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Temps de lecture estimé : 21 mn
02/07/12
corrigé 11/06/21
Résumé:  Cédric aimerait profiter de l'absence du sosie de Kim Basinger pour fuir, malheureusement, son compagnon n'est pas d'accord...
Critères:  #nonérotique #policier #fantastique handicap
Auteur : Rain      Envoi mini-message

Série : Confessions d'un apprenti délinquant

Chapitre 03 / 04
Un début d'explication

Résumé de l’épisode 1 :

Cédric, le narrateur, raconte sa vie de délinquant qu’il s’est choisie par nécessité. Il devient donc dealer de cannabis pour subvenir aux besoins de sa famille mais finit derrière les barreaux. Sa femme le quitte et part en Argentine avec leur fils pendant qu’il purge sa peine.

À sa sortie de prison, il retourne faire les quatre cents coups pour engranger dix mille euros qui lui permettront de traquer son fils en Argentine avec l’aide d’un détective privé du coin. Contraint de quitter l’Ariège suite à un cambriolage où la police a failli lui mettre la main dessus, il se rend dans l’Aveyron où il croise la route d’Émile, adulte déficient d’une quarantaine d’années dont Cédric tue les parents alors qu’il les surprend en train de rouer de coups leur propre enfant. Ne désirant pas abandonner Émile à son triste sort, Cédric lui propose de le suivre dans ses aventures.

Ils attaquent la Poste d’Olemps (bled de l’Aveyron) quand une femme les surprend et les braque. Émile jette un coup d’œil par-dessus son épaule et annonce à Cédric que c’est Kim Basinger (une actrice qu’il aime bien) qui les menace !


Résumé de l’épisode 2 :

Cédric et Émile quittent la Poste les mains au-dessus de la tête, menacés par une femme qui est le sosie de Kim Basinger lorsqu’elle était jeune. Elle les conduit dans une cabane au milieu des bois, perdue dans la campagne. Elle se montre attentionnée avec Émile. En revanche, avec Cédric, elle n’hésite pas à le remettre à sa place et en vient même aux mains.

Cédric est forcé à passer la nuit dans le grenier tandis qu’Émile perd son pucelage avec le sosie de Kim Basinger.

Le lendemain, Cédric découvre Émile, seul, dans la cuisine. Il essaie de le convaincre d’en profiter pour fuir mais Émile s’y oppose parce qu’elle lui a demandé de ne pas quitter la cabane et d’empêcher Cédric de partir.

Ne pouvant pas rivaliser sur le plan physique avec son compagnon, Cédric allume la radio et entend que le véhicule qu’ils utilisent a été repéré par un automobiliste. De plus, la dame au jogging, cliente de la Poste présente lors du braquage (cf. Épisode 1) explique à un journaliste que les deux braqueurs sont ressortis de la Poste, sans prendre l’argent, les mains en l’air, en faisant marche arrière, comme s’ils avaient subitement perdu la raison.








Je demeure interdit de longues minutes au cours desquelles mon intellect est mis à rude épreuve. Suis-je en train de rêver ? Suis-je devenu cinglé ? Ai-je bien entendu ce que racontait la femme au survêt à la radio ?


Je suis abasourdi, un pied dans le précipice de la folie. Elle n’a pas vu Kim ! Qu’est-ce que c’est que ce délire ? Elle nous fait passer pour des glandus en racontant que nous sommes sortis de la Poste de notre propre initiative, à reculons, les mains au-dessus de nos têtes, pour leur dire au revoir, peut-être ?


En revanche, je connais le nom du trou de balle qui a donné l’alerte, les bips lui permettant de conserver l’anonymat n’ont pas couvert son nom de famille la première fois : M. Daray. En même temps, pourquoi lui en vouloir ? J’aurais agi de la même manière si j’avais été à sa place.



Émile continue à boire son chocolat dans lequel il plonge des tartines beurrées. Combien en a-t-il bouffées ? Une bonne dizaine ! Il n’a pas l’air affecté par la nouvelle. Il n’est certainement pas habitué à écouter la radio et encore moins à prêter une oreille attentive à ce qui s’y dit. Je suis obligé de l’interroger pour en avoir le cœur net :



Émile se fend la poire à s’en faire péter la panse.



Je me dirige vers la porte. Émile me barre la route.



Je décide de changer de stratégie. Je retourne m’asseoir et me délecte de mon café en ne lui prêtant plus attention. Au bout de deux minutes, Émile retourne à sa place et je sens qu’il pose sur moi des regards insistants. Je l’ignore, rallume la radio et choisis une station qui diffuse de la musique et tombe sur LA Woman des Doors.


Décidément, Jim et moi avons peut-être des choses à nous raconter. Je souris intérieurement et me prépare une tartine avec du pain de mie. Émile la dévore de ses yeux globuleux. Je lui propose de lui en préparer une. Il accepte et une fois le pain tartiné, je le lui tends. Il l’attrape et je commence à étaler du beurre sur une dizaine d’autres tranches de pain de mie.


Émile a déjà avalé trois tartines lorsque je pose la dixième près de sa tasse. Je me lève, Jim répète so alone et LA Woman est remplacée par Volunteer de Jefferson Airplane. Cette radio passe de la bonne zic, me dis-je, en contemplant Émile qui se goinfre. Il ne me regarde plus. Le moment est venu de courir vers la porte et de tailler ma route.


Je suis sur le point de sprinter quand j’aperçois derrière la fenêtre un cheval dont le cavalier est attifé comme un poulet. Il fait le tour de la 205. J’ignorais qu’ils avaient une police montée dans le coin ! J’abandonne mon plan et me tourne vers Émile, le visage défait :



Émile se lève, croque un dernier morceau de tartine et scrute par la fenêtre. L’homme a sorti un morceau de papier et un stylo de sa veste aux multiples poches et s’apprête à écrire le numéro de la plaque de la bagnole.



Il prend son temps, semble peser le pour et le contre, et finalement sort la clé de sa poche pour ouvrir la porte.


Non pas lui, pensé-je.


En voyant ce mastodonte, il comprendra tout de suite que nous sommes les braqueurs. J’ouvre la bouche pour dire à Émile de ne pas sortir, mais la porte laisse déjà entrer le soleil qui baigne la cuisine d’une lumière agréable.


Émile est déjà sur le seuil de la porte. Le flic lève les yeux vers Émile. De l’inquiétude se peint sur son visage lorsqu’il découvre l’armoire à glace qui s’avance d’un pas décidé. Le flicaillon extirpe son arme de son étui et met Émile en joue :



Ce n’est pas croyable, les emmerdes nous collent au train ! J’essaie de trouver quelque chose d’intelligent à faire ou à dire. Malheureusement, mon esprit est un vide sidéral, plus aucun neurone ne fonctionne. Je jette un regard inquiet à Émile qui continue de marcher vers le cogne comme s’il n’avait pas entendu la sommation ou comme s’il ne l’avait pas comprise, ce qui est une possibilité. Je me rue à l’extérieur et crie à Émile :



Émile me regarde par-dessus son épaule. Le flic pivote vers moi et m’adresse la parole :



Le gendarme descend de son cheval tenant la bride dans une main et son arme dans l’autre qui est maintenant pointée vers moi.


Émile s’élance sur le gendarme alors que presque dix mètres les séparent.


Il va se faire descendre, me fais-je comme remarque, sans savoir comment je dois réagir.


Tout cela ne dure pas plus d’une poignée de secondes et j’ai néanmoins l’impression de vivre la scène au ralenti. Je suis paralysé. J’ai peur que mon pote se fasse buter. J’ai peur de me faire pincer. J’ai peur de retourner en taule.


Le flot de mes pensées est interrompu par une détonation si puissante que je sursaute. Émile reste immobile, comme s’il jouait à un, deux, trois soleil. Sa veste polaire est maculée de sang comme son visage.


Peut-être qu’il l’a raté, peut-être qu’il n’est que blessé, espéré-je. Mes yeux retournent alors sur le condé dont le corps à terre ne possède plus de tête. Elle a explosé ! Le cheval, effrayé par la détonation, s’est cavalé sans que je m’en aperçoive. Le canon du Magnum que tient notre ravisseuse fume encore.


Je sors de la cabane et ne peux m’empêcher de cracher mon venin :



Et je joins le geste à la parole. Une balle siffle à mes oreilles. Elle me prend pour cible ! Je lève les mains en signe de résignation et elle cesse immédiatement le feu. Une voix, certainement celle de l’inconscience et de la folie, me dit que toute cette histoire a assez duré, qu’il est temps que je m’impose quelle qu’en soit l’issue.


Téméraire, je me rapproche de celle qui a failli me refroidir et lui gueule dessus, nos fronts se touchant presque :



Elle range l’arme dans son jean, impassible, son regard pénétrant le mien. Je décide de la bousculer pour forcer le passage, pour lui montrer qui c’est le chef, qu’elle ne me fait plus peur et que je pourrais lui botter le cul si elle me poussait dans mes derniers retranchements.


Je n’ai même pas le temps de réagir ! La ninjette m’assène un violent coup de coude dans le plexus et, alors que j’ai la respiration instantanément coupée, que je me plie en deux, son poing fermé se relève et percute mon nez qui ne s’est toujours pas remis du violent coup de botte.


Elle a dû me le fracturer la conne ! Je pleurniche en me le tenant. La douleur est atroce, comme si une aiguille chauffée à blanc se plantait dans ma cervelle en passant par mes narines. Je tombe à terre, geignant comme un animal à l’agonie. La salope me tire par un bras et me traîne jusque dans la cabane.




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Des gouttes de sang perlent entre mes doigts et se répandent sur la table de la cuisine. Émile me tend un mouchoir et va chercher du coton. Le sosie de Kim m’observe en souriant. Soit elle se fout de ma gueule, soit elle fait montre d’une infime compassion à mon égard après m’avoir pété le tarin, ce qui semble vraiment être un minimum pour tout être un tant soit peu civilisé. Mais est-ce réellement un être humain ? Et surtout, que nous veut-elle ? Elle me demande de sonder mon âme et elle dessoude le premier représentant de l’ordre qui pointe le bout de son nez. De toute façon, le mystère a assez duré. Il est temps de faire éclater la vérité ou au moins sa version de la vérité, à moi ensuite à démêler le vrai du faux.



J’ignore sa question.



Elle ne parle plus. Son visage devient un masque de chagrin et des larmes de la couleur du sang jaillissent de ses yeux.


C’est quoi ce bordel !


Le sang ruisselle sur ses joues et disparaît quasi instantanément sans laisser de traces. Elle pleure, les lèvres tremblantes, sa poitrine se soulevant au rythme de ses hoquets.



Et là, elle s’effondre de tristesse, se tenant la tête entre les mains, des cascades de larmes carmins inondent son visage. Son chagrin me rappelle celui qui s’était emparé de moi, brusquement, lorsque les deux gendarmettes m’avaient annoncé que mes parents avaient eu un accident de voiture et qu’ils avaient été tués sur le coup, sans souffrir soi-disant. Qu’est-ce que j’avais souffert moi ! J’ose lui toucher l’épaule pour essayer de la réconforter, toute cette mélancolie me rendant morose et compréhensif. Elle se laisse faire et j’ose la lui presser en signe de réconfort quand Émile, qui est sorti uriner, pousse un cri aigu.


Kim se redresse, visiblement inquiète. Émile entre dans la cabane comme s’il avait tous les démons des enfers au cul et s’écrie :



Elle sort de sa poche le trousseau de clés de la 205 et me le lance :



Je tire Émile par le bras et nous montons dans la caisse. Je passe la première et fonce dans le sentier. Soudain, à une cinquantaine de mètres, apparaît un autre flic, au galop sur sa monture. La détonation du gun de l’Inspecteur Harry a dû s’entendre de loin.


Sans me soucier des conséquences, j’écrase l’accélérateur. Le cavalier se jette à terre. Le cheval se cabre. Je braque le volant et réussis à éviter de justesse l’animal, toujours le pied au plancher. Dans le rétro, j’aperçois le condé qui, déjà debout, sort son arme et fait feu sans nous atteindre.


Il nous faut à peine cinq minutes pour débouler sur la nationale dans un crissement de pneus. Émile a l’air de s’éclater. Il rit toujours à gorge déployée. Il s’est cru dans un manège tout le long du trajet. La tire a morflé, je crois que cette fois-ci le bas de caisse est foutu. Ma petite tête est submergée de questions qui me rendent pessimiste pour notre avenir. L’autre va trouver son collègue décapité et toute la flicaille aveyronnaise va nous coller au derche.




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Je suis la direction de Millau et espère pouvoir abandonner la caisse au prochain bled, bien que je ne sache pas à quelle distance se situe le plus proche. Nous roulons une dizaine de minutes lorsque, au loin, à environ quatre cents mètres, j’aperçois plusieurs fourgons de la gendarmerie sur le bas-côté. Un argousin, Famas le long de la jambe, empiète sur la route.


Paniqué, j’arrête la voiture au milieu de la départementale après avoir vérifié qu’aucun automobiliste nous suit. Tous mes membres sont pris de violents tremblements, mes dents s’entrechoquent bruyamment. J’ai la sensation que mon cœur est tombé dans mon estomac. Émile m’interroge du regard et je le fais taire en posant mon index tremblant sur ses lèvres, avant qu’il ne commence à me noyer sous ses questions.


Mes doigts tripotent nerveusement le volant. Je ne sais quelle décision prendre.


Celui qui tient la mitraillette remarque que quelque chose cloche et en fait part à ses camarades.


Des têtes coiffées de képis se tournent vers nous.


Ils ont compris et vont donner l’assaut, me dis-je intérieurement.


La radio s’allume subitement et joue Break on Through des Doors :


Tried to run, tried to hide

Break on through to the other side

Break on through to the other side

Break on through to the other side


Juste après que Jim ait fini de prononcer hide, la vitesse est enclenchée sans que je touche le levier, l’accélérateur s’enfonce sans l’aide de mon pied et la tire bondit en avant comme Christine dans le célèbre roman de Stephen King.


Du coin de l’œil, il me semble apercevoir, l’espace d’une fraction de seconde, le reflet du visage de Jim Morrison dans le rétro qui me fait un clin d’œil. L’ai-je rêvé ? Possible, car la dernière fois que j’ai refourgué du shit aux ariégeois, j’ai regobé un trip et je me souviens d’avoir lu quelque part, dans une revue sérieuse, que le LSD pouvait rester fixé sur la moelle épinière pendant deux ans et que pouvaient se produire, par conséquent, des « remontées d’acide » qui risquaient d’engendrer des visions ou au moins quelques infimes distorsions de la réalité. En même temps avec tout ce qu’on a vécu ses derniers temps, être victime d’hallucinations est une broutille.


En tout cas, ce qui est sûr, c’est que la voiture est passée en pilote automatique ! Je vois la pédale d’embrayage, l’accélérateur et le boîtier de vitesse entrer en action de leur propre chef. Toute cette situation surréaliste me donne la chair de poule. Quant à Émile, il rayonne de bonheur, mort de rire, dès que la 205 prend de la vitesse ou que le moteur rugit.


Le flic qui tient la mitraillette retire le cran de sûreté et s’apprête à envoyer la sauce. J’attrape Émile par le cou et l’oblige à se coucher sur mes genoux alors que ma tête repose sur son postérieur.


La caisse vrombit et prend encore de la vitesse au moment où la première salve de balles étoile le pare-brise. Puis, plus rien !


La radio s’arrête.


La voiture prend de plus en plus de vitesse et, lorsque je me redresse pour regarder la route, je constate que nous avons passé la flicaille qui est en train de démarrer les véhicules pour nous poursuivre. Heureusement, pas de Subaru, que leurs fourgons merdiques.


Le compteur affiche 210 km/h ! J’ai l’impression qu’un pilote se trouve derrière le volant. Les voitures qui nous précèdent sont aussi bien doublées par la gauche que par la droite, comme si Sébastien Loeb s’en chargeait. Les autres nases avec leurs fourgons deviennent vite de minuscules points bleus qui finissent par disparaître du rétroviseur.


Il n’est pas prudent de rester sur cette route, les gendarmes vont demander du renfort et il y a de grandes chances pour que nous tombions sur un barrage. Je pose les mains sur le volant et actionne les pédales. Je suis apparemment à nouveau maître de la 205 et décide de tourner à la prochaine intersection à droite afin de chercher un endroit où se planquer et réfléchir.


Tout à coup, mon pied droit, dans un réflexe, écrase la pédale de frein. Le reflet d’un visage vient de surgir une nouvelle fois dans le rétro.


Notre Kim est tranquillement installée à l’arrière et nous sourit.


Je suis sur le point de lui demander comment elle a fait pour atterrir là quand je décide de ne pas lui poser la question tellement cela me paraît insignifiant par rapport à sa capacité à être invisible pour autrui et au sang qui coule de ses yeux lorsqu’elle pleure.


Émile, tout foufou, bondit littéralement de joie sur son siège, se retournant de temps en temps pour admirer Kim en lui jetant des regards attendris, le visage illuminé par une liesse qui semble ne plus le quitter.


Nous arrivons dans un lieudit dont j’ai oublié le nom. Devant une grande baraque, j’aperçois un homme en débardeur, trousse à outils à l’épaule, qui sort de son Partner blanc. Il ne nous prête aucune attention et entre dans la maison.


Je traverse le lieudit et gare la voiture quatre ou cinq kilomètres plus loin dans un champ imperceptible de la route et accessible par un chemin de terre flanqué de buissons.


La voiture est couverte de nos empreintes et une idée pour régler ce léger problème vient de surgir dans mon esprit. Je vais la cramer.


Elle flambe en à peine cinq minutes. Il ne reste plus qu’une carcasse métallique noire et fumante.


Je remarque que Kim chuchote à l’oreille d’Émile et lorsque je les rejoins leurs messes basses cessent sur-le-champ.


Peu m’importe ces cachotteries, ce que je veux ce sont des réponses à des questions qui m’obsèdent, mais nous devons d’abord trouver un endroit où nous cacher et où nous pourrons être un peu tranquilles.




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Nous marchons un peu moins d’une heure à travers champ, essayant le plus possible de nous éloigner des routes et de la civilisation. Ici, la nature règne en maître : des prés, un petit bois, pas la moindre habitation. Parfait !


Nous décidons de passer la nuit dans le petit bois qui court au milieu de plusieurs champs en friche.


Nous sommes restés silencieux trop longtemps et je ressens le besoin viscéral d’obtenir des réponses aux interrogations qui me turlupinent depuis trop longtemps. Je demande donc à notre Kim :



Je demeure un moment perdu dans mes pensées.



Je demeure perplexe. Toutes ses explications ne me satisfont pas. Trop tirées par les cheveux pour y croire ne serait-ce qu’une seconde. Pourtant, de nombreux éléments laissent à penser que le surnaturel s’est invité dans notre vie, mais j’ai du mal à avaler ce qu’elle me raconte.


Elle me fixe de ses yeux délavés et finit par me demander :



Cette conversation est en train de dévier sur du grand n’importe quoi ! Je ne sais que penser de ses affirmations et ne peux me résoudre à gober si facilement cette histoire. J’ai besoin de preuves.



Je n’ai pas besoin d’y songer, la réponse jaillit de ma bouche :



Tout à coup, je ne suis plus dans le bois. Je suis dans une chambre plongée dans l’obscurité. Dès que mes yeux s’habituent à celle-ci, je parviens à discerner un lit dans lequel dort un petit garçon. Mon fils est là ! Il dort paisiblement, une mèche de ses longs cheveux lui barre la joue. Je m’avance à pas de loup vers Paco. Je pourrais passer des heures à l’admirer, mais je désire le toucher, le serrer dans mes bras, le couvrir de baisers, sentir la tiédeur de sa peau sur mes mains, lui crier que je l’aime et qu’il me manque. Ma main frôle presque sa joue lorsque je me retrouve immédiatement nez à nez avec Kim qui me couve du regard comme une mère aimante. Elle fait preuve de compassion à mon égard pour la première fois depuis que nous sommes ses otages et cela me touche et me trouble.


Anéanti ! Voilà comment je me sens. Des larmes roulent sur mes joues. La voix chevrotante, je la supplie :



Elle m’a fait un immense plaisir en me permettant de contempler mon fils, mais cela a aussi rouvert de nombreuses cicatrices, ravivé le chagrin. Nonobstant, je suis plus que jamais motivé pour me rendre en Amérique du Sud.


Nous nous gelons les miches toute la nuit. De toute façon, je ne parviens pas à trouver le sommeil, trop d’interrogations, trop de doutes, trop d’extraordinaire dans une vie ordinaire.


Au lever du jour, Kim et Émile sont encore en train de conspirer à mi-voix. Je m’approche d’eux et, cette fois-ci, ils me font partager leur petit secret.


Et dire que c’est Émile qui a eu cette idée…




À suivre