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Temps de lecture estimé : 23 mn
17/05/12
Résumé:  La contagion atteint une ampleur et une rapidité jamais vues, qui ont obligé l'armée à intervenir. Mais cela suffira-t-il ?
Critères:  laid(e)s autostop nonéro pastiche policier aventure fantastiqu -aventure -policier
Auteur : Gufti Shank            Envoi mini-message

Série : Biohazard

Chapitre 04 / 04
Safety level 6

Résumé de l’épisode 1 : J’ai passé la journée avec Emmanuelle, une splendide jeune infirmière que j’ai rencontrée voici quelques jours. Mais le soir, après qu’on a pourtant déjà fait longuement l’amour, elle se révèle particulièrement insatiable de sexe, à tel point que je suis obligé de la repousser physiquement. Mais en tombant, elle se cogne contre une table. Je panique en découvrant qu’elle ne respire plus et appelle les pompiers, qui arrivent rapidement, accompagnés d’ambulanciers et de policiers. Et tandis qu’ils examinent la jeune femme, apparemment morte, celle-ci reprend soudain conscience, et, de nouveau en proie à d’intenses désirs charnels, se montre extrêmement agressive, mordant profondément plusieurs des secouristes. Et en peu de temps, ceux-ci semblent atteints de la même folie sexuelle et violente, assaillant à leur tour les autres urgentistes. À tel point que les quelques rescapés, apeurés et impuissants, sont obligés de s’enfuir. Je parviens à m’évader avec Charlène, Karl et Denis à bord d’un VSL.



Résumé de l’épisode 2 : Traversant les rues curieusement désertes, nous nous rendons rapidement au commissariat, que nous découvrons pris d’assaut par des centaines de personnes, dont certaines semblent déjà avoir contracté la même hystérie. Et c’est pareil devant l’accueil des urgences, où Karl décide quand même de tenter sa chance pour faire soigner son collègue infecté. Après avoir échappé de justesse à un groupe de fous furieux violents et assoiffés de sexe, Charlène et moi parvenons à entrer dans l’hôpital, où une infirmière, débordée par les blessés et les contaminés qu’on lui amène, nous dirige vers un bureau dans lequel se tient une réunion de crise. Mais quand nous y arrivons, c’est pour constater que la démence s’est également emparée des responsables de l’établissement. Nous réussissons à délivrer deux docteurs des agressions de leurs collègues devenus déments, et nous apprenons de ces rescapés que la folie ambiante est probablement due à une sorte de virus, résultat malheureux d’une expérience qui aurait mal tourné. Ils nous expliquent encore que des équipes de recherche se relaient en permanence pour essayer d’en découvrir davantage sur la maladie et la façon de s’en défaire, et nous décidons de nous rendre tous les quatre dans les laboratoires souterrains de l’hôpital.



Résumé de l’épisode 3 : L’accès aux sous-sols est difficile : nous croisons un peu partout des hystériques qui nous agressent aussitôt. L’un des docteurs est mordu, et je suis obligé de porter l’autre, évanouie. Alors que nous nous trouvons coincés entre deux groupes de déments, Karl nous vient en aide, accompagné de Paulson qui possède un fusil à pompe et s’en sert pour nous ouvrir le passage. Nous parvenons finalement aux laboratoires souterrains, mais là-bas aussi, nous rencontrons l’horreur : les chercheurs ont été contaminés et se sont presque tous entretués. Paulson est mordu à son tour, et se donne brutalement la mort sous nos yeux impuissants. L’unique être vivant non infecté est un chimpanzé détenu dans une cage. Je le libère, contre l’avis de la doctoresse rescapée. Alors que, désemparés, nous essayons une nouvelle fois de contacter l’extérieur et de remettre en marche les ordinateurs des laboratoires, une coupure générale de courant survient, nous plongeant tous dans une pénible obscurité. Épuisés, nous décidons de nous accorder un peu de repos, et je promets à mes compagnons d’infortune de veiller pour parer à toute intrusion.




***




Il ne se passa rien. Rien de rien. La lumière ne revint pas. Les seuls bruits qui couvrirent par moments les ronflements de mes compagnons d’infortune finalement tous endormis furent les cris de rage ou d’agonie d’une quelconque souris au fond de sa cage. J’avais essayé un moment, à la lumière d’un téléphone portable, de trouver quelque chose d’intéressant dans les laboratoires, mais j’avais abandonné rapidement, notamment à cause de l’odeur qui y était de plus en plus insupportable. Et j’étais revenu m’asseoir à côté de Charlène, qui respirait doucement, la tête appuyée en arrière.


Ce fut un bruit fort et sec qui m’éveilla en sursaut. J’ouvris les yeux mais ne vis rien. Nous étions toujours plongés dans l’obscurité. Le singe couina, à quelques mètres.



Je me saisis du fusil à pompe et me levai, puis le chargeai, surveillant successivement les cinq portes qui nous entouraient, à la pâle lueur de l’issue de secours. Un autre coup, plus franc, se fit entendre, paraissant plus proche.



Les bruits se faisaient de plus en plus nets, mélanges de piétinements, de raclements, de chocs. Le chimpanzé poussa une sorte de cri d’angoisse qui éveilla la doctoresse Harper.



Nous attendîmes, cœurs battants, parés à nous défendre. Et des coups sourds retentirent bientôt contre la porte de l’issue de secours. Immobiles, nous guettions son ouverture. J’étais prêt à faire feu.


Mais elle vola soudain en éclats dans une déflagration assourdissante, en même temps qu’un flot de lumière blanche artificielle envahissait le couloir obscur. Les yeux crispés face à cette soudaine clarté, je ne distinguai qu’avec peine les quelques formes qui s’avançaient. Je relevai le fusil, m’apprêtant à tirer plus ou moins au hasard.



C’était une voix contrefaite et froide, qui semblait sortir d’un haut-parleur. Le chimpanzé cria de toutes ses forces et courut en hâte vers la lumière provenant de l’escalier.



Cillant péniblement, je parvins enfin à voir plus en détail les silhouettes qui nous faisaient face. J’eus l’impression de me trouver face à des cosmonautes ; cinq ou six types vêtus d’épaisses combinaisons et de gros casques blancs pointaient sur nous les spots de leurs torches électriques, et d’impressionnants fusils d’assaut.



Karl s’exécuta et posa sa hache à terre. Je lâchai aussi mon flingue.



Mais elle fut accueillie d’une rafale de balles et s’écroula immédiatement, touchée aux jambes et en plein ventre.



Et tandis qu’ils se répartissaient les lieux pour aller visiter les laboratoires, leur chef s’approcha pour nous examiner en détail à la lumière de sa torche qu’il nous braqua dans la tronche tour à tour.



Il parlait lentement, d’une voix impersonnelle.



Mais Charlène m’interrompit :



Je devinai à travers son hublot l’œil navré du capitaine casqué qui appuya un bouton sur la manche de son scaphandre avant de se remettre à parler, visiblement dans une radio. Karl baissa les mains et se précipita sur notre blessée pour tenter des premiers soins de fortune.



Les autres cosmonautes revinrent et levèrent simplement leur pouce ganté chacun leur tour à l’adresse de leur chef.




***



La doctoresse Harper fut emmenée par des brancardiers tout aussi déguisés que les cosmonautes précédents ; et Charlène, Karl et moi fûmes pris en charge par les sbires du capitaine Ramberg qui nous conduisirent à travers tout l’hôpital – enfin, ce qui restait de l’hôpital ; ils n’y avaient pas été de main morte pour donner l’assaut… – jusqu’à une sorte de gros camion garé sur le parvis du bâtiment, au beau milieu de ce qui ressemblait à un champ de bataille. Le véhicule était en fait un centre de soin improvisé, à l’intérieur duquel on nous examina des pieds à la tête en nous prélevant du sang dans tous les sens. Et il fut bientôt décidé que nous étions sains et qu’on pouvait nous parquer dès lors tous les trois en sous-vêtements sous une espèce de bulle probablement stérile, en observation.


Quelques heures s’écoulèrent, que je passai à roupiller dans les bras de la jolie policegirl – qui s’avéra d’ailleurs encore plus jolie en culotte et soutif – au grand dam de Karl qui roupilla, lui, tout seul dans son coin. Et puis deux gradés en scaphandre vinrent nous interroger longuement à travers la bulle. Nous leur contâmes toute notre aventure, et ils nous apprirent en retour que le gouvernement avait été saisi, que l’ampleur et la rapidité de la contagion avaient obligé l’armée à intervenir, qu’un couvre-feu était établi, que la ville entière et ses environs étaient en quarantaine, mais que tout allait bientôt rentrer dans l’ordre, que nous ne devions pas nous inquiéter…


Aucun antidote ou remède ne s’était pour l’instant montré efficace, mais les militaires accueillirent avec enthousiasme notre histoire de chimpanzé et transmirent des consignes pour que l’animal soit capturé vivant.


Quant aux malheureuses victimes du virus, bien peu semblaient devoir s’en sortir ; la plupart s’étaient entre-dévorées ou agressées sauvagement mutuellement, d’autres avaient été balayées par les troupes spéciales de l’armée, mais quelques-uns survivaient toujours, retenus prisonniers pour les protéger de leurs accès de démence, notamment ceux pris en charge en début de soirée par les urgentistes de l’hôpital qui les avaient attachés dans des lits.


J’eus une pensée pour Emmanuelle ; la pauvre était peut-être encore en vie… Nous l’avions menottée de partout avant de filer en hâte. J’en parlai à nos interlocuteurs ; ils m’assurèrent qu’ils feraient le nécessaire. Charlène et Karl, de leur côté, demandèrent à être mis en relation avec leurs collègues ou leurs proches.


Mais il nous fut annoncé qu’on allait nous conduire hors de la cité, à l’écart de la zone contaminée, où divers logements avaient été réquisitionnés par l’armée pour héberger les quelques habitants rescapés indemnes. Nous avions déjà lutté amèrement et devions désormais laisser cela aux professionnels. Ce qui n’était pas pour me déplaire.



On nous transféra bientôt du gros camion vers une sorte d’ambulance militaire que deux nouveaux scaphandriers plus light firent rouler à toute allure à travers les rues de la ville.



Super !



Quels guignols ! Ces types me faisaient penser à des bulots dans leurs coquilles. Ils ne devaient surtout pas avouer que c’était toujours autant le bordel… Mais c’en fut trop pour Charlène qui décida de les engueuler :



Jetant un œil à travers le pare-brise, j’aperçus une gamine qui traversait la route en courant, à quelques mètres de notre véhicule, poursuivie par un type à poil, probablement un zombie. Et comme ce génie de Steve conduisait à fond, ça allait forcément mal se passer. Pour éviter de s’emplafonner la gosse qui s’était immobilisée de panique, il fit un brusque écart, braquant son volant. Mais à cette vitesse, c’était too much pour l’espèce de camionnette. Nous n’eûmes que le temps de nous crisper et fûmes projetés sur la gauche. L’ambulance était sans doute en train de pencher sur deux roues. Steve contrebraqua, mais sans le moindre effet.


On se prit le zombie de plein fouet, qui fut projeté à quinze mètres après avoir fait de grosses taches rouges sur le pare-brise. Tout le monde gueulait à l’intérieur de la fourgonnette, qui n’allait pas tarder à tomber sur le flanc. Je n’eus que le temps de serrer Charlène entre mes bras et, dans un réflexe, on s’allongea sur la banquette désormais presque verticale. À côté de nous, Karl tentait de se redresser. La camionnette chuta sur le sol, mais continua de glisser jusqu’à ce qu’un violent choc nous arrête soudain brusquement dans un intense fracas de ferraille. Je fus projeté en avant, tapant de tout mon poids contre la banquette des conducteurs, et écrasé par le corps de Charlène. Karl fut brutalement catapulté par-dessus le siège du conducteur. Le véhicule était reparti en arrière et tournoya encore un peu sur lui-même.


Reprenant lentement mes esprits, je tentai de bouger, doucement. J’étais coincé au fond de la camionnette, les jambes à moitié pliées, entre les deux banquettes complètement déformées qui me tenaient en étau. Charlène se trouvait dans la même posture, au-dessus de moi – enfin, étant donné la position de la bagnole, c’était plus vraiment le dessus. J’avais mal partout ; j’essayai de me redresser, poussant légèrement vers l’arrière le corps immobile de la policegirl.



Je l’écartai doucement pour tenter de sortir d’entre les sièges. C’était presque miraculeux, mais même si j’avais franchement mal, je n’avais pas l’impression d’avoir quoi que ce soit de cassé.



Elle ne bougeait pas, mais respirait. Comme je me dégageai, elle tomba plus ou moins en arrière, contre la portière du véhicule qui touchait le sol. Parvenant enfin à me libérer complètement, je jetai un regard vers l’avant, cherchant à deviner dans quel état se trouvaient Karl et les deux militaires ; mais je détournai immédiatement les yeux : c’était un vrai carnage. Les trois étaient radicalement écrasés contre ce qui restait du capot et du pare-brise, avec des bouts de tôle et de vitre en travers de la tête ou du corps. Même les espèces de scaphandres des soldats ne les avaient pas suffisamment protégés.



En achevant de l’éveiller, je réfléchis à la façon dont nous allions pouvoir sortir de la camionnette. La vitre arrière était intacte ; celle de la portière droite, au-dessus de nous, était fendue de partout et partiellement pliée. Je regrettai presque de ne plus avoir la hache ou le fusil à pompe pour nous frayer un passage à travers le coffre.



Elle tenta de remuer un peu et grimaça de douleur.



Je l’aidai à se redresser doucement. Elle réussit à se mettre plus ou moins debout dans le petit espace.



Elle se serra contre moi et m’embrassa à pleine bouche. Ce n’était pas forcément le meilleur moment, mais ça faisait quand même du bien…



Levant les bras, je m’arc-boutais de toutes mes forces sur la portière arrière droite de l’ambulance ; elle bougeait légèrement. Je forçai encore. Quelques bris de glace nous tombèrent dessus. Mais rien ne s’ouvrit. C’était trop bousillé.



Mais en le disant, je me fis la réflexion que les soldats en scaphandre avaient peut-être des armes avec eux.



Surmontant la nausée qui m’étreignit de nouveau lorsque je reposai les yeux sur les corps ensanglantés écrasés à l’avant de la bagnole, j’enjambai péniblement la banquette qui nous séparait des cadavres. Et bingo ! Les deux militaires portaient chacun une sorte de ceinturon avec un flingue. Je me faufilai jusqu’à pouvoir les retirer de leurs étuis, et m’assurai qu’on ne pût plus rien ni pour eux ni pour le pauvre Karl, avant de revenir vers l’arrière.



Je suivis du regard ce que m’indiquait Charlène, mais ne vis rien.



Je me déhanchai pour parvenir à soulever la jambe du scaphandrier qui me bouchait la vue. Et effectivement, il y avait là un superbe fusil mitrailleur qui avait dû voler au moment de l’accident. Ben au moins, les types ne partaient pas en mission sans défense… Confiant les deux pistolets à ma compagne, j’escaladai les restes du tableau de bord pour aller m’en saisir. Mais la sangle de l’arme devait être coincée quelque part sous le cadavre du conducteur ; je n’arrivais pas à la débloquer.



Oui, bonne idée. Et à l’aide d’un morceau du pare-brise, je réussis après pas mal d’efforts à sectionner la sangle en un point. Et cela suffit. Elle devait être prise autour de je ne sais quoi, mais glissa finalement lorsque je tirai l’arme vers moi.



Et un coup de feu explosa tout à la fois la vitre arrière et mes tympans en mille morceaux.



***




Dans la rue résidentielle, sous la lune presque ronde, la plupart des maisons semblaient désertes ; de nombreuses fenêtres étaient fracturées ; plusieurs voitures retournées ; et çà et là gisaient des cadavres à demi déchiquetés… Une plainte sinistre se fit entendre. Dans un jardin, à une centaine de mètres, un groupe de zombies partouzaient en grognant.



La policegirl vérifia l’état et la contenance des revolvers, puis les rangea dans ses poches, avant de m’expliquer comment débloquer la sécurité du fusil-mitrailleur, et comment en faire usage. Elle était belle, à me parler de flingues dans son uniforme sale déchiré de partout…



Oui, c’était aussi mon avis. Si je pouvais me dispenser de tuer qui que ce fût, même un zombie, ça m’arrangeait plutôt… Je bricolai une espèce de nœud pour raccommoder la lanière que j’avais coupée et passai l’arme en bandoulière.



Elle sourit.



Un hurlement suraigu m’interrompit, immédiatement suivi d’un appel :



C’était une voix de gosse ; peut-être celle qu’on avait manqué de shooter. Charlène me regarda et dut lire dans mes yeux qu’il n’était pas question d’hésiter. Nous courûmes aussi vite que possible dans la direction d’où nous avait semblé provenir le cri, et un autre hurlement nous guida jusqu’à une ruelle perpendiculaire. Et là, entre deux belles demeures, la gamine se débattait, aux prises avec un zombie. C’était bien celle que l’ambulance de feus les scaphandriers avait failli dégommer.


En moins de trois secondes, je fus à sa hauteur et me préparai à asséner un grand coup de latte à la créature hystérique. Mais le type dut me voir arriver et se redressa pour me faire face, pointant vers moi sa queue tendue et ses yeux rouges exorbités. Sa peau nue semblait saigner entre les plaques grisâtres presque violettes. Je relevai maladroitement mon fusil mitrailleur, mais plusieurs coups de feu retentirent derrière moi et le zombie se prit une volée de balles qui lui explosèrent successivement le bide, une épaule, une cuisse, l’autre épaule, et un autre bout du bide, le faisant à chaque fois reculer de deux mètres. Il finit par s’écrouler. Je me penchai aussitôt vers la fillette apeurée. Elle ne devait pas avoir plus de dix ans, et m’observait avec effroi.



Elle ne répondit rien. Charlène me rejoignit après avoir rangé ses flingues et sourit à la gamine.



La gosse tourna ses yeux terrifiés vers le zombie qui pissait le sang mais bougeottait encore un peu, à une dizaine de mètres.



Je décidai de laisser ma compagne poursuivre l’interrogatoire et me relevai pour surveiller les environs.



Elle secoua négativement la tête. Un hurlement enragé se fit entendre ; sans doute un autre hystérique à quelques pâtés de maisons.



Elle avait désigné d’un geste la créature qui l’avait agressée. Une série de grognements sauvages s’élevèrent, juste derrière une haie d’arbustes, près de nous, très près de nous. Il faisait sombre, mais j’avais nettement l’impression de voir les arbres bouger.



Une créature sortit alors soudainement de la haie que je ne quittais plus des yeux. Je déverrouillai la sécurité de mon gun et levai le canon. Mais le zombie ne s’intéressait pas à moi ; il avait repéré celui que ma compagne venait de dégommer et qui agonisait sur le sol en rampant, et se précipita sur lui. Sans chercher à comprendre, je rabaissai le cran de sûreté et fis demi-tour. Charlène releva la gamine et elles m’emboîtèrent le pas. Et on ne s’arrêta de courir qu’après avoir parcouru au moins cinq cents mètres.



Je jetai un œil sur toutes les voitures qu’on croisait et qui n’avaient pas été massacrées. La plupart étaient fermées ; et celles ouvertes n’avaient évidemment pas les clés dessus. Il aurait presque fallu entrer dans les baraques pour les chercher. Au pire, tant pis, on pourrait sans doute prendre la mienne, si elle n’avait pas été fracassée ; mais la perspective de retourner chez moi, de peut-être me retrouver face à Emmanuelle ou ce qu’il en restait, ça ne m’emballait pas des masses.


On continua de marcher, prudemment. Les filles étaient devant, je les entendais discuter ; Charlène demandait à la pauvre gamine si elle avait de la famille quelque part chez qui aller. Et moi j’examinai toutes les bagnoles.



Ma compagne pointait quelque chose du doigt dans une rue perpendiculaire. La rejoignant, je découvris ce qu’elle me montrait.



C’était une superbe bécane noire et argentée, probablement une Harley, couchée sur le côté.



Un grondement inquiétant s’éleva en réponse, suivi d’une série d’ahanements déments.



On prit la ruelle, jusqu’à la moto. Les clés étaient dessus, et il y avait un dossier à l’arrière du siège passager. Charlène avait ressorti ses deux flingues et guettait dans toutes les directions, pendant que j’essayai désespérément de relever la trop lourde machine. Mélanie fit mine de m’aider, mais ça n’y changea rien, et il fallut qu’on s’y mette tous les trois pour parvenir à la redresser enfin. J’enjambai la selle et tournai la clé à plusieurs reprises en serrant la poignée d’embrayage, sans effet.



Un zombie venait de surgir dans la rue et grognait en se branlant bêtement. Il ne semblait pas encore nous avoir repérés. Charlène s’empara du fusil mitrailleur et le déverrouilla. Avec de grands coups de talon, je tentai de démarrer la bécane au kick. Et au cinquième essai, le moteur vrombit enfin dans un tumultueux grondement.



J’aidai la gamine à se hisser derrière moi. Le vrombissement de l’engin avait attiré l’attention du zombie qui se précipitait sur nous. La policegirl lui envoya une rafale qui le fit s’écrouler, puis grimpa derrière Mélanie sur la bécane où je me serrai à l’avant pour qu’on ait assez de place. Et tandis que la créature se relevait en râlant, je mis pleins gaz et laissai un peu de gomme sur le bitume en démarrant brutalement dans un crissement.



Charlène gueula quelque chose en réponse, mais que je ne compris pas. Je fonçai à travers les rues presque désertes. Par-ci par-là, on apercevait quelques types grisâtres en train de baiser de toutes leurs forces, ou de s’entre-dévorer. Je pris la direction de l’hôpital tout proche ; peut-être que nous pourrions confier la pauvre Mélanie aux militaires venus sécuriser la ville.


Mais quand on arriva sur le parvis des urgences, il n’y avait plus la moindre trace du déploiement de forces des soldats qu’on avait trouvé lorsqu’ils nous avaient récupérés au fin fond des laboratoires. C’était juste un champ de bataille. Des cadavres plus ou moins déchiquetés un peu partout. Et même, par endroits, un ou deux scaphandriers étendus par terre, abandonnés là. Les combats avaient dû être rudes. Mais tous avaient levé le camp. Il n’y avait plus âme qui vive.



Sur notre gauche, à quelques mètres, un groupe de zombies, occupés à partouzer en se bouffant à tout va. Une nana à poil se mit à courir vers nous en hurlant. Je passai la première et tournai à fond la poignée d’accélération.


Bon, on serait quand même mieux en bagnole… Je roulai à toute allure jusque devant chez moi, où j’immobilisai encore la bécane. Mais ma pauvre voiture n’était plus qu’une ruine ; elle avait été fracassée de partout. Les vitres avaient volé en éclats, une portière était arrachée, les deux roues que je pouvais voir étaient à plat…



Je m’interrompis tout net. Une puissante sirène retentissait.



Charlène et moi nous regardâmes, étonnés de n’avoir pas connaissance de tout ça. Mais d’un autre côté, on avait passé la moitié de la journée confortablement à l’abri dans le health-car de l’armée. Deux longs coups d’alarme. Puis une voix s’éleva, qui semblait provenir de partout à la fois :



J’étais abasourdi. Charlène encore plus.



Bon… ben voilà… on avait vingt-cinq minutes pour se tirer !



De nouveau, je démarrai en trombe, et pris la direction qu’avait indiquée la voix amplifiée. En moins de dix minutes, nous fûmes sur la grand-route ; elle était déserte. Je bombai encore, quelques kilomètres, jusqu’à soudain tomber sur un embouteillage monstre ; des dizaines de véhicules en file attendaient de franchir un barrage. J’immobilisai une fois de plus la moto.



Pour être cueillis au barrage et probablement de nouveau parqués un peu plus loin…



Charlène consulta sa montre.



Je fis tourner la moto et repris la route en sens inverse, à toute allure. Mélanie serrait fort ses bras autour de ma taille. Un hélicoptère nous survola bientôt, braquant sur nous le flot de lumière intense d’un projecteur embarqué. Et j’entendis vaguement une voix amplifiée par un mégaphone. Mais je ne parvins pas à comprendre. Sans doute nous demandait-on de ne pas faire demi-tour. Bah… ils n’allaient tout de même pas nous abattre…


Nous rejoignîmes la ville et l’hélico finit par nous abandonner pour probablement retourner surveiller le barrage en amont. Je menai la bécane à travers les rues désertées de la grande cité aussi vite que possible. Nous apercevions de temps à autre un groupe de zombies, occupés à baiser sans discontinuer.


Nous arrivâmes devant la gare et je m’y arrêtai un instant.



Une centaine de personnes faisaient la queue pour embarquer dans un grand car, sous le contrôle de quelques soldats emmitouflés dans leurs combinaisons stériles. Ceux-ci nous firent de rapides signes d’alerte, nous engageant à fuir la ville au plus vite en suivant leur véhicule. Mais rien à foutre ! On allait tenter notre chance sur la deux-voies qui menait vers l’est.


Je fonçai de nouveau, sans m’arrêter ni aux carrefours ni aux ronds-points, prenant les courbes aussi vite que le permettait la moto surchargée. Nous atteignîmes rapidement les faubourgs de la cité, déserts eux aussi. Je continuai sans ralentir, sur la grande route. La lune rougeoyante qui descendait vers l’horizon se reflétait dans les rétroviseurs de l’Harley.



Mais je dus soudain piler au détour d’un virage ; une large barricade, faite de divers véhicules et de lourdes plaques de métal ou de plastique, avait été dressée en travers de la chaussée et jusqu’aux terrains voisins. Au-dessus, quelques soldats en combinaison faisaient les cent pas. Plusieurs firent de grands gestes en nous apercevant.



Les scaphandriers d’en face se contentaient de m’adresser tout un tas de signes.



Après tout, Charlène avait raison ; on était peut-être assez loin de la ville, maintenant. Même si elle était bombardée… Ils n’allaient quand même pas tout détruire dans un tel rayon…


Mais nous eûmes bientôt notre réponse : les militaires se repliaient, abandonnaient leur position pour s’éloigner de l’autre côté de la barricade. S’ils levaient le camp, valait sans doute mieux pas qu’on traîne non plus…



Je tournai les yeux vers ma compagne ; elle avait relevé le fusil mitrailleur et semblait ajuster sa cible, devant nous.



Je n’eus pas le temps de finir ; elle avait pressé la gâchette de l’arme automatique et une rafale atteignit la barricade. Ses premiers tirs furent sans effet, les balles explosant contre les plaques de métal. Elle corrigea quelque peu sa visée et toucha finalement un camion garé en travers de la route. Elle continua à l’arroser. Derrière moi, Mélanie se bouchait les oreilles et hurlait. Je n’étais pas franchement sûr que cela serve à quelque chose, mais Charlène ne s’arrêtait pas.


Sur notre gauche, au loin, j’aperçus plusieurs lumières s’élever doucement dans le ciel, en direction de la ville. Étaient-ce les bombardiers qu’on nous avait promis ?


Il y eut soudain une violente déflagration devant nous, dont le souffle déséquilibra brutalement la bécane, manquant de nous jeter tous trois à terre. Les tirs de Charlène avaient finalement embrasé l’un des véhicules, qui explosa dans un nuage de flammes et de fumée, projetant des éclats en tous sens et creusant une large brèche dans la barricade. Derrière nous, c’étaient quatre bombardiers qui se rapprochaient de la ville.



Je ne savais même pas si la brèche était suffisante. Et surtout, elle était toujours parsemée de tout un tas de débris et de grandes flammes. Mais c’était plus le moment de réfléchir.



Je sentis les filles se crisper derrière moi quand j’accélérai vers la barrière. Zigzaguant entre les fragments de métal et de plastique enflammés, je peinai à garder les yeux ouverts dans le brasier qui entourait toute la percée. Et la chaleur vive des flammes nous brûla tout le corps. Mais je tins bon, et nous franchîmes enfin la barricade. Je ne m’arrêtai pas pour autant et fonçai de nouveau pleins gaz pour nous éloigner le plus loin possible du bombardement annoncé.


Un gigantesque flash de lumière intense se refléta soudain dans les rétroviseurs de la bécane, aussitôt suivi d’une impressionnante détonation. Trois autres, semblables, lui succédèrent, et une grosse fumée sombre s’éleva bientôt loin derrière nous, au-dessus de la ville, soufflée à toute allure par les explosions successives.


Je roulai à près de deux cents à l’heure jusqu’à apercevoir devant moi le convoi qui avait évacué les soldats de la barricade. Les camions n’avançaient que bien moins vite mais s’éloignaient toujours vers l’est. Jaugeant dans le rétroviseur l’avancée de la fumée au loin, je ralentis quelque peu, n’ayant aucune envie de rejoindre les militaires. Je m’arrêtai bientôt au sommet d’une petite côte et tournai la moto en travers de la route, de sorte que nous puissions tous les trois contempler derrière nous la ville atomisée par les bombardiers qu’on devinait déjà redescendre à l’horizon opposé.



Charlène se pencha par-dessus notre jeune passagère pour me déposer un baiser. Mais celle-ci hurla soudain, d’une voix suraiguë, qui se mua peu à peu en une plainte rauque et farouche.



Ma compagne essayait de l’apaiser, de comprendre ce qui lui arrivait. La gamine montrait les dents et se mit à grogner atrocement, et se pressa violemment contre moi pour tenter de me mordre. Charlène lui prit les mains et la tira en arrière, révélant une profonde blessure que nous n’avions pas vue sous son bras gauche ; mais Mélanie se retourna aussitôt pour attaquer la policegirl à son tour.


Sans être bien sûr de ce que je faisais, j’ouvris de nouveau à fond la manette des gaz en relâchant l’embrayage à peine plus tard qu’il aurait fallu ; la bécane partit en roue arrière, déséquilibrant mes passagères. Charlène, calée par le siège, ne tomba pas, mais la gamine ne se tenait plus et décolla littéralement de la selle sans parvenir à se rattraper. Elle chuta à terre mais se releva aussitôt derrière la moto qui s’éloignait à toute allure.



Par un dernier regard désabusé dans le rétroviseur, j’aperçus tout à la fois Mélanie courir, farouche, sur la route et Charlène, retournée, qui pleurait… Au loin, la lune flamboyante disparaissait peu à peu dans la fumée noire qui s’élevait de la ville réduite en cendres.







Fin





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Réf.: http://fr.wikipedia.org/wiki/danger_biologique