n° 17081 | Fiche technique | 16123 caractères | 16123 2739 Temps de lecture estimé : 11 mn |
20/10/15 |
Résumé: Anna était seule. La forêt, à deux pas, était si sombre qu'elle en avait frissonné.
C'était peut-être là que l'irréparable s'était produit. Que lui avait-il pris de s'avancer, malgré la peur, vers les arbres ?
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Critères: #fantastique fh bizarre forêt fellation fsodo | ||||
Auteur : Christian Envoi mini-message |
DEBUT de la série | Série : Obscur Chapitre 01 / 03 | Épisode suivant |
Lorsque j’ai rencontré Anna pour la première fois, nous étions, ce soir-là, en boîte de nuit. Un point commun nous alors liés. Nous nous y ennuyions. La conversation y était impossible alors nous nous sommes enfuis. Et ce fut dans un bar qu’elle finit par me raconter son étrange histoire. Cette histoire troublante.
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La main d’Anna chercha fébrilement l’interrupteur de la lampe de chevet. Les volets restés ouverts ne dispensaient plus qu’une faible lueur blafarde. Il était temps. Ne jamais laisser s’installer l’obscurité.
La jeune femme quitta sa nuisette froissée et regonfla son oreiller. Elle était fatiguée et avait laissé le sommeil prendre le dessus. Un manque de vigilance qui aurait pu lui coûter cher. Elle soupira. À la fois de soulagement et de lassitude. Soulagée d’avoir échappé au pire. Lassée de payer encore et encore l’erreur qu’elle avait commise cette nuit-là.
Cela faisait trois semaines. En ce milieu d’été. Elle avait navigué tout l’après-midi sur son petit voilier. Sur ce lac au milieu des montagnes. Elle avait cherché une crique pour y passer la nuit et avait jeté l’ancre. Elle était seule. Elle était bien. La nuit venue, une envie de fraîcheur et de sensation nouvelle l’avait poussée à se glisser dans l’eau et à se baigner nue, offerte aux éléments. Elle avait nagé jusqu’à la berge et pris pied sur le sable. La forêt, à deux pas, était si sombre qu’elle en avait frissonné.
C’était peut-être là que l’irréparable s’était produit. Que lui avait-il pris de s’avancer, malgré la peur, vers les arbres ?
Les feuilles glissent sur son ventre et ses seins tandis qu’elle pose délicatement ses pieds nus sur le sol jonché de feuilles qui craquent. Elle ose à peine respirer. Comme si le souffle de l’air pouvait dévoiler sa présence. Il fait noir. Si noir. La peur sourde qui avance avec elle se mue bientôt en un étrange désir qui lui chauffe le ventre et dresse sa poitrine. Sa respiration s’affole un instant. Ne rien imaginer. Voir la forêt comme une alliée. Non comme une menace. Anna tente de réprimer la peur enfantine qui commence à poindre. Elle a voulu jouer à se faire peur. Elle s’efforce maintenant de maîtriser ses sens. Mais quelque chose glisse le long de sa jambe. Chaud, lent, odorant. Quelque chose qui touche bientôt son pied et mélange la terre à ses orteils. L’odeur d’urine monte à ses narines.
Anna vient de sursauter au son de sa propre voix. Elle a pourtant chuchoté. La peur monte tout à coup. La jeune femme fait volte-face et fonce tout droit, protégeant son visage des branches qui la giflent. Ses pieds lui font mal. Elle trébuche deux fois et se relève aussitôt. Sa course folle débouche sur la petite plage. Le sable s’insinue entre ses orteils douloureux.
À bout de souffle, Anna tombe à genoux, les deux mains dans l’eau, les jambes coupées. La lune se reflète tout près de l’image de son visage, déformée par les vaguelettes de l’eau en mouvement. Anna s’efforce de calmer sa respiration. Elle ferme un instant les yeux.
Lorsqu’elle les rouvre, un nuage passe devant la lune et peint la nuit d’une obscurité encore plus grande. Elle tente de se relever mais ses mains, enfoncées dans l’épaisseur du sable, refusent de se décoller. Anna, toujours à quatre pattes sur la plage, met toute son énergie à essayer de les dégager. C’est à cet instant que tout bascule. Un coup de boutoir la fait basculer en avant, plongeant son visage dans l’eau. Du sable entre dans sa bouche et ses narines. Elle perd connaissance.
Lorsqu’elle se réveille, le jour vient de pointer. Elle frissonne. Elle n’est plus sur la plage mais couchée au pied d’un arbre. Son corps nu est sale, collé de feuilles mortes et de boue. Ses yeux piquent et le sable crisse entre ses dents. Elle se lève lourdement et marche jusqu’à la plage. Le voilier tangue au milieu de la crique, le paquet de ses habits posé au pied du mat.
Anna va s’asseoir sur le plat d’un rocher. Le contact de l’eau sur son visage lui fait du bien. C’est en débarrassant son corps des feuilles qui y sont encore collées qu’elle découvre, horrifiée, des griffures sur ses hanches.
Cette nuit-là, Anna s’en souvenait encore. Un mélange de chaleur érotique et de peur irrépressible. Et surtout cette amnésie totale. Ce mystère épais qui lui vrillait l’estomac mais faisait naître une étrange chaleur au creux du ventre et dans les reins.
Pour l’heure, la petite lampe était allumée et c’était mieux ainsi. Même son amant, lorsqu’il dormait avec elle, en avait accepté le principe. La lumière toujours car, depuis la nuit du lac, par trois fois l’obscurité l’avait faite basculer dans l’horreur et la peur. Et toujours cette amnésie. Cette mémoire brouillée ne lui laissant qu’une sensation de mal-être. Ce dégoût obsédant.
La première fois, c’était la nuit qui avait suivi son escapade nocturne à bord de son voilier. Elle avait ramené son bateau au port après une journée étrange à tenter de reconstituer ses souvenirs. Elle avait passé une partie de cette journée cloitrée chez elle, refusant tout contact avec qui que ce soit. La nuit venue, elle s’était glissée sous sa couette et éteint sa lumière dans l’espoir d’un sommeil réparateur. L’odeur pestilentielle avait aussitôt envahi la chambre. Elle avait tenté de rallumer mais déjà deux mains épaisses et griffues enserraient sa taille. Dans un cri d’effroi, elle avait perdu connaissance. Au matin, les draps étaient défaits et souillés. Et encore ces marques sur son corps.
Depuis, Anna avait proscrit la nuit. Sa lampe de chevet restait en permanence éclairée. Mais, un soir qu’elle remontait chez elle, une panne avait plongé la cabine d’ascenseur dans le noir. À nouveau cette odeur répugnante et, cette fois, une respiration rauque juste derrière elle. La peur qui lui saisit le ventre. Un doigt griffu qui lui fend son chemisier. Son cri de désespoir. Et, heureusement la lumière qui revient. Elle était sortie, hagarde, de sa prison de tôle et s’était enfermée chez elle, submergée par les larmes et le désespoir.
Les jours et les nuits étaient passées ainsi, dans cette lutte permanente contre l’obscurité. Anna avait retrouvé le sommeil mais restait sur ses gardes. Mais, un soir qu’elle était invitée chez des amis, la minuterie du parking l’avait piégée. Elle avait couru dans le noir en battant, désespérée, le vide avec ses bras. Course folle dans l’obscurité. Son talon qui casse et son corps qui percute un pilier.
Elle avait repris connaissance au pied d’une voiture. Sa robe était ouverte en deux. Une trace de morsure sur son épaule. Des mains griffues avaient marqué ses flancs.
Ainsi s’installa la peur dans la vie d’Anna. Une peur insidieuse. Et la lutte continue contre la nuit. D’ailleurs, Anna, pour limiter les risques de se retrouver dans l’obscurité, gardait toujours, à portée de mains, chaque nuit, une bougie et des allumettes. Ce fut dans sa chambre que tout bascula finalement. Lorsqu’elle me le raconta, Anna me tenait la main et la sienne tremblait.
Dehors, la pluie se mit doucement à picoter le toit de tôle de la maison. Au loin, le tonnerre grondait. Bercée par le chuintement qui augmentait, Anna ferma les paupières, non sans avoir, une dernière fois, contrôlé la lampe de chevet. Elle s’endormit d’un sommeil profond.
Le souffle rauque lui fit penser à celui d’un animal et elle voulut l’écarter de son visage tant il était pestilentiel. Mais sa main droite refusa d’obéir. Son autre main était, elle aussi, entravée. Anna tourna la tête vers la lampe. Elle poussa un cri d’effroi. L’obscurité avait envahi la pièce. Soudain, une masse lourde se posa sur son ventre et sa poitrine. L’odeur fauve lui souleva le cœur. Des doigts griffus lui enserrèrent les hanches. Les ongles dans sa chair se firent brûlants. Ses bras entravés lui faisaient un mal de chien. Elle tenta de se dégager d’un coup de bassin mais rien n’y fit. Les mains griffues ne se refermèrent que plus sur ses flancs. Elle perdit connaissance.
À son réveil, l’étreinte à ses poignets s’était relâchée. Elle battit des bras pour écarter la menace et tenter de frapper son assaillant mais ses mains ne rencontrèrent rien d’autre que le vide. D’un coup de rein, elle se retourna et chercha en tâtonnant les allumettes sur la table de nuit. Elle trouva enfin la boite et l’ouvrit. La première allumette lui tomba des doigts, tant elle tremblait. Elle en saisit une autre et s’apprêtait à la craquer lorsque les deux mains griffues lui saisirent les hanches. Elle hurla de peur. Un bras puissant passa sous son ventre et la souleva tandis que des doigts glissaient dans son entrejambe. Effarée, la jeune femme tenta de se relever mais il était déjà trop tard. Elle allait devenir le jouet de cette obscurité.
Pourtant elle refusa de céder. Le bout de l’allumette glissa, inutile, sur le racloir. Anna la retourna et fit un deuxième essai. L’étincelle apparut enfin. Ténue d’abord puis presque flamme. La pièce s’éclaira d’une faible lueur. L’étreinte sur les hanches d’Anna se relâcha légèrement. L’allumette enflammée s’approcha, tremblante, de la mèche de la bougie. La lumière envahit enfin la chambre. Au milieu des draps défaits, le corps tremblant d’Anna retrouva enfin sa solitude.
La jeune femme souleva son buste endolori et porta sa main à l’ampoule de la lampe de chevet. La lumière réapparut lorsqu’elle la toucha. Elle la revissa et fondit en larmes.
À quelque temps de là, Anna franchit la porte de la vieille église du hameau que lui avait indiqué la vieille dame. Anna pleurait, assise sur le ponton non loin de son bateau, quand la vieille dame l’avait abordée. "Le père Anselme saura vous conseiller, ma petite. Que Dieu vous garde" lui avait-elle dit de sa voix chevrotante.
Le père Anselme était un petit homme au regard si perçant qu’Anna en fut troublée. Il savait. Il savait ce qu’Anna vivait. Il l’écouta longuement. Et Anna se confia vraiment. Ne lui épargnant rien des détails de ces viols nocturnes. Le curé l’écouta en silence. Il était visiblement touché par le récit de la jeune femme. Il la laissa finir puis se signa. Anna essuya ses larmes et attendit.
Anna l’écoutait avec attention. L’idée du Diable l’avait bien sûr effleurée. Mais comment croire à ces choses-là ? Le père Anselme poursuivit :
Il lui parla de la peur et de cette nuit que l’on craint tant. De ces peurs enfantines qui ne sont que le fruit de notre imagination. Alors que la nuit est source de merveilles et d’émerveillement.
Il la raccompagna jusqu’à sa voiture et lui caressa la joue avant de la quitter.
Sur le chemin du retour, Anna se sentait déjà rassurée. Ainsi une issue était possible. Il lui faudrait toutefois trouver l’énergie de la confiance. De la bienveillance pour déjouer cette malédiction. Ce fut juste avant d’arriver chez elle qu’une envie irrépressible la saisit. Un besoin impérieux de se remplir de tendresse. De réveiller son corps au plaisir de la chair. Elle appela l’un de ses amis.
Lorsqu’il frappa à la porte, son ami ne se doutait certainement pas de ce qui l’attendait. La porte était ouverte. Il lui suffit de la pousser. Il découvrit un premier post-it sur le miroir. "Déshabille-toi". Puis un deuxième. "Dans ma chambre. Vite ! ". Puis, sur la porte de la chambre, une série d’autres post-it détaillant tout ce qu’il devait lui faire. Des consignes plus crues les unes que les autres. Il poussa la porte dans un état d’excitation que son bas-ventre avait du mal à dissimuler. Il la découvrit complètement nue, allongée jambes écartées dans l’attente, faiblement éclairée par sa lampe de chevet. Elle ondulait déjà de plaisir, les mains serrées au-dessus de sa tête sur le montant du lit. Il prit cela pour une forme de soumission. Il ne pouvait deviner qu’ainsi Anna réprimait le tremblement de ses doigts.
Anna reçut sa langue avec un bonheur inouï. C’était vraiment ce qu’elle voulait. Il avait envie d’elle depuis si longtemps qu’elle savait qu’il saurait l’aimer et ferait d’elle son jouet. Écrire les post-it affichés sur la porte l’avait mise dans un état d’excitation incroyable. Elle s’offrait à lui et il ne se priva pas d’en profiter. La lumière dans la chambre la rassurait tout de même.
Il entra enfin en elle lentement en l’embrassant dans le cou puis sur la bouche. Sur ses lèvres, Anna goûta son parfum intime et s’en délecta. Il aspira la pointe de son téton, triturant l’autre du bout de ses doigts. Puis il changea. Ne laissant aucun répit à la pointe de ses seins. Anna finit par se détendre et lâcha prise totalement. Cet intermède lui faisait du bien. Il la retourna bientôt et la prit sa ménagement. Comme elle le lui avait demandé. Il ne rechignait visiblement pas à lui obéir. La poitrine d’Anna tanguait sous les assauts de son amant. Il allait et venait en elle, puissant, vainqueur, généreux. Il râlait de plaisir. Elle l’accompagnait de ses gémissements et parfois de ses cris. Il s’appliqua, sans retenue, à remplir le contrat des post-it. Elle lui offrit la plus intime de ses issues. Il fut assez doux pour s’y glisser et suffisamment vigoureux pour en user au-delà du raisonnable. Elle aima la douleur qui martela ce plaisir-là.
Ce fut alors qu’ils étaient tête-bêche, occupés à goûter chacun à l’intimité de l’autre, que le pied d’Anna bouscula la petite lampe de chevet. Les yeux clos, allongée sur son amant, elle ne s’aperçut pas tout de suite que l’ampoule s’était éteinte. Détendue, offerte, bienveillante, elle sentit alors une main étrangère glisser sur son dos tandis qu’une autre malaxait doucement ses fesses. Un doigt glissa dans son sillon jusqu’à sa petite rosette et y pénétra. La raideur de son amant installée dans sa bouche, Anna sourit car elle venait de comprendre. Malheureusement, la lampe se ralluma et la sensation dans son dos et en elle s’évapora. La giclée épaisse qui s’épancha sur sa langue ramena Anna à la réalité du moment.
Cette nuit-là, elle se réveilla. Il devait être minuit et le rêve dont elle émergeait était peint de douceur. Il faisait doux dehors. Un peu trop chaud dans la maison. Son amant s’était éclipsé sur la pointe des pieds. Elle se leva et fit quelques pas dans son jardin, une lampe à la main. Le père Anselme avait raison. La peur nourrit la souffrance. Anna laissa glisser sa nuisette au sol et foula de ses pieds nus le gazon fraichement coupé. La fraicheur de la nuit glissait sur sa peau.
Elle alla appuyer son dos contre le grand chêne et prit une grande respiration. Elle se sentait sereine, apaisée. Elle ferma les yeux et respira calmement. Son pouce se posa sur l’interrupteur de la lampe et l’actionna. Elle rouvrit les yeux sur l’obscurité et s’efforça de sourire.
La chaleur d’une main glissa sur son ventre. Il était là. Elle sursauta. La main se fit griffue. Elle prit une grande respiration et repensa aux propos apaisants du curé. La main se fit soudainement plus douce. Elle posa un doigt au creux de son nombril et le caressa doucement. Puis la main le quitta pour descendre jusqu’à sa fine toison.
Ce fut à cet instant-là que le halo lumineux d’une voiture traversant la campagne vint éclairer Anna. La présence disparut aussitôt. Il était temps, car la peur commençait à s’insinuer. Anna ralluma sa lampe. Elle en balaya le jardin autour d’elle en marchant jusqu’à sa nuisette qu’elle ramassa d’un geste rapide et rejoignit la maison. Sur son corps, nulle trace de griffure. Anna sourit.
Dans quelques jours, elle irait naviguer à nouveau. Là-bas. Elle savait maintenant ce qu’elle devait faire.
À suivre.