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Temps de lecture estimé : 47 mn
18/02/16
Résumé:  Valérie, jeune fille de vingt ans, quelque peu innocente manque de se faire violer par un quinquagénaire alors qu'elle fait de l'auto-stop. Georges, cependant n'est ni assez fruste, ni assez rustre pour prendre de force ce qu'il souhaite qu'on lui offre.
Critères:  hplusag hotel voiture autostop intermast fellation init
Auteur : Laure Topigne            Envoi mini-message

Série : Les émois de Valériane

Chapitre 01 / 03
Les émois de Valériane - 1/3

Les émois de Valériane (1/3)




Selon une idée originale de G. Vieux.




L’année qui s’est ouverte en septembre s’annonce décisive. Ce sera celle des concours et de la vraie mise à l’épreuve de mes savoirs, mais je suis sans illusion, l’école des Chartes n’offre que douze places par an, chèrement disputées. Il me faudra me réaliser ailleurs, autrement.


Je me présente : Valérie, une jeune fille d’à peine vingt ans, souvent appelée Valériane, sobriquet qui désigne une plante dont on tirait dans le passé des philtres d’amour et dans le présent tout un programme ! Je suis une bonne élève, friande de littérature et de belles lettres, sérieuse jusqu’à trop, alliant une once de timidité à beaucoup de réserve. Cette réserve trouve son origine et son explication dans le fait que je ne me sente pas à l’aise dans mon monde, celui de mes pairs, par rapport auquel je me considère un peu déphasée.


Physiquement, je culmine du haut de mon mètre soixante-deux que je tends à amplifier, dès que j’en ai l’occasion, par de hauts talons qui galbent admirablement mes mollets et mes jambes parfaitement fuselées. J’adore me déhancher pour balancer une croupe rebondie, juste ce qu’il faut, et musclée sans excès grâce à des pratiques sportives tempérées. Je constate qu’alors les hommes, quel que soit leur âge, y compris les ancêtres, se retournent à mon passage pour me reluquer sans vergogne.


J’ai la taille bien prise et ne déteste pas, même si au demeurant je ne pique pas, l’étrangler avec une large ceinture abusivement serrée pour la réduire à une incontestable taille de guêpe. J’arbore un buste ferme et déjà conquérant, ma petite fierté, que j’aime pointer, mine de rien, en toute innocence, jusqu’à sous le nez de mes professeurs qui éprouvent dès lors les plus grosses difficultés à l’ignorer. Selon ma meilleure copine Émilie, tous, y compris mademoiselle Provence, une vieille fille acariâtre, prof de latin, louche sur lui à l’envi en blêmissant.


Mes amies me disent aussi que j’ai un visage céleste et quelquefois me surnomment « face d’ange ». Il me faut en effet admettre que ma figure reflète innocence et puérilité, ce que je conjugue avec un air évaporé, renforcé par mes grands yeux verts planant toujours sur des horizons ignorés, comme en quête de rêve. J’encadre cette bouille songeuse de longues et soyeuses boucles brunes qui s’harmonisent à mon teint mat et halé. En dépit de cette mine juvénile, on me prête régulièrement deux ou trois années de plus que je n’en compte réellement, sans doute en raison de mes formes accomplies. Bref, une superbe jeunette bien dans son corps, moins dans sa tête, hormis lorsque j’égare celle-ci dans mes livres.


Tout cela me vaut de nombreux soupirants et moult soupirs sans que ceux-ci ne me troublent vraiment.

Quant au sexe, j’ai eu quelques flirts avec des jouvenceaux de mon âge, mais si sots. Nous avons échangé quelques baisers plus ou moins chastes, plus dans les faits, moins dans les intentions, quelques attouchements réciproques et il m’est arrivé de pousser jusqu’à jouer avec eux à touche-pipi sans que cela ne m’introduise aux émois escomptés et sans calmer, ni ma curiosité, ni mes fringales. J’ai ainsi découvert des coquelets toujours prêts à plastronner, mais s’y employant si mal qu’ils ne font qu’exposer leur fatuité et laissent deviner tant leurs insuffisances que la peur qui les anime. Moi, qui révère une langue châtiée jusqu’à être un brin précieuse, ils ont tenté de me séduire avec leur baratin de trois sous, made in banlieue, censé les poser en mecs virils. Au final, je demeure une vraie jeune fille et ce statut à défaut de m’inquiéter en vient parfois à me démanger. Mes convoitises pourtant sont fortes, mais restent, hélas, dépourvues d’objet concret et j’ignore ni où, ni sur qui les fixer, car je me refuse à céder au premier venu dans le seul but de me déniaiser. Bien sûr, des films pornographiques et les secours vite frustrants de la toile, matée confidentiellement avec des copines, ont pu compléter mes connaissances sans créer cependant de véritable engouement.


Depuis quelques semaines, j’ai enfin un petit copain  : Thomas qui a deux ans de plus que moi. Il est épisodiquement pressant, toutefois un je-ne-sais-quoi m’empêche d’acquiescer à ses requêtes. Ai-je simplement envie d’exacerber ses désirs et sa fougue ou serais-je frigide ?


Mes parents sont restaurateurs et je partage avec eux heurs et malheurs d’une profession qui réclame fréquemment des bras supplémentaires. Tandis que mon frère aîné, Hector les seconde aux fourneaux, il m’arrive régulièrement, les week-ends, de les assister en salle, parée de ma tenue noire, fabuleusement décolletée, ultra mini et ornée d’un petit tablier blanc propre à alimenter bien des phantasmes. Je circule parmi les tables, me penchant sur les clients toujours en quête de renseignements complémentaires et il n’est pas rare qu’une main chafouine s’égare sur mes fesses ou ne les pince doucement. L’admettrais-je, cela n’est même pas pour me déplaire et je me glorifie de recevoir ainsi le témoignage de l’admiration de ces barbons plus malicieux que vraiment concupiscents. Poursuivrais-je cette confession, avouant que souvent, je fais le nécessaire pour provoquer ces gestes que j’estime ensuite comme autant de marques de sympathie et d’hommages discrets à mes charmes, sans compter qu’ils trouvent très habituellement leur épilogue dans de généreux pourboires.


Étant interne au lycée, j’échappe généralement à ces obligations familiales et je peux me consacrer au maximum à mes vrais héros, les livres et aux audacieux rejetons qu’ils décrivent.


Ce vendredi, l’absence de mademoiselle Provence nous vaut une sortie anticipée et l’air tiède, le climat ensoleillé de ce début de septembre me pousse à préférer un retour en auto-stop à la longue attente d’un bus poussif. Un externe de ma classe me transporte rapidement à la sortie de la ville où j’installe mes vigilantes espérances sur une borne kilométrique, vestige d’époques révolues qui ne connaissaient pas le GPS.


À peine déposée, « légère et court vêtue », voilà qu’un premier véhicule s’arrête dont l’équipage de trois jeunes bien rigolards et probablement très imbibés me propose une place à leur côté sans autrement s’enquérir de mon cap. Prudente, je décline, prétextant qu’un ami, qui ne saurait tarder, doit me retrouver pour me convoyer.


Je n’ai, une fois de plus, pas le temps d’agiter l’impatience de mon pouce qu’une seconde berline s’immobilise devant moi. Il s’agit d’une Fiat Multipla. J’aime cette voiture, bien singulière dans l’uniformité du marché automobile contemporain qui, de surcroît, est celle d’un vieil oncle pour lequel j’ai toujours éprouvé une sympathie particulière.


Derrière la vitre qui s’entrouvre, je reconnais un professeur du lycée à la réputation assez sulfureuse. Il passe pour draguer tout ce qui bouge : collègues comme élèves et, dit-on, parvient souvent à ses fins. Je ne l’ai jamais connu en tant qu’enseignant et je cède très inconsciemment à l’impulsion qui me pousse à vérifier la véracité de sa notoriété.



Je monte en le remerciant tandis qu’il m’engage à m’asseoir sur le siège central :



Me voici collée dans le fauteuil, au milieu du carrosse, et évaluant mon interlocuteur force petits coups d’œil furtifs. La cinquantaine et a priori, rien de très séduisant qui puisse expliquer les engouements de ces dames. Une stature imposante assortie à la corpulence propre à son âge. Un visage buriné, marqué de nombreuses rides, des cheveux à peine grisonnants organisés selon une coupe classique, mais savamment ébouriffés. Une barbe cendrée, courte et taillée légèrement en pointe. Une mise d’intello, affichant un air faussement négligé destiné à manifester son mépris du chiffon. Non pas moche, néanmoins assurément pas un Apollon. Et puis, à y regarder mieux, l’harmonie de ces éléments dégage un charme certain : une touche de distinction qui force l’admiration et un respect mâtiné de crainte.


Pendant que je l’examine, il me bombarde de questions : mon nom – Valérie – quel prénom ravissant ! (je suppose qu’il aurait usé de la même réplique si je m’étais annoncée Cunégonde) – mon âge – je confesse vingt-deux ans en un pieux mensonge – le bel âge, n’est-ce pas, celui des fredaines et des amours sans conséquences ni lendemain ? Votre occupation dans la vie – surtout ne pas divulguer que je suis étudiante dans son lycée – je déclare être chef de rang dans l’hôtellerie que mon père tient à Urdisheim.



Sans pouvoir me remémorer la tête des protagonistes, je me souviens incontestablement de cet épisode, tout autant que d’un vigoureux pincement de mon fessier qui l’a marqué d’une durable ecchymose. Fut-elle compensée par une royale indemnité ? Je l’ai totalement oublié.


Lui aussi me jauge. Si j’en juge aux embardées de la voiture, le vieux cochon me mate sans vergogne et ses yeux s’attardent avec bien plus de complaisance sur mon buste et mes jambes serrées que sur la route. J’en suis d’abord horriblement gênée et tentée de tirer sur ma jupette pour l’allonger jusqu’à mes chevilles, mais j’ai peur que ce geste ne me ridiculise et j’imagine que loin de le calmer, il ne fera que davantage l’émoustiller. Je rougis et me tortille sur mon siège que je suppose être dès lors garni de charbons ardents. Bientôt, il s’empourpre à son tour sans que la timidité en puisse être la cause. La fièvre de son regard m’effarouche et me gagne. Je devine qu’il en est tout à fait conscient, qu’il est de surcroît satisfait d’engendrer ce malaise, ce qui ne fait qu’amplifier mon trouble. Je m’épouvante de frayeurs que lancine ce que je ne parviens pas encore à identifier comme du désir. Une honte confuse m’envahit, transpercée par des bouffées d’orgueil lorsque je me découvre capable d’électriser un vieux noceur tel que lui.


Quelle folie me gagne-t-elle ? J’en perds la tête : est-ce l’évocation hors de propos de cette femme s’exhibant devant des inconnus ou cette invite pressante, bien que muette, à me comporter à sa façon ?

Tout à coup, alors que je suis déjà très affolée, il quitte la route principale et s’engage dans un chemin forestier obscur et sinueux.



Je connais bien sûr la réponse à ma stupide question et je m’agace de la naïveté qui me l’a dictée. Depuis un moment, je redoute si fort une incartade de ce genre que, lorsqu’elle se produit, mon stress s’en trouve presque amoindri.



Après quelques centaines de mètres, il immobilise la voiture dans une petite allée transversale qui me semble perdue aux confins du monde habité.



Je détache ma ceinture et tente de m’éjecter de la voiture dont je constate alors qu’il a verrouillé les portes. Je me trouve coincée entre lui qui s’est déplacé sur le siège central et cette porte bloquée. La Multipla n’offre, avantage ou danger auquel je n’avais jusqu’à ce jour jamais pensé, aucune séparation entre les places avant. Il va me falloir réviser ma cote d’amour pour ce panier à salade, et pour l’instant, la salade c’est moi, que l’on effeuille déjà.


Des mains m’assaillent de partout, des mains sur mon pull qui expertisent ma poitrine, des mains sous ma jupe qui évaluent la musculature de mes jambes. Et des lèvres aussi, gourmandes, sèches, rêches, des lèvres exsangues en quête des miennes qui s’approchent, s’accrochent à elles et les pressent dans l’espoir d’un baiser, une langue perforante enfin qui veut forcer ma bouche. Leur échec les détourne sur mon cou où elles s’accompagnent des picotements d’une barbe qui allume de chaudes démangeaisons.


Je ne tente pas d’appeler – qui pourrait m’entendre dans cet isolement –, mais me débats aussi vaillamment que vainement sous ce corps massif et lourd qui m’écrase. J’essaye d’écarter ces tentacules, elles encore qui s’insinuent, grosses pattes noueuses, rugueuses et qui fourragent sous mon chandail, accrochent mon soutien-gorge le roulant vers le haut, empaumant la frêle tendresse de mes seins juvéniles. Soudain, agiles et adroites, elles dégrafent ce rempart protecteur puis agrippant tout ensemble ces linges qui cachent mon torse les font basculer par-dessus ma tête.


Je suis nue, exposée à son regard incendiaire qui ne me laisse aucun doute quant à l’efficience de mes charmes. Pour mieux les déguster, lubrique, il se recule. Je sens que comme pour lui complaire mes seins déjà fermes se redressent, mes mamelons rosés se carminent et que mes gentils tétons se gonflent d’une ardeur équivoque. Je suis paralysée, anéantie par la peur, bouleversée de stupeur. Gloutonne, sa gueule revient à la charge et se précipite sur ces misérables appas. Elle les pourlèche avec voracité, les aspire goulûment avant que les dents ne s’escriment sur leurs cimes fragiles qu’elles mordillent et agacent. C’est ignoble, mais délicieux. Des fulgurances me vrillent et des éclats de volupté me transpercent.


Ces mains maintenant s’activent, pour l’une sur mon second sein, pour l’autre, plus entreprenante, sous ma jupette où elle enfonce sa brûlante ignition vers des zones interdites. J’ai fermé les yeux, ne le vois plus et ne ressens, en dépit de mes vaines alarmes, que le splendide et insensé vertige de mon abandon, le fol appel de mes sens tandis qu’il glisse une phalange habile dans mon string. Explorant mon mont de vénus, glissant vers l’antre secret, que je lui tends bien involontairement, et qu’il visite d’un bref, mais mémorable affleurement, il recueille des élixirs que j’ignorais y celer. Il dorlote mon clitoris d’un pincement qui se fait passer pour la plus suave des caresses. Je n’en peux plus et implore, et halète, la mine toute défaite.


Il savoure ostensiblement ma pâmoison, mon air atterré que la panique dispute aux bribes de plaisir. Il reflue pour mieux se caler dans son siège, et je crois que c’est pour se divertir de ma physionomie effarée alors qu’il veut simplement se débraguetter et faire jaillir un pénis turgide, en pleine érection et au gland violacé. L’objet n’a rien d’attirant et me répugne plutôt. Quand après un bref tripotage, il commande « Suce-moi », je crois que je vais défaillir. C’est inimaginable et proprement (ne vaudrait-il pas mieux dire salement) impossible. « Suce-moi », ces mots me font l’effet d’un coup de tonnerre qui me réveille et me rejette dans mes effrois et dégoûts. J’ai dû sucer le sein de ma mère, des berlingots et autres sucres d’orge, mais cette horreur, l’idée seule me révulse. J’éclate en sanglots, lourds et convulsifs et, exposant ma niaise candeur, je hoquette :



Je suis ravagée par l’humiliation ! Est-ce ma figure éplorée ou ce statut de pucelle honteusement confessé qui le tempère ? Attendri, renonçant à cette infamie, il me dit :



Éperdue, complètement perturbée, je ne comprends pas son exigence et esquisse une câlinerie sur mon visage.

Goguenard et ému par tant d’ingénuité, il me sourit :



Doucement, appuyant juste ce qu’il faut, il remonte ma robe très haut sur mes jambes, flattant mon entrecuisse. Comprenant dès lors mon erreur, je porte une main apeurée, hésitante à mon sexe et abaisse mon string. Oh, que j’ai honte, honte de plier à son ordre hors de toute contrainte physique, honte de mon ignorance, honte jusqu’à de ma honte, cette honte qui me tétanise et me raidit. Et pourtant, je m’exécute. Ce n’est pas la première fois que je me livre à la masturbation, mais ce contexte en dépit de ma honte, peut-être en raison de celle-ci, m’excite particulièrement. Je risque quelques effleurements sous son regard gourmand puis m’enhardis, m’offre à l’affabilité de mes doigts qui progressivement écartent mes lèvres et s’enfoncent dans ma chaleur déjà moite, c’est meilleur que jamais.


Il saisit ma main libre et posément la porte à sa hampe, l’enjoint à enserrer cette tige et la conduit à opérer de lents va-et-vient sur elle. Me voici donc occupée à manier deux sexes différents et si le sien a d’abord offensé ma vue, il n’en va point de même pour mon toucher. J’éprouve une sensation agréable comme lorsqu’on caresse un petit animal que l’on sent frémir dans ses paumes. Progressivement, j’accélère simultanément mes mouvements et me réjouis de son essoufflement de plus en plus fort, comme le mien aussi d’ailleurs. Soudain son corps se contracte pendant qu’il éjacule en jets spasmodiques un liquide chaud et onctueux qui s’épanche sur mes cuisses et mes bras. Ses tensions se relâchent, son visage se décrispe, il me fixe et je lis une intense satisfaction au fond de ses yeux.

Il tire un mouchoir de sa poche et m’essuie affectueusement, paternellement presque.



Rogne, je déclare :



Ce n’est pas sans un certain orgueil que je me dis : « Ça y est, tu as branlé un mec jusqu’à le faire jouir », mais aussi, un regret me hante, le sentiment bizarre d’un vide, l’idée d’une félicité inconnue, côtoyée, mais toujours ignorée, une euphorie attendue, pressentie et qui n’est pas venue. Je sens que je n’ai pas été au bout du plaisir, n’ai pas atteint à ce Graal si convoité, au dire des copines, l’orgasme.

Reprenant la route tandis que je suis encore toute tremblante, il reprend :



Mais qu’est-ce qu’il imagine, je ne sais que trop bien comment se terminent les repas avec lui, il vient de me le rappeler, et je n’ignore pas la manière dont les gentlemen traitent les pucelles.

Me déposant presque à ma porte, il me souhaite bonne soirée et me lance :



Qu’entend-il donc par « prendre », ce satyre impénitent ?



Je lui réponds :



En franchissant le seuil du domicile de mes parents, je suis encore toute flageolante, secouée par les émois qui m’ont agitée et m’agitent toujours. Évidemment, je n’irais pas, à moins que… Mais non, il ne faut pas y penser… et en dépit de cette sage résolution, je ne fais que cela !


Tout le week-end se déroule dominé par ce souvenir obnubilant. Je ne suis pourtant pas traumatisée, ou plutôt si, mais c’est par la faiblesse de ma rébellion ainsi que par cette impression qui me poursuit et m’offusque d’avoir jusqu’à un certain point, prisé l’aventure.


Pendant toute la semaine, je m’absorbe dans mon travail qui, heureusement, ne fait pas défaut. Toutefois régulièrement, comme dans un flash, la scène me revient, obsessionnelle. Je n’avais jamais vu de pénis crachant sa bave mousseuse et nacrée, je n’avais tout simplement jamais vu de pénis en état d’érection, et puis, zut, avouons-le, je n’avais jamais vu de pénis tout court (quoique plutôt long). Lorsque l’épisode s’évoque, je demeure, à chaque fois, un instant fascinée, dominée par un sentiment de dégoût, mais aussi d’étrange envie, au point de regretter presque de ne pas avoir cédé à son injonction. Avait-il raison en me déclarant : « J’ai bien senti ton corps plus enclin à se livrer et à transgresser certaines censures et répulsions que ne l’y autorisait ta tête ». Et puis lancinante se répète la question : irai-je samedi ?


Le vendredi, lorsque je rentre, ma mère me signale qu’on a apporté un grand colis à mon nom et qu’elle l’a déposé dans ma chambre. Intriguée, car n’ayant rien commandé, je me précipite pour déballer le paquet. J’y découvre une tenue complète, très chic et d’une élégance raffinée, bien qu’un peu trop classique à mon goût, encore que j’apprécie beaucoup de me travestir en serveuse. Tout y figure : une robe noire, presque transparente à force d’être légère, des escarpins aux talons démesurés, un ravissant soutien-gorge bandeau, une culotte vaporeuse, agrémentée d’un frou-frou de dentelles et, pour comble… un porte-jarretelles et des bas. Un mot enfin, griffonné sur un bristol :


« Pensez bien, charmante Égérie, qu’aux bonheurs de l’essayage, je regrette de ne vous avoir assistée. J’espère que cette parure saura, tout comme moi, vous séduire. Ces regrets s’accompagnent d’autres qui me font déplorer devoir déclarer forfait pour demain. Ne vous en alarmez point, je ne diffère donc que d’une courte huitaine la joie de vous admirer dans vos atours (barrez courte, s’il vous plaît, et substituez-y interminable). Je vous retrouverai ainsi samedi soir prochain à dix-neuf heures sur le parking de votre restaurant. Ne vous méprenez pas, ceci n’est pas une prière, mais une incontournable convocation.

Si d’aventure, je m’étais fourvoyé quant à vos mensurations, vous trouverez une enveloppe collée au fond du carton contenant l’adresse des faiseuses auprès desquelles je me suis fourni et leurs factures, nécessaires à tout échange. Cela cependant m’étonnerait fort, car, déjà, je vous ai dans la peau.

Tout à vous – Georges

Georges-tout-a-vous@onagre.fr »


Que s’imagine-t-il, ce vieux pervers ! Il lui suffirait d’ordonner et je ne saurais qu’obtempérer pour me pavaner à ses côtés dans des fringues du temps jadis ?


Je vais lui renvoyer tous ces oripeaux, mais où ? Pas au lycée quand même ? Quel démon m’aiguillonne ? Je ne résiste pas à l’idée de me découvrir dans ce costume. J’enfile d’abord la robe qui me serre un peu, mais que je devine révéler splendidement mes formes. Je n’ai pas mis le soutien-gorge et mes tétons dardent leurs pointes ardentes sous le linge câlin. C’est ainsi qu’il la faut porter, me dis-je, rendant hommage au choix de mon faune adulateur. Aguichée, je tente un bas que je n’attache pas et me hisse sur les périlleux escarpins, un poil trop petits et qui me font mal. Je pense néanmoins que ce n’est assurément pas pour le confort qu’on se chausse de la sorte.


Tous ces exercices ravivent en ma mémoire une rengaine tirée d’une opérette ancienne que fredonne parfois ma mère : « Tous les messieurs sont des vicieux, quand ils habill’nt de jolies filles, c’est qu’ils espèr’nt se payer le droit de les déshabiller. » (1) Je me rencontre dans le miroir et surprise, j’ai du mal à m’identifier. Quoi, c’est moi, cette jeune femme hyper classe qu’on dirait extraite d’un magazine destiné à la promotion du luxe. Évidemment un bas unique et non fixé qui déjà s’évade, cela fait un peu négligé. Je complète donc ma tenue non sans que jarretelles et bas ne me soumettent à quelques rudes embarras, moi qui n’ai jamais pratiqué ces ornements surannés. Mes efforts trouvent bientôt récompense et je me dandine maintenant devant la glace, ébahie par la finesse épurée de mes lignes, m’assieds sur un tabouret, croise et décroise les jambes m’amusant des crissements du nylon, remonte la robe jusqu’à exhiber les impudiques attaches. Décidément cette tenue qui me déguise en femme authentique me donne du chien et je me trouve plutôt … bandante. Aucune outrance pourtant qui pourrait me faire sombrer dans l’immodestie si ce n’est peut-être les transparences du tissu ou la hauteur des talons.


Et si je faisais à Thom la surprise de cette tenue ? Il serait capable de n’en rien voir ! D’ailleurs, il faut que je lui téléphone pour occuper plaisamment cette soirée de demain désormais libre.

Je me change et redescends.



J’appelle mon galant avec lequel nous convenons d’un cinéma pour demain.


En fin d’après-midi, Thomas passe me chercher et nous voilà partis tous les deux pour avaler une comédie insipide dont je fais semblant de me distraire. Le film est lourd et beaucoup trop long à mon sens, mais j’endure avec résignation. Mon malheureux galant ne songe pas seulement à cajoler mes cuisses pour me divertir alors qu’il paraît que ce n’est pas le moindre usage des salles obscures et que d’aucuns prétendent que c’est à cette intention qu’on a inventé le cinéma.


La séance enfin achevée, Thomas me propose de boire un verre chez lui (ses parents étant absents pour le week-end) avant de me ramener. J’accepte, avec une joie toute teintée d’espérances. Après tout, il lui reste à faire ses preuves, et je suis curieuse de savoir s’il tentera de plus sérieusement m’entreprendre et de menacer ma virginité.


Je ne suis pas déçue. Arrivés, il s’empresse de m’embrasser impétueusement accompagnant ses baisers de mains aimablement baladeuses qui visitent ma poitrine et mon fessier. Voilà un prélude qui n’est pas pour me déplaire. Très vite, il m’entraîne dans sa chambre où il m’allonge sur son lit.

Ce beau garçon, gentil et réservé, me fait alors craquer et après une brève réflexion, emportée par sa fougueuse introduction, je m’entends lui déclarer d’une voix solennelle :



Il ne parvient qu’à me répondre laconiquement :



Les événements ensuite se précipitent si vite que j’ai du mal à réaliser et comprendre ce qui m’advient. En un tour de main, il me débarrasse de mon jean et de ma petite culotte en dentelle. Il esquisse quelques caresses maladroites avant de se déshabiller et de s’affubler d’un préservatif. J’ai droit à une pénétration à la sauvette, comme s’il craignait le retour inopiné de ses parents. Bientôt, une douleur fugace transperce mon ventre tandis qu’il halète et geint puis il me déserte pour retirer sa protection et oindre mon ventre et mon pubis d’un jet lactescent. Il s’avachit lourdement sur moi et m’écrase sans complaisance, le temps de reprendre son souffle. Enfin, il se relève et se reculotte l’air égaré, vaguement absent et un peu gêné, je crois !


Voilà ce que fut mon dépucelage, voilà ce qui me fit basculer du statut de vierge à celui de femme avérée. L’affaire fut expédiée en deux temps, trois mouvements. Trois mouvements pendant lesquels il s’adonna à son petit plaisir égoïste, et encore… y trouva-t-il seulement du plaisir ? Moi, qui rêvais de folles étreintes, d’enlacements passionnés, de soupirs mugissants, de cris perçants et de délirantes pâmoisons n’y trouvais pas même une véritable excitation. Moi, qui rêvais, j’ose à peine l’admettre, d’être écartelée et victime consentante d’une terrible jouissance, je n’ai rien senti, ou presque rien, rien d’agréable en tout cas. Il n’y eut jusqu’à la déchirure de l’hymen que pleine de craintes, j’appréhendais en dépit de mon empressement à perdre ma virginité, qui ne fut à peu près indolore.


Moi, que des mots comme luxure ou stupre transportaient vers un monde de péchés convoités et délicieux, je n’ai pas subi le moindre éblouissement et me suis presque ennuyée au cours de ses sordides petits va-et-vient.


Il n’a pas pris le temps de complètement me déshabiller et de m’admirer, quel goujat ! Quelle horreur, quel gâchis et quelle déception ! Cela fut aussi banal que de boire un café, le sucre en moins. Je m’en souviendrai longtemps, ou plutôt non, j’essayerai d’oublier très vite.

Évidemment, je me sens responsable et une sourde honte m’accable. Comme lui, je n’ai sans doute pas été à la hauteur. J’aurais dû davantage le titiller, j’aurais dû être moins passive, j’aurais dû… et puis merde, je ne vais pas culpabiliser pour ce con.

Après quelques instants, il s’offre à me raccompagner, j’accepte, soulagée, tant je veux l’écarter de mes pensées et ne plus le subir.


En rentrant, furieuse contre lui, contre moi, contre le monde entier qui est si moche, je trouve le petit carton de mon satyre préféré. Au point où j’en suis, pourquoi pas ? J’ai touché le fond ! Voyons s’il sait aller à contre-courant de ma morosité. Je me précipite sur mon Netbook et rédige le courriel suivant :


« D’accord pour vendredi prochain si vous me promettez de rester sage. Valériane ».


S’ouvre une semaine maussade ponctuée tantôt par les tristes réminiscences de mon dépucelage, tantôt par le souvenir de cette promesse arrachée dans un moment de détresse. Mille fois, je me dis que je n’irai pas, qu’il est encore temps de renoncer. Mille et une fois, je me réponds que je n’ai plus rien à perdre et me voici arpentant le parking devant chez nous, à vingt heures, ce vendredi soir.


Je me suis enveloppée dans une grande cape pour dissimuler ma tenue à mes parents et n’ai enfilé les talons aiguilles que hors du domicile familial. Dans le ballet des voitures qui encombrent les lieux, je repère un luxueux cabriolet qui me fait de l’œil avec ses phares. Encore un incorrigible dragueur. Je m’éloigne et il démarre pour se rapprocher, vitre ouverte – je reconnais mon prof.



Il m’emmène vers l’une de ces étoiles consacrée par Michelin, supposée être et faire mieux que chez papa, ce qui n’est pas peu dire. Si c’est ainsi qu’il compte m’égarer !



Vestiaire, où je retire et dépose ma bure. Une seconde, une courte seconde, son œil s’enflamme et l’embrase tout entier en retour. « Tous les messieurs sont des vicieux, quand ils habill’nt de jolies filles, c’est qu’ils espèr’nt se payer le droit de les déshabiller. » Une seconde, une courte seconde, c’est plus affolant que si je me trouvais exposée toute nue dans ce hall froid et impersonnel du restaurant. Je happe dans les braises de son regard, les insanités qui sillonnent son esprit, les grivoiseries qui se bousculent dans sa tête et les concupiscences qui fouettent ses instincts. C’est indécent, mais prodigieusement attisant.


Il s’annonce. Nous sommes promptement pris en charge et pilotés vers notre table. Il nous faut traverser la grande salle presque pleine et je constate que je produis mon petit effet ; des conversations se suspendent et des yeux, admiratifs, ceux des hommes, ou envieux et soupçonneux, affûtant déjà quelques noires calomnies, ceux des dames, me poursuivent.

Un frisson délicieux secoue mon échine. J’espère seulement que juchée sur mes échasses, je ne me torde pas la cheville et me réjouis toutefois du fait que cet éclairage tamisé ne révèle que faiblement les transparences de ma robe.


On nous dirige vers une table ronde occupant un angle de la pièce où sont installés deux couverts, non pas vis-à-vis, ce qui priverait l’un de nous du spectacle du microcosme qui s’agite ici, mais côte à côte, ce qui lui permettra de me peloter tout à son aise. On nous installe et comme je m’y attends, il enserre immédiatement mon poignet :



Ricaneur, il poursuit :



Il commande un double scotch et bien que peu accoutumée aux boissons fortes, je l’imite présumant qu’avant peu, j’aurais besoin de ce remontant.



Je ne suis pas très sûre de sa réponse qu’il bredouille, indistincte, mais où il me semble comprendre :



Puis sans me laisser le loisir de m’en offusquer, il reprend beaucoup plus distinctement :



Pour moi qui m’attendais à des compliments, à un éloge ou à un flagorneur encensement, bref à tout l’arsenal du bonimenteur, c’est la déconvenue.



Que puis-je répondre ? Je ne vais tout de même pas avouer que c’est pour être plus à l’aise quand je drague ! Maintenant qu’il m’a mise en position fautive, il se penche sur moi, très près, trop près et je sens son haleine dans mon cou. Décidément, il ne perd pas de temps et j’affûte déjà la gifle que je lui destine s’il risque un baiser.



Je suis outrée par son indélicatesse. Que signifie cette phrase ambiguë et comment peut-il s’emparer d’une confidence intime qui m’a échappé dans un moment d’infortune pour se moquer de la sorte ? J’enrage et le rouge me monte au front.



On vient prendre nos commandes, ce qui l’interrompt momentanément puis il poursuit :



Son genou maintenant rencontre le mien et, à nouveau, je me hérisse et me crispe, prête à l’alpaguer. Instantanément il s’écarte en s’excusant distraitement.



Il entame une longue tirade où il mélange ses études, les miennes, le métier de bibliothécaire avec celui de prof de lettres, l’intérêt réciproque des cultures latines et helléniques. Pendant qu’il discourt, il vide et remplit son verre avec une régularité de métronome. Bientôt, je ne l’écoute plus que distraitement. Suis-je venue là pour entendre telle épître ? Au fait, pourquoi suis-je venue ? Si je n’étais pas aussi énervée, je crois que je m’endormirais. Je m’attendais à tout, sauf à cela et m’en trouve très agacée. Deux fois encore sa jambe frôle la mienne et deux fois, il la retire tout aussitôt.


Je constate qu’à présent, il fixe, tout en poursuivant sa péroraison froide comme la lecture du Code pénal, deux vieilles, trente-cinq ans au moins, les dévore des yeux et n’hésite pas à leur adresser de discrets sourires. Il s’anime jusqu’à lever son verre à leur santé.

Ce comportement m’humilie si cruellement qu’à mon tour, faisant fi de toute discrétion, j’applique ma cheville contre la sienne, ne serait-ce que pour lui rappeler mon existence et exaspérée au dernier degré, je lui lance :



Il se recule sur sa chaise et, tétant son verre, rêvant tout éveillé, d’une voix basse et onctueuse, il susurre :



Il marque une pause, et retire placidement sa cheville qu’il avait laissée au contact de la mienne, frémissante de cet attouchement prolongé, tandis que je m’irrite toujours davantage. Me blâme-t-il, avec ce tact dont il est familier, de mes rebuffades de l’autre jour ? Se redressant sur son siège, prenant un air railleur, il conclut :



À ce moment, je le déteste de toutes mes forces et soudain, excédée, sans que rien ne me le laisse prévoir, j’exige :



Qu’est-ce qui m’a pris ? Je ne suis plus rougissante, mais écarlate, pivoine quasiment. Comment ai-je pu lâcher ces deux mots ? Et pourquoi le tutoyer ? Quelle ignominie et quelle honte ! Quelle tentation me jette ainsi dans ses bras ? Il ne m’attire en rien… mais suis-je, de ce rien, si bien assurée ? Quelle est donc cette sourde envie qui me consume, née à l’allumette des frustrations que m’a infligées Thomas et embrasée par celles auxquelles il m’a soumis lui, tout au long de ce repas. Je souhaitais être reine de cette soirée et le mener par le bout du nez (évidemment pas dans mon lit) et je me découvre simple faire-valoir.



Avec quelle impertinence, il se gausse de moi. J’ai cherché à l’allumer, moi ? mais où donc, quand donc l’ai-je entrepris ? Tout se brouille dans ma tête, tout semble aller à l’envers de ce que j’attendais : c’est moi qui le tutoie et quémande, misérable, son baiser. J’ai tout à la fois envie et de pleurer et de rire. Il poursuit :



Comme hypnotisée, j’obéis pendant qu’il me contemple en sirotant son vin blanc.



« Tous les messieurs sont des vicieux… » revient vriller ma tête. Je me sens acculée, me souviens avoir pensé que cette robe devait se porter sans dessous, et comprends pourquoi le soutien-gorge offert était dépourvu de bretelles. Et voici que je me tortille pour le retirer le plus discrètement possible.


Les yeux ont-ils le pouvoir d’affermir une poitrine - je suis bien forcée de penser que oui –, car la mienne, proie désignée à la lubricité de ceux de mon compère et par une insolite contagion, me semble-t-il, de ceux de la salle entière, se gonfle et durcit si fort qu’elle en devient douloureuse tandis qu’une humeur tiède mouille mes cuisses. Oui, j’ai besoin de sentir son regard élogieux et enfiévré sur ma gorge dénudée. Oui, je brigue son désir de mâle en rut. Oui, je souhaite l’assujettir pour m’assurer de mes capacités de séduction. Plus agitée que jamais, en lui tendant mes lèvres, je minaude :



Dès que celui-ci se trouve en face de nous, mon infernal compagnon l’interroge :



Évidemment cet impudent me matte avec l’acuité que lui confère cette autorisation et je sens mes seins si enflés qu’au bord de l’explosion. Une câlinerie secourable devrait en diminuer l’exacerbation et j’éprouve la tentation délirante de m’en saisir pour les triturer à travers la voilette du tissu, face à cet inconnu, qui répond effrontément :



Pour une fois, je saisis tout de suite et m’exclame :



«… et quand ils habill’nt de jolies filles… » La chansonnette interfère avec son « qui sait » murmuré dès le début du repas. Enfin, alors que précisément je n’ai plus la moindre intention de le gifler, il me touche et sa main me communique chaleur et enthousiasme, ne m’évoque plus en rien la patte griffue de notre première rencontre. Ainsi implorant, soumis à ses convoitises et mes caprices, je me surprends à le trouver séduisant et, d’une certaine manière, il me fait fondre. Ce salop est diabolique pourtant et a tout manigancé, mais en définitive j’apprécie cette domination qu’il m’impose tout en faisant mine de me laisser maîtresse du jeu et je suis pleine d’admiration pour son grisant machiavélisme. Je reprends mes contorsions pour satisfaire sa demande. Une sensation étrange me submerge : c’est la première fois depuis ma tendre enfance que je me trouve le cul nu, plantée sur ma chaise, qui plus est au restaurant, face à un vieux prof qui me courtise, et pour comble, je trouve ça aussi exquis qu’extravaguant. Je ressens avec stupeur combien me bridait ce cordon de dentelle, concentré de notions comme devoir, décence, réserve, astreinte, respectabilité et que sais-je encore. Je me sens soudain prise d’inclinations inavouables, d’aspirations scandaleuses. Évidemment, j’ai l’impression que tout le monde me regarde et s’offusque de l’inconvenance de mon geste. Ce dessous, que je tripote avec désarroi m’embarrasse néanmoins énormément, et je ne sais où le dissimuler.



Je le lui donne subrepticement et alors qu’on nous sert nos desserts et qu’il commande deux cognacs, voilà que lui l’exhibe fièrement en le portant à ses narines.



Je ne sais que répondre et me contente d’une ridicule admonestation :



Pour toute réponse, il glisse une main sur mon genou. Je sursaute, mais le laisse faire. Il me semble que ses doigts sont devenus terriblement apaisants et évacuent mes tensions accumulées pendant cette mémorable soirée. J’ai une envie folle de les sentir grimper le long de ma cuisse, de monter jusqu’au… non, non, non, ça, c’est impossible. D’ailleurs, ils s’arrêtent juste avant l’échancrure du bas, juste à la lisière de mes chairs les plus tendres, générant ainsi une nouvelle frustration, et se bornent à pétrir ma jambe en une caresse ferme et appuyée.


Il sirote lentement son cognac, puis le mien que je lui cède volontiers, m’engluant dans un éloge dithyrambique, me couvrant de blandices pour parfaire ma confusion.

Lorsque nous nous levons, il titube nettement et s’appuie sur mon bras.



Au comptoir, j’ai l’impression de le voir échanger un coup d’œil complice avec la réceptionniste qui déclare en effet disposer d’une dernière chambre. Il part vers l’escalier en titubant et j’ai peur qu’il ne s’y effondre. Je décide de l’accompagner et de le soutenir jusqu’au seuil de celle-ci. Au fur et à mesure de notre ascension, son ivresse se dissipe. Arrivé au sommet de l’escalier, il me lâche, se redresse et me fait face, puis s’enfonce à reculons dans le couloir.



Parvenu à sa chambre, il en ouvre la porte, y pénètre de son allure rétrograde, en me tendant ses lèvres. Comme magnétisée, je le suis. La porte claque bruyamment derrière moi, avertissement de non-retour. Son ébriété s’est dissipée. Il reflue encore puis s’arrête, acculé au mur tandis qu’aspirée par sa feinte succion, je m’annihile dans ses bras tentaculaires.



Arrêt sur image ! Moi, Valériane, jeune fille de vingt ans, presque pucelle (dans mon esprit en tous cas) je viens de m’engouffrer dans la chambre d’hôtel d’un grand-père saoul (ce n’est pas si sûr ?) et de me précipiter dans ses bras. Je n’ignore rien de ses noirs desseins et libidineux projets auxquels je n’ai nulle intention de céder (enfin, c’est ce que je me dis) bien que venant de lui faire cadeau de mon soutif et de ma culotte. Ce vieux barbon m’a mise dans un état d’énervement (toutefois je crains qu’à ce mot il n’en faille préférer d’autres dont je m’effraye encore même s’ils sont plus adéquats à la situation) tel, que l’urticaire qui me dévore est semblable à celle que j’éprouverais s’il m’avait fessée avec une botte d’orties. S’y ajoutent, à présent, les picotements de sa barbe quand je presse fièrement (car pour un peu j’imaginerais que c’est moi qui ai obtenu sa capitulation) mes lèvres contre les siennes.


Clap de reprise ! Sa réaction est immédiate et je m’étouffe d’un baiser ravageur n’ayant rien de commun avec les amusettes dont me gratifiait Thomas lesquelles me laissaient de marbre et m’interrogeant sur les agréments qu’on devrait tirer à gâcher ainsi ses salives. C’est bien plus qu’un baiser d’ailleurs et je le vis comme une péremptoire prise de possession, comme une effraction sauvage. Il a envahi ma bouche et l’explore d’une langue vigoureuse et conquérante.


Voici pour le côté rugueux qui se conjugue chez moi, avec le côté abandon et vertige. Je me laisse faire un instant puis tente de répondre à sa charge avec mes faibles moyens et ma débile expérience. Il a franchi les digues à la hussarde, mais se fait ensuite plus amical, cherche assentiment et complicité en retour, s’amuse de ma langue qui ne tarde plus à lui répliquer et elles se récréent bientôt l’une de l’autre, se mêlent et s’entremêlent dans un ballet enjoué.


Il passe maintenant dans mon dos et me tenant fermement par les épaules me pousse vers le lit, où je pense (j’espère, qu’en sais-je ?) qu’il va me culbuter. Devrais-je résister, esquisser un semblant de révolte ? Et si, gentleman comme il s’était annoncé, cela l’arrêtait ? Non, non, ma petite, tu l’as bien cherché, tu boiras le calice jusqu’à la lie ! Bien sûr, ce que je présumais, ne se produit pas. Atteignant cette couche d’infortune, il me plie en équerre et me demande de m’appuyer sur elle. La grande glace qui me fait face de l’autre côté reflète la scène. Il commande sèchement :



J’ouvre leur compas faiblement, en total déséquilibre sur mes escarpins.



J’aime son ton de prof autoritaire, j’aime cette domination qu’il m’impose, que je n’admettrais sans doute pas venant d’un garnement de mon âge et je m’exécute pour lui offrir la fastueuse rondeur de mon fessier. Je redresse la tête et m’aperçois dans le miroir indiscret. Où est donc cette naïve Valérie, un brin évaporée ? À sa place, je ne rencontre que Valériane la soumise, ruminant sur ses lèvres vermeilles la férocité d’une cuisante embrassade, illuminant ses yeux d’une lascive flamme, prête à s’abandonner comme une garce en chaleur.


Il commute l’éclairage neutre et sage du plafonnier avec l’éclat violent d’une rampe de spots dont la lumière crue me transperce. En fait, elle transperce surtout ma tenue déjà diaphane qui se réduit à un vague voilage, pour lui surtout qui vient se positionner derrière moi, dissimulé dans les ténèbres.


Il se plaque contre mes fesses et je sens l’enflure qui distend son pantalon à travers nos vêtements. Je présume qu’il va soulever ma robe et frissonne, appréhension ou envie, je ne sais, mais comme toujours il se comporte à l’inverse de mes attentes et n’en fait rien. Mon décolleté baille outrageusement et dans son évasement je distingue l’intégralité de mon jeune poitrail, mes seins tout blancs, totalement dénudés qui ballottent nonchalamment au rythme des heurts dont il ébranle ma croupe. Cette vision est magnifique d’impudeur et partant, d’impudence. Ses grands battoirs viennent les emprisonner et les compriment énergiquement puis relâchent leur pression, les effleurent, les palpent, les flattent un instant et je m’exalte à l’idée de les voir ramper jusqu’à l’échancrure de mon corsage, s’y insinuer et pour les saisir brutalement. J’en frémis d’empressement. Mais non, dédaignant cette aubaine, elles agrippent mes mamelons à travers le voile, les roulent et les pincent hardiment. Le canevas de l’étoffe ajoute un crissant affriolant et ce doit être plus agréable ainsi que sur la peau nue, ça concentre toutes les douceurs de l’enfer. Une contraction me fige et je sens une humeur chaude engluer mon sexe. Simultanément, son souffle court sur mes épaules découvertes, et sa barbiche me chatouillent attisant ma folâtre agitation. Ses mains glissent lentement vers mon ventre et mes hanches dans une reptation qui dessine une sente ignée, c’est insupportable, j’en palpite d’excitation. Toujours égrenant leurs émois, elles empoignent mes petites fesses, puis après un bref arrêt en ces parages repartent vers l’avant se lovant dans le pli de l’aine. Coup d’œil à l’espion de service : je suis ravagée, mes dents déchirent mes lèvres tordues dans un rictus obscène.


Ça y est, elles vont atteindre à Cythère, eh bien non, dans ce jeu parfaitement maîtrisé alternant satisfactions et frustrations, elles évitent le tabernacle pour s’enfuir et se couler le long de mes cuisses (où suintent d’ailleurs aussi d’autres sucs). Elles s’amusent ensuite des jarretelles dont elles tirent et font claquer l’élastique, descendent encore frottant le tissu de la robe contre la soie du bas, s’arrêtent aux chevilles que je méconnaissais comme zones érogènes, mais qu’elles massent avec tant de science qu’elles y génèrent des fourmillements enivrants.


Son visage, à hauteur de mon fessier, s’enfonce en cet asile qu’il embrase d’une haleine torride.

Des convulsions d’intense volupté me sillonnent et c’est à ce moment, qu’hypocrite, il demande :



La menace produit son effet ! Le salop… il ne sait que trop bien à quoi j’aspire dans l’état où il m’a mise. Il veut m’entendre implorer pour consommer ma reddition. Combien j’aimerai le planter là, mais il m’est impensable de rebrousser chemin, de renoncer alors que je me suis tant avancée, ai atteint le centre du fleuve et si ses attouchements me vrillent, ils sont aussi, d’autres désirs, indistincts, mal assumés, nés dans l’antre de sa bouche qui me hantent à présent. Je crois que j’ai envie qu’il me baise, mais souhaiterais ne pas devoir l’en supplier. D’une voix que je m’ignore étranglée, caverneuse et résonnante d’appétits exacerbés, j’éructe mon impatience :



À peine a-t-il recueilli l’humiliant aveu, qu’appliquant sa main sur mon sexe, il y introduit un doigt sournois au travers de la voilette qui le gante. Je bondis et m’épanche. Cette rudesse, cette fougue, au demeurant très mesurées, exaucent des vœux secrets. Il me semble, tout à coup, que je les attends depuis des années, qu’elles me révèlent et font hurler cet inconnu : mon corps, celui de ferveur, de passion et de félicité dont je n’ai que trop différé l’avènement.



Je tremble comme une feuille tandis qu’il m’aide à faire le tour du lit pour m’étendre au bord de celui-ci, toujours face au miroir et les jambes ballantes.



J’ai pris appui sur mes bras repliés afin de suivre la scène. Je me perçois tirant lentement le tissu vers le haut, découvrant l’échancrure plus opaque des bas puis mes chairs mordorées. Quand j’expose mon mont de vénus orné de sa fluette forêt sombre bien taillée et que je le vois l’incendier d’un regard plein de fiévreuse lubricité, je suis une seconde tentée de me recouvrir, mais cède au charme du spectacle, suis fascinée par la splendeur sensuelle de ma propre anatomie.



Timidement, je m’exécute encore.


Sans me quitter des yeux, il ôte posément son veston et déboutonne la chemise qu’il enlève à son tour. J’appréhende terriblement ce moment de vérité qui risque de tout ruiner. Comment vais-je accepter la décrépitude de son corps usé ? Quand le physique de votre partenaire vous déplaît, quel est donc le support du désir ? Est-on prête à se contenter de n’importe quel quidam afin de s’assouvir ? Ces questions pour obsédantes qu’elles soient me paraissent à cette heure ouvrir à des réflexions trop compliquées. À l’encontre de mes craintes, ses chairs, certes un peu flasques et fanées, restent convenables, les bourrelets adipeux quoique présents ne sont ni trop nombreux ni trop marqués et les denses frisottis cendrés qui ornent son torse me plaisent plutôt. Lorsqu’à genoux, il se faufile entre les miens, je suis surprise par la souplesse et la douceur de sa peau.


Un brasier dévore bien vite mon entrecuisse qu’il fourbit de mains et de bouche. Les unes et l’autre générant la plus totale confusion de sensations, si enchevêtrées que je ne distingue plus lesquelles sont à la source de cet élancement ou de ce délectable tourment. Elles enserrent ma jambe et remontent à l’unisson.


Alors qu’il n’y a que peu, au restaurant, je redoutais qu’il ne porte son doigt à mon sexe, maintenant, de tous mes vœux, j’y appelle sa langue, sa bouche. Un éclaireur habile tâte furtivement ma vulve trempée puis se perd dans mon buisson aussi humide qu’ardent. Je me jette en avant pour tenter de le happer et l’emprisonner. Cette attente me brise et je l’interpelle de mes plus vibrantes plaintes quand enfin il se décide à donner sa langue à la chatte. Mes soupirs se font alors gémissements et il multiplie ses élans, mes gémissements deviennent mugissements lorsqu’il titille mes intimités de toutes ses adresses. C’est comme si je me réduisais à mes clitoris et vagin seulement, et puis ça explose et déferle, le feu qui enflamme mon ventre se propage, gagne mon abdomen entier, mon poitrail et ma tête. Je resserre mes cuisses et sens le fourmillement de sa barbe contre elles tandis qu’il revient taquiner mon bouton d’amour, l’épicentre d’où irradient des tumultes d’allégresse qui balayent toutes les parcelles de mon corps. C’est insupportable tant c’est bon et je crépite en ouvrant des bondes qui ne sont en rien extinctrices. Je jouis, oui, impudique je jouis et me répands dans son gosier, m’y libère de mon adolescence attardée, de mes infantilisantes timidités, du poids d’une pesante bienséance surannée, de toutes ces fausses candeurs et vraies innocences qui m’ont tant bridée.


On ne m’a jamais fait ça, jamais je n’ai atteint à ce degré de volupté, mais j’en suis déjà et pour longtemps addicte. C’est bon, c’est long et je ponctue mon plaisir de roucoulades sonores et crie, sans nul doute !



Après une poignée de secondes, il ajoute :



Tout absorbée par les émois qui me secouent toujours, je ne comprends pas.



Je m’assieds sur le lit pendant qu’il se redresse et se rapproche de moi, tendant sa braguette vers ma lippe. La demande ne saurait être plus explicite. Bien qu’encore tout égarée par ce que je viens de subir et planant sur mon nuage, je réalise toutefois qu’il est hors de question de se dérober, de là à être enthousiasmée par cet atterrissage brutal… Je détache son pantalon qui s’échappe sur ses chevilles puis abaisse le slip distendu. Sa turgescence se déploie, juste face à mon visage et sa vigueur m’effraye. Je reste ensuite figée, incapable de la moindre initiative. Il avance et la présente au seuil de mes lèvres, si près que j’en sens l’odeur, non pas désagréable, mais âpre, forte et tout imprégnée de son désir, dirait-on. Cela ne se prolonge sans doute que quelques secondes qui me paraissent autant d’interminables minutes durant lesquelles je demeure perplexe, les mâchoires serrées, tétanisée dans l’expression de mon refus. Sa rude pogne saisit mon menton, le flatte, puis presque tendrement, par une savante, mais ferme contraction, elle écarte mes mandibules. Je le reçois alors, du bout des lèvres, si l’on peut dire, et ose imperceptiblement, effleurer la pointe de sa virilité de celle de ma langue. Je lève un regard suppliant vers lui et l’aperçois, convulsé et exultant. Il ahane :



Enfin, et pour la première fois ce soir, il me tutoie et cet abandon, plus que sa brûlante supplique, me décide. Je ferme les yeux et ouvre la bouche ; après tout ce ne peut pas être pire que le dentiste ! Il occupe promptement ce terrain conquis de haute lutte et investit ma cavité buccale de son ardeur qu’il déploie sans ménagement. Un goût amer et douceâtre accompagne cette invasion. Dans son emportement, il s’enfonce trop profondément, percute ma luette et je me retire rapidement en toussotant. Plein de compassion, époumoné déjà, il s’excuse :



Il conduit mes doigts et les engage à enfermer sa hampe dans leur étau, à la guider ensuite progressivement jusqu’à son engloutissement. Je suis les instructions du pédagogue et m’approche du phallus impérieux. J’arrondis et raffermis mes lèvres autour de l’épieu de chair, les fait coulisser tout au long de celui-ci, lentement au début avant de prendre de l’assurance et de précipiter le va-et-vient.


Une de ses mains se pose sur ma tête, escortant et encourageant mes mouvements. Je me laisse diriger, puis tout en accélérant la cadence, je m’enhardis, m’empare timidement de ses bourses, mais entraînée par un rythme de plus en plus vif, j’en viens bientôt à les pétrir et malaxer sans modération ni crainte de lui occasionner quelques souffrances.

J’entends ses essoufflements et ses râles qui s’intensifient, et m’enflent d’orgueil. Ma peur s’est dissipée, mes dégoûts aussi. Dans les films pornos, lorgnés avec les copines, ces scènes nous enjoignaient à des petits rires crispés ; sans doute partagions-nous la même interrogation, nous demandant quelle satisfaction pouvaient trouver les femmes à cette mortification. À pratiquer l’exercice, je le conçois mieux : aucune ! Du moins, foin d’un contentement direct. Le plaisir n’y est que celui d’en dispenser, celui de jouir de la jouissance de l’autre. S’étourdir de commander aux émois de son partenaire, de sentir son cœur s’emballer, battre la chamade à l’allure de vos succions, d’atteindre à son contrôle pour lui faire perdre la tête tandis qu’il prend son pied.

À nouveau, il m’exhorte d’une voix d’outre-tombe :



Plus fort ! J’aimerais l’y voir. J’enserre la garde de sa verge d’une pression affermie, titille son gland alternativement de bec, de langue et de dent puis l’enfourne, encore, encore et encore. Je le sens vibrer, il tremble maintenant et je me découvre maîtresse de ses allégresses. Une tension formidable l’électrise avant qu’enfin il ne se raidisse davantage et que ce soit son corps entier qui se fasse érection. Il reflue et me repousse, et je m’attends à ce qu’il m’éclabousse, mais il parvient à se contenir. Quelle différence avec mes jeunes branleurs, éjaculateurs précoces.


Plus affolée et frustrée que jamais, je reste plantée face à mon miroir sans rien oser entreprendre. Si jusqu’à ce moment, il s’est plutôt montré énergique, tout à coup, il se fait tendre et câlin, plein d’amabilité. Placé derrière moi, il parsème mes épaules et mon cou de furtifs baisers incendiaires et de délicieuses caresses, frôle ma gorge de moelleuses cajoleries, masse doucement mon ventre.


Il tire lentement, très calmement sur les bretelles de ma robe tandis que je me dandine pour la dégager. Le tissu se relève progressivement me prodiguant un ultime effleurement dont je frissonne, révélant les grâces juvéniles de ma morphologie, l’opalescence de mes seins entourés d’un hâle mordoré, coiffés de leur aréole immature et fragile, surmontée de l’effervescence d’un adorable tétin. Il flatte mes courbes, les fossettes que creusent mes reins puis s’installe face à moi et s’escrime, minutieux et appliqué, à défaire mes jarretelles. Il parcourt mon entrecuisse de son haleine chaude, me picote des crins qui encadrent ses lèvres pendant que je m’évade, force éclats de rire étouffés. Je présume être au cœur d’un cérémonial qui prélude à ce sacrifice dont l’attente m’épuise.


La vision de Thomas me dépouillant aussi rapidement que piteusement de mon jean, me revient, souvenir dépassé, et je m’étonne qu’en ce domaine de la sensualité des épisodes d’apparences si semblables puissent être, au fond, si divergents. Il me retire mon porte-jarretelles et, pour la première fois de ma vie, je m’appréhende insolemment et absolument nue - on peut être entièrement déshabillée sans pour autant être nue sous le regard de sa mère ou celui d’un médecin - non pas d’une nudité inquiète ou hygiénique, mais d’une nudité souveraine et provocante, exposant mon potentiel érotique que les bas noirs pendouillant légèrement soulignent incomparablement. Je suis trop belle ainsi, et j’en frémis d’aise et d’arrogance.

Il me dispose sur le flanc et s’exclame avec l’expression de la plus vive émotion en s’accompagnant d’un sifflement admiratif :



Je tourne la tête pour voir quel est le chef-d’œuvre qui lui arrache cette exclamation. Un peu surprise, je découvre que c’est mon postérieur qui me vaut cet hommage. Me vrillant sur moi-même, je le considère à mon tour, par-dessus mon épaule.



Il achève de m’étendre sur le lit, tout en les entourant de savoureuses préventions, de pétillants chatouillis très excitants de sa barbiche et poursuit son dithyrambe :



Il écarte doucement mes jambes pour placer les siennes entre elles puis agrippant mes hanches, il me tire vers son ventre de sorte à ce que je me retrouve à quatre pattes devant lui.


Il guide son sexe en complète érection, igné, long et dur, qui se faufile entre mes cuisses, jusqu’à mon vagin, où il quémande l’asile du temple. Lentement, il engage son gland dans la fente ruisselante. J’ai tellement hâte qu’il me prenne que je me porte en arrière, le percutant de ma croupe. J’ondoie sous son corps à la cadence de son désir que je tente de presser du mien. J’imagine la scène risible au moins sinon franchement grotesque, nos deux silhouettes mal assorties, inconciliables, séparées par l’outrage des années. J’ouvre les yeux pour interroger le miroir et tous ces mots « mal assorties, inconciliables, séparées par l’outrage des années», me paraissent alors fort abusifs. Quand tant de jeunes et sémillantes mortelles accomplirent leurs amours avec Zeus l’ancien, n’y eut-il qu’aveuglement de leur part ?


Mon amant, j’ai envie subitement de le gratifier de ce titre, me défonce de plus en plus profondément et à chaque charge, il me déchire davantage provoquant des geignements qui gravissent les octaves. Aucun empressement grossier ne l’anime et une de ses mains s’active sur mes grandes lèvres, l’autre sur ma gorge pour me distraire de l’écartèlement qu’il m’inflige. Je bascule dans une sorte d’égarement hébété où je ne distingue que les pulsations de son boutoir. Enfin il s’enfonce complètement en moi en poussant un râle puissant et son va-et-vient s’accélère.


Il a lâché ma chatte et mes seins pour corseter ma taille d’une vigoureuse étreinte. Il m’attire et me repousse au rythme de ses pénétrations et à chacune je sens le battant de ses bourses percuter mes fesses. Je vois, dans la glace, mes mamelles pendantes danser et se balancer selon le tempo qu’il m’imprime et cette vision me révulse complètement. Je suis tout à la fois séduite par sa beauté sensuelle et effarouchée par sa bestialité. Des ondes de bien-être inondent mes reins et mon poitrail, remontant par vagues progressives et serrées jusqu’en ma nuque. Ma respiration se précipite, je ne maîtrise plus mon corps galvanisé par de furieuses convulsions. J’ai chaud, je suis en ébullition et je transpire, mais c’est divin. Je me tords, sursaute et soubresaute sous les assauts répétitifs du plaisir.


Des lames successives me roulent, des houles d’euphorie me ravagent, des orages de béatitude me transportent et soudain un spasme immense me soulève. Je perds toute conscience des lieux, des choses, des personnes et même de mon être. Tout se fond et se confond quand il explose en moi et m’emplit de ses incandescences. Oserais-je dire qu’il me comble ? J’aimerais éterniser cette seconde d’extase et pour la suspendre et la retenir, je plante aussi vainement que sauvagement mes ongles dans le couvre-lit. Je sombre, emportant deux rassurantes pensées : celle d’être vraiment dépucelée et celle d’avoir atteint l’orgasme.

Tous mes muscles las se détendent et une chape de quiétude m’écrase. Longtemps, je divague entre deux eaux pendant qu’il m’apaise par de languides câlins. Moi qui tout au long de la soirée me suis indignée d’avoir été traitée d’adolescente, brusquement, je me reconnais et me complais à redevenir enfant. Quand j’émerge de ce doux nirvana, il me quitte pour se rhabiller prestement.

Bien plus nonchalamment, je veux à mon tour enfiler mes vêtements, mais il s’y oppose.



Tiens donc, voilà le retour du vouvoiement. Ces mains ensuite s’activent entre caresses d’amant, dextérité de camériste et palpations thérapeutiques pendant qu’à mes oreilles résonne une fois encore l’éternelle rengaine qui veut que « … quand ils habill’nt de jolies filles… » . Lorsqu’ils me ceinturent du porte-jarretelles, ses doigts agacent délicieusement mes lombes et tandis qu’ils fixent mes bas, ses ongles éraillent mes cuisses de troublantes griffures. Alors qu’ils marouflent l’étoffe de ma robe sur mon cœur, mon ventre ou mon popotin, qu’ils dérapent en pianotages malicieux ou en glissades espiègles vers des places vulnérables, ils ressuscitent des convoitises si puissantes que je suis tentée de le prier d’inverser le mouvement pour, à nouveau, me dévêtir. Tous ces effleurements, sur ma peau encore à vif, m’arrachent de courts piaulements de satisfaction que je ne parviens pas à réprimer.



Son cynisme m’exaspère, mais ma révolte se teinte d’une pointe d’admiration. Ainsi, il ne fait aucun mystère de nous collectionner impudemment et n’éprouve pas d’autre sentiment à notre égard que la fatuité d’incrémenter le compteur de ses succès. J’hésite à me fâcher quand, fulgurante et dérangeante, une question m’ébranle. À quoi donc tient ma différence ? N’en suis-je pas à inaugurer mon propre compteur même si le nombre de mes conquêtes n’y grimpe encore qu’à une, à moins d’y ajouter un demi-Thomas.


Nous traversons bientôt les éclairages inquisiteurs du bar où ne traînent plus guère que des hommes, vieux pour la plupart, dont je me sens focaliser les regards égrillards, évaluant ma croupe. Je ne doute pas qu’ils puissent dénombrer mes poils pubiens tant les lumières transpercent ma vaporeuse toilette. S’il y a trois heures, j’en serais morte d’humiliation, m’en voici orgueilleuse maintenant. Je grimpe sur un tabouret d’altitude et au lieu de rabattre ma robe, je facilite sa remontée. Je les imagine bavant dans l’ombre à propos de cette petite portion de chair exhibée entre l’échancrure du bas et la frange inférieure de ma vêture.

À peine sommes-nous installés et après la commande de deux cafés cognac, il m’interpelle :



Confuse, d’avoir une fois de plus été si perspicacement devinée, je confesse :



Il m’éclaire ainsi sur l’aventure qui s’achève et les échanges qui suivent, entre sérieux, humour et badinage, me passionnent. Après un grand moment d’agréable bavardage, dépourvu pour cette fois de toute visée retorse et enjeu stratégique, il me rappelle à l’ordre :



Il règle repas et consommations du bar et je m’enquiers :



Oh ! l’ignoble personnage, en une seule soirée il a su se faire haïr et détester, plaindre et admirer, satisfaire et peut-être même aimer, mais là, j’ai envie de le frapper ! Néanmoins quelque chose me dit que nous sommes de trempe similaire et que je ne devrais pas trop hâtivement le condamner.


Cette équipée qui retrace mon accession à la vraie vie sexuelle n’a eu de lendemain qu’en mon esprit, car longuement, je l’y ai ressassée.



(1) « Les cent vierges » (1872) - opéra bouffe de Charles Lecoq, livret de Clairville, Henri Chivot et Alfred Duru.