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Temps de lecture estimé : 19 mn
15/05/12
Résumé:  Notre seul espoir est de rejoindre les laboratoires souterrains de l'hôpital...
Critères:  médical uniforme laid(e)s sales zoo pastiche délire policier fantastiqu -aventure -fantastiq
Auteur : Gufti Shank            Envoi mini-message

Série : Biohazard

Chapitre 03 / 04
Stricken

Résumé de l’épisode 1 : J’ai passé la journée avec Emmanuelle, une splendide jeune infirmière que j’ai rencontrée voici quelques jours. Mais le soir, après qu’on a pourtant déjà fait longuement l’amour, elle se révèle particulièrement insatiable de sexe, à tel point que je suis obligé de la repousser physiquement. Mais en tombant, elle se cogne contre une table. Je panique en découvrant qu’elle ne respire plus et appelle les pompiers, qui arrivent rapidement, accompagnés d’ambulanciers et de policiers. Et tandis qu’ils examinent la jeune femme, apparemment morte, celle-ci reprend soudain conscience, et, de nouveau en proie à d’intenses désirs charnels, se montre extrêmement agressive, mordant profondément plusieurs des secouristes. Et en peu de temps, ceux-ci semblent atteints de la même folie sexuelle et violente, assaillant à leur tour les autres urgentistes. À tel point que les quelques rescapés, apeurés et impuissants, sont obligés de s’enfuir. Je parviens à m’évader avec Charlène, Karl et Denis à bord d’un VSL.



Résumé de l’épisode 2 : Traversant les rues curieusement désertes, nous nous rendons rapidement au commissariat, que nous découvrons pris d’assaut par des centaines de personnes, dont certaines semblent déjà avoir contracté la même hystérie. Et c’est pareil devant l’accueil des urgences, où Karl décide quand même de tenter sa chance pour faire soigner son collègue infecté. Après avoir échappé de justesse à un groupe de fous furieux violents et assoiffés de sexe, Charlène et moi parvenons à entrer dans l’hôpital, où une infirmière, débordée par les blessés et les contaminés qu’on lui amène, nous dirige vers un bureau dans lequel se tient une réunion de crise. Mais quand nous y arrivons, c’est pour constater que la démence s’est également emparée des responsables de l’établissement. Nous réussissons à délivrer deux docteurs des agressions de leurs collègues devenus déments, et nous apprenons de ces rescapés que la folie ambiante est probablement due à une sorte de virus, résultat malheureux d’une expérience qui aurait mal tourné. Ils nous expliquent encore que des équipes de recherche se relaient en permanence pour essayer d’en découvrir davantage sur la maladie et la façon de s’en défaire, et nous décidons de nous rendre tous les quatre dans les laboratoires souterrains de l’hôpital.




***




Charlène et moi marchions devant les deux médecins, nos armes levées, prêtes à servir. Nous avions rencontré un petit problème en voulant redescendre vers les étages inférieurs : dans le vestibule devant les ascenseurs, une nana à poil était agenouillée sur un type couché à terre et en pompait un autre. Tous trois grognaient et beuglaient ; tous trois avaient la peau couverte de taches grises ; tous trois tournèrent immédiatement sur nous leurs yeux fous injectés quand nous ouvrîmes la porte du couloir…


Nous fîmes demi-tour sans chercher à les affronter ou les contourner. Le docteur Landry nous promit qu’on trouverait un escalier de secours un peu plus loin. Et celui-ci nous mena en effet jusqu’au rez-de-chaussée, où le spectacle désolant qu’on découvrit derrière une lourde porte coupe-feu nous laissa désemparés, démoralisés, abattus : tout le hall que nous avions traversé, Charlène et moi, moins d’une heure plus tôt, n’était plus désormais qu’un vaste champ de partouzes ensanglanté. Des dizaines et des dizaines de zombies baisaient dans tous les sens, tandis que d’autres s’entre-dévoraient plus ou moins. Quelques corps gisaient à terre, sans qu’on sût s’ils agonisaient ni même s’il s’agissait de personnes infectées ou non.



Un peu plus loin dans un coin du hall, derrière un espèce de desk qui devait servir d’accueil, trois rescapés s’efforçaient désespérément de repousser un groupe d’hystériques qui voulaient sans doute se les faire d’une façon ou d’une autre.



J’en avais qu’à moitié envie… Mais Charlène avait raison, nous devions tenter quelque chose !



Alors que j’allais lui répondre qu’on l’emmerdait, deux autres créatures se dressèrent soudain en hurlant devant nous, à quelques mètres, sorties en hâte de leur baisouille pour je ne sais quelle raison. Leurs regards déments me glacèrent le sang. Les deux allumés se mirent à courir vers nous à toute vitesse. Charlène tira aussitôt plusieurs coups de feu ; les balles atteignirent leurs cibles, mais aucun des zombies ne s’écroula. Vacillant à peine, ils continuaient de foncer vers nous, les yeux exorbités et injectés.


Je me jetai de côté et balançai un grand coup de hache sur le bide d’un des types quand il passa à côté de moi. Il tomba tout net. L’autre poursuivit sa course droit sur les toubibs immobiles, paralysés de frayeur, et s’effondra enfin au septième coup de feu, entraînant dans sa chute la doctoresse Harper. L’autre médecin se précipita pour retirer le cadavre et libérer sa collègue, mais ce n’était pas un cadavre ! Le zombie était bien loin de crever et se retourna soudain rageusement sur le docteur Landry, le mordant profondément à la jambe, puis au bras. Et il fallut encore deux coups de feu et un de hache pour le mettre enfin hors d’état de nuire.


Nos compagnons étaient dans un bien triste état : l’un sévèrement mordu en plusieurs endroits, qui n’allait pas tarder à péter les plombs à son tour ; la seconde évanouie, qui avait dû se cogner la tête quand l’aliéné l’avait renversée, mais apparemment indemne. Et derrière Charlène, dans le hall, les ultimes résistants venaient de se faire définitivement déborder et s’écroulaient l’un après l’autre.



Je m’en saisis sans rien répondre. Il avait parfaitement compris qu’il était foutu.



Et avant qu’on puisse faire quoi que ce soit, il s’avança en braillant et en claudiquant dans la vaste salle d’accueil, s’éloignant de la direction qu’il nous avait indiquée. Les hystériques qui n’étaient pas occupés à baiser ou à se manger entre eux s’élancèrent aussitôt vers lui, nous libérant effectivement un semblant de chemin.



Ainsi fut fait. Et nous fonçâmes, traversant la pièce ventre à terre. Charlène écarta plus ou moins violemment un ou deux fous furieux qui tentaient quand même de nous retenir, mais nous poussâmes rapidement et finalement sans embûche les deux portes battantes du couloir des urgences.


Mais deux nouveaux zombies nous attendaient là, baisant en levrette à une quinzaine de mètres de l’entrée du corridor. Et clairement pas la place de passer sans danger à côté d’eux. Ma collègue s’immobilisa, hésitante, et jeta un regard en arrière pour s’assurer qu’aucun autre ne nous avait suivis.



Je fis brusquement volte-face, toujours avec la mère Harper dans les bras. Et les jambes de cette dernière atteignirent en pleine tête la créature à poil qui se ruait sur nous avec sa bite tendue. Ça ne l’arrêta qu’à moitié et nous tombâmes tous les trois, moi en arrière avec la toubibe par-dessus, et le fou furieux pour finir de m’écraser. J’avais lâché la vieille pour tenter d’amortir ma chute, mais je me sonnai quand même bien comme il faut et me fis sévèrement mal au bras. Et le temps que je reprenne mes esprits, Charlène avait abandonné la hache et était en train de vider son chargeur sur le zombie qui commençait déjà d’arracher la jupe de la pauvre doctoresse que rien ne semblait pouvoir sortir de ses vapes.


Je flippais de me faire mordre autant que de me prendre une balle, mais ma coéquipière visait juste et l’hystérique cessa de bouger au quatrième coup de feu avant d’avoir pu faire du dégât. Alors que je me dégageais de sous le tas de viande, la policegirl se retourna vivement juste à temps pour tirer encore sur les deux autres allumés du couloir, qui, baisant toujours, s’approchaient dangereusement, en rampant presque, grognant sauvagement.



La nana zombifiée à la peau grise s’écroula. Le type continua de la défoncer par derrière en beuglant sans s’apercevoir qu’elle ne bougeait plus, et poussait son corps en avant à chaque coup de boutoir qu’il assénait, tout en dardant sur nous ses yeux rouges exorbités. Charlène releva légèrement son flingue.



Le mec, pourtant salement amoché, avec une épaule et le bas de la tête arrachés, se redressa, abandonnant sa partenaire crevée. Sa queue tendue oscilla un instant devant nous pendant qu’il se ramassait pour nous bondir dessus. J’étais incapable du moindre geste, crispé, prêt à me défendre. Ma compagne balança son flingue sur l’affreux, qui se le prit en pleine poire, mais sans broncher.


Quelques longues secondes, la créature ne bougea pas, grognant en montrant les dents. Très doucement, lentement, Charlène se pencha pour se saisir de la hache. Mais elle n’allait pas avoir le temps de la prendre, c’était impossible ! Et moi je n’osais pas remuer un doigt…


Dans un hurlement atroce, le zombie sauta brusquement en avant. La jeune policegirl l’esquiva en se jetant sur le côté. La bestiole, un court instant déstabilisée, se reprit pour se ruer sur moi. Mais une monstrueuse détonation retentit soudain et mon agresseur fut brutalement projeté dans ma direction, passant presque au-dessus de moi, plié en deux, le bassin devant, et s’écroulant finalement au sol sans quasiment plus bouger.



Mon équipière sauta de joie en découvrant le jeune soldat du feu, un peu plus loin dans le couloir, accompagné d’un autre type, un gros barbu balèze en treillis qui portait un énorme fusil à pompe. Je me relevai en hâte et dégageai la mère Harper de sous le champ de bataille tout en vérifiant que les deux qui nous avaient attaqués ne s’agitaient plus.



L’expression alluma une brève lueur d’espoir dans les yeux de nos compagnons d’infortune.



Karl acquiesça. Le barbu confirma, mais rechargea quand même son fusil.



Et on repartit à toute allure, passant devant tout un tas de portes closes qu’on n’essaya surtout pas d’ouvrir, jusqu’aux ascenseurs dont nous avait parlé le toubib Landry. Confiant momentanément la mère Harper au jeune pompier, je cherchai en hâte la bonne clé, et déverrouillai bientôt la serrure qui commandait l’appel de l’ascenseur. Un bruit significatif de monte-charge se fit entendre, presque rassurant, couvrant les hurlements qui nous parvenaient encore d’un bout et de l’autre du couloir.


Une trentaine de secondes pénibles s’écoulèrent. On écoutait l’élévateur arriver, et on attendait, impatients, jetant des yeux inquiets dans les deux directions. Un tintement électronique caractéristique retentit enfin, et les portes s’ouvrirent. On s’engouffra tous les cinq dans le petit ascenseur et je pressai sur le bouton indiquant le troisième niveau souterrain.


Karl déposa la toubibe à terre contre la paroi et nous fit de rapides présentations en nous racontant brièvement son parcours. Quand on l’avait quitté, il avait poussé le brancard où était attaché son collègue en direction de l’accueil des urgences, bravant déjà avec difficulté la foule qui commençait à sombrer dans la démence. Un cordon de flics filtrait l’entrée de l’hôpital, et en tant que pompier, il avait pu passer. Il avait conduit Denis jusqu’à des infirmiers qui l’avaient pris en charge, et avait proposé ensuite de se rendre utile auprès des policiers. Mais la situation avait empiré très vite pour atteindre peu à peu le même degré de folie que de notre côté, et il avait dû lutter pour ne pas être assailli, mordu, violé, par les créatures, avant de réussir à s’enfuir avec Paulson, le gros type avec le fusil.


Je n’eus pas le temps de lui conter notre histoire, car l’ascenseur était parvenu au troisième niveau. Les portes s’ouvrirent de nouveau. Sur un couloir plongé dans le noir que n’éclairaient qu’à peine les plafonniers de l’intérieur de la cabine.



Prudemment, Charlène et Paulson s’avancèrent, cherchant à percer l’obscurité. Tout était parfaitement silencieux. La jeune femme repéra enfin un interrupteur et fit la lumière dans le petit corridor. Sur notre gauche, il y avait des toilettes, ainsi qu’une porte coupe-feu, probablement un escalier. Karl m’aida à porter de nouveau la toubibe toujours évanouie et, suivant nos compagnons sur la droite, nous parvînmes devant un sas fermé marqué d’un numéro 9. Nous tendîmes un instant l’oreille, mais aucun autre son que celui d’une forte ventilation ne se faisait entendre.


Paulson releva tout de même son fusil pendant que Karl actionnait la commande de déverrouillage de la double porte, et, en la franchissant, nous poussâmes tous simultanément un cri d’horreur. Dans le vaste laboratoire encombré d’obscures machines et de tables de recherches ou d’expériences diverses, deux cadavres grisâtres nus ensanglantés, ceux d’un homme et d’une femme, gisaient à terre dans une mare de sang avec de profondes traces de morsures qui avaient par endroits déchiré la chair et laissaient voir les os. Et vers le fond de la pièce, un zombie était en train de défoncer en geignant l’arrière-train de ce qui restait d’un autre type, dont tout le haut du corps avait été lacéré, mordu, griffé, arraché, et dont la tête pendait atrocement, sanguinolente, à demi coupée, remuant et se balançant affreusement à chaque coup de boutoir qu’assénait la créature abjecte.


Une moue de répulsion et de terreur sur le visage, Charlène recula, une main sur la bouche, sans doute pour aller vomir. Karl détourna les yeux, crispé, se pinçant le nez. J’abandonnai la vieille Harper et dus faire des efforts pour ne pas dégueuler à mon tour. Paulson, également au bord de la rupture, prit son fusil à deux mains, ajusta un court instant, et tira. Dans un immense fracas, le zombie survivant valdingua trois mètres plus loin, se cognant contre le bas d’une table, mais s’agita encore un peu en nous lançant des regards haineux de ses yeux rouges injectés. Le barbu, tremblant, sortit deux cartouches de sous son veston, rechargea en hâte, et tira aussitôt une nouvelle fois, achevant définitivement l’horrible créature.


Aucun d’entre nous ne parvenait à bouger ; nous étions tous tétanisés, crispés tant par le spectacle atroce que par la fin de nos perspectives d’espoir qui reposaient, d’après le docteur Landry, sur les travaux menés par les équipes de recherche.



Le cri que poussa la policegirl nous sortit de notre torpeur. Où était-elle allée ? On courut tous trois en hâte, reprenant le couloir qu’avait emprunté la jeune femme sur quelques mètres jusqu’au sas donnant sur le laboratoire numéro 10. La porte était ouverte.



Elle était debout à l’entrée de la pièce, les mains crispées sur sa hache relevée. Dans le labo, devant elle, des dizaines de cages de toutes tailles étaient empilées, ou renversées, contenant des animaux divers, ou plutôt les restes de divers animaux. La plupart étaient à demi déchiquetés, mais dans une cage, quelques grosses souris s’agitaient encore, sautant par spasmes les unes sur les autres en montrant des dents.



Une odeur répugnante m’assaillit lorsque je la rejoignis.



Elle désigna un recoin de la pièce, derrière un empilement de clapiers en vrac. Je ne voyais rien.



Charlène tremblotait et serrait sa hache de toutes ses forces. Un effroyable hurlement animal déchira soudain le silence. Paulson tira droit devant lui, dans une détonation assourdissante. Deux cages volèrent. Il rechargea aussitôt.



Je n’eus pas le temps de terminer ma phrase. Nous faisant tous sursauter, une créature poilue bondit brusquement en grognant de derrière une table dans le recoin vers lequel s’avançait notre guerrier ; l’animal sauta à toute allure par-dessus les cages, et rebondit presque sur un autre meuble.



Blam ! Encore un coup de feu fracassant qui pulvérisa en éclat tout le haut d’une armoire. Mais le singe était très rapide et se jeta sur Paulson avant que celui-ci ait pu recharger. Le grand barbu se débattait sous l’animal en furie qui essayait à la fois de le mordre et de se le faire, tout en assénant de puissants coups de ses bras musclés. Les hurlements du chimpanzé hystérique se mêlaient à ceux de terreur et de douleur de notre compagnon.


Charlène, Karl et moi restâmes un instant ébahis, stupéfiés. Paulson, je ne sais comment, parvint à recharger son fusil et dans une troisième déflagration, le singe fut catapulté en l’air avec une épaule presque arrachée. Il s’écrasa sur une cage en retombant, mais ne s’arrêta pas pour autant et bondit immédiatement dans notre direction, la gueule ensanglantée, le bras pendant déchiqueté et les yeux fous rouges et grand écartés. Dans un réflexe, je pris la hache des mains de Charlène et, d’un large revers, cueillis au vol la créature alors qu’elle allait nous sauter dessus. La lame avait tranché net, dans un affreux bruit de chair et d’os broyés, projetant du sang dans toutes les directions.



Il avait été sévèrement mordu à l’épaule gauche et dans le cou. Je vérifiai que le chimpanzé était définitivement rectifié et récupérai la hache avant de rejoindre Charlène qui s’avançait à son tour vers notre compagnon.



Le grand barbu avait porté sa main à son cou et palpait sa blessure, dont le sang coulait sous ses doigts. Il nous regarda l’un après l’autre, d’un air terrifié.



Et sous nos yeux ahuris, froidement, il rechargea son fusil et le retourna, glissant le canon dans sa bouche.



Je tirai brutalement Charlène en arrière au moment où il pressa sur la détente. Son crâne explosa dans une ultime détonation tonitruante, répandant partout derrière lui des dizaines de morceaux sanguinolents. Cette fois, ce fut Karl qui ne parvint pas à se retenir et qui renvoya presque immédiatement tout ce qu’il avait dans le bide. Je traînai encore la policegirl plus loin, lui cachant la vue, quittant à reculons le laboratoire numéro 10.



Elle était au bord de la crise de nerfs, agitée de convulsions, livide, cherchant ses mots. Je la fis s’asseoir dans le couloir, à l’écart des deux locaux dont nous avions refermé les sas.



C’était la doctoresse Harper, qui reprenait enfin ses esprits et devait découvrir l’horreur qui l’entourait. Je courus jusqu’à elle pendant que Karl tentait d’apaiser Charlène, et je ramenai la toubibe en panique jusque vers notre policegirl tout aussi en panique.



Je ne répondis rien. Il fallait récupérer le fusil à pompe sur le reste du cadavre de Paulson. L’idée ne m’emballait guère, mais aucun de mes compagnons ne me paraissait en état de le faire. J’abandonnai les deux dames aux bons soins du jeune pompier, qui les encourageait très professionnellement, et retournai dans le laboratoire numéro 10, où, évitant les mares de sang et de morceaux de cervelle, je m’agenouillai avec répugnance auprès du cadavre pour prendre le fusil, dont je nettoyai le canon avec écœurement sur un bout du pantalon de la victime. En me retenant péniblement de dégobiller, je fouillai ensuite les poches de son veston, à la recherche des quelques cartouches restantes.


Et alors que j’étais parvenu à en récupérer une quinzaine, un cri plus léger, plus anodin, attira mon attention. Relevant la tête, j’aperçus vers le fond de la pièce, dans une cage plus grande que les autres à demi cachée sous un empilement de caisses diverses, un deuxième chimpanzé encore en vie, toujours captif. Les sons qu’il produisait n’avaient rien à voir avec ceux, haineux et agressifs, du précédent, et rien dans son comportement ne paraissait indiquer qu’il était atteint de la folie furieuse ambiante. Je me redressai et m’approchai de sa prison. L’animal était calme et me regarda en poussant de nouveaux petits cris qui semblaient presque des appels. À l’évidence, c’était le seul être vivant des deux laboratoires à ne pas avoir contracté le virus. Ou… à en avoir guéri ?



Il glapit en réponse, tendant une main à travers les barreaux.



Il geignit de nouveau. Il devait surtout crever la dalle. Parcourant la pièce du regard, j’aperçus sous un entassement de petites cages une sorte de gros coffre électrique qui devait être un frigo. J’en ouvris le couvercle après avoir écarté les clapiers pleins de cadavres de souris déchiquetées. Il contenait effectivement tout un tas de bouffe, dont un gigantesque régime de bananes qui fit sauter le singe au plafond lorsque je l’exhibai. J’en arrachai une première que je lui tendis pour son plus grand bonheur et qu’il dévora en hâte pendant que j’en coupais une deuxième pour moi. Les cris du chimpanzé durent alerter mes compagnons et Karl entra bientôt dans le laboratoire.



Mais la moue de dégoût qui l’avait saisi lorsqu’il avait de nouveau franchi le seuil et aperçu les cadavres de Paulson et de son agresseur se changea soudain en un sourire surpris et candide en nous découvrant, le primate et moi, en train de bouffer des bananes. Je détachai un troisième fruit pour mon copain chimpanzé et lançai le reste du régime au pompier.



Étonné, Karl me regarda tendre la banane au singe puis reprendre la hache et frapper deux fois la serrure qui maintenait fermée la cage, sous les braillements d’inquiétude de son occupant. Mais celui-ci put bientôt en jaillir en battant des mains. Il sautilla un instant autour de moi en criaillant et en me tapotant le ventre, puis fonça en trois bonds par-dessus les cadavres jusqu’à mon compagnon et son régime de bananes. Le jeune pompier esquiva d’une feinte la première tentative du singe pour s’en saisir et quitta le laboratoire en riant, entraînant le babouin après lui.



C’était la voix de Charlène. Je récupérai le fusil à pompe et la hache et sortis à mon tour dans le couloir au moment où Karl expliquait que je venais de délivrer le chimpanzé.



Elle soupira, avant de reprendre.



Regardant tour à tour mes deux compagnons, elle ajouta :



Puis reposant sur moi son regard sévère :



Madeleine Harper soupira encore lourdement.



Elle m’ignora et poursuivit, pendant que j’allais dans le laboratoire numéro 9 essayer de faire fonctionner un téléphone.



L’appareil était en bon état mais aucune communication ne semblait possible. Je raccrochai et tentai de relancer un des ordinateurs tombés à terre.



Mais je n’eus pas le temps d’aller plus loin. Toutes les lumières et les appareils s’éteignirent soudain.



On attendit. Quelques secondes, quelques minutes. Mais aucun bloc de secours ne prit le moindre relais. Je revins à tâtons vers mes compagnons en fermant derrière moi la porte du laboratoire.



Personne ne répondit. Le singe glapit de nouveau en se serrant contre nous. L’obscurité presque totale et l’ambiance de mort ne devaient pas l’amuser non plus.



Ils soupirèrent, chacun leur tour, puis restèrent silencieux. Seul le chimpanzé poussait de temps en temps un petit cri. Mais la quantité de bananes qu’il avait ingurgitées devait commencer à lui peser car ce fut le premier à ronfler à côté de nous. Madeleine Harper, sans doute encore un peu groggy suite à son évanouissement, s’endormit assez vite. Et la respiration de Karl se fit également plus lente, plus profonde. Seule Charlène ne paraissait pas vouloir ou pouvoir roupiller.



Elle se serra contre moi et appuya sa tête dans le creux de mon cou.




À suivre…