Une Histoire sur http://revebebe.free.fr/
n° 15051Fiche technique120631 caractères120631
Temps de lecture estimé : 63 mn
28/06/12
corrigé 11/06/21
Résumé:  Mathilde, officier de Gendarmerie, et Marc, expert en perversité, ont reçu la difficile mission de prendre en flagrant délit M. Klein, un vilain proxénète semi-professionnel. Parviendront-ils à le piéger ?
Critères:  fhhh inconnu telnet fsoumise humilié(e) noculotte vidéox pénétratio yeuxbandés policier -tarifé -fsoumisah
Auteur : Resonance            Envoi mini-message

Série : Compensation

Chapitre 02 / 03
Appât pas à pas

« Tis one thing to be tempted, … , another thing to fall ».

(Être tenté est une chose, … , succomber en est une autre)


William Shakespeare, Measure for measure, [II, 1]




Résumé du livre I :

Mathilde, officier de Gendarmerie, et Marc, expert en perversité, ont reçu la difficile mission de prendre en flagrant délit M. Klein, un vilain proxénète semi-professionnel. Avec l’aide bien involontaire de Marie-Claire, sa victime peu contrite, et des talents de Marc, fort habile pour lire le courrier des autres, ils ont appris beaucoup…




°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°





Chapitre 5 : Appâts comptés




Defer no time, delays have dangerous ends

(Ne perdons pas de temps. Les retards ont de dangereuses conséquences)


William Shakespeare, Henry VI, part 1 [III, 2]




°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°




Jeudi, 16 h



Marc commença une recherche sur les serveurs de la brigade. Une des procédures automatisées qu’il avait mise en place était le téléchargement périodique du contenu de l’ensemble des annonces personnelles des principaux sites, dont celui que Klein avait utilisé. Peu de cybercriminels utilisaient ces sites publics, mais c’était arrivé, quoique surtout du petit gibier, parfois les rabatteurs de réseaux. Une recherche par mots-clés servait à détecter les annonces suspectes et déclenchait une alerte.


En l’occurrence, il utilisa la même recherche, mais avec comme mots-clés le texte de l’annonce que Marie-Claire avait eu la bonne idée de copier-coller dans son premier message.




Bel homme viril de 44 ans, je recherche une femme souhaitant découvrir les plaisirs de la soumission sexuelle. Débutante, je vous dresserai avec soin, et ferai de vous une femme plus forte et plus libre. Vous explorerez les voies du plaisir, du pluralisme sexuel. Quand vous saurez vous offrir, vous trouverez votre récompense.




Mathilde fit une recherche rapide dans la base de données des dossiers d’enquêtes.



Les membres de l’unité avaient l’habitude de désigner leurs suspects par un prénom, qui pouvait être, ou pas, le véritable, en fonction des informations disponibles.



Mathilde commença à lire le dossier.



Les suspects étaient classées sur une échelle de un à dix, en fonction de leur niveau d’intérêt estimé. Après avoir mis en place le mécanisme de veille automatique, Marc avait proposé d’enquêter à partir du niveau trois, Mathilde, elle, voulait couvrir à partir du niveau deux. Après de furieux échanges et un arbitrage du Capitaine, ils étaient arrivés à un compromis, le niveau deux devant être confirmé après relecture. Le passage au niveau trois impliquait le démarrage d’une investigation.


Mathilde continuait sa lecture du rapport.



Mathilde reprit son résumé du dossier :



Marc était pétrifié.



Marc se souvenait, dans ses moindres détails, du déroulement de la séance en question. Par contre, et à sa grande honte, il n’avait pas gardé le moindre souvenir du suspect. Par chance, Mathilde ne perçut pas son embarras et poursuivit.



Mathilde releva la tête, le regarda sévèrement.



Marc regarda en l’air.



Mathilde soupira et reprit sa lecture.



Mathilde poursuivit :



Il était d’usage après une webcam avec un suspect de conserver la meilleure image – au sens anthropométrique – dans le dossier. Marc avait aussi l’habitude de conserver l’enregistrement entier de la séance, mais cela, il n’était pas prêt de le dire à Mathilde – surtout en ce qui concernait celle-ci.



Mathilde sortit du dossier qu’elle avait commencé à constituer la veille la dernière photo de Klein, vieille de trois ans, utilisée lors d’un renouvellement de carte d’identité. On pouvait voir, ou imaginer, une ressemblance. Elle lança le logiciel de comparaison anthropométrique.



Il relut rapidement le dossier.



Mathilde, sans regarder ses notes, le lui donna. Elle avait une mémoire photographique, particulièrement remarquable pour tout ce qui était chiffres et noms. Bien que Marc ait parfois prétendu que cela ne lui servait qu’à amasser des informations inutiles, faute de capacité à les analyser, c’était un atout précieux.


C’était le même numéro.



Marc se connecta sur le compte de messagerie utilisé par les adjointes pour le contact avec Klein – elles en changeaient régulièrement, mais se les partageaient – et lança une recherche.




Bonjour Caroline,


Votre intérêt constant est une preuve de qualité… Je crois que j’ai eu tort de vous juger trop jeune, vous êtes plus mûre que votre aspect pourrait le laisser penser. Pourrait-on se rencontrer autour d’un verre ?


Sylvain



Marc amorça un geste de victoire, aussitôt réfréné, par égard pour Mathilde. Du coup, cela ressemblait plus à de l’incompréhension, et Mathilde l’interpréta comme telle.



Marc savait que la vraie raison était qu’il avait donné pour consigne aux adjointes de ralentir volontairement le rythme des échanges de messages avec les suspects d’intérêt faible, afin d’éviter une surcharge de travail. Mais ce n’était pas le moment de le dire, concernant Théron/Klein il était déjà bien assez coupable de négligence comme cela.



Longtemps l’unité avait créé des personnages d’adolescentes pour piéger des suspects. Profitant de l’absence de Mathilde, Marc avait largement changé cela. Tout homme a un prix, et plus la tentation était bien conçue, plus l’on risquait de corrompre quelqu’un qui serait resté autrement honnête. Créer des délinquants était moralement et juridiquement un cas limite. Le sujet étant délicat parmi les membres de l’unité, partagés sur le sujet, Marc avait évoqué surtout des raisons pratiques pour proposer un changement de méthode. Sa plaidoirie auprès du capitaine avait été la suivante :



Puis était venue sa propre proposition :



Mathilde n’avait pas été enchantée de cette évolution, découverte à son retour mais la politique avait été clarifiée : la priorité étaient à la chasse aux pédophiles les plus dangereux, aux réseaux et aux pourvoyeurs de très jeunes gens. Les délinquants isolés, et les amateurs de jeunes gens pubères, n’étaient plus la première priorité.


Mathilde reprit :



Marc était un peu étonné, il s’était attendu à ce que Mathilde saute sur l’occasion de se débarrasser d’une mission qui lui déplaisait. Et voilà qu’elle semblait s’y accrocher. Elle reprit :



Marc réfléchissait. Le point était valide, et surtout, il y avait la consigne du capitaine de travailler avec Mathilde. Mais quel dommage… Fanny était une actrice née.



Marc se connecta sur le site. Il utilisa cette fois directement le numéro de l’annonce, puis jura.



Marc chercha la dernière occurrence.



Marc s’illumina. Il était en plein dans son domaine.



La mascarade consistait à fabriquer un message avec de faux en-têtes, et à l’envoyer via un serveur relais. Pendant qu’il fabriquait les en-têtes du message, Mathilde commenta :



C’était plutôt généreux de sa part. Force était d’admettre qu’il avait mal interprété la reculade de Klein lors de la webcam, et que seule la méticulosité et la ténacité – ce qu’en d’autres circonstances il aurait appelé l’acharnement maniaque – de Mathilde avaient permis de garder le contact avec un suspect que lui-même avait proposé de passer aux oubliettes.



Marc lut à nouveau le texte du premier message de Marie-Claire.



Marc se mit à écrire,


Bonjour,


J’ai lu votre annonce et elle m’a beaucoup impressionnée. Bien que je sois mariée depuis X ans, j’ai des fantasmes très sombres que je ne peux pas vivre dans ma relation de couple. Un événement récent a réveillé l’un de ces désirs, dans lequel mon corps n’est qu’un objet cédé à ceux qui veulent l’acquérir. Ce fantasme est devenu omniprésent. J’ai besoin d’être guidée, et après avoir lu votre annonce, je pense que vous êtes la bonne personne pour m’aider à les vivre.

J’ai 29 ans, un physique agréable, je suis mince, athlétique, je prends soin de moi. J’ai beaucoup de choses à dire mais ne sait par où commencer.

J’espère avoir rapidement de vos nouvelles.



Marc approuva.



Marc, dont l’ego comportait de nombreuses strates, était plus sceptique sur ce point, mais décida de faire confiance à Mathilde. Après tout, Klein avait bien cru, et à raison, Marie-Claire quand celle-ci avait accepté son contrat de soumission les yeux fermés.



Marc signa : Mathilde.



Mathilde eut un demi-sourire un peu contraint.



Marc envoya le message. En attendant une éventuelle réponse, ils pouvaient maintenant souffler un peu. Il se rappela un point qui continuait à l’intriguer.



Pour une fois, la tentative d’humour de Marc ne lui fut pas renvoyée en pleine figure. Mathilde sembla même se détendre un peu, lui rappeler un point soulignant ses qualités d’enquêtrice était une bonne idée.



Elle a quand même vérifié l’état-civil du juge, pensa Marc. Et quoi d’autre ? Pas grand-chose ne l’arrêtait quand elle avait un but, lancer une petite enquête privée sur un juge et ami de son chef direct n’était pas un problème pour P’tit’Bull. Intrigué, il était suspendu aux lèvres de Mathilde, qui s’en aperçut, et sourit, même si c’était en demi-teinte – un événement assez rare pour être remarquable.



Mathilde le regardait :



Marc était stupéfait. L’explication apportait un éclairage très important aussi bien sur le juge que sur les motivations conscientes ou inconscientes de leur témoin. Mais l’avoir trouvée aussi vite semblait miraculeux.



Marc la regarda d’un air dubitatif. Mathilde n’était pas la plus douée de ses élèves en matière de piratage informatique, non par manque d’intelligence, mais par réticence éthique et juridique. De plus elle avait un air étonnamment réjoui, s’expliquait-il par sa réussite dans son enquête éclair ? Puis il se rappela quelque chose.



Mathilde sourit largement.



C’était tout simple, et très plausible. Cela pouvait même être une raison de la collision finale entre le juge et Marie-Claire. Celui-ci avait pu sélectionner sur Internet une prostituée sur une description, ou peut-être même une photo partielle, qui lui rappelait la femme qu’il admirait à distance. Après un moment de réflexion Marc reprit, beau joueur.



L’expression de Mathilde vira vers quelque chose de mi-dégoûté, mi-dubitatif. Elle avait l’air de se demander si, à son tour, il la faisait marcher, en craignant fort que non.


Sa curiosité finalement satisfaite, Marc regardait l’écran plat – désespérément plat. Combien de temps allaient-ils attendre ? Il essaya de se projeter vers la suite des événements.



Marc se demanda comment elle faisait, avec sa fille de quelques mois. Il était loin d’être rare qu’elle travaille bien au-delà de son service, et cela avait peu changé depuis son retour de congé. Il savait qu’à l’opposé de la plupart des membres de la brigade, qui habitaient un bâtiment situé dans l’enceinte même de la Gendarmerie, elle vivait dans une maison de famille proche de la ville, dont elle était originaire. Sans doute avait-elle à disposition une solide structure familiale qui lui apportait toute l’aide nécessaire.



Mathilde avait l’air réticent, mais finit par accepter.



Mathilde partie avec le DVD, Marc se détendit un peu. La journée avait été dense en événements. Il repensa à Théron/Klein, et certains souvenirs le firent sourire. Ce type avait sans le savoir joué un rôle dans sa vie, et voilà que par coïncidence il réapparaissait De figurant, il était devenu personnage principal, dans le rôle du méchant.


Il ouvrit le document qui contenait la confession de MLF, relut ce qu’il avait écrit, puis réfléchit. Ses échanges avec Marie-Claire avaient révélé certains aspects de la personnalité de Klein, et en particulier sa volonté de contrôle, de mettre en scène ses partenaires sexuels – bien au-delà de sa satisfaction immédiate. Il n’aimait pas n’être qu’un personnage.


Klein voulait être metteur en scène, Marc avait de son côté une actrice qui pourrait, avec beaucoup d’efforts et un peu d’approximation, lui convenir – à tout le moins, par manque d’autre choix.


Il allait aussi lui fournir, par l’intermédiaire de MLF, un scénario.




Chapitre 6 : Péché en eau trouble




Wisely, and slow. They stumble that run fast.

(Sagement, et lentement. Ceux qui courent vite trébuchent.)


William Shakespeare, Romeo and Juliet, [II, 3]




°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°





Vendredi, 8 heures



Marc et Mathilde se mirent à courir.


Ils n’étaient pas seuls. Trois fois par semaine, le capitaine Rousseau en personne emmenait la brigade entière dans une course d’une heure. L’exercice était obligatoire pour tous ceux en service, sauf dispense justifiée. Il était volontaire pour les autres, mais un pourcentage surprenant de la brigade y participait autant que possible.


Marc avait pris l’habitude de s’y joindre. Avoir une condition physique de jeune homme était important pour lui et de plus, cette participation avait positivement contribué à son intégration dans la collectivité des gendarmes.


Le capitaine établissait l’allure du peloton principal que Marc appelait le Gruppetto, à une allure plus qu’honorable pour un homme de son gabarit et de son âge. Ne pas parvenir à suivre l’allure de ce groupe était une cause de moqueries pas si gentilles que ça – Marc en avait subi quelques-unes à ses débuts, avant de retrouver au fil des semaines une condition qu’il avait perdue depuis longtemps.


Devant, on trouvait un petit tiers de l’effectif, isolés ou par deux ou trois. En tête, seule, on trouvait toujours le lieutenant Antonietti, dont le rythme soutenu était hors de portée des autres. Certains avaient essayé, et s’étaient invariablement mis dans le rouge avant la fin de l’heure.


Ce jour-là, Marc essaya… Dix minutes plus tard, son souffle était rauque, un voile noir commença à descendre sur lui, et il se dit rien ne le sauverait. Il la laissa partir, sachant qu’il allait payer son surrégime pour le reste de la distance. Un peu plus tard, il arriva sur un stade – c’était là que le nombre de tours déterminait les différences de distance entre coureurs, puisque tous devaient courir environ le même temps. Le Gruppetto faisait un ou deux tours, Mathilde souvent une douzaine. Ce jour-là, Marc en fit sept, repartit bien avant elle.


Juste avant d’arriver, il fut doublé par Mathilde, au sprint.


Ceux qui logeaient à l’extérieur du bâtiment d’habitation situé dans l’enceinte devaient en principe se partager l’unique douche préhistorique de la Gendarmerie, et celle bien meilleure d’un studio d’habitation resté libre, utilisé pour les astreintes. Mathilde avait accéléré pour y arriver la première, ce qui était une habitude chez elle. Mais, pourtant, à sa sortie du studio, elle trouva Marc dans le couloir, changé et propre. Réprimant sa surprise, elle lui demanda :



Marc avait les jambes dures comme du bois, les poumons encore enflammés, et était encore sous tension de sa douche rapide, suivi d’un habillage qui ne l’était pas moins. Mais après s’être pris au jeu et avoir essayé de la suivre, il serait mort plutôt que d’arriver dans son donjon après Mathilde.


Celle-ci avait remis son uniforme. Marc n’avait pas pensé à cela, et avait oublié de lui spécifier la veille. Il aurait préféré de beaucoup qu’elle se porte une tenue adaptée à son rôle.


Ils marchèrent ensemble vers la Gendarmerie. En chemin, Mathilde lui dit :



Marc se dit qu’elle avait vraiment une étonnante mémoire des détails.



Mathilde lui fit une grimace.


Arrivés au bureau, ils trouvèrent un message de Klein.



Merci de votre réponse. Votre fantasme est plus fréquent qu’on ne le pense, mais vous, vous avez eu le courage de l’exprimer. Parlez-m-en. Dites-moi comment il est apparu, et surtout ce qui l’a fait évoluer ces derniers mois. Ne négligez aucun détail, les faits déclencheurs, mais aussi vos pensées, vos ressentis, vos désirs. Dites-moi tout… à partir de là, je pense pouvoir être en mesure de vous proposer une aventure qui sera inoubliable pour vous.



Marc exalta. C’était parfait. Klein avait mordu à l’appât, à pleines dents, sans voir les pièges qui l’entouraient. Il n’avait vu que ce qui l’intéressait, et sa réponse qui déjà préparait la mise en œuvre du fantasme de MLF démontrait à quel point il voulait profiter de l’opportunité offerte.



Marc ouvrit le document, et Mathilde se pencha pour lire.


Les jours qui suivirent, je ralentis en passant au niveau la station Je vis, souvent, un camion garé sur le parking, mais le long de la voie rapide et dans le bon sens de la voie de droite. Je ne vis pas de femme monter ou descendre de l’une ou l’autre. Plus attentive qu’auparavant, je réalisai que la station était très régulièrement fréquentée par des camions, il était très rare de ne pas en voir un en train de faire le plein, souvent un autre attendait.


Presque deux semaines plus tard, le mardi soir, je m’arrêtai à nouveau pour faire le plein Il y avait bien deux camions, mais pas de voiture garée. Attentive aux véhicules et aux hommes présents, j’en oubliai ma crainte de l’environnement sombre : au moins ma nouvelle perception de cet endroit avait-elle cet avantage. Mais cette fois-là je ne vis rien d’insolite.


Et puis, en approchant, le jeudi soir de la même semaine, je reconnus la même voiture, garée au même endroit. Sans avoir vraiment eu le temps de réfléchir, je freinai brusquement, me retrouvai sur la piste.


La voiture était vide. Mais le long des buissons se trouvait un camion, plus petit que la première fois. Il avait fait la même manœuvre que l’autre, se trouvant aussi face à la station, sous les arbres.


Je pris mon temps. J’avais un espoir, une envie perverse de voir la femme redescendre, regagner sa voiture, la regarder, voir son attitude, sa démarche, entrevoir son visage, son expression, essayer de deviner ses pensées, ce qu’elle ressentirait… Puis un sentiment de malaise me gagna, je surmontai ma pulsion de voyeuse, et filai payer la douzaine de litres que j’avais pu verser dans le réservoir. En ressortant, je vis qu’un autre camion s’était arrêté à la pompe, il me sembla que le conducteur, lui aussi, regardait la voiture vide, et prenait son temps avant de descendre.


Je ne connaissais pas la femme entrevue deux semaines plus tôt, mais il y avait une bonne raison pour qu’elle m’ait paru aussi familière : j’avais été frappée par la similitude de taille, d’aspect, d’âge, de style, de vêtements avec moi-même. Ses cheveux châtains clair ressemblaient aux miens, il n’était pas difficile d’imaginer que ses yeux avaient la même couleur noisette que les miens. Alors, en imagination, je devenais elle… ma vie intérieure en bénéficiait, enrichie de scènes où je tenais son rôle, à disposition de partenaires dont l’un souvent était le camionneur qu’elle avait rejoint la première fois, pour qui j’avais gardé une attirance ambiguë.


Je passais le soir devant la station, particulièrement attentive le jeudi soir, car c’était le soir de la semaine où la voiture avait été là, les deux fois précédentes. J’imaginais mon double vivant une vie régulière, similaire à la mienne. Sans doute avait-elle un soir où les circonstances lui donnaient un peu plus de temps, de liberté. Cette régularité se révéla toute relative cependant, car je ne la revis plus.


Alors, pour ne pas laisser dépérir le fantasme qui prenait une telle importance pour moi, je commençais à jouer un rôle.


La première règle de ce jeu, toute simple, fut de m’arrêter à la station, tous les jeudis soirs, un peu plus souvent que nécessaire. Ce jour-là je prenais soin de m’habiller comme je l’avais vue : jupe droite, manteau mi-long. Je portais déjà la plupart du temps des chaussures plates. Je fis raccourcir mes cheveux, pour correspondre à ce que j’avais entrevu des siens – et j’avais aussi opté pour des jupes un peu plus courtes, malgré l’hiver.


Je regardais maintenant les autres clients, les routiers surtout, plus que les buissons environnant la station. Plus d’une fois, un homme croisa mon regard, le soutint ; c’est moi qui alors détournait la tête, soudain gênée, consciente de mes limites. Jouer avec une fantaisie ne veut pas dire être prête à la vivre, et j’étais encore loin d’être l’égale de mon double.


Un peu plus tard, je mis sous ces vêtements les dessous – ou plutôt pour l’essentiel l’absence de dessous – que j’avais imaginés.


Cette nouvelle règle se révéla plus corsée que je ne l’avais pensé. Les bas autofixants étaient pour moi une nouveauté qui ne me posa pas trop de problèmes, mais plus haut le contact du tissu de la jupe sur ma peau nue me rappela mon indécence toute la journée. Le soir, en m’arrêtant à la station, j’avais les mains qui se crispaient sur le volant. Mais si j’eus un moment l’impression qu’un conducteur faisant le plein, puis le caissier me regardaient bizarrement, l’explication en était sans doute ma gêne visible et mon visage en feu, à l’image de mon corps entier. Personne ne m’aborda, ce qui me laissa un trouble sentiment de soulagement et de manque.


Puis je modifiai mon emploi du temps hebdomadaire. Je prétextais une contrainte pour déplacer une séance de gymnastique du mardi au jeudi, provoquant d’autres déplacements dans le précis jeu de domino chinois des activités du calendrier familial. L’heure et demie de la séance constituait maintenant un espace de temps tampon, suffisant en cas de retard. Ce retard était certes non planifié, mais sa durée limite était déjà calculée. Si j’en avais besoin, la gymnastique ne me manquerait pas, celle-ci étant perturbée par mes pensées impudiques, nourries par l’exhibitionnisme relatif de ma tenue. J’en ressortais plus tendue qu’en y arrivant.


Puis je glissai deux articles provenant du rayon parapharmacie d’une grande surface dans le chariot des courses hebdomadaires, consciente que la fantaisie prenait un tour trop précis. Il suffisait de pas grand-chose, une décision à prendre. Par moments, je jouais à croire que ce serait très simple, cela ferait une parenthèse qui s’ouvrirait et se refermerait, qui ne bouleverserait pas mon autre vie, il y aurait une fracture, un espace de temps disparu, un jeudi soir je manquerais ma séance de gymnastique, ce serait tout… ce qui se serait passé dans ce moment volé serait si différent, si étranger, si décalé que cela n’existerait plus, sitôt fini. Le souvenir rejoindrait tout ce que j’avais enfoui au fond de mon imagination durant toutes ces années. Mais bien sûr, je savais que ce ne serait pas si facile, pas si anodin, et que cette décision me marquerait de façon irréversible, alors que je n’étais pas encore prête au sacrifice.


Mais ce n’était qu’un jeu, que je pouvais arrêter à tout moment, je n’avais rien décidé.


Je commençais à comprendre que mes maraudes dans la station ne déboucheraient sans doute sur rien, car quelle que soit ma façon de m’habiller, dessus et dessous, je me tenais pour l’essentiel au rôle de la cliente que j’avais toujours été, juste un peu moins pressée et, en apparence, un peu moins craintive. Pour aller plus loin, il faudrait faire ce que mon double avait fait, me garer à côté de la station, et attendre. Mais cela, je ne pouvais me décider à le faire. Cette incapacité, essentiellement due à ma timidité et à ma peur – le dernier muret de sable, plus solide que les autres – me rassurait par moments, mais me frustrait de plus en plus. Pourquoi seul mon double connaîtrait-elle ce dont je rêvais ?


Je n’arrivais cependant pas non plus à renoncer à ce jeu, bien que l’effet commence à s’en émousser. De jour en jour, de nuit en nuit surtout, j’explorais dans ma tête, position après position, déviance après déviance, toutes les possibilités offertes par la cabine d’un semi-remorque, et mon corps abandonné, livré à un camionneur viril et exigeant. Mais lors de mes arrêts à la station, je ne ressentais plus la même émotion : à la mesure de mon manque de courage, l’endroit s’était à nouveau banalisé.


Sans un événement, sans une aide extérieure, je savais que je n’arriverais pas à vivre mes désirs les plus profonds.



Mathilde releva le nez.



Marc commença à composer la réponse, reprenant les deux parties de son récit, le simplifiant, remettant la chronologie dans l’ordre, afin de suivre à la lettre la requête de Klein. Logiquement, l’épisode de MLF serveuse était décrit en premier, celui de la station venait ensuite.


Puis il relut le tout, reformulant, appliquant quelques suggestions de Mathilde, généralement dans le sens d’une plus grande concision. Il appréciait son implication, et si modifier quelques formules pouvait faciliter son appropriation du personnage, c’était une bonne chose.

À onze heures, le message était presque prêt. Il eut alors un doute. Pour une femme occupée par son travail, écrire une telle histoire en un peu plus d’une heure et demie n’était pas crédible. Autant se rapprocher de la vérité. Il ajouta la phrase en tête du message.


J’avais déjà commencé à écrire mon histoire, comme une confession. Cela m’a permis de mettre mes idées en ordre, et m’a amenée à répondre à votre annonce. J’apprécie de pouvoir vous la faire lire, même si cela me trouble de tant révéler de mes pulsions.


Mathilde relut une dernière fois, puis, elle-même, envoya le message.


À nouveau, ils devaient attendre. Mathilde avait maintenant le temps de faire quelques commentaires de fond.



Mathilde relut un passage, avec attention.



Mathilde le foudroya du regard.



Marc la regarda avec intérêt.



Mathilde hésita.



Mathilde rougit un peu.



Mathilde leva une main : stop



Marc nota ce point. L’aveu était cohérent avec la constance du port de l’uniforme chez Mathilde : elle en avait besoin pour se sentir en sécurité. À l’inverse, la forcer à abandonner sa carapace et changer de tenue pourrait notablement changer son comportement, et c’était une piste intéressante. Il était d’ailleurs curieux que Mathilde ait commenté la tenue de gymnastique, mais pas celle portée par MLF allant à la station. Elle devait bien se douter qu’à un moment donné, elle aurait à porter des vêtements féminins, mais le sujet devait être difficile à aborder pour elle.



Marc attendit, intéressé.



Mathilde se tut, se mordant la lèvre. Même si Marc avait compris depuis bien longtemps qu’une bonne part de l’agressivité latente de Mathilde était due à ses difficultés à communiquer, l’aveu était de taille, car il ne l’avait jamais vue admettre une faiblesse.



À ce moment l’icône se mit à clignoter. Ils venaient de recevoir un message de Klein.



Merci de ce long récit. Ce fantasme vous obsède… Il n’y a pas beaucoup de façons de vous libérer de cette pulsion. J’ai reconnu la station-service que vous décrivez. Je comprends que ce que vous y avez vu vous ai fascinée, même si cela semble être très occasionnel à cet endroit. Il en existe de meilleurs… Parlez-moi de cette crainte qui vous empêche de sauter le pas. De quoi avez-vous peur exactement ?

Je serai en déplacement jusqu’en début d’après-midi, j’espère vous lire à mon retour.




Il commença à préparer la réponse.



Merci d’avoir bien voulu me lire. Je suis si heureuse que quelqu’un parvienne à me comprendre.



Il s’interrompit.



Mathilde semblait en pleine confusion.



Mathilde sembla faire un gros effort, se concentrant.



Mathilde s’interrompit, parut faire un effort sur elle-même, ses joues se mirent à rougir, puis elle reprit :



Marc la regarda, admiratif.



Marc approuva :



Marc approuva.



Marc était surpris, elle pensait aux détails, était réaliste. Apparemment, elle avait vécu ces scènes en imagination, c’était bien plus qu’il avait espéré.



Mathilde rougit jusqu’aux oreilles.



Marc s’attendait à tout, sauf à cela. Mais peu importait, il avait l’essentiel.



Même avec vingt kilos de plus, et une bonne condition générale, Marc ne se serait jamais risqué à une lutte à mains nues avec Mathilde.


Marc recommença à écrire :


Mes craintes sont, je crois, de bon sens, comme le risque d’être reconnue, ou celui d’être agressée. Il y a aussi, bien sûr, la peur des MST, d’un homme qui refuse d’utiliser une protection. Mais avant tout il y a la honte… celle d’être perçue comme prostituée, surtout pour ce qui me semble impossible à faire, qui est lié à l’argent : en parler, le recevoir. Je ne me sens pas capable de franchir le pas seule.



Il rendit le clavier à Mathilde. Celle-ci relut le bref message. Elle sembla hésiter à ajouter quelque chose, mais finalement n’en fit rien, et l’envoya.


Ils avaient cette fois l’avantage de savoir à peu près quand Klein répondrait. Marc décida d’en profiter.






Chapitre 7 : Videos en chair




Our bodies are our gardens, to the which our wills are gardeners.

(Nos corps sont nos jardins, nos volontés en sont les jardiniers)


William Shakespeare, Othello, [1, 3]




°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°




Vendredi, 14 h



Marc retrouva Mathilde toujours installée dans son donjon. La réponse de Klein n’était pas encore arrivée.



Mathilde hésitait visiblement.



La vidéo, de qualité moyenne, débutait par un gros plan d’une table et de cartes, s’en éloignait, révélant en partie trois hommes, sans les têtes, hors du champ. Puis, la caméra pivotant fit apparaître une femme, debout, au visage et aux cheveux masqués par un grand foulard, seule la bouche étant visible. C’est la posture de la jeune femme qui la rendait la plus reconnaissable – le port altier, maintenu quelles que soient les circonstances, qui semblait être une seconde nature chez elle. Elle portait un ensemble, jupe longue et chemisier, assez stricts, qui auraient très bien pu être sa tenue d’institutrice. Ses chaussures étaient presque plates, contrairement aux talons qu’elle avait portés en venant à la Gendarmerie. Marc supposait que ceux-ci était peu adaptés aux heures passées debout sur une estrade. Sortait-elle du travail lorsque la vidéo avait été filmée ?


La vidéo était muette. Sans doute sur un ordre reçu, Marie-Claire se tourna sur la droite, puis, de profil, commença à se déshabiller, chemisier, puis chaussures, puis jupe, puis soutien-gorge, puis culotte – ses sous-vêtements étaient en dentelle, très sexys dans un style légèrement démodé, mais d’excellent goût.


L’homme qui tenait la caméra se déplaça légèrement, prenant un angle de trois quart gauche qui montrait ses seins magnifiques, un pubis épilé, et des jambes harmonieuses.


Marc réalisa que l’angle de prise de vue empêchait – tout juste – de voir la cicatrice qu’elle portait sur le flanc droit. C’était probablement volontaire.


Sans doute sur une injonction, Marie-Claire se tourna ensuite, dos à la caméra.


Elle avait vraiment un joli corps… de petits détails révélaient qu’avec l’âge, elle aurait du mal à ne pas évoluer vers une voluptuosité excessive. Mais en attendant, c’était quelque chose…



La vidéo s’interrompit.



La prise de vue commençait par une table, des billets, répartis en trois groupes devant chacun des trois hommes et disposés de façon que le montant soit bien visible : un de vingt, un vingt avec un de dix, deux de vingt avec un de dix.


Puis la caméra tourna vers Marie-Claire, de profil, puis se mettant à genoux, le bas du corps d’un homme approchant, de débraguettant, un sexe érigé – la suite démontrait clairement la nécessité que la bouche de Marie-Claire ne soit pas masquée comme le reste de son visage.


Le plan, un peu long au goût de Marc, se termina par une éjaculation sur son visage, Marie-Claire restant immobile, son expression neutre.


Un bras apparu dans le champ, la saisissant aux épaules. Il la guida vers la table, l’y bascula sur le dos. La caméra se déplaça, l’homme défit sa ceinture, libéra un membre de belle taille. Le bras apparut de nouveau – celui de Klein ? – lui tendant un préservatif. Elle enfila le préservatif sur le membre érigé, avant de docilement s’allonger, écartant les jambes.


Il saisit les cuisses de Marie-Claire à pleins bras, soulevant ses jambes vers le ciel, la martelant avec force. L’expression de Marie-Claire perdit de sa neutralité, sa bouche entrouverte et les frémissements de son corps révélaient une implication croissante dans l’action.


Trois minutes plus tard, c’était terminé. L’homme se retira, le troisième s’approcha, apparaissant dans le champ nu en-dessous de la ceinture, déjà nanti d’un préservatif. Lui aussi n’avait pas à se plaindre de la nature. Une claque sur la cuisse, un ordre, et Marie-Claire se retourna, cette fois courbée à plat ventre sur la table, mais les pieds par terre, les jambes légèrement écartées, cambrée, offerte.


L’homme vint au-dessus d’elle, s’inséra entre ses jambes, les écarta largement, pour que les fesses charnues ne limitent pas sa pénétration. Il chercha l’ouverture, commença à pousser. Marie-Claire eut un brusque sursaut, le désarçonnant. Il appuya sur ses épaules d’une main ferme, recommença, cette fois s’empara d’elle sans concession.


Il commença son va-et-vient, lentement, plutôt des poussées, sans se retirer vraiment. Il posa une main sous elle, par derrière, commença à la caresser. Marc vit la peau de ses hanches frémir… elle réagissait.


La caméra se déplaça en pivotant vers l’arrière, descendit, montrant la main qui s’activait sur le sexe de Marie-Claire. L’homme poursuivait avec régularité sa pénétration rythmique, et Marc se dit que sa position et ses mouvements révélaient à la fois une bonne endurance des muscles des cuisses, et un excellent contrôle. Cela faisait déjà cinq bonnes minutes que l’action durait…


La caméra se déplaça à nouveau, faisant un 180° autour de la table. Elle montrait maintenant en gros plan le visage de Marie-Claire, en arrière-plan le haut de ses fesses se tendant en cadence, le membre qui maintenant sortait et entrait, l’homme ayant amplifié son moment, tout en l’accélérant. Alors que la cadence augmentait, un rictus déforma progressivement le visage de Marie-Claire, avant que sa bouche ne s’ouvre en O sur un cri silencieux. Puis ce fut l’immobilité finale des deux protagonistes, l’homme se reposant maintenant de ses efforts, allongé sur Marie-Claire


La vidéo s’arrêta.


Mathilde commenta :



Marc était en pleine confusion, craignant de comprendre.



Mathilde le regarda. Ses joues étaient rouge vif.



La gêne de la situation fut dissipée par l’arrivée d’un message.



Je comprends tout à fait vos craintes. Mais supposez que quelqu’un vous guide, assure votre sécurité, prenne en charge les détails et tout ce qui vous gêne, seriez-vous prête à franchir le pas ?



Marc serra le poing en signe de victoire. On arrivait au cœur du sujet.



Mathilde prit le clavier, tapa, « Oui, et dès que possible » et envoya le message.



Marc soupira.



Il se tourna vers Mathilde.



À ce moment, une icône se mit à clignoter. Ils avaient une réponse immédiate. Marc ouvrit le message.



Connectez-vous avec votre webcam maintenant. Je veux vous voir.



Mathilde grommela



Mathilde montra ses vêtements d’un geste.



Marc regarda dans l’armoire. Le haut irait, mais par contre, la courte jupe en jean allait être un problème. Trop « djeun », elle n’allait pas avec le personnage, et de toute façon, il lui manquait une taille, et avec le manque d’élasticité du tissu c’était rédhibitoire.



Fanny avait la même taille et à peu près les mêmes mensurations, à une taille près au niveau des hanches, et son pantalon d’uniforme d’adjointe était bleu uni, sans les deux bandes noires d’officier de celui de Mathilde. Il s’attendait à un refus ferme de celle-ci, mais à sa surprise celle-ci sembla accepter l’idée et sortit du bureau. La perspective d’en finir au plus vite devait compter pour elle. Marc se demanda comment elle allait présenter la chose. Allait-elle sèchement intimer l’ordre à Fanny de se déshabiller ? Cela pouvait être assez comique, mais il préféra quand même éviter d’aller voir. Et puis, il avait du travail à faire pour installer la caméra et préparer quelque chose sur son ordinateur, hors de la vue de Mathilde. De ce qu’il connaissait de Klein, cela pouvait s’avérer payant.


Cinq minutes plus tard, Mathilde était de retour, avec une tenue qui lui plut bien. Le haut moulait son torse mince – il se demanda un instant si Mathilde portait un soutien-gorge. Il n’en voyait pas trace, mais poser la question aurait été malvenu. Sans doute utilisait-elle un modèle discret, et comme elle ne quittait jamais sa veste d’uniforme, il n’avait jamais pu s’en rendre compte. Le pantalon, de même longueur que le sien, mais pour le reste une taille en dessous, ne nécessitait pas de ceinture, ce qui était heureux, le ceinturon réglementaire n’ayant aucune chance de pouvoir passer pour autre chose que ce qu’il était. Esthétiquement, le résultat n’était, ma foi, pas déplaisant du tout



Mathilde le regarda d’un drôle d’air.



Néanmoins, Mathilde avait soulevé un point valide, et Marc réfléchit une minute avant d’élaborer le message de réponse.



Je me connecte dans deux minutes, mais je dois vous prévenir. Je suis encore à mon travail, mon aspect risque de vous décevoir. J’ai passé la journée à aller ranger les dossiers comptable de l’an dernier dans le local d’archives, et je me suis habillée en conséquence… en déménageuse. Et je dois aussi vous avouer être très impressionnée par ce premier contact visuel.




Marc décrocha le tableau blanc du mur et le plaça juste derrière la caméra, elle-même fixée par un clip en haut de l’écran.



En son for intérieur, Marc craignait surtout que quelque chose mette Mathilde en colère après Klein et qu’elle l’envoie se faire voir. Ce ne serait pas du tout cohérent avec son personnage et mettrait tous leurs plans en l’air.


Un nouveau message arriva.



Je vous attends.




Mathilde inspira puis expira lentement, profondément, puis se connecta.


Marc ne pouvait pas voir l’écran, seulement le visage de Mathilde. Il vit son expression se figer et ses yeux se fixer sur l’écran.



Marc cilla. Klein y allait vraiment fort et testait sa « candidate » sans aucun ménagement. Cela semblait confirmer qu’il était pressé et de ce point de vue, c’était une bonne chose. Mais il allait falloir que Mathilde tienne le choc. Elle avait la bouche entrouverte, les yeux écarquillés, comme frappée en plein plexus. Cette expression lui donnait un aspect plus candide qu’à l’habitude. « Parfait », pensa-t-il, « Mais que va-t-elle dire » ?



Marc était pétrifié. Prendre une position humble était une bonne chose, mais voilà que P’tit’Bull en rajoutait carrément… sur un ton légèrement irrité qui contredisait son humilité. Espérait-elle se défiler ainsi de sa mission ? Si c’était une tactique pour pousser Klein à se décider vite, c’était risqué, cela pouvait passer ou casser.



Ainsi donc, le dénigrement initial de Klein était une ruse de maquereau, il voulait assurer sa position d’intermédiaire. À posteriori, il réalisa que Mathilde avait plutôt bien réagi à sa provocation, même s’il ne trouvait pas son ton et son expression corporelle sans défauts. Elle avait appliqué sa propre théorie de soumise manipulant son maître en jouant sur sa supposée faiblesse, et Klein avait dû laisser tomber le masque.



Klein devait pouvoir voir des piles de dossiers dans un coin, l’explication était très plausible.



Marc était à peu près sûr, et pour cause, que Klein ferait cette demande. Il s’en voulut un peu de ne pas avoir prévenu Mathilde, il n’avait pas voulu courir le risque de voir celle-ci remettre la confrontation et rentrer chez elle… Il lui fit une mimique désolée, puis ostensiblement se tourna, le nez contre le mur, et pour faire bonne mesure, les mains sur les yeux.


Il n’entendit rien pendant quelques secondes, puis le froissement du tissu. À son grand soulagement, Mathilde avait obéi.



Marc retint son souffle. Outre son côté insultant, sa remarque envers une femme qui passait le plus clair de son temps à mener une croisade sans merci contre tout ce qui ressemblait de près ou de loin à un pédophile était l’équivalent d’une torche enflammée sous un tonneau de poudre.


Par chance, Mathilde ne répondit rien. Marc supposait que les mots s’étranglaient dans sa gorge, et ce n’était pas plus mal.



Après un temps qui lui parut infiniment long, il entendit la chaise reculer, puis le bruit de deux chaussures qui tombaient, puis à nouveau le froissement de l’étoffe. Elle obéissait…



Silence…



La voix de Klein était altérée. Après un moment, il reprit.



Marc et Mathilde en avaient discuté, et Mathilde avait une réponse prête.



C’était parfaitement exprimé. Un lieu public offrait bien plus de possibilités pour un flagrant délit…



Par chance, Mathilde avait dû juger de la même façon, car elle ne disait rien. Le silence se prolongea, Marc se demandant quel échange muet avait lieu entre les deux.



Aïe, aïe, aïe, tout risquait de tomber à l’eau. Marc avait prévu cette situation et la façon de la contrer, mais n’avait pas eu le temps de préparer Mathilde. À la voix de Klein, il était clair que celle-ci lui plaisait beaucoup, ce qui était à double tranchant. Il avait une envie aigue de la sauter, ce qui n’était pas dans les plans, par contre cet élément pouvait obscurcir son jugement.


Mieux valait s’en tenir au plus simple. Sans changer de position, Il tendit le bras et inscrivit rapidement sur le tableau avec un feutre : OQP DEMAIN PROMETS Q APRES


Lorsque Mathilde parla finalement, son ton était soucieux.



Elle se tut, misérablement. Son expression devait parler pour elle, car Klein reprit.



Marc souligna trois mots sur le tableau, et inséra un point d’exclamation : PROMET Q ! APRES


Mathilde reprit, d’un ton pitoyable, qui pouvait assez bien passer pour du regret.



Marc en avait la mâchoire pendante. Pas sûr que cela marche, mais dans la catégorie des dégagements en touche du genre « Pas maintenant, jeune homme, on verra plus tard », c’était un des plus beaux morceaux de mauvaise foi féminine qu’il avait jamais entendu. Après un long silence, Klein reprit.



Il y avait une chance que Klein ne l’ait pas crue et soit persuadé qu’elle le trouvait physiquement déplaisant, et cela devait le vexer. Mais peu importait, après réflexion il se rappellerait que son problème le plus pressant était de trouver un nouveau gagne-pain à jeter en pâture au milieu, pas une nouvelle maîtresse.



Marc avait à nouveau une déglutition difficile. Elle était gonflée, quand même.



Il se déconnecta.






Chapitre 8 : Revue de détails




Tempt not a desperate man.

(Ne tentez pas un homme en manque.)


William Shakespeare, Romeo and Juliet, [5, 3]




°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°




Vendredi, 17 h 30



Marc resta le dos tourné pendant que Mathilde se rhabillait. N’entendant plus le froissement de l’étoffe, il éteignit la caméra et se retourna.



Mathilde se tenait debout, tremblante. Elle semblait avoir des difficultés à s’exprimer. Marc réprima une pulsion instinctive de la prendre dans ses bras et de la consoler, mais dieu sait comment elle aurait réagi. Elle sembla avoir perçu cet élan réprimé, et lui fit un pauvre sourire.



Elle se tut, semblant retrouver progressivement ses esprits.



Marc retint sa respiration. Si elle se doutait de ce qu’il avait mis en place, il était cuit, elle ne lui pardonnerait jamais.



Pris à contre-pied, Marc hésita deux secondes de trop



Mathilde le regardait d’un air de plus en plus soupçonneux.



Mathilde avait l’œil noir.



Marc savait qu’il avait l’air de plus en plus coupable, et il ne parvint pas à trouver une réponse immédiate. Mathilde parut tout d’un coup être frappée par une évidence.



Dos au mur, Marc retrouva du nerf.



Mathilde n’apprécia vraiment pas son humour.



Touché au plexus, Marc sentit la moutarde lui monter au nez.



Marc exagérait franchement, mais le sujet était sensible pour lui, et il était en colère.



Mathilde se mordit la lèvre. Si Marc avait été un gendarme, le capitaine l’aurait fait muter aux îles Kerguelen. Ce traitement de faveur d’un employé civil était désolant mais par ailleurs elle savait que la situation offrait peu de prises. Fanny était jeune, mais majeure. Au mieux, on pouvait ne pas renouveler le contrat de Marc. Au fait…



Mathilde était rouge de colère. Marc avait fait un chantage pour imposer un état de fait.



Marc hésita. Il y avait pensé, s’était rendu compte du conflit d’intérêt. Mais ce n’était pas la raison principale. Fanny avait déjà servi d’appât, même si c’était dans des circonstances plus simples et faciles à contrôler.



Mathilde haussa les épaules, méprisante. Marc en rajouta une couche.



Cette fois, il eut l’impression que l’explosion était proche. Mais tout à coup il vit deux larmes surgir, et Mathilde détourna vivement la tête pour qu’il ne les voie pas.


C’était affreusement embarrassant. Il l’avait provoquée à l’extrême, mais le coup de grâce avait été le rappel que sa relation avec ses subordonnés était si délicate que pas un ne lui aurait communiqué une information qui ne soit pas strictement de service. Rousseau ne l’avait pas fait non plus, ce qui surprenait Marc. Peut-être celui-ci ne se sentait-il pas très à l’aise avec la décision qu’il avait prise.


Sa bravade concernant Fanny était d’autant plus déplacée qu’il avait connu à ce sujet un après-midi très pénible dans le bureau du capitaine. Il avait eu beau prendre garde de le prévenir avant que quiconque s’en aperçoive, la partie n’avait pas été facile. Rousseau avait sur le sujet à peu près la même opinion que Mathilde, même s’il l’avait exprimé avec plus de mesure. Il avait longuement hésité, et seule la certitude que rien ne ferait renoncer Marc lui avait fait accepter le statu quo. Il avait quand même bien failli accepter sa démission…


Mathilde était toujours immobile, regardant le mur. La colère retombée, Marc était surtout furieux contre lui-même. Jusque-là, leur travail commun s’était plutôt bien passé. Leur enquête s’était présentée favorablement, et Mathilde l’avait surpris par des capacités qu’il n’avait pas auparavant imaginées, ou voulu admettre. Son rôle dans le suivi du suspect « Sylvain » en était un bon exemple, et ensuite, il y avait eu sa composition très correcte lors de la webcam face à Klein. Et voilà que par sa faute, le succès en vue, il se retrouvait en plein psychodrame, avec un pitbull en pleine déprime. Jamais il ne l’aurait crue capable d’une telle vulnérabilité. Question psychologie, elle lui avait toujours fait l’impression d’avoir la solidité – et la flexibilité – d’un roc, mais visiblement, son image et sa communication avec ses subordonnés et son chef étaient des points trop sensibles. Il essaya de rattraper le coup.



Mathilde tourna brusquement la tête, les yeux toujours brillants, mais à nouveau surtout en colère.



Marc préféra faire semblant de croire que c’était de Klein qu’elle parlait.



Mathilde fit une petite moue, l’air de douter, mais Marc eut quand même l’impression qu’elle se sentait mieux. Avec elle, rappeler le métier, et le feu sacré qui l’animait en le faisant, était une valeur sûre. En son for intérieur, il pensait qu’assouplir sa moralité ultra-rigide l’aiderait beaucoup dans sa mission, et au-delà, dans son métier. Rousseau avait sous-entendu la même chose. Mais y parvenir semblait bien plus difficile que piéger Klein ne l’avait été.



Sur le chemin, ils trouvèrent Fanny, en pantalon d’officier légèrement trop large, en train de discuter et rire avec l’adjudant-chef Lazare… Marc plaisanta :



Cela ne méritait pas le grand prix de l’humour, et le sous-entendu n’était pas des plus délicats, mais Mathilde eut le bon goût d’en sourire, à la surprise générale. Pour une fois, c’est plutôt Fanny qui le regarda de travers.


Ils trouvèrent le capitaine prêt à rentrer chez lui, et sa première réaction fut quelque peu aigre.



À l’instar des Gendarmeries traditionnelles, l’unité fonctionnait 7 jours sur 7 et 24 heures sur 24, car les délinquants qu’ils pourchassaient ne connaissaient pas d’horaire. Mais le week-end, l’effectif était restreint, tous ceux qui étaient en service avaient leur utilité, et ne pouvaient pas être facilement réassignés. Désigner au dernier moment du personnel pour un travail du dimanche ne serait pas très populaire.



Après réflexion, le Capitaine trancha.



Quatorze heures, cela laissait très peu de temps pour le briefing avant l’action. Marc soupçonnait que cela permettait au capitaine de limiter au strict minimum les heures de service à affecter un dimanche, tout en permettant accessoirement de réduire le risque de fuite sur l’opération.


Marc et Mathilde quittèrent le bureau, retrouvant Fanny qui attendait toujours patiemment son pantalon.


Après l’échange de vêtements, Mathilde soulagea Marc d’un poids en faisant elle-même une demande qu’il hésitait à formuler.



En bonne militaire, Mathilde croyait fermement en deux choses, la discipline et l’entraînement. Autant que possible, mieux valait affronter l’ennemi avec une épée émoulue. En l’occurrence, c’était une excellente chose.



Sur ce, elle quitta les lieux. Marc avait encore une chose à faire, importante. Il retourna à son donjon, s’assit devant son ordinateur.


Rapidement, il trouva ce qu’il cherchait. Contrairement à ce qu’il avait dit à Mathilde, la caméra intégrée en haut de l’écran était parfaitement fonctionnelle – Marc avait dû faire un bricolage précis pour détruire la petite lumière qui clignotait en indiquant la prise de vue. C’était cette caméra qui avait servi à la séance de webcam, de qualité visuelle limitée, au bénéfice de Klein. La caméra fixée par un clip sur son ordinateur était un modèle particulier, à très haute résolution, et avait permis d’enregistrer un film numérique de grande qualité sur le disque, avec son, s’ajoutant à l’enregistrement de l’écran – et donc de Klein.


Réprimant son impatience, il reprit le film au début. Il voulait vérifier la composition de Mathilde. Avait-elle laissé échapper quelque chose qui pouvait les trahir ?



Le début était conforme à son souvenir. Ce n’était pas parfait. L’expression du visage de Mathilde était un trop mobile. Le ton semblait un peu décalé, un peu forcé, un peu faux. Elle avait fait un honnête rôle de composition, sans avoir réussi à se mettre dans la peau de son personnage. Heureusement, il semblait que Klein, avec une moindre qualité d’image et de son que le film que Marc regardait, ne s’en soit pas rendu compte.



Il retint son souffle en arrivant au moment où il avait cessé de regarder. Mauvaise nouvelle, Mathilde n’avait pas pu s’empêcher de brièvement bouger les yeux vers lui quand il s’était retourné. Bonne nouvelle, l’expression qu’elle avait eu juste après était inhabituelle pour elle, mais semblait en accord avec ses gestes, quand elle avait lentement passé le haut par-dessus sa tête.


Elle n’avait effectivement pas de soutien-gorge. Ses seins étaient très petits, mais de forme parfaite, et ses tétons étaient fermement érigés. Ses épaules, ses bras étaient musclés, mais tout en finesse.


Marc revint en arrière, repassa la séquence, regardant son visage. Ce qu’il lut dans son expression le surprit au plus haut point : un mélange de trouble, de soulagement et, indiscutablement, quelque chose qui pouvait parfaitement passer pour de l’excitation.



Il vit passer une lueur d’acier dans le regard de Mathilde – mais ce n’était pas un gros problème, atténuée par l’image limitée de la webcam, cela pouvait parfaitement passer pour de la vexation. Et juste après, elle avait baissé les yeux avec humilité – bien.



Mathilde n’avait pas exactement obéi, ne se soulevant qu’à demi pour enlever chaussures, pantalon et slip, avant de se lever. Ses chaussures étaient restées hors-champ – heureusement celles de l’uniforme standard, en cuir noir, n’étaient pas trop spécifiques, mais quand même –, et elle avait ainsi prudemment évité de trop montrer son pantalon bleu-gendarme. Il était aussi impossible de dire quel sous-vêtement elle portait. Marc doutait fort que celui-ci ait eu quoi que ce soit de sexy.


Par contre, à sa grande surprise, son sexe était entièrement épilé. Autre surprise, après s’être levée elle s’était tenue droite, les mains derrière le dos, les jambes légèrement écartées, les yeux baissés mais son attitude corporelle ne trahissant pas de pudeur exagérée. Elle semblait être parfaitement entrée dans le jeu de la revue de détail que lui imposait Klein. Son expression était calme, à un moment elle leva les yeux et regarda droit dans la caméra, de l’air de dire « Voilà qui je suis, je n’ai rien à cacher ». De fait, son ventre parfaitement plat et ferme et sa taille très fine ne trahissaient rien de sa récente grossesse. Ses hanches pouvaient paraître larges mais ce n’était que relatif par rapport à son torse, à ses jambes musclées, et la courbe en était harmonieuse. Sa peau très blanche était lisse, sans défaut. Ses muscles bien formés se dessinaient sur l’ensemble de son corps, frémissants sous la peau. L’image d’ensemble était athlétique et indiscutablement très sexy.



Mathilde pivota sur une jambe, d’un mouvement lent et sensuel, avant de reprendre la même position – mais les mains devant elle, cette fois. Là encore, elle se laissait entièrement voir…


Et il y avait de quoi voir.

Si sur les côtés, en haut et en bas, les jointures des hanches formaient une courbe marquée mais sans rupture, à l’arrière ses fesses rondes et très fermes marquaient un pli net à la base des cuisses. Les ischio-jambiers étaient bien développés, au-dessus les rotondités formaient – et de quelle façon – un des rares endroits de son corps où les muscles n’affleuraient pas sous la peau.


À cet instant, Marc comprit qu’ils tenaient Klein. Le long silence qui s’ensuivit était d’ailleurs révélateur. Après avoir vu cela, jamais plus il ne pourrait considérer Mathilde sans avoir un sérieux biais dans son jugement.



Là encore, harmonie… Mathilde, bien cambrée, passa lentement d’une jambe sur l’autre, provoquant un délicieux mouvement du bas de son corps, la tension musculaire visible un moment le long de sa jambe faisant place au grain lisse de sa peau lorsque les muscles se relâchèrent – résumant en quelques secondes la dualité de la beauté de son corps.


Après un moment, Klein reprit.



Klein était doué pour l’euphémisme…



La réponse négative de Klein vint sans aucune surprise :



Marc vit que le corps entier de Mathilde se mettait à frissonner, comme vibrant d’excitation. Sans nul doute, le fait de toucher au but qu’ils avaient poursuivi depuis trois jours devait avoir créé chez elle une forte émotion, mais du point de vue de l’observateur, cela ressemblait très fort à un intense désir, en accord avec son rôle.


Dans l’échange qui s’ensuivit, Marc, l’écoutant, la regardant à nouveau, jugea l’ensemble parfait. Ton de voix, corps et expression du visage et des yeux étaient en phase. Même si sa justification pour éviter une rencontre le samedi était un peu limite, cela passait parce qu’elle était totalement dans son rôle, fondamentalement crédible. Lorsqu’elle promit de s’attarder le dimanche, son corps, son bassin, se projetèrent littéralement en avant, comme mus par un besoin intense, entaché de regret. Peu d’hommes auraient pu y résister.


Lorsque Klein coupa la communication visuelle, Marc eut une nouvelle série de surprises. Mathilde regarda un moment l’écran, puis jeta un rapide coup d’œil au-dessus – vers lui. Puis, d’un mouvement très souple, sur la pointe des pieds, elle se retourna et regarda ses fesses. Lorsque son visage revint face à la caméra, elle faisait une moue ambiguë. Quelque chose comme : « pas si mal, finalement ». Puis elle se rhabilla, sans hâte, jetant deux ou trois coup d’œil vers Marc. Son slip s’avéra être un modèle des plus traditionnels, en coton probablement, mais il lui allait très bien.


Ce n’est qu’après avoir remis le haut que tout d’un coup elle sembla se décomposer, comme rattrapée par la tension, et se mit à trembler, prenant l’attitude que Marc avait découverte en se retournant quelques secondes plus tard.


Tout ceci était des plus intrigants. Dépouillée de ses vêtements, Mathilde avait révélé une féminité et une coquetterie qu’il n’aurait jamais imaginées. Ces deux aspects bien dissimulés de sa personnalité l’avaient sans aucun doute beaucoup aidée à tenir son rôle. Combiné avec sa motivation et sa croyance en la valeur de l’entraînement, cela ouvrait des perspectives, il pouvait les utiliser pour la préparation finale qu’il avait en tête. Les chances de la voir prête pour la rencontre du dimanche lui semblèrent tout à coup bien meilleures.


Lors de la séance de décembre entre Fanny et l’homme qu’ils connaissaient alors sous le nom de Sylvain, les choses avaient été plus claires, et Marc n’avait eu nul besoin de sa caméra cachée. Marc avait prévenu Fanny que leur cible du jour risquait de demander à la voir partiellement ou totalement nue, lui avait laissé carte blanche sur jusqu’où obéir, et précisé qu’il se retournerait, comme il l’avait fait pour Mathilde. Fanny l’avait calmement regardé, droit dans les yeux, et lui avait dit qu’elle serait très déçue s’il se mettait face au mur… et même vexée. La session de webcam avait vite tourné en un strip-tease de haute volée, dont il avait bien compris qu’il lui était avant tout destiné. Pas étonnant qu’il se soit parfaitement souvenu de la séance, et très peu de Klein… Le soir, le travail fini, Fanny l’avait accompagné chez lui, c’était une date marquante qu’il ne risquait pas d’oublier.


Marc revint en arrière, repassant les meilleurs moments, regardant le corps de Mathilde. Même si leur tentative d’infiltration s’avérait, au bout du compte, un échec, il aurait au moins ces images, et cela en valait la peine… les efforts fournis ne l’auraient pas été pas pour rien.


Il se demanda ce que pourrait lui apporter la diffusion sur Youtube d’une vidéo d’excellente qualité intitulée « strip-tease d’un lieutenant de gendarmerie dans une salle de garde-à-vue ». Étant donné l’esthétique corporelle du lieutenant en question, sans doute une notoriété considérable, bien que forcément fugace. Il y gagnerait très probablement aussi une peine de prison. Il soupira… la vidéo resterait cachée dans un volume disque crypté, connu de lui seul. Dommage qu’il soit quelqu’un d’à peu près honnête. D’ailleurs la prison ne lui disait vraiment rien.


Son problème le plus urgent était un priapisme coriace. Par ailleurs, il avait encore du travail. Quoique, à la réflexion, avec une courageuse patience et un peu d’intelligence, peut-être y avait-il moyen de concilier utile et agréable…


Un peu plus tard, Fanny rentra dans son studio – passé vingt-deux heures, l’astreinte de nuit se faisait depuis chez elle. Elle y trouva Marc en train de finir d’échafauder une construction compliquée, utilisant des couvertures tendues délimitant un sac de couchage plié sur le lit, le long du lit deux chaises. L’ensemble ressemblait à une « cabane » telle que l’aurait élaborée un enfant de six ou sept ans, en un peu mieux fini.



Marc la regarda d’un œil concupiscent.



Fanny passa ses bras autour de son cou.



Fanny fit la moue.



Fanny, en apparence boudeuse, commença à se changer, avec une lenteur délibérée, particulièrement dans la phase où, nue, puis un peu plus tard habillée de ses seuls bas, elle fit semblant de chercher quoi mettre, adoptant pour ce faire une succession de positions qui mettaient son corps de liane particulièrement en valeur Marc, assis sur le « siège conducteur », commençait à trouver le temps long.