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Temps de lecture estimé : 50 mn
21/07/12
corrigé 11/06/21
Résumé:  Pendant que Rerdan, le chaman orc, et Hélyna, l'elfe sylvestre, se cachent au cœur de l'antique forêt de Sylvaar, Airen Wirm s'apprête à honorer son engagement et à exercer sa vengeance contre le comte d'Arghyll.
Critères:  fh jeunes grossexe taille fsoumise hdomine exhib noculotte fellation anulingus pénétratio fdanus fsodo sm attache aventure fantastiqu merveilleu sorcelleri -merveille -fsoumisah
Auteur : Ober0n      Envoi mini-message

Série : Les Chroniques de Phrygia

Chapitre 05
Faux-semblants

Résumé des chapitres précédents :


Alors qu’elle traque un orc solitaire dans l’ancienne forêt de Sylvaar, l’elfe Hélyna découvre que ses compagnons ont été massacrés par des archers aux flèches empennées de noir.


Au même moment, non loin de là, l’aventurier Airen Wirm est engagé par une mystérieuse magicienne afin de commettre un vol. Il apprend, de la bouche de celle-ci, que sa complice a également été assassinée par des « archers noirs », sur ordre du propriétaire de l’objet qu’il doit dérober.


Alors qu’elle est justement sur la piste des sinistres individus, Hélyna découvre à ses dépens que le Haut-Conseiller Néreon, accompagné de sa garde d’elfes noirs, sont responsables de l’assassinat de ses camarades.


Mais, alors qu’elle doit être sacrifiée par Néreon au cours d’un rituel visant à s’emparer d’un puissant objet magique, la jeune elfe est libérée par l’orc Rerdan. Volant l’artefact – une impressionnante épée — au chef des elfes noirs, les deux fugitifs regagnent l’abri de la forêt.



*******************************




Airen repassait une dernière fois dans sa tête les détails de son plan. Il ne doutait pas un instant qu’il était l’un des meilleurs pour ce travail et il savait pertinemment qu’il avait à sa disposition certains avantages sur ses concurrents qui pourraient lui sauver la mise, dut-il se retrouver en position délicate. Néanmoins, il n’arrivait pas à se défaire d’une impression de désastre imminent…


Le délai, d’abord, était extrêmement court – et le manque de préparation était la cause de mortalité numéro une dans son métier –, ensuite, le statut de la cible n’arrangeait rien ; quant à l’identité de son commanditaire, cela sentait le règlement de comptes à plein nez.


Mais, le pire, c’était ce qui l’avait poussé à accepter…


Pas de préparation, une cible de la haute, avec une histoire de cul au milieu et un boulot accepté à contre-cœur juste pour se venger… Il y avait là tous les ingrédients d’un fiasco retentissant…


Saupoudrez de nervis pratiquant la sorcellerie – voire pire –, d’hommes de main armés jusqu’aux dents et de défenses magiques et il y avait de quoi partir en courant en sens inverse.


Bon, quand faut y aller, faut y aller, vieille branche !


Faisant taire ses doutes, il respira un grand coup et entra dans son rôle de grand bourgeois excentrique. Il lissa une dernière fois son pourpoint, franchit l’angle de la venelle et s’engagea d’un pas alerte vers l’imposante double porte qui barrait l’accès au domaine du futur « feu Monsieur le comte ». Là, il interpella l’un hommes en faction à l’entrée.



« On » m’a conseillé de contacter le comte : il serait à la recherche de certaines choses difficiles à trouver sur le marché et, sans vouloir me vanter, je pense pouvoir les lui procurer…


Déstabilisé par la conduite impolie de ce visiteur pourtant bien mis, le garde décida d’appeler son collègue plus âgé à la rescousse. Dès l’arrivée du vétéran et, sans cesser de considérer l’« antiquaire » du coin de l’œil, il entreprit de faire part de ses inquiétudes, de quelques mots glissés à l’oreille de son aîné.


Pendant qu’il écoutait en hochant gravement la tête, la seconde sentinelle détailla le drôle d’olibrius qui se tenait devant lui : grand, mince, très brun, les cheveux longs retenus par un catogan décoré de pierreries, les doigts pleins de bagues scintillantes , celui-ci portait fièrement des effets de soie et de velours aux dominantes grenat et vert épinard…


Rassuré par cet examen succinct, d’un signe de tête éloquent, l’homme d’armes fit comprendre à son cadet de laisser pénétrer l’individu à la mise bariolée dans le domaine de leur employeur.



Et, sous le regard dubitatif du garde qui venait de fêter ses quarante-huit ans, il s’engagea sur l’allée bordée d’hibiscus.


Pas mal la baraque. Ça paye bien d’être conseiller économique, dis donc. Il a dû en voir passer des pots-de-vins, celui-là…


De fait, le domaine du « Premier conseiller aux questions économiques » de la Baronnie était situé sur les hauteurs d’Agessa, dans un quartier réservé à l’élite marchande de la ville. Parmi la succession d’hôtels particuliers, le Comte d’Arghyll s’était fait aménager un petit parc, cerné par une enceinte haute comme deux hommes.


Le long du mur qui cernait le domaine courait un faux cloître d’une taille impressionnante. Enfin, au centre du carré ainsi formé, un petit palais « sans prétention » permettait au propriétaire de bénéficier des joies de la campagne, en pleine ville, à peine à une lieue du port et de l’océan.


En fait de palais, on aurait plutôt dit une miniature élaborée. Mais la demeure comptait néanmoins trois étages et une tour latérale avec deux niveaux de plus, elle-même surmontée d’un observatoire d’astronomie.


Et, alors qu’une troisième sentinelle l’escortait jusqu’à la porte en bois précieux et son heurtoir d’or surmontés de la devise probité, modestie et charité, le « visiteur » prit dans sa main gauche un petit papier replié – en forme de chien – qu’il avait gardé jusque là dissimulé dans une poche secrète de sa veste. Maintenant l’assemblage de papier dissimulé et plaqué contre sa paume par un pouce orné d’une ostentatoire cavalière dorée, il se dirigea d’un air naturel vers l’homme gardant l’entrée.



Ce dernier, à la carrure impressionnante, portait de vilaines cicatrices sur le visage. Petite vérole ? se demanda le nouvel arrivant.



Apparemment docile, Airen s’appuya donc négligemment contre l’une des imposantes colonnes spiralées du hall et, feignant un air blasé, murmura une formule d’activation. Puis, il laissa négligemment choir son origami canin dans une urne ornementale, au pied du haut cylindre de marbre rose.


Dans l’intervalle, le garde à l’entrée actionna une cordelette de velours et, juste au-dessus d’eux, à l’étage, une petite clochette tinta gaiement.



Près d’une minute passa, dans un silence pesant. Puis, un jeune garçon – 18 ans, pas plus, jaugea le visiteur – dévala l’escalier bruyamment, manqua de s’étaler sur les dernières marches, se rattrapa in extremis au mollet d’un éphèbe d’albâtre qui ornait l’une des alcôves à proximité, et atterrit au pied du faux antiquaire. Décélérant brusquement, sa course échevelée devint un petit trot maladroit et se termina en une courbette obséquieuse.



L’ « intendant » écarquilla les yeux mais finit par comprendre.



Celui qui se faisait appeler de Treviz, profita donc du petit trajet pour repérer les lieux. Disposant de ci et de là d’autres pliages qu’il gardait en quantité, il truffa le premier niveau du bâtiment de ces petites surprises à retardement.


C’est en passant devant une bibliothèque qu’il entraperçut une silhouette féminine penchée sur quelque ouvrage.


Blonde, la vingtaine, plutôt gironde, belle poitrine, un carré avec une mèche retenue d’une barrette du dernier chic. Vêtements d’aristo. Il y a un truc qui ne cadre pas avec les mœurs du proprio…


Comme dotée d’un sixième sens, la jeune fille tourna la tête et plongea ses yeux dans ceux du visiteur. Elle haussa un sourcil, comme surprise, puis lui adressa un sourire affable, qu’il se dépêcha de rendre.


Attendant d’être hors de portée des oreilles de la donzelle, l’hôte du comte D’Arghyll interpella Gustaf :



Oh, le vilain mensonge…



Qu’est-ce qu’il cache cet imbécile ?


Revenant brusquement sur ses pas, au grand dam de Gustaf, Airen s’adressa à la jeune femme :



Là, ce n’était plus de la panique qui se lisait dans les yeux du chef des loufiats. Mais de la terreur pure et simple.


Paf, les pieds dans le plat !



C’en fut trop pour le pauvre Gustaf qui ne put réprimer un hoquet et devint blanc comme un linge.



Le majordome avait repris un peu de sa contenance, en entendant la jeune femme mentionner son oncle. Et bien que celle-ci n’ait marqué aucune surprise, le faux Svanislas aurait mis sa main à couper qu’elle venait d’entrer dans le mensonge du serviteur. Fortiche, la donzelle.



C’est ça, file, minet, va faire ton rapport à ton amant.



Bon sang, ce regard de petite cochonne… Je sens que ça va être dur de rester concentré…



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Finalement, l’attente avait duré près de trois heures. Trois heures à, essentiellement, écouter de la harpe. C’est d’un chiant… avait plus d’une fois pensé l’aventurier. Mais, heureusement pour lui, il ne se lassait pas de la plastique de la musicienne, qui avait été peu avare en œillades prometteuses.


Entre les caresses sensuelles sur les courbes de l’instrument, les jeux de regards lubriques et les moues sensuelles, la harpiste avait clairement fait comprendre ses intentions à son auditeur.


Celui-ci, déployant des trésors d’imagination pour étoffer sa couverture, tout en essayant de paraître sous un jour avantageux malgré sa tenue ridicule, avait entrepris tout le concert durant de donner suite à ces élans.


Tout en jouant les esthètes fortunés, il avait dévoilé un côté viril et aventureux de son personnage : tombes oubliées, périls magiques, créatures de cauchemar, il développait son personnage de faux antiquaire mais vrai pilleur de trésor, afin – il l’espérait – que ça arrive aux oreilles de sa cible.


Mais, tout en soulignant le côté ambigu de Svanislas de Treviz et sa nature aventureuse pour plaire à la jeune fille de bonne famille, il essayait de la pousser dans ses retranchements.


Il espérait ainsi soit glaner des informations utiles, soit obtenir un moment d’intimité avec elle et, ainsi, des circonstances plus propices pour la faire parler.


Se retenant plusieurs fois d’évoquer Délie, l’épouse du Comte – et, théoriquement, la mère d’Alia, alors qu’elles avaient sensiblement le même âge –, il avait décidé de s’en tenir à une approche prudente.


Néanmoins, le jeu de séduction ayant ses limites pour deux personnes plutôt intéressées par l’étape qui suit, le concert et la discussion entre un courtisan et une jeune fille tout juste sortie du couvent avaient rapidement laissé la place aux choses sérieuses…



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La porte du Grand salon avait été promptement condamnée par un bracelet plaqué-or glissé autour de la clenche et de son mentonnet, et c’est une jeune fille très amusée par cette ruse qui entreprit de délacer son corsage en regardant son vis à vis droit dans les yeux, se passant un petit bout de langue rose sur les lèvres…


Tout de même un peu inquiet de sa couverture si sa maîtresse venait à découvrir ses tatouages ésotériques, le vrai-faux chasseur de trésor décida de prendre les choses en mains.


Saisissant fermement la jeune fille à la taille, d’une main glissée contre ses reins, il la plaqua à lui et entreprit de lui bécoter la nuque. Utilisant sa main inactive pour finir de délasser le corsage, il la glissa rapidement sous le vêtement pour caresser les globes laiteux et s’assurer de leur volume.


Aux réactions de sa partenaire – souffle qui s’accélère, soupirs langoureux, joues qui rosissent –, il sentait qu’elle appréciait cette situation de domination, d’un homme expérimenté prenant les rênes de son désir. Aussi décida-t-il de pousser plus avant son avantage.


Ouvrant totalement le vêtement qui protégeait le torse de la donzelle, dévoilant ses jolies épaules rondes, de sa main qui la plaquait jusque là contre lui, il se saisit de l’arrière du col du vêtement et le tira vers le bas.


Cela eut pour effet d’emprisonner les bras de sa conquête dans son dos et de faire saillir encore plus la lourde poitrine qu’il s’empressa de caresser de l’autre main.



Le pubis plaqué contre son tourmenteur, la jeune fille ne pouvait ignorer l’état de ses dispositions et elle trouva amusant, pour ponctuer sa réponse, d’imprimer un mouvement à son bassin afin de masser le membre qu’elle sentait contre elle.


Rancunier, celui qui se prétendait antiquaire, entreprit de pétrir doucement un sein en en emprisonnant le bourgeon carmin entre ses doigts. La moue coquine d’une Alia qui se mordait la lèvre en lui jetant un regard enfiévré le convainquit : il lui mordit gentiment la lèvre puis l’embrassa à pleine bouche.


Mutine, la jeune femme écarta pourtant la tête en riant, avant d’aller d’elle-même quérir la langue de l’excentrique chasseur de trésor qu’elle entreprit de sucer méthodiquement. Avant de plaquer sa bouche contre celle de l’homme et d’enfoncer à son tour son appendice rose entre les dents de celui-ci.


L’air de rien, pendant ce fougueux baiser, elle avait agrippé le haut de son jupon et, malgré ses bras entravés, entreprit patiemment de remonter l’arrière du vêtement en le froissant dans ses poings. Tant et si bien que lorsqu’elle chuchota à « Svanislas » qu’elle ne portait pas de culotte, elle avait déjà les fesses nues contre la table sur laquelle il l’avait appuyée…



Comprenant à demi-mot l’invitation, l’invité du comte fit pivoter la jeune femme, et, d’une torsion exercée sur le corsage maintenant tire-bouchonné autour des poignets de sa victime, lui immobilisa les mains suffisamment longtemps pour y nouer le ruban enserrant son catogan.


Satisfait de la voir entravée, la jupe remontée jusqu’à la taille et le postérieur livré à sa convoitise, il lui écarta doucement les jambes et lui coucha le torse contre le chêne du meuble d’une main ferme.


Caressant de sa paume les globes charnus, il se pencha vers Alia et lui chuchota :



S’agenouillant entre les mollets de la jeune femme, docilement penchée contre la table, il commença à caresser doucement la chair blanche des chevilles, avant de remonter doucement le long des membres juvéniles, ponctuant son ascension de petits baisers appuyés.


Lorsque ses mains arrivèrent à l’aine, il glissa quatre doigts vers les nymphes de la jeune femme, pour les écarter et dénicher un peu plus haut le clitoris sous son capuchon.


Après avoir entamé un long massage qui arrachait des gémissements à sa partenaire, rassuré par l’humidité qui régnait dans cette zone, il glissa son pouce à l’ouverture du vagin et entreprit de pénétrer doucement le conduit bien lubrifié.



De son autre main, le voleur pétrissait l’un des hémisphères charnus et, petit à petit, dévoilait l’anneau sombre qui semblait le narguer.


Se relevant, il vint plaquer son visage contre l’un des oreillers de chair et entreprit de mordiller la peau sensible qui allait de l’intérieur des cuisses jusqu’au pli des petites fesses blanches, s’enhardissant petit à petit à embrasser, à lécher et à pincer les abords de la raie du divin postérieur.



Se le tenant pour dit, le jeune homme rapprocha sa langue de l’œillet brun et commença à en taquiner les abords, de petits coups de langue et de succions appuyés, s’enivrant de l’odeur de pimprenelle sauvage qui émanait du corps pâle.



Et bien on va remédier à ça de suite !



Pointant sa langue sur la corolle, le voleur en lécha les bords serrés, du bout de la langue, alternant parfois avec de grands balayages, du plat de la langue, sur toute la hauteur de la zone.


À force d’instance, les caresses sur le clitoris contribuant pour beaucoup à la détente de la jeune fille et sa curiosité naturelle faisant le reste, il parvenait à assouplir le muscle circulaire.


Entrant une langue particulièrement longue dans l’étroit tunnel de chair, il se mit à forer méthodiquement l’anus de la prétendue nièce de Délie Evargryn, tout en s’activant sur son petit bourgeon rose.



Pensant justement à celle qui l’avait embauché, Airen se rappela à la fois la nature de sa délicate mission et le plaisir qu’il avait ressenti à dominer la jeune mage lors de leurs ébats.


Et cela le décida à accélérer les choses.


Se relevant, il défit ses braies, se plaça contre les fesses d’Alia qui, tournant la tête vers lui émit un « Oui… » très suggestif en lui faisant signe d’approcher, d’un index très convainquant, malgré l’entrave à ses poignets.


D’un geste brusque, presque violent, il pénétra son sexe et commença à coulisser sans précipitation, savourant la sensation.


La vision des mains entravées et la docilité de sa partenaire fouettaient son envie d’animalité : il appuya d’une main sur l’omoplate de la jeune fille afin de la maintenir contre la surface de bois et accéléra le rythme, faisant claquer son bassin contre les fesses moites d’Alia.


Aucun des deux ne parlait, se contentant d’émettre des soupirs rauques. Puis, à mesure que le tempo allait crescendo, la jeune fille commença à émettre des petits cris, à ahaner à l’unisson des claquements de la chair contre la chair et des grincements de la table.


Inspiré par la position de la jeune fille, Wirm saisit un globe fessier et laissa reposer son pouce contre l’anus préalablement assoupli qu’il entreprit de pénétrer d’une demi-phalange. La réaction fût immédiate : la nièce du comte écarta les fesses à l’aide de ses mains encore attachées, signifiant ainsi son total abandon.



Peu contrariante, la jeune femme profita d’un arrêt momentané d’Airen qui lui tint, à son tour, les fesses écartées pour glisser effectivement l’un de ses doigts dans l’orifice étoilé, que le muscle palpitant ne tarda pas à enserrer délicatement. Aventureuse, elle alla jusqu’à y ajouter son index et à pistonner légèrement son anus avant que le voleur ne reprenne ses mouvements.


Les mains plaquées contre son propre postérieur par le bassin de son amant, ses doigts s’en trouvaient projetés toujours plus avant par les mouvements de celui qui pénétrait furieusement son sexe.


La combinaison était telle qu’elle avait l’impression d’être investie par un seul homme dans ses deux orifices.


Les seins frottant contre le chêne poli, Alia était prise dans la tenaille des sensations qui l’assaillaient. Naissant de ses mamelons brutalement sollicités, de son anus dilaté et de son vagin pistonné par le membre infatigable, celles-ci se métamorphosèrent en un puissant orgasme qu’elle laissa éclater dans un dernier grognement inhumain.


Fier de son œuvre, le faux antiquaire pédant eut une drôle de sensation à ce moment là, comme une lointaine alerte se déclenchant à un niveau métaphysique.


Cela lui était déjà arrivé plusieurs fois et il savait prêter attention à ces manifestations, aussi intempestives soient-elles : après tout, être sensible à la magie méritait quelques concessions.


Sitôt la jeune fille libérée de sa torpeur, il se retira et entreprit de se réajuster puis, galamment, l’aida à se rajuster…


Dubitative, elle ne comprenait pas ce brusque changement d’humeur.



De fait, les effets froissés de la jeune femme laissaient peu de doutes sur l’activité coupable à laquelle elle avait dû se consacrer dernièrement.



Sur cette dernière remarque, elle fit un clin d’œil à son amant, débloqua la porte et fila dans ses appartements, en prenant soin d’éviter Gustaf.



*******************************




Le maître des lieux arriva enfin, quelques minutes plus tard : personnage petit, replet, grisonnant là où il avait encore des cheveux, pourvu de longs favoris et le nez chaussé de bésicles aux verres épais, il tenait plus du comptable que du collectionneur d’artefacts magiques.


Mais il était fin connaisseur. Sous ses airs de petit marchand, il possédait une intelligence remarquable. Airen dut déployer des trésors de conviction pour ferrer l’homme.


Mélangeant le vrai au faux, il se décida à évoquer clairement sa carrière de chasseur de trésors… privés. S’appuyant sur des vols qu’il avait réellement commis et d’autres dont il avait eu vent, il brossa un tableau crédible de trafiquant au service de collectionneurs avertis, passant sous silence le fait que les plus belles pièces dérobées l’avaient été pour son propre usage.


Enfin, il eut l’occasion de visiter le reste de la demeure lorsque l’aristocrate l’invita à venir dans son bureau pour un entretien plus formel. Il s’agissait maintenant de discuter gros sous et, pour l’invité de Deeskar d’Arghyll, il était enfin temps de faire la preuve de son expertise.


La pièce où le collectionneur fortuné traitait ses affaires était située dans la tour attachée au bâtiment, à l’avant-dernier étage.

Elle ressemblait à s’y méprendre à une étude de notaire, les gravures de nus masculins accrochés aux murs, en plus. Sans oublier un impressionnant pentacle de métal placé sur l’un des murs et rehaussé de fine marqueterie…


Chose étrange, la prétendue nièce assista aux deux entretiens, y compris à des échanges verbaux qui ne laissaient planer aucun doute sur le mépris de la légalité qu’affichaient les deux entrepreneurs.


La plupart du temps, elle se contentait d’affecter une moue innocente comme si elle ne comprenait pas les propos des deux hommes, affichant un sourire avenant lorsque l’on croisait son regard les quelques fois où elle se levait pour resservir les deux hommes en vin de Koor. Une parfaite hôtesse…


Pour une nièce portée sur la harpe, le vieux lui fait sacrément confiance !


Vers la fin des négociations, elle s’éclipsa après un mot d’excuses au comte et fut immédiatement remplacée par un homme d’armes portant un masque blanc et vêtu d’une cape à capuche richement brodée. Le visage inexpressif qui dissimulait les traits du nouveau venu semblait fait d’ivoire. Il était incrusté de si complexes motifs d’or et d’argent, ainsi que de tant de petites pierreries, qu’il était manifeste que cette œuvre d’art, unique, avait plus de valeur comme symbole de statut ou de richesse que pour garantir l’anonymat de son porteur.


Néanmoins, pour quelqu’un ne côtoyant pas les membres de la caste affectionnant ces visages figés par l’ivoire, il était difficile d’identifier une famille ou un individu en particulier.


Qu’est-ce qu’un Haut-Elfe d’une famille de Fen’Nathîr fiche au service d’un vieux noble d’Agessa ? Pas fichus d’être discrets ces imbéciles…


L’arrivant se contenta de se tenir derrière le maître des lieux… et, de manière involontaire, n’en souligna que d’autant plus la présence du tableau qu’il occultait ainsi. L’éphèbe, qui y était superbement peint, faisait une décoration idéale pour fixer sur la porte d’un coffre-fort…


Hormis l’arrivée opportune du garde du corps ou du complice – Airen hésitait encore –, tout se passa parfaitement selon les plans initiaux et il fut décidé à la fin de l’entretien que, le jour déclinant, Svanislas de Treviz passerait la nuit dans la demeure du vieil homme et de sa nièce… Comme il l’avait espéré.


Les deux hommes désormais en affaires, Deeskar décida donc d’accompagner lui-même son invité jusqu’à sa chambre, afin de discuter des derniers détails de son engagement. Et c’est là que les choses prirent une tournure plus inquiétante.


Alors qu’ils passaient devant une salle sous bonne garde, l’invité du comte s’avisa d’une importante quantité de protections magiques. Il dût se concentrer pour ne pas se trahir et faire réagir les sortilèges à sa proximité et c’est ainsi qu’il faillit percuter l’homme qui venait en sens inverse.


Levant la tête au dernier moment, il tressaillit en apercevant son vis-à-vis.


Un démoniste. Un putain de démoniste ! Par les tétins de Calyo, c’est un démoniste, pas un sorcier. Je le savais. Bon sang, Délie, dans quel pétrin tu m’as mis ?


L’homme était corpulent, voire rond. Le visage poupin et quasiment imberbe. Un eunuque. Mais l’énergie qui se dégageait de l’homme ne laissait aucun doute sur sa nature.


Quelqu’un d’insensible à la magie aurait ressenti un malaise diffus. Mais pour quelqu’un comme Airen, c’était comme si on lui arrachait la peau avant de lui recoudre sur les os, à l’aide de milliers d’aiguilles. Pour couronner le tout, le type puait le souffre à plein nez. Il venait de faire une invocation. Aucun doute possible.


Paniqué, le faux Svanislas fit mine de trébucher et s’étala de tout son long, gagnant ainsi un bref répit, suffisant pour se composer un masque affable.


C’est à cet instant, en se relevant, qu’il aperçut Alia qui venait de surgir sur les pas de l’homme replet et il capta un étrange jeu de regards entre ces deux-là. S’avisant de la présence de la jeune fille dans son dos, l’eunuque se tourna légèrement vers elle et vrilla ses yeux dans les siens. Instantanément, la posture de la prétendue nièce changea du tout au tout. Habituellement gracile et le port altier, celle-ci se tassa sur elle-même, sa silhouette se recroquevillant. Les yeux fixés sur le sol, elle avança en accélérant le pas et rejoignit son oncle.


Qu’est ce c’est que ce bordel ?



Airen se releva, s’excusa de sa maladresse et, après un petit signe de la tête se voulant mondain à destination de l’homme totalement imberbe, il emboîta le pas à la jeune fille. Il était pressé de quitter les lieux, et se sentait parfaitement incapable de serrer la main à l’espèce de chérubin démoniaque.


Arrivés devant la porte de la suite qui avait été attribuée à l’ancien amant de Helle par l’assassin de cette dernière, les deux jeunes gens s’arrêtèrent, hésitants. Refroidis dans leur libido par la présence inquiétante de Moryag à quelques mètres de là, ils décidèrent de se quitter devant la porte de la chambre, non sans avoir échangé un discret baiser du bout des lèvres.



*******************************




À la troisième tentative, le filin muni d’un crochet finit par accrocher la anse du sac. La respiration bloquée, concentré tout à la fois sur les bruits de la maisonnée et la manipulation de sa « canne à pêche », Airen s’assura de la prise avant de remonter en silence son équipement.


Si, la veille, entrer sur le domaine à la barbe des gardes avait été un jeu d’enfant, disposer le matériel dans un bosquet et le cacher grâce à de conséquentes protections magiques avait été plus difficile… Presque autant que de s’assurer de l’emplacement des chambres d’invités et du plan des lieux auprès de Délie, puisque celle-ci troquait quasiment un orgasme pour une information.


Heureux d’avoir une constitution exceptionnelle, l’as de la cambriole n’en avait pas moins gardé des courbatures à la langue pour plusieurs jours…


Une fois remonté le long de la façade dans le silence le plus absolu, l’épais paquetage fut agrippé par son propriétaire qui le passa par la fenêtre avant de le poser sur son lit et de le défaire.


Pourpoint et chausses de laine sombre, bottes à semelles recouvertes de feutre et fine cagoule de cuir tendre, noircis au brou de noix. Deux longues dagues logées dans des fourreaux à fixer sous les avant-bras. Des épées courtes jumelles à attacher dans le dos. Une petite sarbacane et ses fléchettes enduites d’une solution soporifique. Et, le gadget préféré d’Airen Wirm, un petit bijou de l’ingénierie naine : un lance-flèches mécanique.


L’appareil se fixait à l’aide de deux courroies sur le poignet et était si compact qu’il dépassait à peine du bras gauche du cambrioleur. Le système de réarmement était une merveille où intervenaient plusieurs ressorts d’une incroyable finesse. Et le déclencheur était relié par un fin câble à un anneau passé autour du majeur de propriétaire de l’arme. Trois flèches : c’était parfois tout ce qu’il vous manquait pour rester en vie…


Ensuite venait l’utilitaire : vaporisateur de pollen de lotus d’Oyishim, aiguilles de crochetage, fioles d’acide et cartouches de poudre noire.


Mais, le joyau de tout cet attirail, c’était un petit étui pourpre en peau de veau, muni de ferrures d’argent finement ciselées. Wirm y tenait comme à la prunelle de ses yeux. Non seulement il avait englouti des sommes considérables pour faire réaliser les instruments qui s’y trouvaient mais cela avait requis tout son savoir-faire de mage.


Les maîtres forgerons de Nirmia avaient fourni les pièces, conformément aux plans extrêmement détaillés qui leur avaient été confiés, puis les meilleurs alchimistes et enchanteurs de Shanazzar avaient scellé les sortilèges qui animaient les instruments qui se trouvaient dans cet écrin, selon les formules et procédés élaborés par le cambrioleur lui-même…


Équipé pour affronter l’imprévisible, le professionnel de l’effraction – comme il aimait se surnommer – enjamba prestement sa fenêtre ouverte. À mains nues, il gagna rapidement l’angle de l’édifice où était construite la tour et entreprit l’ascension qui devait le mener au troisième étage, celui du bureau de Deeskar d’Arghyll…


Aussi silencieux qu’une ombre, la silhouette se déplaçait avec une aisance quasi inhumaine. Ses mouvements étaient ceux d’un talentueux acrobate, alliant grâce et précision sans que l’effort – pourtant réel – ne transparaisse à aucun moment.


Arrivé à portée des vitraux du bureau de l’aristocrate, il sortit un petit médaillon de son pourpoint et l’appliqua sur l’emplacement du mécanisme d’ouverture des vantaux. Scrutant les trois cadrans de l’appareil disposés en cercles concentriques, il attendit quelques secondes que les trois disques crantés finissent leur rotation et s’alignent enfin dans un déclic imperceptible. Lisant les symboles apparus sur l’objet, le visiteur du soir eut un petit hochement de tête.


Scellement de Halès et Alarme astrale. Très bien.


D’une brève incantation, il activa les sorts des deux origamis qu’il avait laissés à proximité de la fenêtre pendant qu’il devisait avec Deeskar tantôt. L’un – celui en forme de chien – créa un champ de silence magique étouffant toute manifestation d’alarme. L’autre, un petit renard stylisé, libéra un puissant sort de disruption qui brisa le scellement magique protégeant l’huisserie, avant de consumer, en silence, le papier de soie.


Ensuite, il ne fallut que quelques secondes à Airen pour briser l’un des losanges de verre coloré, passer sa main à travers la résille de plomb fixée au châssis de bois et actionner l’espagnolette de l’intérieur.


Une fois dans le bureau, l’intrus se munit de ses bésicles d’Arysmée. Rares étaient les mages à savoir encore réaliser les verres qui permettaient de contrer les ténèbres et de déceler les faux-semblants, mais Wirm avait eu d’excellents professeurs.


Le fait est que, vêtu de noir comme il l’était, de multiples étuis et fourreaux fixés contre les membres, la tête pourvue d’une sombre cagoule de cuir et le regard caché derrière un appareillage qui ressemblait à des yeux de créatures de cauchemar, il avait l’aspect inquiétant de quelque automate démoniaque… Effet encore accentué par les différents mécanismes en mouvement qu’il portait en évidence sur le corps.


Cet effrayant accoutrement était parfaitement étudié pour décourager d’éventuels gardes ou, à tout le moins, marquer de stupeur ceux qui seraient susceptibles de le mettre en joue.


Cherchant dans les documents – parfaitement classés – qui se trouvaient dans les tiroirs, le voleur finit par trouver ce qu’il était venu chercher ici et dont Délie Evargryn lui avait parlé il y avait quelques jours de cela.


Une lettre datée d’il y avait un mois.


Cher Deeskar,


J’ai pris bonne note des conditions tarifaires que vous nous offrez en échange de nos services. La transaction aura lieu le 28 à l’endroit convenu.


Comme gage de nos bonnes dispositions, en prévision de la fourniture du paquet à cette date, nous procéderons, comme convenu, à l’exécution de l’objectif qui nous a été attribué. Et ce, dès le 8.


Si par malheur vous deviez faillir à votre part du marché, le Connétable tient à vous rappeler qu’il n’existe, à ce jour, aucune cible m’ayant survécu.


J’accuse également bonne réception des documents concernant H. D.


Érah


« H. D. »… Helle Dæyes… L’enfoiré !


Wirm avait appris le décès de sa complice et amante le 9 au matin quand la garde municipale avait retrouvé son cadavre dans son auberge. Il n’avait pu qu’entre-apercevoir son corps avant qu’ils ne l’emmènent. Et jusqu’à ce que Délie ne lui parle des archers noirs de son époux, il n’avait aucune idée de ce qui l’avait tuée.


Si j’étais seulement arrivé dix minutes plus tôt à notre rendez-vous, j’aurais peut-être croisé les salopards responsables de ça… Mais, maintenant, il est hors de question de partir sans régler ça…



*******************************




Avec les bon sorts et les bons objets, quelqu’un d’assez érudit peut faire des combinaisons redoutablement efficaces en étant suffisamment préparé. C’était le cas de la silhouette vêtue de cuir cachée dans le bureau à quelque mètres de la porte de la salle des collections du palais, toujours placée sous bonne garde.


L’étrange intrus, dont les lentilles oculaires brillaient dans le noir, avait d’abord libéré les engrenages du drôle de mécanisme de bronze fixé à hauteur de son cœur. Le minuteur magique sitôt enclenché, l’individu avait activé l’origami qui se trouvait sous les pieds des gardes – il l’avait dissimulé sous le tapis lorsqu’il avait simulé sa chute devant Moryag –, ceux-ci tournèrent donc la tête vers le bruit de pas qui semblaient provenir de l’escalier.


Sortant du bureau si rapidement que les hommes en faction n’eurent pas le temps d’identifier la traînée floue qui les atteignaient, la forme vêtue de cuir arriva devant les gardes en moins d’une seconde.


Ils n’eurent que le temps de reporter leur attention sur l’homme qui venait de surgir devant eux qu’une simple piqûre au cou et la puissante toxine contenue dans la bague de celui-ci attaqua leur système nerveux et provoqua instantanément un état catatonique, doublé d’un formidable tétanisme. Clic. Le minuteur venait de s’arrêter et le monde qui entourait Airen Wirm reprit une vitesse normale.


Les deux sentinelles, si elles donnaient l’impression de rester, imperturbables, à leur poste, étaient totalement neutralisées. Le venin de cryorine – une sorte de petite salamandre vivant dans les neiges éternelles –, avait cet effet : il paralysait totalement ses victimes sans affecter leur capacité à rester debout et ne donnait aucune couleur anormale à la peau, du moins, les premières soixante-douze heures. Après, l’épiderme devenait d’un bleu caractéristique et il fallait qu’un apothicaire compétent fournisse un antidote efficace…


Pour l’instant, à moins de s’adresser verbalement aux gardes, toute personne passant dans le couloir ne verrait rien d’anormal à ce que des factionnaires ne bougent pas de leur poste, le regard fixé devant eux.


Passer les défenses de la salle des collections s’était avéré moins ardu que le voleur ne l’eut cru de prime abord : utilisant son vaporisateur, il avait pu visualiser la matrice des flux magiques en déplacement contre la porte : le pollen de lotus d’Oyishim, convenablement utilisé, avait la propriété de réagir au contact d’énergies primordiales.


Dévier ces pênes immatériels avait nécessité quelques ajustements de dernière minute au sortilège qu’il avait préalablement couché sur un précieux vélin. Quelques menues modifications plus tard, tout scellé non-physique avait été désactivé à la suite d’une brève incantation. En revanche, forcer la serrure physique avait nécessité une incroyable dextérité, tant le mécanisme nain était complexe.


Enfin, la porte s’était ouverte dans un discret chuintement et la collection privée de l’aristocrate s’était révélée dans toute sa splendeur…


Outre une bibliothèque ésotérique impressionnante, des antiques armes possédant encore quelque vestige de puissantes magies, des mécanismes enchantés complexes ainsi que d’impressionnants automates miniatures étaient disposés dans des sarcophages de verre de toutes tailles.


Mais, Airen était là pour le coffre. Disposant tous ses outils devant lui, il s’apprêtait à entrer en action quand il entendit des voix. Par les burnes du vieil Efraÿm, pas maintenant !


Deeskar et Alia étaient juste devant la porte de la salle et discutaient de manière animée, visiblement, peu soucieux d’entrer de suite dans la pièce.

Le voleur mis donc à profit cet instant de répit pour se cacher dans un angle de la salle, son lance-flèche nain armé et pointé sur la porte.



Tiens ? Elle n’évoque pas notre petit cinq-à-sept… C’est déjà ça.



Mais quel cinglé ! Il prostitue sa prétendue nièce puis la pousse à se faire tringler par un démon… Et elle, pauvre cruche qui ne comprend pas ce que ça implique. Un sacrifice, voilà ce que c’est…


Au moins, les pas s’éloignaient. Un bruit de porte. Ils étaient apparemment entrés dans les appartements de l’effrayant eunuque. Pour le cambrioleur, il était temps de reprendre son travail.


Peiné pour la jeune femme, il devait bien s’avouer qu’il ne la connaissait pas non plus : elle avait sûrement un sens moral très en-deçà de la moyenne pour s’être acoquinée avec une saleté comme Deeskar d’Arghyll.


Le coffre tint un petit quart d’heure avant de rendre les armes, sous l’effet conjugué des doigts du voleur et d’un amplificateur de son. L’alarme astrale n’avait été qu’une formalité. Retenant son souffle, le spécialiste de l’effraction ouvrit la lourde porte, et… rien de catastrophique ne se produit, à son grand soulagement.


À l’intérieur du coffre, sur l’étagère supérieure, outre un petit carnet, reposait dans un écrin l’orbe décrite par Délie. Plutôt lenticulaire que parfaitement sphérique, elle était enchâssée dans une lourde monture sur laquelle était fixée une chaîne tout ce qu’il y a de commun. Il se dépêcha d’empocher l’orbe qui irradiait effectivement une belle puissance, mais loin de ce que devrait émettre un focus aussi rare que celui décrit par la commanditaire du vol. Aussi, suspicieux, il décida de jeter un coup d’œil au reste du coffre.


Quelle ne fut pas sa surprise de trouver une sorte de godemichet mécanique extrêmement réussi, visiblement articulé et enchanté. Au vu des différentes parties qui le composait, il était manifeste qu’il était destiné à être porté par une femme, une partie phallique venant pénétrer la vulve de la porteuse alors qu’une sorte de harnais métallique très peu épais venait se fixer sur la taille et les cuisses…


La finesse du mécanisme était proprement stupéfiante : il était fort possible que la verge factice se comporte comme un vrai pénis, capable de se redresser, de se gonfler et, qui sait, peut-être même d’éjaculer quelque substance… Un tel objet devait pouvoir se vendre une fortune et son tout nouveau propriétaire avait justement dans ses connaissances plusieurs aristocrates qui seraient diablement intéressés par une telle merveille. Peut-être une vente aux enchères, alors ? Mais il faudrait tester avant…


L’autre objet intéressant était une ancienne amulette pourvue, visiblement, de puissantes runes de protection. Sans être un expert de ces choses là, le mage avait l’impression que c’était une protection contre les créatures infernales mais, ses connaissances en écriture cylistarienne cunéiforme étaient vraiment trop parcellaires pour identifier à coup sûr le sortilège qui imprégnait le médaillon.


Néanmoins, celui-ci trouva sa place autour du cou de l’aventurier prévoyant qui partageait la méfiance du seigneur d’Arghyll pour son complice imberbe…


Justement, les chances étaient infimes pour que le vrai-faux voleur d’objets magiques ne croise son dernier commanditaire pile au moment où il quittait la pièce de la collection. Et c’est pourtant ce qui se produisit…


Heureusement, mieux entraîné, plus jeune, Wirm réagit avec la vivacité du serpent : d’une manchette à la glotte, il empêcha Desskar de vocaliser un sort. Activant un pliage représentant un petit scorpion qu’il avait préalablement glissé sous le col de veste du petit homme grisonnant au cours de leur entretien, il provoqua la paralysie de sa victime.


Enfin, avec un sourire sadique il plaça une petite chaînette magique au cou du seigneur d’Arghyll.



Et la chaînette entreprit de se resserrer autour du cou du collectionneur qui comprit immédiatement que l’heure de sa mort était venue : un collier dragonnier ! Ce dispositif tirait son nom de l’ancienne légende selon laquelle les anciens seigneurs de Castel-Dragon utilisaient, sur leurs montures, un garrot qui se resserrait magiquement autour des nuques des grands reptiles volants, afin de s’assurer de leur docilité.


Puis Airen porta dans la salle qu’il venait de quitter le corps du comte, paralysé et qui commencerait à suffoquer dans quelques minutes. Airen eut bien une petite hésitation… mais un grognement inhumain la balaya d’un coup…


Alia !


Des pas, en provenance des escaliers, se firent entendre à cet instant. Dans un réflexe désespéré, Airen franchit la porte, la referma, posa un pied contre le mur du corridor et s’élança… Prenant appui sur la cloison opposée à l’aide de l’autre jambe, il se hissa prestement et silencieusement jusqu’aux poutres qui surplombaient le couloir.


Logé entre deux solives, pressant fermement ses paumes et ses pieds contre la maçonnerie, il se confondait, dans l’obscurité relative des lieux, avec les ombres projetées par la lumière vacillante des torches.


L’elfe qui apparut se dirigea rapidement vers les appartements de Moryag. Le masque qu’il portait était familier au sieur de Treviz et présentait un moyen inespéré de rentrer dans les appartements d’où retentissaient les cris.


Maintenant !


Se laissant tomber souplement sur le sol, le jeune voleur se redressa juste derrière le garde qui s’apprêtait à entrer. Ce dernier ne vit et n’entendit rien avant que la dague de son agresseur ne lui perfore la base du crâne. Sa mort fut silencieuse et quasi instantanée.


Retirant le masque du haut-elfe, Airen découvrit avec stupeur qu’il s’agissait d’un elfe noir. Voilà qui explique bien des choses… C’est un sacré nid de frelons, ici.


Improvisant un plan de sauvetage à toute vitesse, il s’enroula rapidement dans la grande cape de l’homme de main, retira ses lunettes magiques et, après s’être muni du masque blanc, rabattit la capuche sur son visage. De même carrure et aussi sombrement vêtu que le Seraphar qu’il venait d’abattre, il passerait probablement facilement un examen visuel succinct, surtout dans l’obscurité relative d’une pièce où l’on procédait à un rituel…


Une fois le corps sans vie de l’elfe dissimulé à son tour dans la salle des collections, l’aventurier se posta devant la porte de la suite de Moryag. Il vérifia une derrière fois ses armes puis souleva la clenche et entra dans l’antre du mal.



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Comme prévu, la pièce la plus importante était dans la pénombre et les cierges brûlant à même le sol, s’ils éclairaient bien le centre de l’espace, en maintenaient la périphérie dans une obscurité bienvenue.


Sur le sol en pierre, éclairées à la lueur vacillantes des bougies à demi-consumées, avaient été tracés trois zones circulaires.


La première, large de deux coudées, était constituée par deux rubans de métal hexagonaux superposés mais aux sommets décalés. Aux marques qui l’entouraient, Airen compris qu’il s’agissait d’une rosace de Phydius, un espace de confinement pour créatures infernales.


Dans la seconde surface géométrique – une étoile à sept branches –, aussi large que la première, se trouvait Moryag. Autour de lui étaient disposées des runes ensanglantées, réceptacles d’un puissant sort de contre-magie. Sept coupelles fumantes, régulièrement espacées, étaient disposées à équidistance de l’eunuque. Un heptacle d’invocation. Le sorcier était ainsi protégé contre les créatures qu’il appelait, le temps, pour lui de les contraindre à ses désirs.


Ces deux espaces protégés ou protecteurs se trouvait à l’intérieur d’un large pentacle englobant tout le centre de la pièce. Et, au centre de ce dernier se déroulait la scène la plus écœurante dont Airen eut jamais été témoin : un démon grand et large comme un demi-ogre s’y trouvait et copulait sauvagement avec ce qui avait dû être, autrefois, Alia.


La monstrueuse bête infernale, horrible, avait cependant une forme plutôt humanoïde – si on ne s’attardait pas sur la présence d’une paire de bras supplémentaire : elle possédait une gueule hérissée de dents fines comme des aiguilles, possédait un appendice nasal à peine esquissé et son crâne sur-dimensionné était surmonté d’une multitude de petites cornes. Malgré l’étrangeté de ses deux yeux aux paupières cousues, surmontés d’un troisième, au milieu du front, on pouvait lire sur les traits de son visage déformés par le plaisir, tout la cruauté et le vice dont elle était capable.


De son seul œil ouvert, elle observait la créature empalée sur son membre, qu’elle besognait furieusement, en soufflant comme un buffle.


D’Alia, cette dernière avait gardé l’aspect général : chevelure blonde, poitrine généreuse, peau laiteuse, visage juvénile. Mais la chose qui subissait les assauts du démon avait des phalanges inhabituellement longues et ses doigts, tout comme ses orteils, se terminaient en griffes impressionnantes et extrêmement acérées. La peau, toujours aussi pâle sur le reste du corps, devenait, à partir des avant bras et des chevilles, progressivement cuivre et tavelée de petites tâches noires de plus en plus resserrées, ce qui donnait l’aspect d’un cuir exotique à l’extrémité des membres supérieurs et inférieurs, visiblement aussi préhensiles les uns que les autres.


Ajout récent à la silhouette de la donzelle, une queue de belle taille, large comme deux doigts à sa base et comme un pouce à son extrémité et qui semblait du même cuir que les mains, fouettait l’air à la façon d’une panthère guettant sa proie.


Les pupilles de la jeune femme, emplissant totalement l’espace visible entre les paupières, étaient d’un bleu luminescent et semblaient brûler d’un feu glacial. Pourvus d’un iris vertical, à la façon des félins, les yeux avaient un aspect exagérément bridé et amandin et accentuaient encore l’étrangeté du regard de ce visage malgré tout fascinant.


Alia, haletante, avait la bouche ouverte sur d’inquiétantes petites dents pointues parmi lesquelles se distinguaient des canines plus longues, comme celles d’un prédateur carnivore. De temps en temps, une langue d’un rouge soutenu – pointue et anormalement longue – se logeait dans la bouche du mâle infernal, dans une parodie de baiser.


Les muscles de la jeune fille qui avait été Alia étaient saillants et, proportionnellement, bien plus dessinés que lorsqu’elle avait forme humaine. Mais, malgré cet ensemble de traits qui lui donnaient un côté féral inquiétant, elle conservait un beau visage et se mouvait avec une grâce toute sensuelle.


C’était d’ailleurs ce mélange de traits juvéniles et innocents et d’attributs bestiaux qui mettait son ancien amant vraiment mal à l’aise, car il devait bien s’avouer que la créature n’en restait pas moins extrêmement séduisante. Elle irradiait une espèce d’aura sexuelle dangereusement attirante qui donnait envie de se livrer à l’appétit de cette bouche vorace.


Reportant son attention sur le reste de la salle, sourd aux borborygmes et aux grognements des deux créatures des Enfers qui copulaient comme des animaux en rut, l’homme aperçut une quatrième personne, en retrait, au delà des limites du pentacle.


Une très vieille elfe noire, vêtue d’une simple toge, assistait aux ébats démoniaques et semblait fascinée par ce qui se déroulait devant ses yeux.


Prenant place aux côtés de l’elfe, légèrement en retrait, comme l’aurait fait un garde du corps, Airen guettait le moment propice pour intervenir. Mais, réaliste, il se disait que maintenant qu’il n’y avait plus de traces de la jeune humaine, il était probable qu’il venait tout simplement de se jeter dans la gueule du loup.



*******************************




Les deux créatures dans le pentacle continuaient leur œuvre, sans que le nouvel arrivant ne parvienne à comprendre la raison de la présence de l’elfe noire. Vice ? Intérêt occulte ? Mais, une chose était sûre, l’accouplement avait un but puisque Deeskar l’avait clairement planifié à l’intention de sa visiteuse.


Actuellement, le démon était allongé sur le dos et Alia s’empalait sur son vit à une cadence infernale. Son comparse se contentait de la laisser se mouvoir, levant parfois une main pour pétrir un sein déjà malmené par les griffes de la succube ou pour agripper les cheveux et amener le doux visage contre sa langue serpentine.


La créature féminine se livrait totalement au plaisir, quoique de manière plus élaborée que le mâle : caressant son clitoris de ses griffes aiguisées, tirant cruellement sur les pointes érigées de sa poitrine ou lacérant ses propres fesses, elle paraissait tirer autant de plaisir de la douleur que du pistonnage incessant de son sexe par le phallus inhumain.


C’était elle, aussi, qui décidait des positions, passant d’une levrette échevelée à une gorge-profonde improbable sur un membre recouvert de crochets de chair, puis allongeant de nouveau le démon pour se pénétrer du pieu de chair. À chaque changement de rythme ou de façon de s’accoupler, elle regardait l’assistance, comme pour éveiller en eux des plaisirs interdits.


Plusieurs fois, ses yeux avaient été chercher ceux de son ancien amant. Et, à chaque fois, elle avait ajouté un petit geste suggestif à son intention exclusive : passer la langue sur ses lèvres, sucer et mordre l’un de ses seins, s’enfiler sa propre queue dans l’anus puis en lécher le bout humide, écarter les nymphes de son sexe et en récolter les humeurs avant de les porter à sa bouche…


L’aventurier était inquiet : il était possible qu’elle se focalise sur lui simplement parce qu’un hommes d’armes faisait un futur partenaire plus plausible qu’un eunuque ou une vieillarde elfe, mais le fait qu’elle ait pu tout simplement le reconnaître était une option pour le moins troublante…


De fait, elle regardait vers lui de plus en plus souvent. Comme lorsqu’elle se mit à genoux, pressant son bouton d’une main et qu’elle engloutit le sexe démoniaque d’une traite… à s’en distendre la mâchoire et au point d’en avoir les yeux qui se remplissaient de larmes. Elle peut donc pleurer ? Airen se posa la question saugrenue alors qu’elle le fixait intensément de la lueur glacée de ses prunelles, pour ne plus lâcher son regard de toute la durée de sa fellation.


Quand la jeune femme se releva – dos au démoniste – pour se placer au-dessus de son amant inhumain et diriger l’énorme mandrin contre la corolle sombre de son anus, le voleur s’inquiéta brièvement pour elle.


Levant les yeux, il la vit mimer des paroles à son intention. Je sais. Aide-moi. Il n’était pas sûr d’avoir bien compris. Pourtant, dans le doute, il se mit à observer plus attentivement le reste de la scène.


Quelque chose lui échappait, il en était sûr… Pourquoi la vieille est là ? Elle avait l’air aussi peu excitée qu’une statue : aucune chance qu’elle soit là pour assouvir un fantasme. Et la rosace ? Une prison pour démon.


Sous couvert d’une partie de baise mémorable entre deux créatures des enfers, quelque chose d’autre se jouait ici. Deeskar lui-même avait organisé le rituel. Dans quel but ?


À un instant donné, Moryag parla au mâle et lui donna un ordre dans l’un des langages interdits :



La succube tourna son visage vers l’eunuque et le foudroya du regard mais, docile, se laissa manipuler par le colosse qui la besognait. Prenant soin, malgré tout, de tourner la tête vers le faux garde du corps, elle se laissa envahir par le pieu palpitant. Pendant la progression de l’énorme verge entre ses fesses, elle se mordit les lèvres et y laissa perler une petite perle de sang noir.


Enfin, le démon s’impliqua dans sa besogne. Agrippant fermement les hanches de sa maîtresse avec deux de ses mains, il se mit à lui pilonner l’anus et, à l’aide de ses deux autres membres, il s’occupa de la poitrine qu’il malmena franchement, puis de son vagin dans lequel il glissa trois doigts.


La température de la pièce monta de quelques degrés et la peau de la bête infernale commença à fumer, comme si sa transpiration s’évaporait. Sur un geste de la main de Moryag, les runes des cercles de pouvoir se ravivèrent : Armucht grogna à l’intention de son maître qui, nullement impressionné lui fit un sourire amusé.


La jeune fille, qui était secouée comme un fétu de paille par les puissants bras d’Armucht, commençait à révéler les prémices d’un puissant orgasme : paupières mi-closes, la bouche cherchant de l’air, les griffes plantées – au sens propre – dans les cuisses de son partenaire, tout son corps était arqué par le plaisir. Sa queue fouettait l’air en tous sens et sa poitrine ballottait sous l’impact des coups de reins de son amant. Mais ses paroles contredisait son plaisir manifeste :



C’est à l’instant où le plaisir la frappa et qu’elle fut frappée par la petite mort qu’Airen comprit.



Moryag scella la fin du sort d’exorcisme et chassa le parasite du corps de la jeune femme. Toutes les runes s’embrasèrent au même instant et une silhouette éthérée s’arracha dans un hurlement au corps féminin – maintenant inerte – et fut aimantée vers la rosace de Phydius, prévue pour la maintenir confinée.


La forme de la créature capturée et désormais immatérielle était étrange : le haut de la silhouette était humanoïde et à peine translucide, alors que le bas avait un aspect serpentin qui, à l’extrémité inférieure, se confondait avec le néant.


Une lémure… Merde.


Les lémures étaient des créatures mythiques : nées des âmes de victimes innocentes emportées par une mort violente, elles erraient, disait-on, pour se nourrir de l’énergie des vivants et ainsi étancher leur soif de vengeance. Les légendes disaient aussi qu’en raison de leur statut de parasite, il était possible de les envoyer en Enfer pour leur faire expier leurs crimes. Pas vraiment un démon, ni une succube, ça restait une créature de l’Outremonde, à partir du moment où un exorcisme efficace les y envoyait.


Airen était surpris de ne pas voir Alia, maintenant totalement humaine, reprendre connaissance. Une fois débarrassée de son hôte, sa vie n’était plus en danger.


Quelque chose cloche.


La vieille s’était mise à psalmodier un rituel dans l’ancienne langue des Seraphars. Et ce que comprenait Airen, bien plus versé dans les arts occultes qu’il ne le laissait savoir, était loin de le rassurer.



L’eunuque venait de rappeler à l’esprit infernal qui était son maître. Il fit signe à l’ancienne de continuer pendant qu’indifférent à la scène, le démon qui venait d’accomplir sa mission se grattait les testicules d’un air blasé.


La vieille elfe était sur le point d’achever son incantation et s’apprêtait à insuffler son âme dans le corps inerte lorsqu’Airen intervint. Se saisissant d’un petit pliage triangulaire, l’aventurier l’envoya voler dans les airs… jusqu’à l’heptacle du démoniste.


Voyant le petit morceau de papier planer et virevolter doucement avant de se poser aux pieds d’un Moryag interdit, tous les occupants de la salle se tournèrent vers le faux garde du corps.



Immédiatement, les runes touchées par l’embrasement du petit triangle blanc s’effacèrent dans un crépitement désordonné.


D’abord coi, l’eunuque se mit à hurler quand il réalisa la portée de cet incident.



Moryag n’eut pas le temps de réagir que, déjà, la bête fondait vers lui et lui arrachait la tête d’un seul coup de dents. Apparemment brusquement calmé après son accès de colère, le démon s’accroupit et entreprit de dévorer tranquillement son ancien maître, savourant le met succulent dont l’âme corrompue ferait un dessert de choix…



L’avertissement de la lémure vint trop tard : la matriarche seraphar venait de pousser Airen à l’intérieur du pentacle. Elle possédait une force stupéfiante malgré son âge vénérable…



Déjà, le démon tournait sa gueule ensanglantée vers le nouvel arrivant alors que, de son côté, la vieille cherchait à achever le rituel. Elle espérait sans doute profiter du combat pour s’incarner dans la jeune femme et s’enfuir à la barbe du démon.


Les options d’Airen se réduisant à toute vitesse, il expédia l’une de ses fioles d’acide sur le métal du double hexagone emprisonnant le mauvais génie.



Coupant court à l’échange, le démon chargea le faux garde du corps.


Utilisant toute l’agilité dont il était capable, Wirm esquivait les poings et la gueule du monstre avec la grâce d’un danseur. Ripostant de ses épées quand cela était possible, utilisant tous les gadgets à sa disposition et les ruses dont il était capable afin de ralentir son adversaire, il savait qu’une seule erreur lui serait fatale.


Pour l’instant, les attaques pleuvaient et, virevoltant avec une incroyable précision, il rendait coup pour coup avec une redoutable efficacité. Malheureusement pour lui, la peau de son ennemi était aussi dure qu’une armure de plaques et rien ne semblait pouvoir ralentir le colosse.


Plus le combat continuait et plus la bête gagnait en température : déjà, l’air ondoyait devant le voleur et le sol noircissait là où le monstre le foulait de ses pieds fourchus. De la gueule de celui-ci, une intense chaleur se dégageait comme si l’Enfer se déchaînait dans ses entrailles.


Pourtant, la plus petite silhouette continuait sa danse de mort, insensible à la fournaise qui commençait à l’envelopper, aux mains flamboyantes qui essayaient de se refermer sur elle et aux tentures de la pièce qui s’embrasaient sous l’effet conjugué de la chaleur et des escarbilles incandescentes provenant du choc des lames contre la peau impénétrable.


Airen aperçut du coin de l’œil Alia se relever et, à voir l’expression de son visage, elle était en rage. Il se demanda immédiatement s’il avait fait le bon choix. Papa, je sens que tu vas encore me reprocher mes fréquentations…


Mais la lémure était visiblement de son côté :



D’une main en fuseau, elle frappa la poitrine de son ancien amant, traversa la cage thoracique et en ressortit un cœur encore palpitant… qu’elle écrasa de sa main, dans un bruit écœurant.


De son côté, le jeune homme entendit la vieille incanter un sort létal qu’il devinait lui être destiné. Il déclencha l’arme fixée à son poignet et un carreau mortel vint se ficher entre les deux yeux de l’aïeule.


Reportant son attention sur le combat qui se déroulait à côté de lui, il vit que son alliée de circonstance en était déjà au troisième organe vital écrabouillé et que le démon était toujours debout. Mais, ça a combien de cœurs ce truc ?


Néanmoins, conscient que le combat ne pourrait pas s’éterniser, il déroula un mince filin métallique du dispositif fixé à son bras, prit son élan, sauta sur le dos du démon et, sans plus prêter attention à la chaleur infernale qui émanait du corps qu’il était en train d’agripper, il ne lui fallut qu’une fraction de seconde pour enrouler le fil autour du cou du monstre.


Tirant de toutes ses forces, le genou enfoncé dans les reins de son ennemi et ses vêtements commençant à se consumer, il laissa le métal enchanté pénétrer profondément la chair avant de libérer le filament et de se mettre hors de portée, d’un salto arrière parfaitement exécuté.



Le collier dragonnier improvisé fit son office, réduisant brusquement son diamètre. Et, soudainement, la forme ignée, qui continuait jusque là à encaisser les coups d’Alia, se retrouva avec la tête lui sautant des épaules pour rouler à ses pieds. C’est ainsi que, le corps détruit, incapable de rester plus longtemps dans ce plan d’existence, le démon disparut dans une effroyable odeur de souffre.


Détachant aussitôt de ses épaules l’étoffe en flammes, tapotant les quelques flammèches qui avaient gagné ses autres effets, Airen Wirm s’empressa d’aller arracher les lourdes draperies auxquelles s’étaient propagé l’incendie de la salle d’invocation. Rassuré par le sol de pierre et l’absence de mobilier combustible, il reporta son attention sur l’autre occupante de la pièce.


Il restait en effet l’épineux problème d’Alia…



La lémure eut un sourire ironique et chargea son adversaire. Oh oh… Sa vitesse était stupéfiante et proprement inhumaine.


Conscient que sa fin était proche, le voleur fut obligé d’utiliser des ressources qu’il avait peur d’exploiter jusque là : à l’instant où la jeune femme balayait de son pied l’air où se trouvait la tête de son adversaire, celui-ci se cambra en arrière, évitant d’un cheveu de se faire fracasser, comme la colonnette de granit placée derrière lui et qui gisait maintenant en morceaux aux pieds de la lémure.


Les coups de la traîtresse se succédaient à une vitesse si prodigieuse, qu’ils étaient presque impossibles à discerner. Pourtant, vaille que vaille, son vis-à-vis continuait à esquiver, parer et à contre-attaquer… avec des mouvements normalement impossibles à effectuer pour un homme.



Visiblement, maintenir une vitesse équivalente à celle de la créature de l’Outremonde pesait sur le jeune homme, dont le visage était déformé par la douleur. L’étrange réseau de tatouages qui recouvrait son corps s’était mis à luire et à pulser à l’unisson de son rythme cardiaque. Ça et là, les complexes entrelacs commençaient à fumer et une odeur de chair brûlée se répandait autour de lui.



Et il s’en fallut de très peu que sa main déchire la carotide de son ennemi à cet instant.



D’une rapide pirouette, il se mit hors de portée avant de riposter d’un trait assassin qui manqua de justesse sa cible.



Le voleur réussit à entailler le mollet de son ennemie mais pas à trancher le tendon comme il l’espérait. Celle-ci, toujours à pleine vitesse, fondit sur lui.



Et, profitant d’une feinte qui amena son amant à se découvrir, la lémure planta ses dents dans la gorge du jeune homme, en se plaquant contre son torse pour rester hors de portée des épées de celui-ci. Immédiatement, il sentit sa tête lui tourner : elle aspirait son sang pour recouvrer des forces et se nourrissait ainsi son essence…


Dans un sursaut de volonté, il lâcha l’une de ses armes et se saisit d’une ampoule de verre qu’il planta de toutes ses forces dans la cuisse de la vampire, au niveau de l’artère fémorale…


Pendant quelques secondes, il ne se passa rien puis, d’un coup, la femme se détacha de sa victime et fit quelques pas en arrière en titubant. De sa plaie à la cuisse, un sang noir s’écoulait en mince filets qui se figeaient au contact de l’air…



La créature, haletante, se tenait la gorge et semblait étouffer. Les veines de son visages et de son cou saillaient anormalement et commençaient à prendre une teinte bleue bien trop prononcée…



Incrédule, Alia vit la régénération des tissus de son adversaire se faire à une vitesse stupéfiante et, bientôt, de son côté, les choses allèrent de mal en pis… Jusqu’à ce que, affalée sur le sol, suffocante, les traits creusés comme ceux d’une mourante, elle n’en aie, visiblement, plus que pour quelques minutes.


Se tournant vers le vainqueur, elle remarqua le médaillon qu’il portait, maintenant, en évidence sur la poitrine.



D’un geste rapide, Airen saisit le poignet de la créature agonisante et lui entailla la paume… Il plaça le pendentif dans la main d’Alia et lui fit signe de prononcer les paroles d’asservissement en constatant que l’objet commençait à luire.



Après avoir jeté un regard mi-étonné, mi-furieux à son interlocuteur, elle répéta néanmoins ses dernières paroles. À cet instant, avant qu’elle ne puisse réagir, le voleur posa sa main ensanglantée dans celle de la jeune femme et poursuivit :



Et, soudainement, le réseau de symboles ésotériques et lignes de forces qui enserraient le corps du jeune homme se mirent à flamboyer, lui arrachant un hurlement d’agonie… Le médaillon commença à se consumer mais, dans un dernier effort, le voleur continua à emprisonner la main de sa nouvelle servante, l’empêchant de perdre le contact avec l’objet brûlant qui s’effrita et tomba en poussière.


Se relevant péniblement, la peau en partie calcinée autour des symboles qu’il avait tatoués sur tout le corps, le mage se précipita en titubant dans le couloir. Il pénétra la salle des collections et se saisit du corps du comte d’Arghyll, inerte mais encore vivant, le cou enserré par une chaînette qui lui entaillait la chair.


Il emmena l’homme à proximité d’Alia, mourante. Là, il la souleva et l’aida à atteindre la gorge de son prétendu oncle, afin qu’elle se sustente.



Airen observait les traits de la jeune femme s’arrondir et son corps se régénérer. Elle rétracta ses griffes et reprit son visage habituel. Lentement, elle leva les yeux vers lui…



Ponctuant sa dernière phrase d’une petite tape sur le postérieur de la jeune femme, Airen l’invita à se rhabiller. Il était temps de quitter le domaine du comte.


C’est à cet instant précis que toutes les alarmes magiques du domaine se mirent à retentir.



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À ces mots, Alia fit une moue dubitative…



Ils se précipitèrent dans le bureau du comte, conscients qu’ils n’avaient que quelques secondes d’avance sur les gardes du domaine, dont ils entendaient déjà les pas dans l’escalier.


Le bureau était vide, la porte du coffre-fort pendait sur ses gonds, le tout à moitié fondu.


Au cours de son entretien avec le comte, Airen avait deviné juste : le tableau représentant le jeune éphèbe occultait bien l’emplacement d’un compartiment secret.


Maintenant, la toile reposait au pied de ce dernier, totalement vide. Et, sur le torse du jeune homme, bien en évidence, l’empreinte de deux lèvres féminines faites au rouge à lèvres…




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Alanguie, nue, sur un canapé recouvert de fourrures, Délie Evargryn avait toute son attention focalisée sur les éléments du tarot étalés sur la table basse devant elle.


Deux groupes différents étaient disposés de manière à former un « T » couché avec, à l’écart, deux autres cartes, placées verticalement de part et d’autre de la figure géométrique. Cette dernière était constituée d’une ligne horizontale de trois figures faisant face à une colonne comportant le même nombre de cartes.


À l’écart des huit rectangles colorés dont le recto était dévoilé, le talon du jeu reposait juste à côté d’un superbe boîtier d’or et d’ébène sculptés. La magie de celui-ci avait préservé le précieux contenu durant des siècles, le temps, pour les propriétaires successifs du Tarot d’Arysmée, de patiemment en rassembler les cartes, éparpillées il y avait des millénaires de cela, aux quatre coins de ce qui devint Mitterdom.


Sur la rangée horizontale, une figure féminine était peinte sur la première carte. La peau pâle, les oreilles pointues ne laissaient aucun doute : une elfe. Le portrait se détachait sur l’arrière plan représentant une forêt.


Sur le rectangle suivant, une épée stylisée – à la pointe en un seul biseau – était dessinée, verticale, pointe en bas, sur un fond totalement écarlate.


Enfin, la troisième illustration représentait un orc, à l’air féroce, partant à la guerre, un oriflamme aux armes de la déesse Mérys bien visible derrière lui.


Les trois autres cartes figuraient, de haut en bas, une silhouette encapuchonnée, le visage occulté par un masque d’ivoire, une jeune femme nue dont le visage était noir et dont la longue chevelure blanche descendait jusqu’à la taille ; enfin, en bas de la colonne, un dague blanche, à la lame ensanglantée, était dessinée, sur un fond gris foncé.


Les deux autres cartes qui étaient disposées à l’écart représentaient, pour l’une, une forme serpentine vaguement dragonnique lovée en une spirale bleue et, pour l’autre, une silhouette noire incertaine dont les yeux, dorés, étaient le seul élément discernable.


De ses ongles parfaitement manucurés au rouge carmin sans défaut, Délie tapotait machinalement le bois vernis du meuble où s’étalait le tarot, soucieuse.



Jouant machinalement avec l’imposant collier qui enserrait son cou gracile et constituait une sorte de pectoral d’or dont l’extrémité reposait entre ses seins laiteux, la mage réfléchissait à la signification de tout ceci.


Laissant échapper un soupir las, elle effleura de la paume les huit cartes qui scintillèrent brièvement avant que les illustrations ne s’effacent en quelques secondes, pour laisser la place à un aplat totalement noir.


Elle rangea délicatement le tarot dans son écrin puis, d’une brève incantation, fit s’ouvrir le montant du pectoral qui était suspendu à son cou : elle plaça l’étui dans l’emplacement qui ne pouvait théoriquement pas accueillir un tel volume, puis elle referma le couvercle du bijou.


À cet instant, on toqua à sa porte.



Un garde en armure, revêtu d’un surcot pourpre s’avança, impassible devant la nudité de la jeune femme.




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Au centre des ruines de Tecochtilua, dans la jungle inexplorée de l’Île aux dragons, une bataille faisait rage.


Vaille que vaille, un groupe d’elfes noirs maintenait à distance ses assaillants. Les flèches noires emportaient dans la mort tous ceux assez téméraires pour s’approcher du Connétable Néreon. Mais les hommes-léopards continuaient d’arriver de toutes parts, en vagues incessantes.


À l’intérieur du cercle formé par ses hommes, Néreon mettait la touche finale à son rituel. Devant lui, un vieil homme qui avait dû être richement habillé, l’air austère et le visage grave, était enchaîné sur un autel de pierre. Les vêtements en lambeaux, le corps tailladé en maints endroits de manière à former d’étranges runes sanglantes, le vieillard défiait le Haut-Elfe de son regard plein de morgue, indifférent à la vie qui le quittait par une multitude de plaies.



Sur ces paroles, il leva l’artefact mécanique qui remplaçait désormais son avant-bras gauche et abattit la dague d’albâtre droit vers le cœur du Hiérarque Archante.


À l’instant où la lame tenue par la main artificielle arrachait son dernier souffle au père d’Airen Wirm, le ciel se déchira. Et, de la faille obscure qui zébrait maintenant les cieux, d’immenses tentacules de sombre énergie primitive convergèrent vers la dague de Cylistair et son porteur, faisant du Connétable l’objet de la renaissance d’un dieu que presque tous avaient oublié.


Érah était en train tailler en pièces les homme-léopards qui lui fondaient dessus lorsqu’un rayon d’énergie noire jaillit de la main de Néreon et réduisit ses assaillants en cendres, arrachant un sourire satisfait à sa maîtresse.


Témoins du prodige, les humanoïdes à la forme féline décidèrent de battre en retraite. Mais, bien peu arrivèrent à atteindre le sein protecteur de la jungle. Ils furent soit balayés par les décharges de magie primordiale que leur lançait le leader des elfes noirs, soit fauchés par la pluie de projectiles que les hommes d’Érah lançaient vers eux.

Quand il ne resta plus que ses troupes dans les ruines du temple de Cylistair, au centre de l’ancienne cité de Tecochtilua, Néreon leva les bras au ciel et lança une dernière imprécation magique.


L’air sembla ondoyer une poignée de secondes, la silhouette du petit groupe se zébra de noir et, quelques instants plus tard, l’antique ville redevint aussi déserte qu’elle l’avait été depuis plusieurs millénaires.