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Temps de lecture estimé : 19 mn
16/05/15
Résumé:  Notre héroïne retrouve son amant et s'adonne, à « son corps défendant » pour lui, à un strip-tease impulsif.
Critères:  fh fplusag couleurs exhib strip fsodo
Auteur : Laure Topigne            Envoi mini-message

Série : D'ébène et d'opale

Chapitre 02 / 02
D'ébène et d'opale - 2/2

Résumé de l’épisode précédent : Notre héroïne a rencontré hier un homme qui l’a portée au septième ciel et lui a fixé un nouveau rendez-vous qu’elle ne compte pas honorer.



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Après une nuit agitée, j’ai parfaitement pu me dispenser de réveil pour me retrouver dès la première heure battant le pavé des ruelles de la petite cité que j’arpente nerveusement. Tirant les enseignements des particularismes climatiques constatés hier matin, je me suis vêtue bien plus légèrement, d’une simple jupette et d’un chemisier, blancs tous deux. Je n’ai pas su résister à l’envie d’enfiler une paire de bas couleur chair, mais ai osé me soustraire au carcan du soutien-gorge. Je sens mes seins gigoter librement, délicieusement caressés conjointement par la brise fraîche et l’austère tissu qu’elle agite.


À l’issue d’une déjà longue et fatigante promenade, je m’installe à l’extérieur d’un café pour déguster mon petit déjeuner. Bien sûr, je me souviens de l’invitation de la veille à laquelle – en dépit des interrogations lancinantes qu’elle a générées tout l’après-midi – je ne songe plus le moins du monde à répondre. Je m’absorbe dans l’observation de deux jeunes femmes installées à l’extrémité opposée de la terrasse et qui n’ont pas l’air d’échanger des amabilités. La première, bridée dans son tailleur bleu sombre et portant cravate me paraît une émule de l’Armée du Salut ; quant à la seconde, avec sa minijupe ultra-courte et sa chemisette écarlate nouée sous ses seins qu’un vaste décolleté expose généreusement, je la verrais bien tapiner dans des quartiers mal famés. Je ne puis m’empêcher de les identifier respectivement à mes puritaine et sybarite de la veille.

Je me distrais un temps de leur dispute dont je ne perçois que des échos diffus, mais que je suis d’un œil amusé et narquois avant que de me divertir à intervertir leurs rôles présumés, faisant de la bleue la sybarite et de la rouge la puritaine. J’en pouffe ; elles le remarquent et me fusillent toutes deux d’un regard plein de réprobations.


Sitôt un second express avalé, je reprends mes déambulations, profitant des derniers effluves de cette fraîcheur qui déjà se dissipe, mais paradoxalement ragaillardissent mon esprit tout en me faisant accéder à une bienfaisante indolence. Neuf heures s’égrènent au clocher voisin, et je ricane en imaginant sa déconvenue et sa tête : il doit en être blanc de rage. C’est à cet instant que je constate que je suis précisément au débouché de la venelle où il loge. Le hasard sait se faire fort retors car je suis persuadée de n’avoir pas guidé mes pas vers ce qui s’impose à présent, sans hésitation possible, comme une destination.


Je ne tergiverse même pas, et c’est d’un pas résolu que je me dirige vers la demeure honnie en constatant que le rythme de mes foulées s’accélère tandis que je me rapproche de sa porte. Dans mon délire, je suis prête à déboutonner mon chemisier avant de sonner, mais un reste de bon sens et pudeur me retiennent. Je tends un doigt tremblant vers la sonnette mais à la dernière seconde me ravise, prenant conscience et m’effrayant maintenant de la puissance de l’attraction qui m’a conduite ici. Non, je ne carillonnerai pas.


Comment a-t-il pu me voir approcher ? Je l’ignore, car malgré ma hâte, j’ai pris soin de longer les façades pour rester hors du champ perceptible à partir de ses fenêtres. Et pourtant, à ce moment, la porte s’ouvre et un bras musculeux saisit le mien pour me tirer à l’intérieur avec une violence telle que je manque tomber. Mais puis-je encore tomber ? Il est là, arrogant, souriant de son triomphe, mais sans outrance et referme la porte derrière moi avant de me relâcher puis, toujours aussi prolixe, m’interroge :



Ce n’est pas une question et je ne réponds donc rien. Visiblement, tout est prêt : il ne doutait donc pas de ma venue, et bientôt il me tend la tasse annoncée. Sans m’offrir de siège, il s’assied sur un coin du lit et je reste debout face à lui, interdite, gauche et stupide, tasse et soucoupe encombrant mes mains, réalisant que c’est bien ça, ce trouble mêlant désarroi confus et extravagante envie que je suis venue rechercher. Je fonds dans le feu intense de ses immenses yeux blancs, brillants, qui me contemplent, devinant derrière leur éclat le regard lourd d’appétences gourmandes qui me dénude et me savoure déjà et… j’en raffole.

Pire, je sens mon propre regard fuyant mais hypnotisé, honteux à nouveau, avouant une soumission qu’il récuse, honteux plus de cet aveu que de ma présence céans. Je sais qu’aujourd’hui, bien que me retrouvant ici à l’encontre de toutes mes décisions, je ne tenterai même pas de me dérober, que je m’abandonnerai sans aucune résistance, servile.


Contrairement à la veille, la dégustation en d’infimes gorgées du café s’éternise, et très vite nous nous absorbons dans la contemplation de la ténébreuse boisson, comme si nous tentions de lire dans son marc un avenir que dans un futur proche nous connaissons parfaitement et que je ne songe plus même à redouter. Petit à petit, mes yeux s’accoutument à la tranquille pénombre de la pièce et je distingue parfaitement ses traits affables, illuminés par un sourire apaisant, ses bras robustes qui peuvent se transformer en étau, son buste imposant terriblement musclé qui m’avait déjà tant troublée.


Puis, inopinément, mes yeux s’arrêtent sur la braguette orgueilleusement distendue et s’y arriment. Une vigoureuse érection tend la toile du jeans à la faire craquer, attestant muette de la force du désir qu’il me porte. J’ai du mal à le croire, mais ce symptôme que je ressentais hier comme presque un affront me fait, aujourd’hui aussitôt, divaguer et perdre la tête. Il faut croire qu’à mon âge, quand on n’a plus depuis longtemps subi les délicieux agacements d’entreprises de séduction, qu’on pense même celles-ci reléguées au placard des souvenirs éteints, le moindre signe de désir charnel est ressenti aussi bouleversant que par une collégienne à l’orée de sa première amourette.

Ce désir alors ranime le feu qui couve sous la cendre de nos étreintes de la veille ; mon amadou s’enflamme promptement tandis que je m’embrase et que le peu de raison qui me reste vacille. Nous demeurons tous deux silencieux, attentifs à ces désirs réciproques qui nous consument et s’interpellent, muets mais tonitruants.


Bientôt, je n’en puis plus d’attendre l’impétueuse charge de ce mâle en rut… pendant que lui, flegmatique, fait mine d’ignorer cette mutuelle attirance et continue à boire sereinement son café. Je sens mes jambes qui se dérobent et j’entends les battements de mon cœur emplir le studio d’un formidable tam-tam. Pour soutenir ces roulements sourds, voilà qu’un tremblement nerveux me secoue et je heurte en cadence la tasse contre sa soucoupe dans un tintement guilleret. Que va-t-il donc s’imaginer ?


Dès lors, les gestes que je fais ne m’appartiennent plus. Je me vois dans la psyché, ou plutôt je la perçois, elle, l’autre – je ne sais même plus très bien laquelle – qui me regarde comme un animal inquiétant dont on ne saurait prévoir les réactions. Sans perdre de vue la volcanique braguette, je m’approche du meuble placé à côté de la fenêtre pour y déposer tasse et soucoupe. Je me livre au rayonnement de la torche solaire dont je ressens tout le feu, moi qui grelotte presque. Je sais aussi que « livrer » n’est pas vain mot et que si sa chaleur réchauffe mon corps, sa lumière transperce ma frêle vêture et me déshabille bien plus sensuellement que si je m’en étais débarrassée. Si même je ne le devinais pas, l’accélération de la respiration de l’homme qui s’essouffle d’exaltation contenue me le signifierait clairement. Il ne bouge cependant pas davantage, et je m’exaspère de cette indifférence affectée. Qu’exige-t-il de plus ?

Alors, bravant mes ultimes pudeurs, avalant mes dernières hontes, je m’enhardis et m’autorise à transgresser des censures que depuis toujours je m’impose. Lentement, très lentement, j’attaque les perles qui scellent mon chemisier. Mes doigts fébriles s’énervent, glissent et, malhabiles, dérapent sur chaque bouton car l’émotion rend ma préhension difficile ; chaque attache défaite, augmentant mon ivresse, amplifie d’autant mes maladresses.


Me dévêtir devant un homme, fût-ce à sa demande, fût-ce même à celle de mon amant de cœur, m’est apparu sans exception comme une insupportable et presque insurmontable épreuve qui, intensifiant mes gênes, me met au supplice. Il paraît que certaines s’y adonnent avec délice ; elles doivent avoir une autre estime d’elles-mêmes et de leur corps. Je ne suis jamais parvenue, même dans ma prime jeunesse, à m’y consacrer avec le naturel requis ; et mon air emprunté, ma gaucherie en cet exercice me désespèrent. J’imagine l’autre en quête de mes imperfections que je m’invente nombreuses et flagrantes. Je frémis aussi à l’idée qu’ainsi dépouillée, il ne me considère comme sa chose.


Là, pour la première fois, je me libère de ces carcans mentaux, et brusquement j’ai l’envie folle d’être follement désirée alors même qu’il feint ne pas me voir, peut-être en raison, précisément, de ce faux détachement. Instinctivement, je me ressens présentement infiniment désirable, à défaut d’être jeune et belle. Mais ce n’est pas ça qui crée et développe mon émotion : c’est en réalité mon propre désir, pervers et interdit, qui gonfle dès la première nacre dégrafée.

Chaque bouton défait représente un nouveau degré de concupiscence accepté tant qu’une liberté nouvelle conquise sur mes préjugés ; chaque pouce de chair dévoilée consacre l’abolition de l’un de mes complexes. Et soudain, je souhaite que ces attaches soient mille, tant la gradation du plaisir est aiguë. Bien involontairement, j’ai oublié le bouton central, le plus stratégique, et j’y reviens, les autres ouverts mais me refuse à consacrer son humiliante paralysie en victoire.


Dans un dernier effort, je décide de différer son plaisir en ne me livrant pas immédiatement. Je lui tourne donc le dos pour, ô l’horreur, exhiber mon poitrail dur et douloureux face à la fenêtre, face à la rue entière donc, car ainsi exposée, dans le faisceau de l’illumination solaire et à peine dissimulée par la fine gaze du rideau, je dois apparaître nue à tous les passants… Bien sûr, cette exhibition peut passer pour involontaire et je me garde bien de tout regard direct porté vers l’extérieur.


Au stade où j’en suis, autant aller jusqu’au bout, me montrer fille publique dépourvue de toute vergogne. Mon immodestie pourtant me survolte ; je pensais ce geste impossible, même à de moins réservées que je ne le suis, ou l’apanage exclusif des professionnelles des vitrines d’Amsterdam. Face à moi, dans mon dos, je devine des désirs exaspérés, et ceux-ci bandent mes seins que longuement, câlinement, j’agace tandis que mon corps entier frissonne, secoué d’intense ferveur.


J’espère une jalouse réaction, un sursaut au moins, et dans cette attente, renforcée par ma folle excitation, je multiplie mes massages et cajoleries. Derrière la fenêtre une silhouette, j’en suis sûre, plusieurs peut-être, m’observent et cela ravive ma rage : d’autres me convoitent sans qu’il ne s’en émeuve. Alors, lentement, m’en arrachant à regret, je quitte l’auréole d’ivresse chaude et pivote vers mon sphinx, écartant les pans de ma chemise comme on dévoile un ostensoir, m’attendant à ce qu’il se jette sur sa proie et enfin la dévore. Il n’en est rien, pas plus que lorsque dans un geste d’irritation non contenue je fais glisser la soie de mes épaules vers le plancher.


Le désir à présent me tord les entrailles, gronde, caverneux, comme sans doute jamais je ne l’ai ressenti ; et celui-ci, je le sais, c’est moi qui l’ai engendré, développé jusqu’à le rendre incoercible. J’ai envie de hurler. La honte délicieuse que m’inspirent ma dépravation et mon total abandon me donnent envie de hurler. Cette reddition sans condition de moi-même à un étranger, que jamais avant je n’ai ni pratiquée ni seulement imaginée, me donne envie de hurler. La feinte insensibilité par laquelle il y répond, surtout, me donne envie de hurler. Je sens ce cri poindre en mon ventre, s’enfler dans ma poitrine, grossir dans mon larynx, déchirer ma bouche puis s’étrangler au seuil de mes lèvres en un râle rauque et plaintif tandis que j’échoue devant le lit, face à lui, implorante, à ses pieds.


Mes mains se tendent vers la bedaine de mon tortionnaire ; enfin, juste en dessous pour, à ma surprise, s’activer sur la boucle de sa ceinture, puis sur la fermeture Éclair de la braguette. Hier encore, un tel geste me paraissait relever de la plus parfaite déraison. Il est nu dans son pantalon, et j’en extrais un sexe gonflé et cramoisi qui ne laisse aucun doute quant à l’ampleur des convoitises qui, lui, l’agitent.

Je ne voue au phallus aucun culte outrancier, et cet organe qui fait la fierté de nos messieurs assure souvent, de ce simple fait, leur ridicule. D’habitude, je n’apprécie que médiocrement pratiquer des fellations, à moins que pour en assurer la réciproque, on ne me fasse minette. Aujourd’hui, affrontée à ce pilier de chair aux couleurs qui m’avaient déjà émue la veille – un noir velouté nuancé de tons mauves –, à ce gland totalement décalotté, je sens mes envies s’emballer sans que je n’aie le moindre souci de complaire aux siennes. C’est la colonne de la Bastille à laquelle ne manque que le génie ailé dont j’espère néanmoins bientôt la couronner.


Mes retenues s’envolent et je me fraie un passage entre ses genoux qu’il écarte volontiers, puis me penche sur cette appétissante gourmandise. J’engloutis cette hampe rigide dans ma bouche, enfin, ce que j’en peux, car en cet asile sa taille augmente encore. De calibre très respectable, elle me suffoque et boursoufle mes joues comme auparavant la braguette.

Après quelques gâteries, pour reprendre haleine je câline un moment de ma langue – que je souhaiterais aussi râpeuse que celle d’un félin – le gland érubescent et enflammé tandis que je pétris tantôt son ventre dur, noué d’appétits passionnés, tantôt ses bourses dodues. Puis brutalement, cédant à une pulsion irraisonnée, j’attaque ce phallus insolent de mes dents. Je l’écorche d’abord d’un simple effleurement, puis plus sauvagement, je les referme sur lui pendant que ma main broie ses testicules sans prévenance, sans doute pour le châtier de ces faiblesses qui m’ont jetée dans ses bras, me donnent à lui et me gavent d’émotions illicites.


C’est à son tour désormais de trembler, et il sursaute et frissonne, saisi par de brèves et intermittentes convulsions. Il geint, non de douleur mais bien d’allégresse, balbutie ses égarements en d’incompréhensibles incantations ; et cette jouissance que je lui arrache, je la fais mienne tandis que ma honte se mue en fierté, car à faire ainsi jouir un inconnu, c’est le désir universel de la gent masculine que je satisfais.


Je reprends mon alléchante besogne, m’y appliquant corps et bouche ! À chaque fois que je l’ingurgite, me portant en avant, mes seins enflés et leurs mamelons turgides frottent divinement contre la rude étoffe du pantalon. Ils s’irritent d’impatience, mais cette friction –exquise d’abord – se fait très vite cuisante et me rappelle les meurtrissures infligées hier par les rugosités du bois de la table. Décidément, les jours qui se suivent se ressemblent pour mon plus grand bonheur.


La psyché, savamment déplacée depuis la veille, est là, réfléchissant l’extravagance de mes débauches et je me découvre bouche distendue, regard effaré, lèvres souillées par d’immondes secrétions, poitrine rougie par d’interminables fourbissements… Que je suis belle ainsi ! Je n’ai plus d’âge, plus de raison, plus de pudeur, et je m’éblouis de cette indécence qui alimente et assure mes délires. C’est donc cela qui me fait catin ? Cette soumission absolue, irrémédiable peut-être, au plaisir et à ses douleurs, qui se nourrit des hontes qu’elle engendre. Il râle et je veux une brève seconde me retirer pour apprécier les convulsions de son visage ; mais à peine ai-je quitté l’épieu sur lequel je m’active qu’il saisit ma tête et la plaque sur son pénis pour me forcer à poursuivre ma tâche en hurlant :



Je comprends ce geste et ce propos de violence comme l’expression exaspérée d’une terrible excitation, accordée à la mienne dorénavant, et ne m’en offusque nullement. Au contraire, j’accentue ma succion, et tandis que d’une main je continue de flatter le délicieux organe, l’autre défait ma ceinture, dégrafe ma jupe et s’égare sur mon pubis dans les froufrous de ma culotte, totalement inondée déjà !


Très vite, il s’attache à me prouver l’impétuosité de ses ardeurs auxquelles l’ont conduit mes agacements, et il s’agite en soubresauts violents en éjaculant dans ma bouche. Un jet abondant, chaud et gluant m’étouffe ; et bien que j’en avale une large part, le reste suinte aux commissures de mes lèvres, coule et finit par s’épandre sur ma gorge. Un coup d’œil à la psyché me révèle une bacchante ivre, blême, la face maculée d’un liquide ivoire et dont la démence du regard trahit l’insatisfaction persistante. Est-il possible qu’en vingt-quatre heures je me sois ainsi de chaste Suzanne en Omphale triomphante métamorphosée ? Emportée par cette dynamique frénétique, je me relève, et ma jupe – que rien ne retient plus – coule sur mes jambes pour se déployer sur le sol en grande auréole claire, dessinant à mes pieds une conque dont je semble m’extraire. Je me tiens ainsi, debout, altière et droite, hagarde, et d’une séduisante pâleur, une main flattant mes seins, l’autre perdue dans ma culotte, éperdue parmi les soies de mon ventre pendant que je contemple ce beau mâle terrassé et vaincu.

Lui, dès lors, en une reptation habile se glisse jusqu’au haut du lit, abandonnant le jeans sur ses chevilles, dressant sa verge jubilatoire comme une auguste supplique. Dans un souffle caverneux, il m’appelle :



Mais encore, je décide de jouer les dédaigneuses, de prendre tout mon temps ; et malgré les impérieuses envies qui me tenaillent, je reste là, face à lui, opposant à sa roide érection celle de tout mon corps. Et j’adore ces minutes, qui, différant mon extase, la démultiplieront par l’exacerbation de mes désirs.

Je fais ensuite coulisser avec une lenteur démoniaque le satin blond qui dissimule toujours mon tendre vison sur mes jambes tout en titillant d’un index fiévreux mon vagin qui ne tarde à m’en remercier par l’abondante émission de divines perles d’exultation.


Je mesure chacun de mes gestes, les empreignant d’inquiète hésitation, non pas à la manière d’une effeuilleuse patentée qui enlève et réajuste dans l’intention évidente d’exciter, mais les transformant en caresses, les accompagnant de frôlements câlins sur mes chairs altérées. Je viens de libérer le frisson noir qui pare de sensuelle élégance la base de mon buste, que ce dévoilement émancipateur rencontre l’obstacle des jarretelles. J’avais ce matin hésité : dessus ou dessous, avant d’opter pour le confort de dessus. Je m’en trouve bien aise à présent, car ce choix va me permettre de le faire rissoler sur le gril de ses concupiscences. Féroce, je m’emploie avec la paresse requise à faire trébucher mes doigts subitement gourds sur les attaches sophistiquées. À peine détaché, il fallait s’y attendre, l’un de mes bas s’évade et file jusque sur ma cheville. M’arquant dans une courbe que je sais dessiner une voluptueuse volute, je le rattrape pour le fixer méthodiquement. Il serait suprêmement injuste de me reprocher un geste, qui, hier, fut à l’origine de notre rencontre puis de nos liesses.


Je m’étonne de ma perfide maîtrise en le surveillant, lui qui se redresse lentement, lui qui ne perd pas miette de l’affriolant spectacle tout en ne cessant de murmurer tantôt comme une injonction, tantôt comme une prière en contrepoint à mon exhortation de la veille l’engageant à me prendre :



Je jouis en mon for intérieur et sais que ces jouissances cérébrales ne sont que prémices à d’autres, futures, auxquelles elles se conjugueront. J’aimerais le torturer ainsi indéfiniment, mais d’autres tensions me pressent, aussi je me décide finalement, et enjambant son corps soumis, je viens m’empaler sur le pénis impénitent. Déjà étonnamment ouvert et abondamment lubrifié, mon vagin ne requiert pas d’autre préparation et je peux l’absorber d’un seul coup jusqu’à la garde. Ce m’est une brûlure, mais dispensatrice d’une telle volupté, m’est une déchirure, mais si prodigue de félicité… Telle Sémélé, je découvre Zeus flamboyant, brandissant des éclairs dont il me foudroie ; et à défaut de mourir, je manque m’évanouir. L’organe embrasé me perfore et fouille le fond de mon ventre sans le moindre ménagement, se vengeant d’une trop énervante attente.


L’homme a saisi mes seins et les malaxe, tord les tétons érigés, mais c’est moi qui mène cette danse accélérant mon rythme frénétique sur le pal enflammé, l’enserrant, l’étranglant de l’étreinte de ma muqueuse. Des spasmes violents me tordent, d’intenses décharges électriques qui renforcent mes transports me vrillent, et bientôt j’ouvre mes bondes et épanche mon plaisir en flots de cythomiel ardents épandus sur le ventre de mon partenaire.


Ménade échevelée, je hurle mon ravissement tout en plantant mes ongles dans le poitrail de celui qui m’offre cette extase, le griffant profondément, jusqu’au sang. Il tressaille tandis que je poursuis ma chevauchée débridée jusqu’à ce qu’il se contracte dans une ultime convulsion, se libérant en jets saccadés et puissants qui transpercent mon corps. Terrassée par un orgasme dévastateur autant que salvateur, je m’effondre sur son torse athlétique exsudant, mêlées, gouttes de sueur et de sang.


Je sombre dans un monde fantasmatique sillonné de fulgurances et où, hormis la rayonnante chaleur qui se propage encore – et pour longtemps – à partir de mon sexe, rien n’est plus réel. Je suis percluse de béatitude, une atmosphère cotonneuse envahit ma tête.

Je m’imagine somptueusement nue, lascivement allongée sur des sofas moelleux, privée de toute volonté tant que de toute protection, outrageusement exposée à des regards lubriques, livrée à des doigts experts, et cela m’enchante. Je m’étale comme l’une de ces odalisques vierges, fanal lumineux et blanchâtre allumant dans des vapeurs oniriques tous les désirs ardents auxquels elle brigue de se sacrifier. Je n’ai, en cet état, plus ni honte, ni fierté, mais me sens ballottée par les étourdissements d’un bien-être absolu, suspendue au-dessus d’un gouffre de quiétude et jouis simplement des vestiges chéris de mon récent orgasme. Un picotement délicieux dévore tout mon corps et continue de me consumer à petit feu. Je demeure sans doute ainsi longtemps, les yeux clos, flottant entre ciel et terre.


Cependant, il me fait rouler sur le lit avec mille tendresses pour flatter affectueusement ma nuque, mon dos et mes flancs avant de s’attarder sur ma croupe bienheureuse. C’est une pluie de petits baisers incandescents, d’effleurements tendres prodigués par ses mains, sa bouche mais aussi sa verge soyeuse, qui déjà retrouve sa fermeté. Aucun empressement ne m’engage à quitter ces contrées que le rêve dispute à l’indolence, et je demeure inerte, comblée, ressassant et ressentant notre communion indéfiniment, couvant le sentiment qu’elle ne s’achèvera jamais.


Entrouvrant enfin les yeux, je distingue le sang qui macule ma poitrine. Je n’ai plus souvenir des estafilades que j’ai infligées à mon compère et m’inquiète de ces marques rouges qui balafrent mon sein. Mais ces craintes sont très rapidement relayées par d’autres. En effet, mon partenaire qui a constaté mon éveil me redresse lentement sur sa couche où je me retrouve maintenant agenouillée à quatre pattes tandis qu’il menace de son dard despotique l’orifice encore épargné par ses fougues. Je n’ai jamais saisi ce que les hommes apprécient dans la sodomie, outre le fait de nous meurtrir et d’y trouver ainsi la preuve de notre soumission. C’est précisément un cadeau que je n’ai pas envie de lui octroyer, et tout me pousse à le lui refuser, y compris le besoin de me démontrer à moi-même que je ne suis pas addicte à lui au point de me prêter à tous les outrages.

Je n’ai enduré qu’une seule sodomie, infligée par mon amant, et la douleur s’y est mêlée à tant de fièvre, à un emportement si total qui me donnait à lui si complètement que je n’en ai alors pas trop souffert. La vitalité et la taille du présent sire m’effraient toutefois.


Un doigt humide se fait précurseur de sa requête, et je tente de me soustraire à ce menaçant abordage en me retournant ; mais d’un seul bras l’homme emprisonne ma taille sans violence, mais avec une force mesurée et paisible. Dans la joute qui suit, je m’agite sans parvenir à me dégager, tout en sachant qu’un simple mot l’arrêterait bien plus radicalement que mes vaines gesticulations. Mais voilà, je me refuse à proférer cet ordre ou cette prière, et ma révolte lui apparaît comme ce qu’elle est bien, peut-être, un retour tardif de mes pusillanimités.

Elle décuple son énergie quand, forçant l’étroit passage, il s’avance dans l’étui serré, me lacérant cruellement. Je hurle – de vraie douleur cette fois – et des larmes jaillissent de mes yeux tandis qu’il poursuit une insupportable progression. Portant une main à mon sexe, il flatte doucement les lèvres qui abritent le temple de nos émois, comme pour me dédommager des maux qu’il m’inflige ailleurs.


Je sens ma muqueuse distendue par l’infernale charge, mais à ma souffrance se mêle très vite et de plus en plus distinctement, de plus en plus vivement, une irradiation bouleversante sustentée à la fièvre de mes transes. Bientôt, je suis totalement incapable de discerner ce qui de tourment ou d’euphorie domine, tant mon bonheur s’appesantit de tourment, tant mon affliction s’allège d’euphorie. « Après tout, c’est ainsi que l’on honore les catins… » me dis-je, constatant que j’en tire un étrange orgueil. Il a pris soin de me placer à côté de la psyché, et depuis qu’il m’a redressée, je me vois de trois quarts dans le fatal miroir.

Je m’y vois les yeux brillants de larmes qui délitent mon rimmel en noirs sillages, le visage transformé par cette douloureuse extase ! J’y vois l’allégresse de mes mamelles lourdes de liesse et maculées de sang, tressautant, bienheureuses, à chaque nouvelle offensive. J’y vois mon petit ventre replet secoué de fièvre et exultant d’accueillir le pilon qui le sonde. J’y vois ses doigts d’ébène qui fouillent le jais de ma toison moite entre le jade de mes cuisses ouvertes. Je m’y vois, les traits crispés, contractés sous l’âpreté de l’assaut, dévastée par les affres de mes emportements. Je m’y vois chienne déchaînée, la gueule écorchée par les indicibles ordures qu’elle aboie, les lèvres tordues par le rictus qui les tiraille. Je m’y vois étourdie par mes vertiges, transfigurée, superbe et glorieuse comme jamais avant, dévorée et illuminée par les éblouissements ardents du plaisir. Je l’y vois à son tour, la face congestionnée, ravagé par ses véhémences.


Ce tableau me comble, et son insoutenable sensualité me fascine si puissamment que je ne parviens plus à m’en détacher : ce ne peut être moi, il faut qu’il dépeigne mon âme. Une fraction de seconde, je pense que l’image de cette infernale volupté devrait aussi séduire mon amant, mais ne peux m’attarder à cette idée car une vague inexorable, plus forte que les précédentes, me submerge et me chavire en me contractant sur l’épieu qui vomit ses laves jusqu’en mes tréfonds… L’orgasme qui suit immédiatement efface tout souvenir des tempêtes que j’essuie tandis que, terrassés, nous nous effondrons tous deux.


Le retour à la vie est lent et laborieux, entrecoupé de rêves languissants et de cauchemars affolants. Lorsqu’enfin j’émerge et me redresse, pauvre corps pantelant, dégoulinant de nos foutres mêlés, il est déjà rhabillé et sur le point de sortir.



Puis après avoir déposé le prix de mes ivresses sur un coin de la table, il sort en claquant la porte. Il ne m’a pas, cette fois, invitée à revenir, et je m’en trouve presque mortifiée.


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Deux jours plus tard, submergée par des convoitises que je ne parviens plus à nier, je décide d’y retourner. Le studio semble à présent vide et inoccupé tandis qu’un homme se tient sur le seuil de cette porte qui me fut alternativement d’enfer puis de paradis.



Je n’ose penser que c’est moi qui l’ai fait fuir ; mais, dévorée de curiosité, ne puis m’empêcher d’interroger :



Le bonhomme se recule, me dévisage puis poursuit :



Je me demande bien de quels moyens il pouvait s’agir. Assurément pas de ceux qui m’avaient portée aux nues.

L’homme poursuit :



Intarissable, il l’avait été aussi avec moi mais d’autre manière, et j’avais également goûté aux saveurs de sa langue sans en saisir toutefois l’académisme. Sa muflerie verbale n’aurait donc été ainsi qu’un effet de mes charmes ? Le compliment est certes valorisant, mais un peu tardif et trop excessif. J’hésite à endosser ce rôle de prêtresse castratrice du verbe. Pourtant, maintes fois, j’ai eu l’impression qu’il n’était pas aussi muet qu’il le laissait entendre. Moi-même d’ailleurs, je ne m’étais guère montrée prolixe !



J’accepte, tout en me disant que ce serait bien le comble d’être reléguée parmi les indésirables.


Pendant la quinzaine où je demeure ici, je reviens plusieurs fois hanter les lieux du crime.