Une Histoire sur http://revebebe.free.fr/
n° 14981Fiche technique26954 caractères26954
Temps de lecture estimé : 16 mn
21/05/12
Résumé:  Histoire d'une révélation...
Critères:  fh fsoumise cérébral fouetfesse init -initfh -fsoumisah
Auteur : La Plume d'Ariane      Envoi mini-message

Série : Retournements

Chapitre 01 / 02
Retournements (1e partie)

La découverte : les mots



Elle lui dit :



Il l’écouta ébahi, mais suffisamment averti aussi pour percevoir toute la charge émotionnelle et vraisemblablement érotique que ses mots recelaient. Il la laissa parler, conscient qu’elle avait des choses à dire, retenues sans doute depuis trop longtemps déjà, persuadé qu’allait enfin percer, s’il la laissait faire, un monde insoupçonné de sensations, impressions, fulgurances, de non-dits, mais dont elle sentait aujourd’hui l’urgence pressante. Car c’était bien d’urgence qu’il s’agissait. Urgence à se libérer, à se défaire d’un poids trop lourd, qui la lestait depuis des années, l’empêchait de vivre sa vraie vie, de devenir ce qu’elle était depuis toujours au plus profond d’elle-même : une rebelle.



L’homme comprit, l’aveu était là, puissant, incontournable, dévastateur, l’aveu qu’elle ne pouvait plus retenir, ni différer, tellement il la renvoyait à son état mental plus que charnel, qui la faisait basculer depuis des jours, lui mettait le corps et l’esprit en feu. Car cette femme brûlait, se consumait pour lui. Elle n’en connaissait que trop l’origine, le mobile, l’étincelle qui avait déclenché ce feu. Il ne s’agissait pas seulement d’un homme qui avait mis chez elle à découvert des pulsions inavouées, mais plutôt de ce que cet homme venu de nulle part, mais bien présent, viril, comme il se plaisait à le dire, omniprésent parfois même, de ce que cet homme représentait pour elle et révélait d’elle-même.


Elle sentait que leur histoire s’écrivait au jour le jour, qu’il n’y avait pas encore de passé qui les liait, sauf un avenir à dessiner. Un lendemain vague pour l’instant, mais dont il faudrait bien peu à peu dessiner les contours. Il ne pouvait s’agir que de cela entre eux, se projeter dans un avenir forcément incertain, aux perspectives indéfinies et glissantes. C’était un défi, elle le savait, elle était femme à relever ce genre de défi. Elle savait qu’elle allait se jeter à corps perdu dans une relation inédite, qu’elle était déjà emportée, charriée, bousculée et que ce basculement la ravissait. Elle ne se reconnaissait plus.


Femme organisée, elle planifiait tout. Mais chaque jour qui passait remettait en cause son organisation. Celle-ci tournait maintenant autour de cette relation qui bousculait sa vie, autour de cet homme et des pensées qu’il faisait naître en elle : elle ressentait désormais le besoin impérieux de l’entendre, mais aussi de lui parler, de se raconter et du même coup de se découvrir lors de longues séances de confidences vers lesquelles il la menait inexorablement et sans complaisance. Il était son révélateur ! Comme dans un laboratoire de photos où l’on voit le négatif devenir image, doucement et par procédés successifs, elle laissait sa révélation prendre corps. Ce corps oublié, endormi, revenait à la vie sous les mots brûlants de cet homme imprévisible et déroutant.


Cet homme était devenu « son » homme. De lui, elle attendait d’être portée, transportée. Il le faisait à merveille, elle le lui avait dit. Grignotée petit à petit, dévorée, elle aimait cela et en voulait encore plus.


Au fil des jours, Dame confiance s’installa, elle se découvrit à la fois Femme et Maîtresse, Aimante et Amante, Humaine et Animale à la fois. Il la bousculait, la troublait, la déportait, mais elle n’était pas en reste, le surprenant. Il avait compris qu’elle était une rebelle, une insoumise, voire une impertinente, cette idée l’excitait, il la poussait dans ses retranchements, la menait au paroxysme de ses désirs transgressifs, de ses rébellions, de ses pulsions inavouées, mais bien réelles, frémissantes, au-delà de toutes convenances. Il n’avait pas besoin de trop en faire. Elle se laissait faire, désireuse, avide de nouveautés. Ce changement de statut lui convenait à merveille, elle se mouvait dans un univers qui, quelques années plus tôt, lui aurait semblé hors de portée, définitivement inaccessible.


Depuis le début de leur relation, il savait comment elle fonctionnait. Il la devinait avant même qu’elle ait pu nommer la Chose. Il anticipait ses désirs, ses mots, les mettant à nu, à vif, ses modes de fonctionnement. Il se plaisait à le lui faire remarquer, elle feignait de s’en offusquer. Elle n’attendait que cela pour faire revivre son corps trop longtemps délaissé.


Il aimait la manier, entre ses mains elle devenait autre, il y a du potentiel, se disait-il. Il testait chaque jour un peu plus sa capacité à être autre. Il donnait forme à son mental, la faisait se consumer corps et âme, elle ressentait alors de façon inédite tout le feu qui donnait vie à son corps et son imaginaire. Elle était incandescente, nue devant lui, elle était devenue ce qu’il avait envie qu’elle fût : sa chose, à la fois sa salope et sa libertine, qui complétait merveilleusement la femme qu’elle était et qui en imposait en société par sa présence et son ardeur. Désormais, grâce à lui, elle ne faisait plus qu’une ; elle avait retrouvé l’unité qui lui manquait depuis tant d’années.


Comment avait-elle pu en arriver là ? Elle n’en savait rien, plus elle se posait la question, moins elle savait. Elle n’était sûre que d’une seule chose : elle aurait aimé le rencontrer plus tôt. Lors d’une réunion, d’une soirée, peu importe. Ce qu’elle savait, c’est qu’elle aurait été attirée par lui tant son charisme la transportait, tant sa voix gutturale s’entendait, tant ses yeux brillaient de mille feux lorsqu’il s’exprimait, elle aurait aimé le regarder, le dévisager, le dessiner, se l’approprier.


Leurs retrouvailles étaient une fête. Il la faisait danser, la maniait. Il était expert dans l’art du dialogue. À ce moment précis il la dominait et jouissait de cette supériorité, sachant toujours en tirer parti pour la faire avancer à la découverte d’elle-même. Il connaissait le pouvoir de ses mots sur elle, leur saveur, leur tranchant, leurs imbrications subtiles. Par le dialogue il la façonnait, l’aidait à dire l’impensé, à prendre conscience de ce qu’elle avait toujours été : d’abord une femme mais aussi la femelle animale, instinctive, naturelle, qui habitait son corps, ses lèvres, ses seins qui devenaient durs, sa chatte rouge qui se réveillait, ses fesses qui semblaient étonnamment attendre des caresses inédites, voluptueuses et sauvages.


Les mots, lui disait-il, les mots, ne les néglige jamais, ce sont eux qui vont alimenter ton désir, les mots sont le commencement de l’acte auquel ils s’accouplent, les miens vont circonscrire ton désir de femme, exprimer ta soif d’unité. Les mots te marqueront, sois-en sûre, comme le fer incandescent marque la peau. Et il lui rappelait la phrase mythique, fondatrice de leur relation : « Au commencement était le verbe ». Il s’accrochait à cette phrase, il donnait vérité à cette maxime en séduisant cette femme de la seule charge émotionnelle de ses mots : durs, directs, crus, et qui la conduisaient vers des rivages colorés. De ses mots naissaient les images, de ses images les stimuli propres à exacerber le désir sauvage et inassouvi de la femme qui commençait à exister sous sa main, par son verbe.


Il poursuivait inlassablement : « Les mots doivent te parler, trouver résonance en toi, ils doivent t’ébranler, amener le trouble en toi ». Il lui donnait alors une leçon magistrale, lui expliquant sa méthode, ne déviant jamais de sa ligne directrice, il devenait le professeur qu’il était dans l’âme, sachant écouter, recentrer, guider, lui apprenant à dire et redire avec précision ce qu’elle était et qui elle était, ce qu’elle aimait et la faisait vibrer. Elle se sentait liée à lui, prisonnière de ses exigences et de son perfectionnisme redoutable. « Vous êtes un diable », lui lançait-elle. Le sentiment d’appartenance la gagnait sans qu’elle puisse s’en défaire. Elle aimait ce sentiment nouveau pour elle. Alors elle se soumettait, s’abandonnait au pouvoir des mots, à leur musique enivrante, elle sentait qu’elle se transformait. Son corps la renseignait sur elle-même, sur ses émois, son désir d’appartenance et d’envoûtement.


Leurs dialogues étaient souvent longs, à la limite du supportable, mais elle les attendait pour découvrir avec l’homme les lieux où il l’emmènerait. Lui avait besoin de ce temps qui s’étire et semble interminable, pour mieux approcher cette femme singulière qui peu à peu prenait forme et devenait son œuvre.


Il continuait la leçon, ayant trouvé en cette femme l’élève qui veut faire plaisir à son maître. « Les mots, vois-tu, il faut les creuser, les fouiller, tu dois leur faire rendre l’âme, les épuiser à force de les manier et de les étirer, il faut les faire chanter, tu le sais, mais aussi les faire crisser, hurler, se tordre, se convulser, du mot tu passes alors à la chair, de la chair tu passes au corps, du corps tu passes au cœur, du cœur tu retournes au corps, perpétuel aller et retour, incessant va-et-vient, sans fin, obsessionnel, lancinant. Ayant épuisé les mots, tu te vides, toi, tu te donnes, tu t’abandonnes, t’abandonnes… » Elle s’abandonnait… Il avait accompli son œuvre, elle était à lui.


Il l’avait retournée, lui avait appris à voir, à se voir autre, à se sentir à part, fière d’être cet être nouveau, cette femme insoupçonnée. Creusant les mots, il l’avait pénétrée, mentalement et physiquement. « Au commencement était le Verbe ». Répète cette phrase ! Docile, elle répétait la phrase : « Au commencement était le Verbe ». Toi aussi, tu vas creuser les mots, tu vas aimer le faire, tu vas travailler les mots, comme tu vas travailler le corps, toi aussi tu vas manier les mots, manier les corps. Tu seras présente dans tes mots comme tu le seras dans ton corps, il n’y aura plus de différence entre les mots et ce que tu es, ce que tu fais.


Il continuait à lui expliquer. « Ne dis pas les mots pour toi seule, pense toujours à l’effet produit sur le partenaire, pense à ton partenaire, pense à la transformation que tes mots opèrent en lui. Rends-lui tes mots visibles, palpables, palpables comme ton corps. Il doit pouvoir en faire quelque chose de tes mots, en être d’abord le réceptacle pour basculer ensuite vers toi, comme toi tu bascules vers lui pour le prendre. Tu sens le retournement ? » Silencieuse, elle se plaisait à imaginer qu’un jour, c’est elle qui le ferait basculer, le retournerait. Ne venait-il pas de lui en indiquer le chemin ?

Mais pour l’heure, elle le haïssait, sentant l’emprise de cet homme omniprésente, incontournable, indissociable des mots, du corps, du cœur, du sexe, de l’obscène…






L’acte : la fessée



« La fessée, je ne la veux que de lui, de lui seul », se plaisait-elle à dire chaque jour.


Se répétant cette phrase, il lui revint en mémoire les fessées de son enfance, fessées injustes, dictées par la colère et l’intransigeance d’une mère sévère. Pour ces actes, elle l’avait haïe et s’était bien juré que personne ne la frapperait plus jamais ainsi. La douleur mais aussi l’humiliation étaient liées à ces gestes. Pour un oui ou pour un non les fessées pleuvaient. Peu importait le prétexte pour la corriger, il fallait l’éduquer, lui apprendre à distinguer le bien du mal, à se comporter en jeune fille docile et bien élevée. Et surtout extirper d’elle toute velléité d’impertinence et de transgression.


Lorsqu’il lui parla de la fessée, elle se prit au jeu. Cela la fit d’abord sourire car elle se disait qu’il n’était pas né celui qui la fesserait, femme mûre. Qu’il faudrait courir vite aussi pour qu’elle se laisse attraper. Leurs échanges tournaient souvent autour de ce mot, mais elle se garda bien de lui dévoiler ce que cet acte pouvait représenter pour elle. Elle se bornait à jouer avec lui au chat et à la souris, le laissait venir mais se plaisait à imaginer, non sans malice, la situation qu’il lui laissait entrevoir. Elle repensait au livre qu’elle lisait enfant, Les petites filles modèles de la Comtesse de Ségur, et se souvenait de la pauvre petite Marguerite qui, pour être acceptée par ses deux amies, devait subir « la fessée » déculottée, prélude aux attouchements si délicieux.


C’est alors qu’il lui envoya une image en noir et blanc d’une femme fessée, image faite au fusain. Puis une photo couleur, où l’on voyait clairement la position de la femme et celle de la main de l’homme prête à s’abattre sur les fesses offertes et légèrement ouvertes de celle-ci. Une femme déculottée mais entravée par sa culotte baissée. Images évocatrices, provocantes même, qui éveillèrent en elle un trouble, trouble qu’elle ne pouvait définir. Elle sentait dans son ventre un mouvement à peine perceptible, mais terriblement présent, elle ne savait comment le décrire, dire si c’était de l’envie ou une réaction de défense. Perplexe devant ces images et ses propres ressentis, elle se demanda comment cet acte pouvait engendrer le plaisir. Oui, comment penser que la fessée pouvait l’amener à la jouissance, comment une fessée pouvait-elle être érotique ? Où était l’érotisme dans cet acte ?


Ignorante, elle écoutait l’homme lui faire ses descriptions, lui dire ses ressentis, lui expliquer le scénario. Minutieux dans ses dires, il lui répétait : « La peau, ça se travaille, je travaillerai ta peau, lisserai tes fesses jusqu’à ce que tu sois prête ». Elle souriait, et se disait que cet homme était un tanneur, qu’il avait dû dans une autre vie travailler le cuir ! Non, il avait seulement travaillé la peau, la plus noble qui soit, la peau humaine.


Les mots qu’il employait étaient doux, sensuels, voluptueux, on n’y sentait aucune brutalité, aucune violence, il racontait son désir : fesser une femme était certes pour lui un signe de domination, mais aussi de partage. Il parlait des fesses comme on parle d’objets de valeur, des rondeurs et des douceurs comme on évoque un fruit qui arrive à maturité. Une pêche peut-être, à la peau de velours, une pêche charnue et juteuse, que l’on peut découper en deux, pour la manger, comme les fesses que l’on écarte pour voir la raie, la croupe offerte à la main et au regard de l’homme curieux. Drôles d’images pour elle. Images nouvelles qui allaient et venaient dans son esprit, les représentations de la fessée devenant chaque jour de plus en plus réelles, palpables, à portée de main.


Lorsque ses pensées étaient tournées vers son cul, elle se plaisait à imaginer les mains de cet homme qui la parcouraient et la travaillaient. Il était là, désormais inséparable d’elle, bien réel, il se saisissait de ses fesses charnues, qu’il pétrissait et ouvrait à son gré. Tout cela était dans sa tête certes, mais elle ressentait physiquement en elle les mains de cet homme qui transformaient son corps en braise. Où était l’imagination dans tout cela ?


Son corps, qui répondait maintenant à la seule évocation du toucher, n’était pas imaginaire ; non, ce qu’elle ressentait était bien réel, forcément réel. Alors elle fondait, se liquéfiait à l’idée de prendre les positions de la femme des photos reçues. Adorait imaginer le regard de cet homme sur son cul à l’air, sentant presque son souffle et la chaleur de ses mains sur sa peau rougie. Et elle se dit que ce serait le cadeau qu’elle allait lui faire, l’offrande de son cul à fesser.


Lorsqu’elle se masturbait, elle caressait son cul, comme l’homme le lui demandait : « Écarte bien ta raie, pense à moi, à mon désir de toi, laisse glisser tes doigts, de l’avant vers l’arrière ». Elle le faisait, parce que c’était lui, parce que c’était sa façon de se donner à lui, de s’abandonner, de s’offrir, d’être sienne, libre et salope comme il le voulait, et comme elle le souhaitait maintenant elle aussi. Elle voulait lui appartenir, se laisser porter par lui. Elle voulait devenir sa soumise, à lui seul. Elle, la rebelle, l’impertinente, que sa mère n’avait jamais réussi à dompter, acceptait de se soumettre à cet homme pour lui offrir cette domination sur son cul, son corps et, par-dessus tout, son esprit.


Elle s’était rendue à cette évidence : il avait fallu une osmose spirituelle, une fusion des âmes, une communion intellectuelle, pour qu’elle finisse par avouer : « Oui, je veux, je veux que tu me fesses ». Elle en était arrivée maintenant à demander cette fessée, à la désirer de tout son corps, de tout son esprit. Non, ce n’était point son désir à elle, mais bien le désir de l’autre, qui par communion était devenu le sien.


Elle ne pouvait pas encore imaginer la façon dont la séance se déroulerait. Il lui disait seulement, tu sais que tu vas être déculottée, tu sais que tu vas recevoir la fessée, que ton cul va être chaud, tu sais que tu vas sentir des brûlures, que les marques seront celles de ton appartenance à ma personne, tu le sais, n’est-ce pas ? Docile, elle disait, oui je le sais.


Elle allait vers cette nouvelle découverte avec une certaine anxiété, celle de ne pas être à la hauteur de cet homme exigeant, qui savait, lui, ce qu’il voulait vraiment. Leurs dialogues et leur complicité devenaient une évidence, et cette évidence fit qu’elle lui accorda sa confiance en pleine conscience. Conscience que cet homme lui apporterait le plaisir de la découverte, l’amour, le portage et le partage, qui finalement n’étaient rien d’autre que le revers positif de la domination, cette domination qu’elle n’aurait jamais supportée s’il s’était agi d’un autre que lui.


Cette domination était douce, sensuelle, passait par les mots, subtils, délicats, quelquefois crus. Elle se jetait à ses pieds, ses bras, débarrassée de toute crainte. Elle savait – il le lui avait dit – que le seul mot à prononcer serait « STOP ! » et qu’à cet instant précis tout s’arrêterait ! C’était un contrat moral qui les liait, qui n’avait rien à voir avec un acte notarié, signé par les deux parties. Rien à voir avec les instruments d’une panoplie, dont la théâtralité excessive le laissait souvent dubitatif. Elle se sentait alors soulagée, libérée, disponible pour lui et le voyage spirituel et sensuel qu’il lui offrait : une aventure cérébrale dans laquelle elle s’engageait avec lui, corps et âme, d’où toute tiédeur ou mièvrerie étaient bannies.


Cette femme était une cérébrale, elle l’avait toujours proclamé, et le lui avait dit en long et en large. S’il ne prenait pas sa tête, jamais alors il ne pourrait lui prendre son corps ! Et sa tête désormais ne lui appartenait plus. La femme était acquise à la cause de l’homme, elle lui avait donné sa confiance, qui était entière.


Révélée par leurs dialogues, elle était celle qu’il espérait, il était celui qu’elle cherchait. Il était donc celui qui lui permettrait d’aller au bout d’elle-même, sachant la comprendre et la porter à la fois, avec désormais la fessée en point de mire. La fessée, ciment de leur découverte mutuelle.

« Oui, la fessée, je ne la veux que de lui, de lui seul », répéta-t-elle, « lui seul aura ce droit sur moi, la fessée sera le signe de mon appartenance à cet homme ».


Et elle lui accorda ce privilège unique, car il avait su comme nul autre lui parler de la fessée. Il avait su mieux qu’un autre en décliner les formes et les positions. La seule évocation de la fessée lui avait montré que cet homme ne reculait devant rien, et pourrait être un redoutable explorateur et défricheur de territoires laissés à l’abandon. Elle savait qu’il ne se déroberait pas, qu’il ne se priverait pas de la déculotter et d’utiliser les mots crus qui la rendraient sauvage, animale et salope à la fois. La fessée dont il parlait agirait comme un accélérateur des pulsions secrètes qu’elle retenait.


Une fois le mot prononcé, elle le saisit et ne le lâcha plus, il devint chair, acte, moment incontournable de leur relation, mot de ralliement de leurs tensions animales. Dès lors, elle ne put plus se passer de ce mot qui la cinglait, la ramenait à ses désirs les plus ambigus, à son passé de jeune fille. Ce seul mot redonnait de la saveur à son désir longtemps inavoué d’être soumise à un homme et à ses caprices, ce mot tabou, souvent rejeté, colorait son paysage mental. Être la chose de cet homme, être celle qui obéit et qui jouit d’obéir, redonnait sens à sa vie de femme, lui faisait aimer la relation qu’elle bâtissait patiemment, jour après jour, avec cet homme.


Elle aimait savoir qu’il passerait à l’acte, qu’aussitôt vue, il la saisirait, que ses bras à lui deviendraient pinces ou tenailles, que sa croupe à elle, ronde et bien cambrée, comme prise dans un étau, s’offrirait à son regard et à ses mains envahissantes, que ses mains lui lisseraient le cul avant de le « travailler ». Elle aimait le mot « travailler » car elle avait conscience que cet homme, devenu son fesseur, s’acquitterait méthodiquement de sa tâche puisque la femme était devenue sa chose, sa soumise charnelle et spirituelle, qui avait ses propres exigences.


Elle le savait méticuleux, organisé, convaincu de la nécessité qu’il y avait à la fesser « dru » pour mieux la révéler à elle-même. Elle ne le voulait pas différent au moment de recevoir la fessée de ses mains. Elle ne voulait pas d’un travail bâclé, inachevé. Elle y voulait de l’ardeur, de la conviction, de l’engagement. Elle ne se soumettrait à l’homme et à sa fessée qu’à cette condition, qu’il montre sa détermination extrême. Elle était prête à « se disposer » pour lui, à se placer dans la position la plus avantageuse à son regard et à ses mains. Il devrait la posséder du regard avant qu’elle ne sente s’abattre sur sa croupe offerte les mains larges qui la corrigeraient.


Elle savait qu’elle était l’élue de cet homme, celle qu’il cherchait depuis longtemps déjà, des années sans doute, à travers ses rêves et les femmes rencontrées au hasard des sites. Elle était fière d’être cette femme-là. Elle avait désormais à ses propres yeux une place à part dans le monde et parmi les femmes. Elle s’en trouvait changée. Elle ne voulait donc pas le décevoir. Elle voulait être à la hauteur de l’acte, de la fessée donnée. Elle attendait avec anxiété et envie les marques qu’il lui infligerait. Elle voulait ces marques, marques de l’appartenance, de l’abandon mais aussi de la reconnaissance. Elles étaient les points d’ancrage du parcours initiatique dans lequel elle s’engageait à ses côtés. Un parcours au bout duquel était la libération, libération des sens, libération de l’esprit. Son corps en feu serait un corps libéré, exultant, retrouvé. C’est lui, l’homme, qui lui avait indiqué le premier le bienfait qu’il y avait à se faire fesser sévèrement : la libération.


L’homme et la femme convinrent donc d’une première rencontre. L’homme fit alors ce qu’il avait à faire, ne dévia pas de son projet, il fessa la femme, et créa ce lien nouveau et indéfectible. Pendant la fessée la femme se tendit, grimaça, se convulsa, puis hurla et se débattit mais dit : « Encore, Encore ».


La femme voulait savoir, redécouvrir ce qu’elle avait si longtemps refusé jeune fille, ce qu’elle avait si longtemps abhorré enfant. Elle découvrit alors un plaisir inédit, ne sentit pas la douleur d’autrefois, seulement un feu ardent qui enflamma son corps, sa chatte, son cerveau : le bonheur.


L’homme fessa à nouveau la femme, prit tout son temps, mit toute son énergie, tout son cœur, il banda de le faire, la femme vit l’homme bander, elle adora le voir bander pour elle, elle, la femme fessée, la femme offerte.


Elle se déclara à lui, lui fit allégeance, ensuite il la prit, bien préparée par la fessée, par ses mains qui l’avaient travaillée, explorée, qui lui avaient mis le corps en feu. Elle hurla de plaisir, oubliant convenances et conventions pour redevenir archaïque, animale.


Au sortir de l’acte, la femme se sentit régénérée, différente. Elle avait eu non seulement le sentiment d’un enrichissement profond mais aussi d’une prise de conscience nouvelle de ce qu’elle était en train de devenir : maîtresse de son propre corps, détentrice d’un pouvoir absolu, nouveau, maîtresse de l’homme.


Il lui resta alors en mémoire, en point de mire, comme elle disait, les instantanés de cette journée particulière où elle avait été fessée pour la première fois de sa vie de femme par un homme. Elle le savait désormais, elle ne serait plus jamais comme avant, une chose s’était passée, ineffaçable, qui l’avait transformée pour toujours.


Quittant alors la pièce, elle se souvint. Il l’avait allongée sur ses genoux, l’avait déculottée comme il avait dit qu’il le ferait, lentement, jusqu’au bas des cuisses, la voulant entravée pour lui donner à sentir qu’elle était prise. De cérémonial il n’y avait pas eu, il lui avait seulement parlé et elle s’était rappelé leurs conversations, les premières évocations de la fessée. Il avait recréé un univers mental, et sa chatte, sa raie s’étaient ouvertes.


Dans son souvenir, elle était à lui, à lui seul, réduite à rien et à tout à la fois, petite et grande, femme et salope, pour lui, pour elle, pour eux.


Dans son souvenir, la fessée la brûle, elle est devenue braise, elle est ouverte, obscène, elle se tord, hurle, elle dit : « Encore, encore ».



(à suivre)