n° 16174 | Fiche technique | 95511 caractères | 95511Temps de lecture estimé : 55 mn | 06/05/14 corrigé 10/06/21 |
Résumé: « C'est à la fin de la foire qu'on compte les bouses ! » dit un sage proverbe breton. Mais la conclusion est encore à venir dans un 6ème épisode ! | ||||
Critères: ff jeunes couleurs poilu(e)s amour miroir odeurs fmast massage cunnilingu init exercice confession | ||||
Auteur : Coqueluche Envoi mini-message |
Épisode précédent | Série : Cassandre Chapitre 05 / 06 | Fin provisoire |
Résumé épisode 1 : Axel arrive dans un nouveau lycée et fait la connaissance de Cassandre. Coup de foudre au menu, parmi quelques autres péripéties, signes d’une intégration mouvementée.
Résumé épisode 2 : Axel et Cassandre se rapprochent et finissent par se faire des confidences : des révélations qui vont s’avérer décisives dans la nature de leur relation. Une sincérité qui les rapproche mais les met aussi en péril.
Résumé épisode 3 : Après une soirée éprouvante, les deux héroïnes finissent par succomber à leur attirance mutuelle. Mais il leur reste encore bien du chemin à parcourir !
Résumé épisode 4 : Enfin, pour ce qui concerne ce quatrième volet de l’histoire de Cassandre, je dirais simplement que leurs relations s’approchent peu à peu de leur dénouement. Axel va-t-elle enfin réussir à faire l’amour avec Cassandre ?
Samedi sept heures. Je suis dans un état de frénésie inhabituel. Mais compréhensible… Un week-end avec Cassandre, rien que nous deux, elle et moi. Jusqu’à lundi matin.
Lundi matin, c’est la première épreuve du bac. Nous nous y rendrons en bus toutes les deux. Et le reste de la semaine des épreuves, elle dormira à la maison.
Mon père me regarde m’agiter dans tous les sens. Je me demande, vite fait, trop vite sans doute, s’il a deviné quelque chose. Que penserait-il s’il découvrait que moi, sa fille adorée, je suis une fieffée gouine ? Et que je m’apprête à aller rejoindre mon amour clandestin ?
Ça, pour le choix des mots, il est fortiche ! « Excitée ! ». S’il savait combien, oui, oui, oui, je suis excitée ! J’en ai la salive à la bouche : Miam ! Croquer Cassandre ! Je ne suis déjà plus là. Je me projette dans ce futur désiré. Je ne suis qu’imagination, planification, anticipation : moi, dans ses bras, puis dans ses draps et enfin nue contre sa peau ! C’est le genre de moment où le corps et l’esprit immédiat – celui qui est occupé par la gestion des actes de l’instant présent – se mettent en mode automatique et n’en font qu’à leur tête. Je réponds machinalement :
Je suis dans un tel état de confusion que je suis incapable de discerner la vraie nature de ses intonations. Je ne me demande même pas à quoi il faisait allusion lorsqu’il a dit : « C’est… très important ». Ni les points de suspension de son silence, ni le superlatif ne m’ont alertée.
Il hoche la tête. Je m’assieds face à lui, je m’empare de la bouteille de lait demi écrémé UHT (soit : obtenu par « Upérisation à Haute Température ». Un peu comme moi, en ce moment : Haute Température dans mes pensées… et le reste ! et j’en verse un nuage dans… mon verre de jus d’orange. Je jure un « Putain ! » qui dresse aussitôt le sourcil droit paternel en un accent circonflexe réprobateur. Je baisse vite la tête.
Je ne veux pas croiser son regard. J’ai trop peur d’y lire sa désapprobation. Je me lève donc, et vais chercher le bol de thé fumant que j’avais oublié sur le bar et auquel le nuage de lait était destiné. Je reviens m’attabler.
Avec papa, les silences sont souvent des discours. C’est le genre de silences qui distillent en vous la pensée implicite de votre interlocuteur. Et en l’occurrence, j’ai la nette impression que la pensée muette qu’il distille en moi est particulièrement lucide et particulièrement inquiétante. Je bois à petites gorgées mon thé sans lait. Toujours sans croiser son regard. Pas question de me laisser pétrifier à la fois par ses yeux noirs et par son silence éloquent.
Là encore, c’est une figure de style paternelle : la question rhétorique. Celle qui ne sert à rien puisqu’elle contient en elle-même sa réponse. La question affirmative ! Je hausse les épaules en m’efforçant de ne rien laisser paraître de mon trouble.
Il s’est levé avant que j’aie eu le temps de répliquer. Il est venu me plaquer un bisou appuyé sur le front et s’est dirigé vers la salle de bain. « Passez un bon week-end ». Voilà le genre de formule bizarre dont je me méfie avec lui. J’attendais davantage un « Travaillez bien ! Ne faites pas les folles ! ». Ben non ! Et il me plante là sans plus de précision. À moi de me débrouiller avec des supputations sur le degré de connaissance qu’il a de notre relation, à Cassandre et à moi. Il marche à l’économie sémantique, papa.
De deux choses l’une : ou il ignore, et alors le « bon week-end » était une formule ironique destinée à nous encourager pour nos révisions ; ou il sait et alors, il me fait signe qu’il me comprend et me soutient ! Pas de mise en garde, pas de condamnation. C’est bien de lui, au fond : me laisser entendre qu’il sait, tout en me laissant libre de lui en parler ou pas.
« Je t’aime, papa ! »
J’ai toujours la tête en mode automatique. Je débarrasse la table des reliefs du petit déjeuner : en fait, je n’ai rien mangé ce matin. Le bol, sans doute sensible à ma nervosité, s’échappe de mes mains et s’écrase en mille morceaux sur le carrelage.
Je m’habille comment ? Un instant, j’ai pensé à revêtir la tenue musulmane : djellaba et voile. Finalement, non : je la provoque suffisamment comme ça, la pauvre Cassandre ! J’ai sorti de mon armoire tout ce que j’avais. Mais ça fait bien une décennie que je n’ai pas mis de jupe, ni de robe, ni de tout ce qui ressemble de près ou de loin à une tenue « féminine » ! Il y a bien cette jupe d’un rouge pétant que papa m’avait ramenée de Paris, il y a deux ans. Je ne l’ai mise qu’à la maison. Elle m’arrive à mi-cuisse et me moule les fesses comme une deuxième peau… Quelle idée, mon colonel !. Il y a aussi cette robe qu’il m’avait achetée pour que je l’accompagne au bal des officiers, l’an dernier : une longue robe en mousseline de soie qui me tombait jusqu’aux chevilles, et arborait un discret décolleté en V. Nous avions choisi le bleu Majorelle, cela va de soi : Marrakech, quand tu nous tiens ! Elle allait bien à ma silhouette plutôt élancée de sportive acharnée, je dois le reconnaître. Mais outre qu’un tel accoutrement risque de ne pas passer inaperçu lorsque je vais monter dans le bus, ma répugnance naturelle à ce genre d’élégance me dissuade même de la sortir de la penderie.
Décidément, non ! Je n’ai rien à me mettre ! pour reprendre le cliché têtu qu’on colle aux filles censées n’être que des poupées obsédées par les tenues fashion. Et, par ailleurs, vu mes aspirations, c’est à dire retirer tout ce qui pourrait gêner de près ou de loin mon rapprochement corporel avec Cassandre, autrement dit, faire en sorte qu’on se retrouve toutes les deux au pieu et à poil le plus vite possible, la manière dont je vais me vêtir a peu d’importance !
Finalement, j’opte pour une tenue « classique », enfin je veux dire « qui me convient » : pantalon de fantassin kaki et t-shirt noir ras de cou avec un gros cœur rouge pour souligner le slogan blanc I love Berlin, souvenir d’une virée dans la capitale allemande pendant une permission de papa. Je donne un coup de brosse rapide dans ma brune tignasse, épaisse comme de l’étoupe. Je glisse sur mes épaules le vieux sac à dos hérité des surplus de l’armée et me voilà fin prête pour une aventure qui m’exalte et m’angoisse beaucoup plus que le souci de mon apparence. Je sais que j’ai tort, je sais qu’elle va faire la grimace et soupirer en me voyant, je sais qu’elle va arborer un air désespéré… Je sais que je devrais faire un effort.
J’ai réussi de justesse à attraper le bus. Il est presque vide. Je me cale au fond, là où avec Cassandre on s’est tenu la main : j’en frissonne rétrospectivement… Pourtant, des pensées désagréables me traversent l’esprit. Des sortes de souvenirs moroses : à la maison, il n’y a jamais eu personne pour m’apprendre à me maquiller, à choisir des jupes, des robes, des corsages, des collants, des dessous… Mon coiffeur ? C’est celui de la caserne. Et il faut avouer que les cheveux longs, ce n’est pas trop son truc ! Je vis dans un monde d’hommes. Donc je me fonds dans leur paysage. La boxe en fait partie : j’adore me vider la tête en tapant comme une forcenée sur les punching-balls et, le cas échéant, sur les blondinets qui m’énervent.
Autre réminiscence : je ne vous raconte pas la corrida, lorsque j’ai connu les petits problèmes féminins de la puberté, la première fois… Je n’avais pas envie d’en parler à papa. Alors j’ai fait avec les moyens du bord. Je me suis débrouillée toute seule. Comme toujours. Comme un « mec », quoi ! Je ne suis pas en train de me plaindre, là. C’est juste pour expliquer pourquoi je me désintéresse tellement de mon apparence. Je n’ai pas été habituée à me pomponner.
Et cela, peut-être au grand désespoir de mon géniteur attentionné… Et si la jupe rouge, la robe de mousseline étaient des tentatives paternelles, maladroites certes, mais destinées à me faire comprendre ses inquiétudes à mon égard, des tentatives pour m’inciter à me féminiser ? Étaient-ce des signaux qu’il m’envoyait ?
Quoiqu’il en soit, moi, ça m’horripilait !
Sauf que désormais, il y a Cassandre. Et je me rends bien compte qu’il faut que je fasse quelque chose pour satisfaire son penchant à la coquetterie. Coquetterie contrariée chez elle par un père et une mère qui, de toute façon, lui interdiraient la moindre fantaisie trop… païenne ! Bref, on a sans doute des parents à l’envers !
Et pourtant… Tenez, l’autre jour, je passe devant le magasin de lingerie féminine de la rue piétonne. J’aperçois dans la vitrine de vaporeux dessous… Toutes les filles du lycée portent des strings, sauf Cassandre, bien sûr, tenue de porter des culottes décentes façon caleçon béni et blindé, et moi, par désintérêt. J’ai eu un coup de folie : je suis entrée et j’ai acheté une parure : un string de dentelle blanche et le soutien-gorge transparent qui va avec. Je trouve que le blanc va bien à mon teint caramel.
Mais là, dans le bus, je me rends compte que je n’étais pas très cohérente, que je mettais la charrue avant les bœufs, en quelque sorte. J’aurais sans doute dû, d’abord m’occuper du dessus avant de vouloir jouer les séductrices en dessous. Et cela d’autant plus que je n’étais nullement assurée de pouvoir m’exhiber devant ma blonde Scandinave dans cette tenue minimaliste ! Je crois que ce sont la rêverie, le fantasme, le désir qui, dans ce cas, ont pris le pas sur la raison. Comme si en préméditant la scène érotique, j’allais lui donner une chance de se réaliser !
En confidence, ce matin, je la porte sous mon pantalon de fantassin en campagne, j’ai les fesses dégagées ! Mais l’étroite bande de tissu qui orne mon entrejambe, je la trouve gênante, elle se glisse un peu trop entre mes parties intimes… et je ne suis pas habituée !
Arrêt bus ! Stop ! Fort Knox ! Interphone !
Voix flûtée dans le petit rectangle chromé incisé de micro-persiennes sous l’œil luisant de la caméra de contrôle :
Elle doit bien le voir, non ? À moins que la caméra ne soit de l’espèce déformante qui me fait une tête de Golem…
Grésillement, crachotement dans l’hygiaphone et déclic sec de la serrure du portail. Les deux battants couinent sur leurs gonds et s’écartent comme par magie : même pas besoin de les pousser. Je m’avance sur l’allée rectiligne, au milieu des symboles christiques, vers le rectangle staliniste de la maison.
La porte d’entrée s’ouvre, sans les trois coups du brigadier, et la jeune première s’avance sur la scène du perron Vêtue de lin blanc et de probité candide. Quelle angélique apparition ! Allah-lluia ! Je processionne, en me retenant de me hâter, sur les marches qui me mènent vers l’être lumineux, et arrivée à sa hauteur, je pose délicatement mes lèvres sur les siennes, à la manière dont le pèlerin musulman embrasse la Pierre noire de la Kaaba…
Que c’est bon, la douceur sacrée de ses lèvres… !
Elle me sourit, radieuse. Ses jolies lèvres roses luisent de salive et de contentement. Elle ajoute en hochant une tête armée d’un rictus railleur vers moi :
Je vous l’avais dit ! Sa grimace en dit long sur son sentiment à l’égard de mon apparence.
Elle s’écarte cérémonieusement, sourire ironique plaqué sur les lèvres, pour me laisser passer et me fait même une petite révérence.
On avait décidé de bosser les matinées du samedi et du dimanche et de profiter de nos après-midi selon l’inspiration du moment… On s’y est mises. Le plus dur, en ce qui me concerne, c’est de mettre de côté les sournoises inspirations libidineuses que la proximité de Cassandre engendre dans mes cellules sexuelles, inspirations qui contrarient ma concentration sur les causes et les effets du pessimisme de Schopenhauer : un sujet qui a de quoi égayer ce début de week-end ! De temps en temps, il nous arrive de souffler, de nous rouler un bon vieux patin qui nous laisse pantelantes… deux ou trois fois par heure en moyenne. Et plus les minutes défilent orgueilleusement, c’est à dire, en prenant leur temps pour se donner de l’importance, plus les pulsions consécutives à ces échanges buccaux stimulent mes envies de viol. À l’approche de midi, j’ai l’impression d’avoir les entrailles retournées par le soc d’une charrue à douze socs ! Ça me donne des élancements dans le bas-ventre, genre quand t’as tes règles.
C’est herculéen, cette situation : travailler à côté d’elle, c’est comme mourir de soif sous le soleil du désert avec une oasis gonflée d’eau pure et glacée à portée de langue sans jamais pouvoir l’atteindre à cause des chaînes de forçat du travail qui me retiennent ! Ce qui me rassure, c’est qu’elle me semble dans le même état que moi, si j’en crois les coups d’œil équivoques qu’elle me décoche à la dérobée régulièrement.
Mais, on résiste. Il faut qu’elle l’obtienne ce bac ! Alors on ressasse dans la douleur. On répète. On s’interroge mutuellement. On travaille comme des demeurées.
À midi tapante, elle se lève – ça me rappelle un certain père d’une ponctualité angoissante ! – Elle porte une jolie robe blanche, saharienne – c’est peut-être ça qui m’a inspiré la comparaison oasienne ! – Le haut fait chemisier, boutonné, mais pas jusqu’au cou… de sorte que j’ai eu quelques aperçus de la blanche rondeur de ses seins lorsqu’elle se penchait sur les théories nihilistes. Ce n’est pas rien, pourtant, d’entrevoir dans l’échancrure entrouverte du tissu léger, ces deux dunes lisses séparées par une dépression profonde qui me donne le vertige.
C’est elle qui décide : elle est chez elle. Elle s’est écriée « Stop ! Faut qu’on graille ! » en se hâtant vers le frigo. J’ai tendance à croire qu’elle me fuit, qu’elle recule le queneausien Instant fatal. Les sandwiches étaient déjà prêts. Madame Mère s’en était occupée avant d’aller « pèleriner » vers les Pyrénées. Dès que je m’approche d’elle, la Scandinave me repousse. Ça m’énerve. Elle lève le doigt, façon institutrice sévère et l’agite de droite à gauche, en émettant un drôle de bruit entre ses dents, « Tsssst !…Tsssst !… Tsssst ! » Une émission sonore qui rappelle le bruit des cigales dans les garrigues. En guise d’explication, elle me dit : « Patience, chérie ! »… « Chérie ! »… quel joli mot dans sa bouche ! Il suffit pour me « désagacer » !
On s’est donc retrouvées attablées, face à face dans la cuisine en train de dévorer nos sandwiches salade, mayonnaise, œuf, tomates… et jambon ! Ben voyons : jambon ! Heureusement que je ne suis pas regardante, côté porc ! Est-ce de la provocation ou de l’inconscience de la part de Madame Mère ? Je ne sais pas pourquoi, je pencherais plutôt pour la première occurrence ! En plus, c’est le genre de sandwich qui humilie : tes dents se referment dessus et dès que tes mâchoires font pression, le contenu coincé entre les tranches de pain en profite pour joyeusement déborder : la mayonnaise dégouline, les tomates jutent et l’œuf s’émiette lamentablement… Tu t’en fous plein les doigts et ta bouche ressemble à la gueule baveuse d’un pitbull en colère…
Sauf quand tu t’appelles Cassandre ! Elle a un don ; une espèce d’autorité mystérieuse qui fait que tous les aliments entassés entre les tartines, restent soigneusement tapis au chaud dans la mie de pain. Pas un bout de tomate n’ose jeter un coup d’œil à l’extérieur ! L’œuf refuse d’éclore ! Même la mayonnaise s’est pétrifiée de peur. C’est la femme du blond de Gad Elmaleh, ma parole ! De surcroît, quand elle porte le verre de vin à ses lèvres, – car, oui, nous buvons du vin, nous nous encanaillons… c’est le moment, non ? – il y a quelque chose d’élégant, voire d’artistique dans son geste. On dirait la star d’une publicité destinée à recruter « THE » œnologue pour un château du Saint-Emilion ! Georges Clooney is not inside !… ou alors, qu’il sorte de ce corps ! Et vous m’avouerez qu’entre le Saint-Emilion et le Nescafé, il y a l’abîme de la misérable caféine confrontée au nectar de la plus haute tradition viticole hexagonale !
Pour finir de m’achever, elle n’émet pas de bruits incongrus quand elle avale, elle ! Moi, quand j’ingurgite, ça s’entend ! Je rougirais presque sous le regard désolé qu’elle arbore quand elle me voit saccager le soigneux travail maternel ! Je m’en mets partout ! Et le sandwich se décompose inexorablement malgré mes tentatives désespérées pour lui conserver un minimum de dignité gastronomique.
Je commence à désespérer. Vais-je arriver à mes fins ? Cassandre a réussi à prendre une distance avec moi qui m’inquiète. S’est-elle armée pour me résister de toutes ses forces ?
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Et puis, elle s’est penchée sur l’évier pour laver les verres. Et là, je n’ai pas pu m’en empêcher. Je l’ai ceinturée et je me suis calée de tout mon long contre son dos. Elle n’a pas sursauté. C’est comme si elle m’attendait. Elle s’est retournée brusquement pour me faire face. Sa bouche s’est écrasée contre la mienne, ses longs bras blancs m’ont emprisonnée dans leurs tentacules et son ventre s’est heurté au mien avec force.
Cette fois, nous avons chaviré. Frénétiques. Pas douces : emportées, fiévreuses.
Nous titubons dans la cuisine. Notre paire enlacée virevolte, divague sur le carrelage étincelant, erre autour de la table. Nous nous cognons contre les chaises. Nous vacillons contre les meubles. Nous ne contrôlons plus rien. C’est comme si nous étions enfermées ensemble dans le tambour d’une lessiveuse démente qui nous essore violemment l’une contre l’autre.
Ça ne peut pas continuer comme ça ! Il faut que nous nous purgions de ce trop-plein de désirs ou bien nous allons éclater comme des grenades dégoupillées. Sans nous consulter, nous escaladons l’escalier qui mène à sa chambre et nous nous affalons sur le lit.
Un peu de calme. Du silence, sauf le bruit essoufflé de nos respirations. Le fer de nos regards se croise. Sa chevelure s’est répandue sur le couvre-lit comme une auréole autour de son visage. On dirait le portrait de la madone d’une antique icône orientale. J’en ai presque mal de la voir si belle, si pure, si abandonnée.
Mais voilà que se pose, bien sûr, la question du comment. C’est notre première fois. Plus oies blanches que nous, y a pas ! Et encore, je ne suis pas certaine du tout qu’elle va accepter d’aller jusqu’au bout. Je ne sais pas ce qui se passe sous ce joli front : que veut-elle ? Qu’aime-t-elle ? Comment s’y prend-elle pour se donner du plaisir solitaire ? Douceur ? Légèreté ? Fermeté ? Un rien de violence ? Où sont ses points sensibles ?… « Eh bien ! me dis-je, au boulot, ma vieille, à toi de découvrir les clés des sésames ! »
Quand ma main effleure sa joue, elle ferme les yeux. Mes lèvres se posent sur ses lèvres, doucement, très doucement. Et comme en écho, elle murmure :
Mon cœur fait un bond dans ma poitrine.
Elle s’interrompt, rougit délicieusement, toute confuse. Je vous l’avais bien dit qu’elle y viendrait ! Qu’elle ne résisterait pas et qu’elle me raconterait ses songes érotiques.
Quelle drôle de crainte ! Elle a un corps de rêve ! Voyons, qu’est-ce que je pourrais ne pas aimer chez elle ?
On s’était mise à parler tout bas, inconsciemment, comme si on était espionnées. Je suis allongée tout contre elle, sa bouche est si proche de la mienne que je sens son souffle sur mes lèvres. Ma main vagabonde au hasard : elle explore machinalement presque, sa silhouette : son ventre, puis ses seins, puis ses jambes, son cou, ses jambes encore, ses seins… Mes doigts sont si légers qu’elle doit à peine les sentir. Elle se laisse faire. C’est miraculeux !
Elle sourit. Ses yeux s’ouvrent : bleu torride. Imaginez les dunes du Sahara peintes couleur azur ! Ses doigts modèlent mon visage avec une douceur angélique. J’en frissonne de plaisir. Quelle paix ! Le désir que j’ai d’elle irradie voluptueusement dans mon corps. C’est un désir serein, patient mais intense.
Elle hoche la tête. Ma main, mimant ses paroles, se glisse alors entre ses jambes. Elle a sursauté quand mes doigts sont entrés en contact avec son sexe protégé par le tissu de sa culotte. La chaleur moite de ses cuisses les emprisonne ; elles se contractent autour comme pour les empêcher de se mouvoir. Et une main chagrine me saisit au poignet.
Sa bouche s’est encore approchée de la mienne pour me murmurer dans la chaleur de son souffle ces mots sages. Le bleu banquise, presque transparent de son regard, envahit mon champ de vision. Le bleu Essaouirien cerné de blanc pur, celui d’une Mogador qu’on aurait déportée en Arctique !
Je ne sais pas si j’entends ses paroles, ou si elles sont portées dans ma bouche par le souffle de ses lèvres ! Mes doigts se retirent pour se porter à hauteur de la boucle de sa ceinture que j’entreprends de défaire. Mais la même main chagrine vient m’en empêcher.
Faut savoir ce qu’elle veut, à la fin ! Les négations, il y en a marre !
Je n’en peux plus… Finalement, j’ai moins de patience que je ne le pensais ! Tant pis pour elle. Je vais cesser de taquiner la gisante et lui donner ce qu’elle demande. Si elle ne veut pas que je la désape, moi, je vais me déshabiller. Je sais que je joue contre moi, là, mais c’est plus fort que moi ! Elle écarquille les yeux quand elle me voit retirer mon t-shirt. Je ne fais pas de manière, genre strip-tease langoureux et sensuel, je bascule en arrière, m’envoyant les pattes en l’air pour ôter mon kaki Herta ! Elle s’est redressée d’un coup dans le lit, incrédule :
Je balance mes fringues sur le parquet. Elle fronce les sourcils…
Quoi !… Je suis en train de m’exhiber devant elle pour stimuler ses appétits sexuels et elle me parle de rangement ! Comme elle voit que je suis interloquée, elle m’explique qu’elle a horreur du désordre. Dépressive, bipolaire, schizo… et maniaque ! Là, c’est le pompon : j’ai touché le jackpot !
Je tique sur l’expression « être ordonnée ». Si elle s’imagine qu’elle va me mener par le bout du nez et faire de moi une ménagère accomplie, c’qu’elle se goure, la fillette ! Ou alors, elle joue avec moi… c’était peut-être pour voir mon petit cul se dandiner devant elle ? Je ramasse pantalon et t-shirt :
Je me retourne. Ses yeux sont deux pépites de malice… ma merveille…. Son regard m’ausculte, elle est en train de m’évaluer. C’est vrai que je suis presque à poil ! Je l’avais presque oublié. Je sais qu’avec un soutien-gorge aussi transparent, elle aperçoit le bout de mes seins ! Et que la mince bande de dentelle du string, ne cache pas grand-chose de mon entrecuisse : elle devine sans doute les deux collines dodues de mon sexe entre lesquelles le tissu s’enfonce obscènement. Qu’est-ce qui m’a pris d’aller acheter ces dessous ? Pourtant, ça me fait un drôle d’effet, très piquant, d’être si vulnérable, ainsi offerte à son inspection.
À mon tour de l’interloquer ! Elle ouvre une bouche indignée pour riposter. Je ne lui en laisse pas le temps : je me jette sur le lit dont le sommier proteste sous la forme d’un Dzoiiinnnggg…ing…ing ! inquiétant.
Je m’étire confortablement sur la courtepointe, je prends mes aises, bien calée contre l’oreiller et très ostensiblement, je glisse ma main en direction de mon ventre. Cassandre se penche brusquement au-dessus de moi. Son visage me surplombe. Ses yeux sont écarquillés comme deux soucoupes d’azur effarées :
Finalement, elle prend le parti d’en rire, me dépêche un bisou rapide sur les lèvres et conclut :
Elle s’allonge de tout son long contre mon flanc. Et son bras vient m’enserrer la taille. Sa jambe dénudée se replie sur moi à hauteur du ventre ; ce simple contact me fait l’effet d’une brûlure. Son nez s’est niché dans mon cou. Une poignée de ses cheveux fous me barre le visage. Quelques mèches blondes se sont même égarées entre mes lèvres que je n’ai pas eu le temps de refermer.
Je la tiens prisonnière contre moi. Sa main s’est mise à vagabonder rêveusement sur mon corps. Ça s’est fait imperceptiblement. Son index a suivi la ligne de mon cou, escaladé ma pomme d’Adam, poursuivi son chemin entre mes seins. Elle est arrivée jusqu’à mon nombril, mais là, son genou qui barre mon ventre l’a empêchée d’aller plus bas. Elle est remontée par mes flancs. Et, très timidement, son index et son majeur ont gravi, façon alpiniste, la modeste rondeur de mon sein jusqu’à son sommet. Le mamelon ému pointe dru à travers le tissu diaphane du soutien-gorge. J’ai soupiré de plaisir.
Elle empaume la rondeur du sein, ses doigts se referment dessus, le palpent, en apprécient la fermeté. On dirait qu’elle est un chaton qui joue avec une pelote de laine. Mais quand elle pince le mamelon entre le pouce et l’index, je reçois une décharge qui me fait sursauter.
Elle enfouit sa tête dans mon cou et s’excuse :
Je n’ose pas aller au bout de ma question.
Ses hésitations, sa prudence, son air contrit, tout me ramène, soudain, à l’évidence. Quelle conne, je fais ! Cassandre et son mal-être, son dilemme, ses scrupules, son innocence… Comment ai-je oublié qu’elle devait ô combien ! prendre sur elle pour accepter le fait que nous couchions ensemble ? Elle a raison !
En même temps, je suis aussi novice qu’elle ! Je ne sais pas trop par quel bout prendre le problème ! En fait, on a l’air de deux cruches !
Alors, je l’ai serrée contre moi et mes mains ont entamé une prudente croisade sur la rotondité, non de la terre, mais de ses fesses ! Je sais que c’est risqué… J’ai peur d’un soulèvement, d’une émeute protestataire.
Mais non ! Je n’ai droit qu’à une sorte de soupir satisfait. Comme si elle n’attendait que cela. Et, comme tout conquérant qui se respecte, je plante le drapeau de mes doigts sur cette terre toute neuve, encore enveloppée sous le tissu de sa robe. Par Allah ! C’est inouï de pétrir cette contrée vierge, tendre, sauvage. Ne rue pas, jolie croupe ! Laisse-toi caresser ! Que tu es ferme ! Et si joliment rebondie !
Je la bascule sur le dos. Ma jambe se coince entre ses cuisses. Elle s’abandonne sans protester. Je l’écrase sous mon poids. Et elle, me picore le visage à coups de baisers, tantôt légers, tantôt gloutons. On dirait une abeille ouvrière excitée par un parfum de pollen. Elle butine mes lèvres, aspire ma langue, emmielle mon menton de sa salive. Et son ventre, se frotte allègrement contre ma cuisse… Elle respire plus vite, c’est bon signe. Ses bras encerclent mon cou et me plaquent contre elle. Je peux à peine me mouvoir !
Ça m’aide vachement ! L’azur brouillé de ses yeux, sa bouche entrouverte, ses lèvres rougies par les baisers… son visage est l’effigie du désir. Son ventre remue avec entrain contre moi, elle n’est qu’appel !
Je n’ai pas eu trop de mal à la débarrasser de sa robe. Elle tremble, pourtant. Mais cette fois, il me semble que toutes ses défenses ont cédé. Elle est abandonnée, bras ballants, immobiles de chaque côté de son corps. Celui-ci éclate dans sa blancheur laiteuse… son ventre étale est pareil à une plage de sable immaculé. L’estuaire profond où se tient le sexe couvert sous la sage culotte blanche se prolonge du double fleuve des jambes interminables sculptées dans l’ivoire. La rondeur de sa poitrine pâle gonfle généreusement le soutien-gorge blanc. J’ai sous les yeux, l’éloge de la blancheur pure. Je me suis prosternée pour baiser ce ventre lisse et chaud tandis que mes doigts glissent vers sa chatte offerte. Elle ronronne – Cassandre, pas la chatte, voyons ! – Mes lèvres remontent, parcourent la tendre courbe de sa poitrine. Elle soupire, et me dit « Plus fort ! ». J’obéis. Je tire sur le soutien-gorge pour révéler une aréole d’un rose pâle, bombée, un peu semblable à l’arrondi d’une coquille d’œuf. Au sommet, le mamelon est dressé, une petite tour ridée rouge tendre. Je la happe. Comme moi, Cassandre sursaute. Je l’aspire, je la tète, je la lèche. « C’est bon, Axel, si tu savais comme c’est bon ! ». Ça veut dire qu’on est vraiment en bonne voie…
Le fameux continent du plaisir, cette fois, on l’explore pour de bon. Lentement, certes, maladroitement, sans doute, mais c’est si exaltant. Chaque petit pas accompli sur ce territoire inconnu, est une grande conquête pour notre humanité !
Ses cuisses se sont gentiment écartées quand ma main s’est posée sur le promontoire du mont de Vénus. Elle a soupiré quand j’ai empaumé son sexe. Le coton de sa culotte est imbibé de désir. Je sens la moiteur sous mes doigts, une chaleur humide, poisseuse. Je la caresse comme j’ai l’habitude de le faire sur mon propre sexe : je roule mon index avec une douce vigueur sur le clitoris.
J’ai compris, ça va ! Inutile de multiplier les requêtes, je n’ai pas encore le don d’ubiquité ! Malgré tout, je m’exécute, oublieuse de mes propres désirs. Les élancements qui déchirent mon ventre, la dureté de mes seins douloureux d’appels ignorés, tout m’est égal si je peux lui donner le plaisir qui fait crier. Je me faufile sous l’élastique de la culotte. À l’aveugle, mes doigts traversent un herbage épais, une toison sauvage, presque incongrue et parviennent enfin à l’acmé (!) de toutes mes tentations. Sous mes doigts se dessine le relief intime, si nu, si extravagant des lèvres de son sexe. Qu’est-ce que ce labyrinthe de chair débordante ? Superfétatoire ! Surnuméraire ! C’est tellement inattendu ! Je croyais trouver les bords lisses et humides d’une fente béante… mais c’est une excroissance moelleuse de chair en désordre, une exubérance dermique, que j’explore à l’aveugle. Je veux en avoir le cœur net !
Je me redresse et m’agenouille à son flanc, saisis les rebords de sa culotte et tire vivement dessus pour faire glisser cet ultime rempart de sa pudeur sur ses cuisses en pagaille. Elle n’a pas eu le temps de résister ni de protester. Mais instinctivement, elle s’est refermée et sa main est venue se placer sur son bas-ventre pour me dissimuler son sexe. J’ai juste entrevu une dense broussaille de poils blonds ébouriffés qui ont colonisé une large bande de peau autour du mont de Vénus. Elle tond peut-être la pelouse paternelle (là, je vais un peu loin !) mais elle a négligé la sienne depuis un sacré bout de temps !
Et très curieusement, elle place son bras libre sur son visage, comme si elle voulait ainsi masquer sa honte, ou m’empêcher de la lire dans ses yeux. Comme si la pudeur concernait aussi son regard.
Voir quoi ? Le ça freudien – que nous avons aussi travaillé en philo – ou le ça de son minou ? En tout cas, ça me scotche, sa réaction. Je me méfiais de ses préventions morales mais sûrement pas de ses réticences à me montrer son corps. Vous ai-je assez dit qu’il était « canon » ? Je décide donc, comme elle, de faire la cigale :
Je lui fais voix de velours, genre compatissante, parce que je perçois sa panique. Il ne s’agit pas de la braquer ! Mais je suis intriguée… Ma main s’est saisie de son poignet et j’ai tiré pour tenter d’ôter ses doigts de la zone protégée. Elle résiste, me supplie. J’insiste. Finalement, elle cède.
Quelle réaction !… Mais aussi, quel spectacle ! J’ai forcé un peu pour qu’elle descelle ses cuisses et là, j’ai découvert un drôle de paysage. Son sexe est étrangement meublé : le renflement des grandes lèvres roses est ébranlé par le soulèvement d’une dorsale qui surgit de la fente de la vulve en un chaos de chair invraisemblable. On dirait que des caroncules de dindon lui ont été greffées en guise de petites lèvres ! Je sais que l’image n’est pas très élégante… mais c’est presque la seule qui me soit venue à l’esprit pour tenter de décrire ce que j’ai sous les yeux ! J’ai songé aussi, mais ce n’est guère plus élégant, aux replis de peau anarchiques d’un shar-peï dont elle aurait entamé l’accouchement !
Voilà donc le défaut rédhibitoire qui hantait ma tendre Scandinave par ailleurs si parfaite : des nymphes hypertrophiées. Si j’ajoute à mon observation muette, l’adjectif « gluant » pour caractériser l’état de l’ensemble, cela donnera, je crois, une idée assez précise de ce que je venais de découvrir dans l’entrecuisse secret de ma dulcinée.
Je comprends ses réticences, désormais. Mais en même temps, je m’en émeus. Mieux, cette vision me bouleverse. L’objet du complexe de Cassandre me touche et m’excite à la fois. Ma main s’est déjà posée dessus, le recouvre et le couve pour le protéger de tous les outrages et de tous les dégoûts.
Je cherche mes mots, mais elle me coupe :
Et pour lui prouver que c’est la vérité, je me penche sur elle, je l’embrasse, je repousse du museau son bras pour baiser ses lèvres. Elle se laisse faire sans rien dire. Elle boude, peut-être ? Tant pis, mes doigts lissent les lieux de la controverse, en apaisent les tourments d’effleurements doux, défolient les pétales exubérants de ces nymphes prodigues qui s’écartent gentiment pour découvrir le cœur de son sexe. Les muqueuses, ainsi crûment mises à nu, d’un rouge sanguin brillent sous une laitance huileuse : serait-ce l’effet de son excitation ? Je déniche de l’index le clitoris encapuchonné sous son rose bonnet plissé. Il arbore des reflets nacrés pareils aux éclats d’une coquille d’huître.
C’est vrai que ce sexe tient de l’huître, une huître à la chair onctueuse, frangée de dentelle sombre et noyée dans une flaque de jus saumâtre.
Saumâtre ? Je suppute… je n’y ai pas encore goûté ! Mes caresses prudentes mais précises, ont fait sursauter Cassandre. Quand je touche son clitoris, c’est toute sa chair qui frissonne. Elle se tortille en ronchonnant, comme si ça la dérangeait ! Son bras la protège encore de mon regard qu’elle ne veut pas affronter. Elle ne parle plus. Elle se laisse faire comme une victime abandonnée aux mains de son bourreau. Mais je sens bien qu’elle apprécie, même si elle ne veut pas le reconnaître.
Je la caresse franchement maintenant. Ma bouche navigue d’un sein à l’autre. Ils sont devenus durs. Ma langue lange amoureusement leurs mamelons dressés, devenus rouges. Inlassablement, je sillonne la rondeur épanouie de sa poitrine que la salive fait luire : on dirait une paire de méduses d’albâtre. Entre ses cuisses, mes doigts sont enlisés dans le marécage herbu de sa chatte, ils fouillent la glaise gluante de son intimité devenue très très accueillante… Ses jambes se sont franchement ouvertes, elles n’offrent plus aucun obstacle à mon exploration.
Elle respire plus vite ; son bassin ondule, comme s’il cherchait un contact plus intense. Son sexe se frotte langoureusement contre ma main ; de temps à autres, quand mon index glisse fermement sur son clitoris, elle émet un petit couinement de souris étouffé sous son bras protecteur. Bras qu’elle finit enfin par retirer pour me chuchoter :
Sa voix est rauque, étrangère presque. Le plaisir qu’elle semble prendre à mes caresses me remue les entrailles, je lève la tête pour voir son visage. Jeté en arrière, presque enseveli sous son anarchique chevelure d’or, il offre à mes regards ses joues cramoisies, fiévreuses, et ses yeux clos. On dirait presque qu’elle souffre. Entre ses lèvres mouillées tantôt entrouvertes, tantôt pincées, son souffle s’exhale à coups de petits halètements enroués. Elle garde les yeux fermés, comme si elle voulait garder pour elle, toutes les émotions qui la traversent.
Mais dans le désordre de ses sens, elle a quand même une pensée pour moi ! À l’aveugle, elle cherche mon entre-jambe. Ses doigts chauds glissent sur ma cuisse, viennent tâtonner sur mon string humide et s’insinuent sous la dentelle. Je me mets à onduler des hanches à mon tour, je veux éprouver un contact plus étroit avec sa main. Je me masturbe, littéralement en me frottant contre elle. C’est à mon tour de gémir. Une décharge électrique traverse mon ventre quand son ongle griffe à nu mon bouton érigé. Je pousse un cri. Elle marmonne une vague excuse, ajuste la position de son doigt et se met en devoir de me caresser plus délicatement. Je voudrais pourtant plus de vigueur, je voudrais qu’elle croche dans ma chatte, je voudrais qu’elle malmène ma chair, mais elle se contente de synchroniser ses caresses sur les miennes qui roulent en douceur sur son clitoris.
Toujours pudique de la langue, Cassandre : les mots crus ne lui viennent pas facilement.
C’est l’effet miroir. Je regarde mon index s’enfouir entre ses « petites lèvres ». C’est comme un manchon de chair, une étole de velours qui le gante, quand les grandes ailes obscènes des nymphes se referment sur lui. Et dans le même temps, ma chatte reçoit l’hommage de son index qui s’enfonce voluptueusement en moi. Je m’empale avec délice sur son doigt, je rue vigoureusement du bassin. De vertigineuses sensations bouleversent mon sexe, pour la première fois profané par une autre main que la mienne ! Une autre main, mais c’est celle de Cassandre. Le désir si longtemps tenu en laisse se libère et j’ai le sentiment d’être pleinement, absolument comblée. Et je crois aussi que nos caresses maladroites, nos mouvements empressés, notre hâte – non de jouir… (quoique !) – mais de donner une réalité tangible à notre union, consiste uniquement en l’assouvissement et l’apaisement de ce désir. Qu’importe si nous n’atteignons pas l’extase ! Nous nous défrichons et nous nous déchiffrons ! Répétez-le dix fois très vite, et vous m’en direz des nouvelles !
Soyons honnêtes : le plaisir que nous prenons est intense mais imparfait. Seule, je suis capable en me masturbant, de mieux me faire monter au septième ciel ! Il y a dans nos caresses des imprécisions, des excès dans la volonté de satisfaire l’autre, des élans incontrôlés de passion qui sont sources de malentendus : la jouissance montante se voit contrariée par la griffure involontaire d’un doigt trop entreprenant, par le zèle exagéré d’une caresse qui irrite le clitoris, par l’oubli des régions de notre corps qui n’attendent qu’un peu d’attention… Bref, par l’inexpérience !
Et pourtant, si le plaisir physique est imparfait, le cœur s’enivre, s’extasie… et qu’il se leurre peut-être n’a guère d’importance. Cassandre se tord, soulève brutalement ses fesses, lance furieusement son ventre contre ma main, râle entre ses dents, se met en apnée, retombe tout aussi brusquement. Elle proteste puis s’encourage. La sage, la pudique Scandinave se mue en barbare délirante qui n’en croit pas ses seins. Et moi, en même temps, je m’immole sur son doigt qui, désormais, me fouille presque férocement.
Elle rugit la première, lance une sorte de feulement primal. Son cri me transperce. Je la suis.
Cela suffit à me faire jouir. Dans ma vulve, son doigt ravageur s’agite et me dépêche de violentes ondes de volupté. Corps et esprit s’éparpillent dans un ouragan de jouissance qui nous ébranle des orteils aux cheveux. Nous reprenons notre souffle, serrées l’une contre l’autre, échangeons de longs baisers humides et quelques sourires idiots. Nos doigts se tressent, s’étreignent, se caressent. Nos yeux se mirent dans le regard de l’autre, niaisement attendris. Nous ne sommes plus bientôt que deux épaves échouées dans les draps du lit, emmêlées l’une à l’autre comme des cadavres dans une fosse commune.
L’une d’elle, se met à sangloter soudain. On pouvait s’y attendre ! C’est le choc post-opératoire ? Une sorte de mélange paradoxal : plaisir, remords, soulagement, horreur, bonheur, malheur… la salsa des démons ? Ironiquement je songe qu’elle va devoir en aligner des chapelets de prières pour retrouver la grâce divine !
Hou-la-la ! Stop ! Si je la laisse ruminer, elle va me faire une dépression. Je n’ai pas envie de passer le reste du week-end sous les strato-cumulo-nimbus de ses lamentations ou de ses crises de colère. J’ai déjà donné !
Attrape ça ma vieille ! Au moins, j’ai réussi à détourner – provisoirement ? – son attention de la dangereuse introspection à laquelle elle s’apprêtait à se livrer. Je lui explique :
Elle hoche la tête, renifle élégamment, s’essuie les yeux :
Si elle est capable de parler littérature à ce moment précis, c’est que la crise redoutée s’éloigne !
Elle rit doucement. On s’est mises en position sur le côté, face à face, tête sur le coude replié. Nos genoux se saluent. J’ai encore du mal à réaliser qu’elle est nue devant moi. Si j’avais seulement pu imaginer pareil miracle quinze jours plus tôt, y aurais-je seulement cru ? Pourtant c’est bien la réalité tangible. J’ai, sous les yeux, le spectacle émoustillant de ses seins laiteux légèrement affaissés vers le lit. Le mamelon est encore un peu rouge de tous les suçons qu’il a reçus. Sa culotte est restée accrochée à sa cheville. Moi je porte encore soutien-gorge et string (bien trempé !).
J’ai encore terriblement envie de l’embrasser, de profiter à m’en rassasier de cette parenthèse enchantée. Ne pas penser à l’après… surtout pas ! Carpe diem !
Je préfère ne pas relever.
Je me tais. Même si j’ai envie de la secouer un peu. J’ai peur qu’elle ne se laisse aller à la déprime. L’étreindre doucement, voilà ce que je voudrais faire à ce moment précis. Mais je sens que je dois l’écouter jusqu’au bout.
Oups ! Comment ça démonte quand on te renvoie tes propres « fantasmes », en pleine figure !
En même temps, elle est prête à me transformer en Barbie orientale ou indienne pour que je sois « séduisante » selon les canons de la beauté féminine moderne ! Imaginez la beauté scandinave versus la beauté du sud ! Et puis, je me dis aussi qu’en France, c’est plus facile d’être Cassandre que d’être n’importe quelle Lili arrivant d’Afrique !
Décidément, ce n’est pas facile d’être sincère avec soi-même quand il s’agit d’amour et de sexe ! Plein de choses inattendues défilent dans ma tête. Des choses pas forcément agréables en ce qui me concerne. Elle a raison. Si je l’aime seulement pour son cul et ses yeux bleus, on n’ira pas loin. Alors ?
Il y a un moment de silence. On s’observe, on s’épie. Pas comme des ennemies, mais quand même… Elle a ce regard sérieux qui me laisse à penser qu’elle attend quelque chose de moi. Et pour le coup, c’est elle qui me surprend. Elle allonge ses jambes et vient se nicher contre moi.
Était-ce de « l’envie » ou du « rafraîchissement » dont elle parlait ? Je n’en sais rien. On s’est levées de conserve. Dans la salle de bain où j’ai laissé tomber mes derniers remparts de pudeur, on s’examine, côte à côte, dans le miroir. C’est drôle, parce que j’imagine mal un mec accompagnant sa meuf jusque dans les retranchements ultimes de sa coquetterie intime. Là, elle est nue, je suis nue. Sans gêne. Elle m’a donné un gant de toilette et une serviette. Nous avons procédé aux méticuleuses ablutions féminines ensemble, naturellement, sans gêne. Entre ses cuisses, l’abricot joliment renflé se fend de sa drôle de crête pendante. Sous la friction vigoureuse du gant de toilette, il a pris une teinte cramoisie. Je me sens remuée par ce spectacle impudique.
La vache ! Elle ne va pas me maquignonner quand même ? C’est vrai qu’en comparant les deux paires alignées dans la glace qui renvoie leur image, les miens ressemblent, question taille, à des oranges modestes quand les siens ont l’air de deux pamplemousses bien mûrs qui pointent allègrement à la façon des poires. Je me morigène de fixer mon attention sur leur rondeur appétissante. Mais ma chérie n’a pas ce genre de scrupule : son regard caresse mon ventre.
Elle hausse les épaules et fronce les sourcils.
Pourquoi ?… Pourquoi elle m’agace, soudain ? J’aperçois sous ses bras un nid douillet de poils blonds : elle pourrait couver des œufs, bien au chaud, dans le creux de ses aisselles, comme le pauvre Toine de Maupassant ! Et je jette aussi un œil sur son mont de Vénus qui déborde d’une exubérance pileuse capable d’intéresser le plus placide des perruquiers.
Elle ne s’offusque même pas de ma remarque. Elle penche un peu la tête de côté et sourit. Comme si elle se fichait de moi. La Cassandre nouvelle est arrivée, un peu acide à mon goût ! Elle se permet même de glisser ses mains sous ses seins et de les soulever comme si elle en faisait l’offrande au miroir. Je vois bien qu’elle en est fière – malgré ses préventions contre les regards lubriques qu’ils suscitent ! – J’éprouve de drôles d’élancements à la voir les manipuler comme ça. Il faut dire que ce n’est pas rien une poitrine pareille. Elle ne s’écroule pas, genre flan mal cuit. Elle se tient bien droite, orgueilleuse. Des seins à la rondeur pleine !. C’est le qualificatif habituel pour désigner celles qui ont de beaux seins. Pas comme les miens qui sont seulement mignons !. Ça veut dire aussi qu’il y en a qui sont vides puisqu’il y en a des pleins. Il y en a même des déliés… peut-être pour les calligraphes du nichon ?
Eh bien Cassandre a des seins pleins et déliés ! Voilà tout ! Deux colombes orgueilleuses avec au centre deux jolis crânes d’œufs d’un rose redevenu tendre. Leur aréole enflée bombine alors que le bec menu de leur mamelon pointe comme une invitation à venir les déguster…
C’est à ce moment-là que je lui ai proposé de la masser façon berbère !
Elle me précède. J’ai le magnifique spectacle de son dos nu devant moi. Ses courbes me font penser à celles d’une guitare. Ma voluptueuse Cassandre au corps musical !
Bien entendu, il ne s’agit pas d’un véritable massage à la manière berbère. Je n’en ai profité que comme sujet deux ou trois fois lorsque je suis allée tourister du côté d’Essaouira et je ne l’ai jamais pratiqué moi-même ! Mais j’ai ramené de ces voyages, de l’huile d’argan pure, achetée dans une petite coopérative uniquement – ou presque – composée de femmes à Takoutch… un hameau perdu au milieu de nulle part dans des collines plantée d’arganiers dans lesquels grimpent les chèvres pour touristes ! Je voulais faire cadeau d’un flacon à Cassandre. Mais autant l’étrenner directement sur elle !
Beau prétexte, en réalité, pour explorer l’anatomie de ma Scandinave de fond en comble. Quelle diablotine, je fais !
Je suis assise sur ses cuisses. Allongée nue à plat ventre sur une grande serviette qui protège le drap, Cassandre miaule de bien-être. Quand l’huile a coulé sur son dos, elle a sursauté : « C’est froid ! » Normalement j’aurais dû la tiédir un peu avant de la répandre sur sa peau. De toute façon, maintenant, c’est chaud. Le massage brûle le corps et l’esprit… Depuis un bon quart d’heure, je dessine sa silhouette sous mes paumes. J’ai commencé par les pieds : ça n’a pas été facile vu ses éclats de rire et ses mouvements de fuite, elle gigotait comme une gamine capricieuse. Ce qu’elle est chatouilleuse ! Mais j’ai insisté en massant fermement la plante avec mes pouces. Je lui ai fait la totale : même ses orteils ont été l’un après l’autre soigneusement pétris. De jolis orteils au demeurant, bien alignés en biseau, comme de micro-saucisses articulées. Chez moi, c’est un peu différent : j’ai le pied grec, avec le second orteil plus long que le gros.
Si elle m’en laisse l’opportunité, je crois que je prendrais beaucoup de plaisir à masser les siens, l’un après l’autre, très longuement, avec ma bouche ! C’est dire combien je les ai trouvés appétissants.
Après, j’ai remonté le fleuve nu de ses jambes, comme j’en avais si souvent rêvé. Pendant que ses géniteurs « pèlerinaient » vers la grotte de la Vierge, à Lourdes, mes doigts « pèlerinaient » sur le doux chemin qui mène à sa grotte intime – de vierge aussi, cela va de soi ! – Cette pensée blasphématoire m’a fait sourire intérieurement… J’ai procédé très rituellement : effleurage, pétrissage, pression glissée, palper rouler… tout au long du fuselage des mollets et des cuisses joliment musclés en ne négligeant aucune parcelle de sa peau. Elle soupire de satisfaction, s’agite de temps à autre comme si elle éprouvait une démangeaison, radote des chapelets de « Hmmm ! c’est si bon… continue… oh ! Comme ça fait du bien… ne t’arrête pas… tu masses si bien… c’est divin… »
Je ne vais pas jusqu’à la percussion – d’ailleurs, je ne connais pas la technique ! – parce qu’elle pourrait croire que j’ai des tendances sado-maso…
Je sais que j’ai tort de lui dire ça après le sermon qu’elle m’a fait à propos de ses réserves sur les compliments qui concernent son corps. D’ailleurs, elle me rétorque :
La chameau ! Je me vois bien en nounou noire, avec de gigantesques seins et un rire gargantuesque, esclave d’une ravissante petite blanche nommée Cassandre O’Hara, en Géorgie au temps de la ségrégation :
Elle rit dans ses cheveux qui lui couvrent le visage. Je progresse : au sommet des deux colonnes des cuisses, mes mains frôlent le chapiteau des fesses, deux majestueuses collines de marbre blanc que sépare une profonde dépression où niche la fleur que je convoite. Est-ce que Balzac avait des idées coquines lorsqu’il a intitulé son roman Le Lys dans la vallée ?
Je ne veux pas m’y arrêter encore, je préfère garder les lieux pour la bonne bouche, si j’ose dire ! Je me contente de lisser les flancs arrondis, palper et détendre les nœuds contractés de ses reins, remonter avec douceur vertèbre après vertèbre, jusqu’à la nuque noyée sous le firmament d’or de sa chevelure. Masser tendrement les muscles des omoplates, du cou, des épaules, descendre sur les bras jusqu’aux mains, en effleurer la paume puis la pétrir lentement, avant de m’occuper délicatement de chaque doigt… L’huile répandue sur sa peau donne à son corps l’apparence d’une statue d’ivoire phosphorescente.
N’allez pas croire que ma présente activité, accomplie avec le sérieux et la technicité indispensables, me laisse froide et indifférente. Bien au contraire : les signaux lumineux du désir se sont allumés les uns après les autres en moi. Je suis comme une centrale électrique chargée à bloc, sur le point d’alimenter en énergie la totalité de la maison ! C’est un peu comme si j’avais dix clitoris au bout des doigts. Le simple contact avec sa peau fait clignoter toutes les diodes du plaisir dans ma chair. Assise comme je suis, j’ai la vulve écrasée sur sa cuisse et les mouvements du massage agitent mon bassin de sorte que, littéralement, je me frotte la chatte contre sa peau de velours. Autant dire que je me masturbe sans les mains !
Ça fait un mouvement de ressac dans mes entrailles : ça écume. Des vagues de chaleur montent en moi pareilles à une marée entêtée, lente mais irrésistible. Pour aggraver mon cas, je m’en suis pris à la partie la plus charnue de son corps. Un filet d’huile sur chaque globe joufflu et je me suis mise en devoir de pétrir leur pâte tendre et musculeuse. D’autant plus musculeuse qu’elle se cabre, se contracte, résiste :
Toujours cette pudeur maladive. Déjà, avec le langage elle a du mal, alors c’est encore pire quand il s’agit de révéler les recoins cachés de son corps.
Elle hésite, je le sens, entre rire et indignation. Pourtant, elle ne fait rien pour m’empêcher de poursuivre mon pétrissage en règle. Mieux : peu à peu, elle se décontracte, se laisse de plus en plus aller. Elle s’alanguit, soupire même de satisfaction. Désormais, ses deux collines s’écartent généreusement sous l’action de mes doigts et révèlent la confortable profondeur de son sillon où niche l’objet de notre débat. Pas de quoi en faire un plat ! Une incision bien nette, d’un rose tendre, une étoile plissée comme une jupe retournée, ornée d’un petit grain de beauté, une mini lentille de chair blanche qui se tient en sentinelle juste au bord de l’orifice. Et pour couronner le tout, quelques poils folâtres d’un blond presque transparent semés par une bonne fée afin de rendre l’ensemble mignonnet.
J’ai la voix rauque quand je lui dis mon amour. Elle ne proteste plus. Peut-être que mon intonation émue l’a rendue muette. Elle ondule même de la croupe, comme si elle voulait se débarrasser d’une démangeaison gênante. Je me plaque contre elle, l’agrippe aux épaules, fourrage dans ses cheveux fous pour atteindre sa bouche. C’est elle qui happe la mienne. Ses dents mordillent ma lèvre, puis elle aspire ma langue, la suce comme si c’était un sucre d’orge. Ça produit un drôle de bruit mouillé qui m’excite terriblement !
Ma poitrine glisse sur son dos rendu onctueux par l’huile de massage. La pointe érigée des mamelons en est dure, pareille à un stylet qui court sur un parchemin soyeux. Quel bonheur intense d’écraser mes seins contre elle ! Désormais, ils remplacent mes doigts. Ils la massent et se massent dans le même temps. D’indescriptibles ondes de plaisir les traversent tandis qu’ils se frottent langoureusement contre le velouté de sa peau.
En bas, mon ventre épouse étroitement le relief vallonné de ses fesses qui montent et qui descendent. J’ai le mont de Vénus cavalier, il épouse leurs mouvements sensuels et mon clitoris se sent tout ému de cette lente chevauchée… C’est délicieux. Je me frictionne lascivement contre leur tendre rondeur. Mon souffle de plus en plus haletant, porte à sa bouche, des soupirs de plaisir. Je sens ma vulve qui baille, le suint de mon plaisir qui s’épanche et doit souiller sa peau.
Je n’en peux plus de la désirer, de sentir les prémices de l’orgasme investir inéluctablement ma chair. Pourtant, je veux repousser la jouissance. La tenir en laisse. Pas encore, pas tout de suite ! Je veux prolonger à l’infini ce moment de grâce. Je me sépare d’elle et m’agenouille à son flanc. Mon regard caresse ses courbes épanouies, surtout celles de ses fesses. Pourquoi Allah a-t-il eu l’idée saugrenue de mouler de la sorte le postérieur féminin ? De nous coller ces deux hémisphères charnus au bas du dos ? Et de dissimuler entre eux le double trésor de nos désirs ? Contempler cette croupe si parfaite me fait monter l’eau à la bouche… j’y mordrais avec bonheur !
Mais Cassandre ne sait rien de mes réflexions callipyges. Elle s’en fout ! Ses reins continuent à rouler, toutefois le mouvement en est plus ample maintenant qu’elle est libérée de mon poids. Et sa main peut se faufiler subrepticement sous son ventre pour aider à la quête du plaisir. Ses jambes se séparent, s’ouvrent comme un sésame. Son sexe apparaît dans l’entrecuisse. Sous mes yeux, les grandes lèvres tuméfiées, s’écartent comme un calice sur la corolle des petites lèvres en pleine floraison tropicale. Elles expriment toute leur exubérance étrange, terriblement humide. Les doigts de Cassandre viennent y trouver refuge, s’enfoncent dans les profondeurs de la fleur, font de rapides va-et-vient avant de se retirer pour affronter le clitoris. La voir se caresser ainsi, découvrir la manière dont elle se masturbe sans doute lorsqu’elle est seule, observer l’harmonieux ballet de ses doigts sur son sexe, tout cela me bouleverse. C’est comme si je lorgnais par la fenêtre une scène interdite : j’ai l’impression d’être une voyeuse indiscrète.
Ma main à son tour, s’insinue entre les cuisses de la belle, glissent sur les nymphes épanouies, rejoignent ses doigts. Je les caresse tandis qu’ils tournent comme des derviches fous : on dirait qu’elle veut dépulper son clitoris. Mon index remonte, s’incruste sans peine dans sa vulve enchifrenée et s’enfonce en elle : c’est comme si je l’enfouissais dans un pot de gelée chaude. Mon pouce repose, inerte, sur son anus. Je l’amarrerais bien là, il suffirait que je force un peu, juste un peu… Mais non, je me contente d’appuyer doucement pour qu’elle perçoive bien ma présence sur ce lieu trop intime.
Elle a poussé un cri de surprise et sursauté quand elle a senti le double mouvement, celui de mon index la pénétrant et celui de mon pouce se postant sur son œillet. Ses cuisses se sont refermées dans un geste réflexe comme la moule lorsqu’on glisse la lame du couteau entre ses valves entrebâillées pour vérifier sa fraîcheur ! Ma main est emprisonnée bien au chaud, contre son sexe. Un moment, je la caresse ainsi, en faisant aller et venir mon doigt en elle. Elle s’agite, gémit, émet des sons bizarres.
Elle m’obéit en soupirant. À peine sur le dos, sa main se jette sur son sexe… Ce n’est pas vrai ! Une vraie morte de faim ! J’ai dû batailler un peu pour qu’elle la retire…
Sa tête roule sur le côté : ses yeux azuréens se plantent entre mes jambes.
Ah ! Quand même ! Je me soulève pour accueillir ses doigts qui viennent se glisser contre mon sexe. Elle enfonce sans peine en moi son index… puis son majeur ! Quelle profonde sensation !
Dois-je souligner que dans sa bouche et eu égard à son propre état, cette remarque a quelque chose d’incongru ? Sa position même, témoigne de son hypocrisie : les jambes en vrac, elle offre un spectacle étonnamment indécent pour une jeune fille qui, quelques jours plus tôt, s’indignait à la seule évocation d’une possible relation charnelle entre nous. Cassandre, dans sa posture, évoque la courtisane dévoyée plutôt que la prude Princesse de Clèves. En plus, ses yeux « coquinent » et semblent me défier ou se moquer carrément de moi.
Elle rigole. Mais je dois avouer qu’elle m’a bien plantée ! Ses doigts en moi sont l’essieu qui tient la roue de la volupté, un axe de l’amour en quelque sorte. Ils m’autorisent le seul mouvement de la verticalité : monter et descendre ! Ce mouvement révolutionne mon ventre qui devient une fourmilière en ébullition. Les picotements du plaisir se diffusent au rythme de la main qui fouille la marmite de mon vagin. J’aspire un grand coup : c’est ma façon de calmer les ravages de ses griffes, et à mon tour, je passe à l’attaque. Ses seins d’abord que mes lèvres happent voracement. Ma langue fond sur les mamelons qui se dressent et durcissent dans ma bouche, pareils à de menues cerises juteuses. Ensuite le sexe largement offert, trempé, que mes doigts rejoignent et entreprennent de malmener. On lutte un moment, vraiment. C’est à celle qui fera céder l’autre… Carnassières, mes dents mordillent ses tétons. Et ça la fait ruer du bassin. Elle s’empale sur mes doigts en gémissant. Je l’ai à ma merci mais j’ai aussi une envie de jouir que je ne peux pas décrire. La salive me dégouline de la bouche et lui baigne les seins qui deviennent pareils à des cônes de marbre blanc lardés de sillons laiteux. Ses doigts se muent en serres rapaces dans ma chatte. Qu’importe !
Je me sens comme sur le ring en train de finir l’adversaire coincée dans les cordes, de lui dépêcher avec enthousiasme, les coups qui l’achèveront.
Elle me repousse soudain, des deux mains en me criant d’arrêter ! Je reprends mon souffle. Je n’aurais jamais imaginé un regard halluciné comme le sien, à ce moment-là. Le mien est peut-être aussi dément ?
On respire comme des noyées, à grandes goulées hystériques. Ça brûle dans la gorge. Je ne sais même pas si elle a joui, si elle a eu mal ou si elle veut une trêve. Son buste se soulève à un rythme rapide. Ses cheveux fous lui collent au front avec la sueur qui étame son visage. Mais je suis dans le même état : en nage ! Ma peau brille comme du cuivre en fusion. Nos regards s’affrontent. Pas aimables. Guerriers !
C’est alors qu’elle a un geste totalement inattendu : elle m’agrippe à la nuque avec une vivacité surprenante et, d’une traction vigoureuse, attire mon visage contre sa peau nue. C’est comme si elle me tenait prosternée au chevet de son corps. Ma joue repose sur la plage humide de son ventre. Je n’ai même pas résisté. Au contraire : j’aspire à m’approcher de son coquillage niché sous les poils anarchiques.
C’est bien le terme. Violent ! Sa main court dans mes cheveux avec douceur. Le mouvement de sa respiration berce ma tête abandonnée sur son abdomen.
Ma main saisit l’intérieur soyeux de sa jambe pour la maintenir ouverte et mon visage glisse jusqu’au-dessus de son entrecuisse. Les poils doux et denses de son mont de Vénus me chatouillent le menton. Elle se laisse faire. Mes yeux captent l’image de son sexe bouleversé. Sa chair est comme retournée, labourée. Les petites lèvres hérissées baillent, semblables à une plaie mal recousue. Je m’approche et les parfums se précisent. Qui a dit que les blondes n’ont pas d’odeur ? J’aimerais inviter ces sceptiques à venir respirer la chatte de ma Scandinave ! Mon nez descend encore un peu, frôle la crête humide de ses nymphes qui abandonnent une goutte de sa rosée intime au sommet de mon appendice nasal !
On peut toujours craindre l’incompatibilité des essences en matière amoureuses. Mais dans mon cas, rien ne pouvait davantage m’attirer vers Cassandre que les fragrances capiteuses qui s’exhalent de son sexe tourmenté. J’aspire à narines grandes ouvertes l’haleine chargée de son antre intime. Ça sent les entrailles de femelle en chaleur, des relents puissants, âpres et douceâtres à la fois, chauds et moites, de quoi exciter les papilles en émoi de mon désir. Elle se retient de respirer tandis que ma bouche désormais toute proche de son fruit éclaté porte mon souffle tiède sur sa chair :
Fallait que je goûte. Rien à faire. Quand l’odeur de cuisine vous met en appétit, qu’est-ce qui peut vous retenir de déguster le plat ? Ma langue dardée a lapé vivement un peu de nectar distillé par les petites lèvres monstrueusement déployées, une première approche, pour découvrir, en quelque sorte. Je l’ai faite claquer contre mon palais : j’imagine la sommelière guettant ma réaction… Rien à dire : c’est moelleux en bouche, pas du tout bouchonné ! Alors j’y suis retournée et cette fois franchement. Ma langue a tranché en deux l’exubérance charnue, s’est glissée au cœur de la chatte onctueuse et s’y est vautrée comme une ivrogne assoiffée. Cassandre s’est pris une belle châtaigne à en juger par le soubresaut de son bassin et par le petit cri qu’elle a poussé !
J’ai happé le tout : clitoris, petites lèvres, grandes lèvres et le poil qui va avec. Je ne déguste pas, je me goinfre. Dans ma bouche, toute cette viande me fait l’effet d’une révolution des saveurs et textures : le salé, le fadasse, l’épicé, le sucré, l’iodé, l’acide, le mielleux, le doux, le gluant, le persillé, le gras, le juteux… Quel cuisinier fou a mitonné pareille recette ? C’est toute Cassandre résumée en une bouchée.
J’aspire, je suce, je bois, je lèche, je tète, je gloutonne… je voudrais exprimer toute la quintessence des frondaisons et des profondeurs de son sexe ! J’ai l’impression d’être une goûteuse rendue folle par les arômes et saveurs diaboliques conçus par un Jean-Baptiste Grenouille converti en maître queux. J’explore à l’infini le firmament de cette gastronomie à l’état sauvage.
Et je peux vous dire que cette joyeuse voracité produit son effet. C’est le rodéo des reins qui ruent, secoués par un cheval fou, les halètements féroces entrecoupés d’apnées geignardes. Cassandre, la sage, la pudique s’est de nouveau muée en forcenée de la jouissance. Mais moi aussi ! Pendant que ses doigts, continuent de me ravager le vagin, je me caresse furieusement le bouton et comme une anthropophage en délire je m’enfonce le groin dans la souille de son sexe éperdu ! Ma langue fouille des profondeurs inexplorées et insondables.
Combien de temps dure cette orgie ? Je l’ignore. La notion du temps est toute relative quand on s’oublie comme on le fait dans cette quête de sensations toutes plus intenses les unes que les autres. Mais nous étions déjà si excitées, si proches de l’extase, que nous n’avons pas dû tenir ce rythme très longtemps.
Ses cuisses se sont soudainement et brutalement resserrées autour de ma tête quand l’orgasme l’a saisie, m’emprisonnant dans un impitoyable étau de velours. Elle se démène, se soulève en râlant comme sous le coup d’une douleur insupportable, m’emportant dans son mouvement et retombant brusquement sur le lit, à me démettre les vertèbres cervicales !
Sa voix n’est plus sa voix. C’est celle d’une guerrière agonisante. Je cesse de la tourmenter. De toute façon, la jouissance qui me gagne à mon tour m’en empêche. Mes doigts greffés sauvagement à mon clitoris, et les siens plantés dans ma chatte, ont fini par engendrer le séisme ultime. L’orgasme submerge mon corps, un raz-de-marée m’emporte dans les abysses. Je me noie dans mon propre plaisir qui m’étouffe, me prive d’air, m’assomme.
Ouf ! et « Wouahou ! ». Quel pied !
Justement, en parlant de pied, je n’ai aucune envie de le reprendre dans la réalité. On gît un moment, immobiles, haletantes, sonnées. J’ai encore sa main coincée entre mes cuisses et ma tête repose sur son ventre. On ne parle pas. Tout est suspendu. Comme le vol du temps !
Je suis en sueur et elle aussi. Mon visage baigne dans sa moiteur. On a perdu un peu de poids, c’est sûr ! Je ricane bêtement. Mon rire la surprend.
C’est drôle dans sa bouche, cette formule. Je me retourne pour la contempler. La blanche Scandinave a les traits rosis, enfiévrés, les cheveux poisseux collés au front et les yeux brillants. Je remarque aussi ses seins striés de traces rouges, comme si elle s’était griffée et ses mamelons encore dressés sont tuméfiés, gonflés eux aussi rouge sanguin. Elle a dû bien les malmener pendant que je m’occupais de son sexe. Sa main revient me gratter le crâne tendrement. Je suis heureuse qu’elle ne me fasse pas une crise de remords soudaine. Je rampe sur le lit pour quêter un baiser. Elle me repousse gentiment avec une grimace éloquente :
C’est vrai que j’ai le museau beurré au jus de moule ! Mais quand même, elle pourrait faire un effort. C’est sa mouille, après tout ! Elle n’a qu’à me lécher comme font toutes les mères chattes pour leurs petits…
Je soupire :
Son regard pétille. Je sais qu’elle joue, là, et qu’elle prend sa revanche. Mais ce n’est pas vraiment le moment. J’aurais espéré plus de… plus de… quoi ?
Au fond, elle a raison. On ne va pas s’extasier parce qu’on s’est mutuellement donné du plaisir ! On aura d’autres orgasmes ensemble, du moins je l’espère, et il n’y a pas de quoi en faire un plat. Pour le coup, cette distance qu’elle affiche à l’égard de ce que nous venons de vivre me rassure. Je la préfère cynique à hystérique… Enfin, je crois !
Je me lève donc pour aller me « débarbouiller ». Pourtant, malgré moi, je la trouve saumâtre, cette conclusion… J’espérais de tendres épanchements, j’avais fantasmé des étreintes en douceur, des confidences rieuses sur l’oreiller. Résultat ? Désillusion ! Des nèfles ! Je me dirige, tête basse, un peu penaude, vers la salle de bain en maugréant de muettes imprécations à son encontre.
Soudain elle me lance :
À suivre