendre en photos, avoir un dossier. Je voulais beaucoup.


De par son expression, je voyais qu’elle voulait encore plus, qu’un monde de possibilités venait de s’ouvrir à ses yeux.


Je savais qu’elle allait en faire une identité aussi réelle que celles qu’elle utilisait pour ses missions.



Elle me jeta un regard, et je frissonnai, car elle entrait déjà dans la peau de son personnage.



Une déclaration ferme, pleine d’animosité, de combativité.


Une gifle qui claqua fort. Les têtes tournèrent. Nous n’étions pas dans ma zone. Personne ne nous connaissait, ici. Les gens ne savaient pas comment répondre. J’étais armé, après tout. Mylène aussi, mais seulement de son pistolet, caché dans sa bourse.



Le patron des garçons de table s’approchait, l’air carrément hostile, la tempête se lisant sur son visage. Il s’arrêta à côté de notre table, et le regard qu’il me donna était mauvais.



Il y avait les garçons de table qui se tenaient relativement proches. Ils semblaient beaucoup moins résolus que leur patron.


Mylène… était rouge, particulièrement là où ma main avait giflé sa joue. Sa voix était rauque.



Elle hocha de la tête, se leva, et je jetai quelques billets sur la table, ramassai les documents, et la pris par le bras, l’entraînai avec moi. Elle n’avait pas sa grâce habituelle, se mordillait la lèvre inférieure.


Un retour en silence. Mylène ne rencontrait pas mes yeux. Elle créait sa personnalité, alors même que nous étions dans l’ascenseur. Puis, alors que nous approchions de notre zone, elle me surprit. J’avais été trop confiant. Pas assez alerte, sa prise était bonne… je me retrouvai avec elle dans un corridor insalubre, mon dos plaqué contre un mur couvert d’une mousse gluante. Et la lame d’un couteau appliquée à l’aine.



Son expression, féroce. Il y avait une lueur fiévreuse dans ses yeux.



Je ne l’avais jamais vue glisser pleinement dans le rôle d’un personnage. Elle devait faire une agente d’infiltration très efficace. Elle me faisait juste un peu peur.


La pression du couteau s’atténua, très lentement.



Ses narines frémissaient. Ses yeux gris, si beaux, si pénétrants… Je la voyais combattre le plaisir, je la sentais fléchir. Trop puissant, ce rôle. Et puis ses yeux redevinrent durs. C’était plus difficile ainsi, mais tenir son rôle à la perfection, cela ne ferait qu’augmenter la puissance de l’effet. Elle me donna ses prix. Je marchandai avec elle, conscient que le prix final serait le prix de base, pour le futur.


Elle allait me ruiner, particulièrement si elle insistait pour tenir ce rôle trop souvent. Un problème pour plus tard.


Pour le moment, je savais à quel point elle avait besoin. Je l’entraînai plus profondément dans les ombres de ce corridor abandonné. Elle n’était pas habillée pour l’occasion, mais peu importe. Dans la noirceur, j’arrivai à lui baisser les pantalons.



Je lui donnai son argent… J’avais toujours sur moi le type de condom requis pour ceci. Dans le futur, elle aurait tout ce qu’il lui faudrait, dans sa sacoche. J’enfilai ce condom bien lubrifié. Elle se tenait debout, les jambes écartées, pliée vers l’avant, les mains contre le mur.



J’ignorai ses paroles. En fis usage comme bon me semblait. J’avais loué son corps. Pour les dix prochaines minutes, j’en ferais bien ce que je voudrais.


Des cris rauques. Des encouragements obscènes. Aucun passant ne pouvait avoir de doute qu’une prostituée était à l’œuvre dans ce corridor. Pas exactement le bon secteur, mais pas assez anormal pour que personne ne s’en émeuve. Le seul problème pourrait venir de la gang locale, qui voudrait sa part, mais ils n’allaient probablement pas avoir le temps de réagir.


Mylène faisait tout pour me faire atteindre mon point de non-retour rapidement. Elle tenait son rôle à la perfection… excepté qu’il n’y en avait pas beaucoup, des prostituées qui atteignaient l’orgasme en se faisant enculer bien fermement. Ce n’était pas l’acte lui-même qui lui procurait ce plaisir intense, mais cette humiliante situation, ce… scénario. Puissant. Balayant tout.


Elle n’était pas la seule. Un paladin, faisant la pute pour moi. Irrésistible.



***



Sans hésitation, complètement alerte, j’entrai dans ce quartier mal famé. J’avais déjà habité dans un quartier comme ça. Si vous aviez l’air d’un client, d’un habitué, pas de problèmes. Perdu ? Vous aviez intérêt à vite trouver la sortie. Il y avait des gars armés de shotguns en des points stratégiques, pour s’assurer que les lois de la pègre locale étaient respectées. Les problèmes, c’était mauvais pour les affaires, et ça attirait la police.


Le genre de démon qui aurait fait le vide, ici, m’aurait pris deux minutes à tuer. Mais je n’aurais pas duré deux minutes contre la racaille que ce même démon aurait ravagée sans effort. Une chose à garder en tête.


On me proposait des drogues, on m’invitait dans des bars ou des bordels, on cherchait à me faire entrer dans des casinos. Les putes, pour la plupart, étaient silencieuses ; un homme maudit du halo noir ? Certainement un pervers violent. Un maquereau, qui remarqua que je ne regardais pas la marchandise, se mit en tête que je devais avoir des goûts plus… exotiques, et s’emmena avec son album photo de filles et garçons bien en dessous de l’âge légal.


Il recula violemment, échappant son album, pâle à la vue de mon expression, soudainement plongée dans la pénombre de mes ombres qui s’étaient brusquement assombries. Il ramassa son album et dégagea. À quelques mètres, deux costauds armés me surveillaient. L’un d’eux souriait, alors que l’autre me donna un hochement de tête. Pas que leur approbation ne les aurait empêchés de faire leur boulot, si j’avais mis une balle bien méritée dans la tête du type.


À quinze ans, fraîchement expulsé du nid familial, sans le sou, sans logis, survivant comme je le pouvais, j’avais fait une proie en apparence facile, malgré cette épée que j’avais, trop grosse pour moi. Un maquereau avait décidé qu’il y avait sûrement un marché très lucratif pour le cul d’un adolescent au halo noir, beau comme un ange… Ma mère était bien des choses, mais elle n’élevait pas des proies. Elle m’avait laissé sans un sou, mais bien armé et entraîné. J’avais mozambiqué le premier homme de main – excessif avec le calibre que j’utilisais – et buté les deux autres avant qu’ils ne puissent se mettre à couvert ou dégainer. Juste un adolescent.


J’aurais dû fuir, mais j’avais plutôt retrouvé le maquereau, et lui avait poliment expliqué ma façon de penser. Les tripes à l’air, il ne m’avait pas très bien écouté. Je l’avais laissé agoniser, certain que la médecine ne pourrait rien pour lui, mais j’avais eu tort. J’avais fait un Paladin de moi et cherché à libérer ceux qui auraient été mes compagnons d’infortune, mais mon assaut avait misérablement échoué. Têtu et stupide, j’avais remis ça le lendemain avec un meilleur plan… qui m’avait presque tué.


Six mois, avant qu’ils perdent définitivement ma trace. Justicier ? Mauvais choix de carrière.


J’arrivais à ma destination : de l’autre bord de la place centrale, « Le château du SEXE », endroit d’apparence minable situé au-dessus d’une boutique vendant des films pornos. Une affiche dans la vitrine proclamait fièrement « Nous avons du XXXXXX ! » Mieux valait ne pas savoir.


L’enseigne au néon grésillait de manière désagréable. Je payai le droit d’entrée au portier, et montai.


Au centre, une piste de danse surélevée avec plusieurs barres verticales. À ma droite, un bar avec quelques poivrots qui ne montraient aucun intérêt pour les filles. À l’arrière, des isoloirs, certains étant occupés. Des chaises autour de la piste de danse, et une clientèle surprenante par son nombre. Une quinzaine d’étudiants ayant trop bu, un bon groupe présent pour un enterrement de vie de garçon, des représentants de BOC avec des clients, et la faune habituelle, quoique moins paumée que prévu. Les filles avec les clients ou qui servaient l’alcool étaient assez regardables, avec quelques-unes qui étaient même jolies. Le château devait être l’un des meilleurs établissements du Zoccalo.


Il restait un bon siège qui me permettrait de voir, sans être vu, proche d’un groupe de soldats en permission.



J’hésitai un instant, mais ils n’avaient pas trop bu, avaient l’air amicaux, et le sergent avait un badge de spécialiste avec sept étoiles, portait l’épée. On me faisait déjà une place, tous des vétérans. Comment refuser ? Je serrai la main du Sergent.



J’hésitai un moment, mais mieux valait la jouer franchement.



Un long moment de silence.



Un autre moment de silence, puis le sergent hocha solennellement de la tête.




***




Deux heures. Deux heures à jaser, à boire, à échanger des histoires. Ça me manquait. Mes deux années dans l’armée régulière avaient été bonnes. Compétent, respecté, j’y avais fait ma place.


Je ne regardais plus vraiment la piste depuis un temps, et manquai presque l’entrée de Mylène. Presque. Des gyrophares rouges, une sirène de pompiers. Mon groupe heavy metal favori, l’une de leurs pièces que j’aimais le moins, me fit lever les yeux par curiosité. « Benzin ».


Mylène, vêtue d’un lourd équipement de pompiers, complet avec respirateur et bombonne, des tisons fumants sur son équipement. Sous le respirateur, son visage noir de suie. Elle sortait en courant d’un nuage de fumée, tenant en mains un vrai lance-flammes maquillé de manière à ressembler à un faux. Elle avait littéralement le feu au cul, courait sur la piste. En chantant. Au lieu de la voix de loup du chanteur du groupe, la voix de Mylène rendue rauque par la fumée.



Elle cherchait un gicleur, en trouva un et le rôtit avec son arme. Une courte flamme, pas très chaude, mais quelqu’un déclencha le système et elle était soudainement sous une douche, à gigoter comme si elle brûlait de partout, arrachant son équipement, toujours en chantant, une douleur dans sa voix.



Le casque jeté au sol, le masque projeté loin d’elle.



Une épaisse fumée grise sortait du col de sa veste. Le bruit sourd de la lourde bombonne frappant le sol.



L’épaisse veste, volant loin d’elle. Un chandail partiellement brûlé et fumant. L’épaisse fumée provenait de l’intérieur de ses pantalons ignifuges. J’éclatai de rire, devinant où elle allait. Les plus allumés dans l’audience étaient eux aussi amusés. Et comme de fait, quelques pièces de vêtements arrachées plus tard… les petites culottes boucanaient comme si son sexe était en feu.


Ce qui lui donnait l’excuse de se caresser, de frotter son sexe là où elle le pouvait pour éteindre l’incendie. Une fille faisait le tour avec le casque, et quand un client ou une table donnait suffisamment, Mylène s’approchait et dansait pour eux. Des suggestions vulgaires pour éteindre le feu fusaient de toutes parts. Ma table n’y faisait pas exception, quoique… Le sergent n’avait pas les yeux rivés sur Mylène, mais sur son arme qui traînait au sol.


Arme que Mylène ramassa avant de s’élancer hors de la piste, pour prendre un extincteur, son acolyte la suivant de table en table et, s’ils donnaient assez, gagnaient l’extincteur quelques instants, et le droit de l’arroser. Plus ils payaient, plus longtemps durait le privilège. Une table découvrit le prix du manque de générosité, se faisant asperger, ce qui amusa beaucoup de monde.


Mais toute bonne chose avait une fin, et cette fin se passa à ma table, Mylène parquant son arrière-train tout mouillé sur mes cuisses, un bras autour de mon cou. Elle était sale de suie. Elle m’ignora quelques minutes, flirtant avec mes compagnons de table. Puis, en frissonnant.




***




Froide ? Oui. Éteinte ? Non.


Elle avait beau tenir son rôle à la perfection, son corps ne mentait pas : bien chaude à l’intérieur, et délicieusement glissante.


La chambre était petite, le sommier faisait des bruits alarmants, et les murs auraient pu être de carton que ça n’aurait fait aucune différence. Tout le monde dans le corridor ou les autres chambres pouvait nous entendre, ce qui était exactement ce que Mylène voulait.


Elle m’encourageait de ses faux cris de plaisir, imposait des mouvements pensés pour extraire un maximum de grincements des ressorts fatigués du matelas. Le lit tapait dans le mur, et Mylène avait ouvert la fenêtre pour « aérer », histoire d’être certaine que personne à l’extérieur ne manquerait rien de son deuxième spectacle de la soirée.


Je savais combien ça l’excitait, alors j’y allais vigoureusement pour bien faire craquer le lit. Je grognais comme une bête, quand je n’étais pas en train de lui dire d’une voix trop forte ce que je voulais, ce que je pensais d’elle, de ce qu’elle faisait. Le langage que j’utilisais n’en était pas un que j’aimais normalement utiliser, trop ordurier et crasse, mais c’était de circonstance et étrangement aguichant, pour cette fois. Il y avait probablement une audience, et ça changeait la donne.


Je prenais mon plaisir sans me soucier du sien, alors qu’elle, ostensiblement, se dévouait au mien. Trois cents ducats ! Elle avait affaire à me satisfaire !



J’improvisais, n’avais aucune idée s’il y avait un babillard avec fiches et photos sur lesquelles un client pouvait laisser ses commentaires, mais c’était une bonne idée, et s’il n’y en avait pas, elle ne le savait probablement pas.


Tel qu’anticipé, ça la fouetta.


Je n’arrivais plus à tenir le coup, à faire durer.


Le point de non-retour atteint, je donnai libre cours à ma voix. Exagéré, presque caricatural, mais je m’amusais, et Mylène se joignit à moi, comme si elle avait le meilleur orgasme de sa vie.


Trois cents ducats ! Elle allait avoir une longue, longue nuit…







Vocabulaire :


Éventuellement : finalement


Le matériel : le tissu


Un pimp : un maquereau, un souteneur


Échapper : lâcher


Boucaner : fumer