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Temps de lecture estimé : 12 mn
24/01/13
Résumé:  Mes aventures en Guinée, de pirogue en caverne.
Critères:  fh couleurs bain amour revede aventure
Auteur : Tylodine  (L'insécurité n'a pas que des conséquences négatives...)            Envoi mini-message

Série : Perle de Guinée

Chapitre 01 / 02
Perle de Guinée - 1

15 heures… cela fait dix heures que nous remontons la rivière Kiwani en direction de M’Bengué, gros village de pêcheurs et d’éleveurs Peuhls situé à l’entrée d’une des multiples vallées du massif du Fouta-Djalon dont on distingue les premiers pointements rocheux, estompés par la vapeur d’eau qui monte de la forêt.


À une centaine de mètres, le Kiwani se divise en deux bras, l’un large et calme, l’autre étroit et encaissé.

La grande pirogue qui nous transporte sur le large cours d’eau réduit sa vitesse et oblique vers le bras étroit, ce qui soulève aussitôt une avalanche de protestations, dont je ne comprends pas grand-chose, parmi la dizaine de passagers embarqués, comme moi, à Nafissa, petite ville située à 500 km de Conakry, la capitale de la Guinée.


Trois grosses dames, très dignes dans leurs boubous colorés, accompagnées de deux jeunes garçons aux grands yeux effarés, trois hommes d’âge moyen, style forestiers locaux, un commerçant sans doute libanais, cramponné à une grosse valise usée aux angles et une jeune guinéenne, je lui donnerais dans les 25 ans, en jean et tee-shirt bariolé, nantie d’une grosse cantine métallique ornée d’une croix rouge.


Je l’ai aidée à embarquer sa malle, ce qui m’a permis de faire connaissance… d’autant qu’elle parle un français parfait, ce qui m’intrigue quelque peu dans ce pays – certes ancienne colonie française – mais tout juste rescapée de quarante année de dictature de type stalinienne où la langue de l’ex colonisateur a été quasiment bannie.


Anne-Marie, c’est son nom, me traduit l’essentiel de la polémique qui enfle à chaque échange entre le patron de la pirogue, Boubacar, son aide Seydou et les passagers.


Le Kiwani dont le cours rencontre, quelques kilomètres plus haut une large barre rocheuse, ancienne coulée de lave, a dévié son cours originel pour former une large boucle autour de l’obstacle.

Au cours des centaines de milliers d’années qui ont suivi, le fleuve a fini par entamer le massif, taillant son chemin dans les roches les moins dures, mais au prix de la présence de passages rendus dangereux par la vitesse du courant et les multiples îles et rochers qui divisent le lit principal en une multitude de bras.

Par contre, ce risque, mineur d’après Boubacar, permet de diminuer notre trajet de près de 90 kilomètres sur les 200 qui nous restent à parcourir…


Le niveau de l’eau étant encore assez haut – nous sommes à la fin de la saison des pluies – le jeu en vaudrait la chandelle si l’on n’avait signalé ce matin, au moment du départ, la présence sur ce bras du fleuve, d’une dizaine de déserteurs de l’armée malienne, cherchant vraisemblablement à gagner la Guinée Bissau ou la Gambie…



Après une dizaine de minutes de palabres, la majorité l’emporte et nous attaquons le « raccourci », l’œil aux aguets. Les premiers kilomètres sont relativement faciles, naviguer face au courant permet de rester très manœuvrant et Boubacar est réellement un as dans cette navigation très particulière.


Une heure plus tard, alors que nous arrivons à l’entrée d’un défilé bordé de hautes parois de basalte, un mouvement dans la colline située en amont attire mon attention. Pas de doute, les jumelles me permettent de distinguer nettement deux silhouettes mal dissimulées par la maigre végétation… treillis militaires dépenaillés, fusil d’assaut à la main…


Pas de doute possible, ce sont nos déserteurs.


Je tends mes jumelles à Boubacar qui pousse un juron et dirige aussitôt la lourde pirogue vers une zone calme de la rive à l’abri de la falaise, donc dissimulée aux regards.


La chaleur, tempérée jusqu’alors par le vent apparent dû à notre vitesse, s’abat sur nous d’un seul coup… le sauna !


Et la discussion repart de plus belle, Boubacar assure qu’il peut passer en se servant de sa connaissance du cours d’eau et des dizaines de chenaux qui séparent les îles et récifs. Anne-Marie est sceptique et demande qu’on rebrousse chemin pour retourner sur la partie calme de la rivière quitte à perdre quelques heures.

Les matrones, qui se rendent à un mariage aux environs de M’Bengué, sont prêtes à courir le risque et le commerçant libanais, toujours rivé à sa valise, est du même avis… les trois autres ne semblent pas avoir d’opinion…


Dix minutes plus tard, Anne-Marie et moi regardons s’éloigner l’embarcation qui attaque l’entrée du défilé… Sur les roches plates du rivage s’entassent mes bagages et les siens… sa cantine, une valise à roulettes fatiguée et un sac à dos, petit à côté de mon gros « Everest » lesté de sa tente.


J’ai en plus mon sac photo et Boubacar, grand seigneur, nous a gratifié d’une bâche de plastique, d’un pack de « Kirène » l’eau minérale du Sénégal voisin, d’un carton de fruits, d’une boîte de café lyophilisé et d’une machette…


Je regarde Anne-Marie assise, pensive sur sa cantine, elle sent mon regard et m’apostrophe, un peu tendue :



La rive où nous avions été débarqués était barrée au nord par la falaise de basalte en « orgues » formant de hautes colonnes hexagonales.

Les roches plates du rivage s’y accolent par une sorte de banquette, haute de six à dix mètres, facilement accessible par un éboulis de blocs assez stables sur lequel nous hissâmes rapidement nos bagages. Je camouflai provisoirement la cantine dans un gros massif d’épineux et nous nous dissimulâmes du mieux possible sur notre plate-forme.

Longue d’une cinquantaine de mètres, elle dominait le lit du Kiwani, sorte de « chaussée des géants » formée de pavés hexagonaux typiques du volcanisme ancien de cette région. Les pavés extérieurs, plus hauts, formant un créneau naturel, nous cachaient parfaitement d’une embarcation circulant en contre-bas.


Nous étions à peine installés qu’une série de coups de feu retentirent ; réfléchis par les hautes falaises, les rafales étaient assourdissantes. Anne-Marie, les mains sur les oreilles, semblait terrorisée, je la pris dans mes bras, essayant de la rassurer, sans trop de succès.



Quelques cris, à peine audibles, puis le silence, pesant, à peine troublé par le bruissement de l’eau.


Anne-Marie s’était calmée, mais je la sentais tendue, son corps souple collé au mien me troublait quelque peu et je voyais arriver le moment où dissimuler le début de raideur d’une certaine partie de mon individu deviendrait difficile. J’avais beau me traiter mentalement d’obsédé, de profiteur, essayer de penser à des choses techniques, à des formules chimiques, à une feuille d’impôts… rien ne semblait efficace et j’avoue que c’est avec un certain soulagement qu’une demi-heure plus tard, dans un grand rugissement de moteur, je vis la pirogue déboucher de la gorge rocheuse.


En quelques secondes, la grande embarcation passait au pied de notre cachette, les huit passagers entassés au centre, Seydou l’assistant, au moteur, sous la surveillance de deux soldats débraillés. Boubacar était au poste avant, un pansement taché de sang entourant son bras droit, rien de bien grave apparemment. Répartis autour des passagers hébétés, les sept autres déserteurs semblaient calmes, bouteilles de « Gazelle », la bière locale, à la main.


Un instant, la pirogue sembla ralentir devant notre point de débarquement, je sentis Anne-Marie se raidir contre moi, puis s’élança franchement vers le sud, à notre grand soulagement. Anne-Marie se détendit aussitôt et, réalisant soudain qu’elle était quasiment vautrée sur moi, se redressa en se confondant en excuses…



Je me remis debout à mon tour et la prenant par les épaules m’efforçais de mettre calmement les choses au point.



Un instant, je crus que la jeune femme allait me sauter dessus… en quelques secondes, je pus voir sur son visage défiler peur, méfiance, lassitude, avant qu’une lueur dans ses yeux ne m’indique que c’était gagné… provisoirement ?



Nantis de ces bonnes résolutions, nous entreprîmes de faire le tour de notre domaine.


En s’éloignant du bord de l’eau, le trottoir basaltique devenait plus abrupt et se terminait par une sorte de grotte peu profonde mais vaste, au sol garni de sable noir formant une sorte de colline plate. Pas de traces suspectes, fauves ou serpents, le plafond était suffisant pour nous protéger de la pluie, mais trop pentu pour servir de dortoir aux chauves-souris.


Je décidai de planter ma tente sur la dune de sable, ce qui ne demanda que quelques minutes et lorsque la lumière commença à baisser, nous étions installés. Tout en aménageant notre « home », j’observais Anne-Marie à la dérobée… aussi grande que moi (je fais 1, 78 m), mince… mais pas maigre, avec des fesses rondes et une poitrine haute et ferme, Anne-Marie n’aurait pu prétendre au titre de reine de beauté suivant nos critères européens, même africains… ces derniers préférant les femmes à peau claire, ce qui n’était certes pas son cas.


Peut-être aurait-on aussi critiqué son nez, elle-même le trouvait trop gros « négroïde », me dit-elle, plus tard.

Par contre on remarquait immédiatement son front haut et bombé et ses yeux au regard profond, sa bouche aux lèvres pleines et aux dents éclatantes. Voyant qu’elle m’observait de son côté, je détournais mon regard… sans doute pas assez vite…



Pris en flagrant délit, je ne savais plus ou me mettre !



De plus en plus gêné, j’essayai de répondre avec tact… mais évidemment, je ne faisais que m’embourber davantage. Finalement j’optai pour la franchise…



J’eux vite fait d’allumer un petit foyer près de l’entrée de la grotte, la fumée découragerait les rares moustiques du lieu (ils n’aiment pas l’eau courante). Finalement entre le legs de Boubacar, mes provisions et celles de ma compagne d’infortune, nous dînâmes de biscuits, de mangues, de papayes… le tout arrosé d’un bon café…


Anne-Marie, Bassari, ethnie du Nord de la Guinée par sa mère et Peuhl par son père, me parla de sa jeunesse à Conakry, de la mort de celui-ci, avocat, tué par la police politique de Sékou Touré, le dictateur, alors qu’elle avait six ans.

Sa fuite en Guinée Bissau, puis en Casamance avec sa mère, obligée de travailler comme femme de ménage au service d’un couple d’enseignants français au lycée de Ziguinchor.

À la fin de leur contrat au Sénégal, le couple avait regagné la France, emmenant Anne-Marie dont la mère avait succombé à une malaria qui la minait depuis des années.


Elle avait finalement été adoptée par eux et put faire à Rennes des études secondaires, puis une première année de médecine pour finalement passer ses diplômes d’infirmière et revenir en Guinée au service d’« Infirmiers sans frontières » et de la lutte contre le Sida…


Après deux mois passés à la capitale, elle se rendait dans la région du Niokolo pour poursuivre sa campagne d’information en zone Peuhl. Je ne pus m’empêcher de sourire à cette dernière évocation, ce qu’elle ne manqua pas de remarquer…



La nuit tombe très vite sous ces latitudes et nous avions droit à un allumage d’étoiles à grand spectacle… toutefois, au sud, les éclairs se succédaient sans discontinuer, annonciateurs de la traditionnelle averse du soir. Un quart d’heure plus tard, des trombes d’eau tissaient sur la forêt, de longs rideaux de pluie, illuminés par les éclairs se succédant sans interruption. Un spectacle extraordinaire accompagné par le roulement du tonnerre qui, amplifié par les parois du canyon, rendait toute conversation impossible.


À l’autre bout de notre grotte, une petite cascade s’était formée et je me félicitai d’avoir planté ma tente en hauteur, les parties basses de la grotte étant inondées.



Joignant le geste à la parole, elle sortit le tout de son sac à dos et en un tournemain, envoya valser jean et tee-shirt… chaussures, slip et soutien-gorge rejoignirent le tas à mes pieds. Commença aussitôt le pire et le meilleur supplice que j’aie jamais enduré.


Telle une statue d’ébène polie, étincelante de gouttelettes illuminées par les éclairs, le corps d’Anne Marie révélait son éclatante beauté, la courbe douce de son ventre, le galbe de ses seins aux larges aréoles brunes et ses fesses… ah ! Les fesses d’Anne-Marie, véritables merveilles de dessin, incitation aux idées les plus lubriques !



Un peu emprunté, je me levai et ôtai short et chemisette, ne gardant que mon slip et allai rejoindre sous la douche la diablesse qui avait décidément bien récupéré de sa frayeur de l’après-midi.



Finalement, la nudité totale est moins gênante qu’il n’y paraît et je pus profiter de la douche commune dans un état presque décent… même savonner le dos d’Anne Marie, qui me rendit la pareille, sans plus de friponneries, à mon grand regret !


Essuyés, séchés près du feu, lorsqu’une heure plus tard, l’orage s’éloigna, nous nous retrouvâmes allongés côte à côte dans ma petite tente, un grand boubou de coton en guise de drap.

La pluie avait fait légèrement chuter la température, rendant cette promiscuité supportable… enfin presque !



Les bruits de la forêt commençaient à reprendre, le concert nocturne des crapauds, grenouilles, occupant le registre le plus bruyant. Au loin, je crus reconnaître le rire d’une hyène.

Le souffle de ma voisine, son odeur si douce de cannelle, son…

Sa main sur ma bouche, sa bouche près de mon oreille…



Quelle heure était-il ? Un coup d’œil au cadran lumineux de ma montre : deux heures ; je m’étais écroulé d’un coup et j’avoue qu’un éléphant dansant la gavotte dans la grotte ne m’aurait pas réveillé.

Me redressant le plus doucement possible, je tendis l’oreille… en effet frôlements et petites chutes de pierres étaient perceptibles pas bien loin.


Je me mis à quatre pattes et entrepris de soulever la petite lucarne de la moustiquaire. Une demi-lune voilée de brume éclairait chichement l’entrée de notre abri. Se détachant nettement sur la plate-forme extérieure, flairant avec circonspection nos traces, son corps souple au pelage beige et noir, un félin se déplaçait à moins de trois mètres de nous…



Si collant à mon dos, Anne-Marie posa le menton sur mon épaule :



Nous avait-il entendus ? Le petit fauve, de la taille d’un épagneul, sembla un moment nous fixer puis, tranquillement de sa démarche souple, après un dernier coup d’œil dans notre direction, fila vers la forêt proche.


Nous restions assis l’un contre l’autre, saisis de la magie de ce moment… je sentais dans mon dos la fermeté de sa poitrine, l’odeur épicée de ses cheveux sur mon épaule, la douceur de sa joue contre la mienne.


Je n’osais pas faire un mouvement, elle non plus… pourtant lorsque je me retournai mes lèvres trouvèrent les siennes comme si tout ce qui s’était passé au cours de ces dernières heures, n’avait été qu’un prélude à cet instant.