Une Histoire sur http://revebebe.free.fr/
n° 17926Fiche technique14200 caractères14200
Temps de lecture estimé : 8 mn
27/05/17
Résumé:  Deuxième chapitre des aventures de Dakota et Claire. Dakota accepte la proposition de Claire de devenir son esclave ; le voyage peut commencer. Lentement, comme un voyage dans la soumission.
Critères:  ff fsoumise fdomine
Auteur : Oceantwenty  (Ocean. USA FL.)      

Série : Voyage en eaux troubles

Chapitre 02 / 50
Chapitre 2 - Dakota

Résumé de l’épisode précédent : Chapitre 1 - Dakota

Dakota, photographe indépendante, revient aux États-Unis après un reportage au Moyen-Orient. Elle rend visite à son amie et amante Claire, riche femme d’affaires qui, lors d’une soirée, lui fait part d’une proposition des plus particulières : devenir son esclave contre une vie itinérante à bord d’un bateau. Par peur de perdre son amie, Dakota accepte.



________________________




Chapitre 2



Je me réveille comme un interrupteur, passant du rêve à la réalité, le regard posé sur les murs blancs d’une chambre inconnue. Mon cerveau patine quelques secondes, saute d’un lieu à un autre avant de me situer. Le chant des oiseaux remplace l’appel à la prière du muezzin, et la brise qui caresse ma peau nue ne vient pas des sables brûlants du désert. Je suis rentrée au pays.


Je ferme les yeux, laisse les images de la nuit défiler sur l’écran noir de mes paupières, plans chaotiques de deux corps en sueur qui s’étreignent avec violence. Nous avons fait l’amour avec férocité, luttant contre nos décisions, mais aussi guidées par l’impatience des jours à venir. Claire s’est montrée plus possessive qu’à l’habitude et je lui ai résisté avec plus de fougue, bataillant autour de chaque baiser, les transformant en une lutte acharnée. Je lui ai arraché du plaisir et elle a fait de même jusqu’à ce que nous sombrions dans le sommeil, enlacées l’une à l’autre, repues de sexe et de violence, en paix avec nous-mêmes.


Claire est déjà levée. Elle ne dort que très peu ; parfois je me demande si elle est vraiment humaine. Je me traîne vers la salle de bain, enfile mes sous-vêtements avant de faire face au miroir. Je plonge mon regard dans les yeux sombres et impassibles du reflet. Je ne les aime pas. Ils sont pratiquement noirs, peints à l’encre de Chine. Ils absorbent la misère, mais semblent incapables de restituer mes propres émotions. Mon visage inspire cette même sensation : trop anguleux pour adoucir l’obscurité du regard, tout comme le teint hâlé de la peau, tannée par le soleil. Le reste du corps renforce l’impression de brutalité : des épaules carrées, trop larges pour être gracieuses, et de petits seins qui manquent cruellement de féminité. La boxe a transformé mon corps, cassé mon nez, durci mon ventre, et d’une certaine manière écrasé mes sentiments. Mon armure est devenue si parfaite que je peux observer le monde sans en ressentir la misère.


Je passe de l’eau sur mon visage, laisse les gouttes ruisseler comme autant de larmes que je suis incapable de verser. Mon regard est attiré par un coffret posé à côté de l’évier. Mon nom y est inscrit ; je reconnais l’écriture de Claire, les grandes lettres rondes qui semblent vouloir conquérir la surface blanche. Le paquet contient une chaîne en or et une note avec seulement quelques mots : « Porte-la à la cheville droite. » J’extrais le bijou de son écrin de velours et remarque sa lourdeur. Les maillons sont épais, plus que la moyenne, et le système de fermeture est constitué d’un petit cadenas lui aussi en or.


Le premier pas de Claire, sa manière toute personnelle de sceller notre accord, de me pousser sur le chemin qu’elle a tracé. Je pourrais bien entendu renoncer, mais je sais que je la perdrais, que nous sommes au terminus d’une relation incomplète. Nos caractères ne se contentent pas de compromis ; ils sont excessifs et entiers, avec ce risque permanent de destruction dans leur recherche de la perfection.


Je pose un pied sur le lavabo et passe la chaîne autour de ma cheville sans encore la fermer. Le geste sera définitif, sans retour possible : une partie de moi-même disparaîtra à jamais. Je deviendrai celle qui se soumet à ses désirs, abandonnant toute prétention de liberté. Je sais que c’est la seule manière de la conquérir.


Je verrouille le cadenas, les mains légèrement tremblantes, le cœur battant la chamade, consciente de l’importance de l’acte. Chaque pas, chaque frottement de la chaîne contre ma peau, chaque cliquetis de métal me rappellera que je lui appartiens. Je laisse mes doigts courir sur la surface de l’or et découvre que mon nom est gravé sur le cadenas : Dakota. Je le murmure comme pour m’assurer qu’il est bien réel et tourne le bijou autour de ma cheville comme pour m’imprégner de l’humiliation qu’il génère.


Confuse, déchirée entre plaisir et honte, je passe le tee-shirt qui traîne sur le sol et enfile un vieux jean délavé avant de me diriger vers la cuisine, guidée par l’odeur du café. Claire est en compagnie de Sasha, installées autour de la table devant une pile de documents.

Je les ignore dignement et me sers un café. Je sens le regard de ma compagne m’examiner, essayant sans doute de détecter la présence du bracelet sous mon pantalon. Sasha pousse des cris d’admiration, pointant une photo du doigt.



Je les observe discuter, envie leur complicité, leurs intimités des choses du quotidien qui fait de moi une étrangère. Je suis celle qui apparaît de temps en temps dans leur existence pour repartir sans aucune garantie de retour, sans aucun autre projet que de disparaître sur un champ de bataille, l’œil fixé à un objectif sans même comprendre la raison de ma propre perdition. Il faut avoir traqué la mort derrière une caméra pour appréhender ce sentiment de détachement et d‘invulnérabilité. Nous restons des spectateurs, froids et distants, immortalisant l’effroi et la détresse comme de morbides collectionneurs. Par habitude – par facilité aussi – nous finissons par nous comporter de la sorte dans la vie quotidienne.


C’est presque à contrecœur que je m’installe, essayant de m’intéresser à leur conversation et non pas simplement aux gestes qu’elles échangent, aux images qu’elles projettent. Les images ne mentent pas : elles ne signifient rien d’autre que le sens que nous voulons bien y injecter. Les images ne contiennent aucune vérité, ne cherchent aucune réponse ; elles incarnent notre lâcheté. J’aime beaucoup les images.



Je ne réagis pas directement. Claire me laisse le temps. Elle ne connaît malheureusement que trop bien cette période que je traverse, celle où j’essaye de réintégrer une réalité qui m’est devenue étrangère. Je parcours les images des yeux, reconnais immédiatement le voilier en question : c’est un Fountaine Pajot de 44 pieds, un catamaran que nous avions considéré dans une de nos précédentes discussions comme un compromis entre confort et efficacité. Mon cœur penchait pour des navires plus classiques, de vieux gréements aux coques polies par les voyages. Claire flashait pour les énormes yachts rutilants que la mer semblait effrayer. Aucun de ces projets ne vit jamais le jour ; ils ne restèrent que des rêves que nous ne parvenions pas à partager.



Elle fait la moue et secoue la tête.



Sasha rit ; je lui lance un regard froid. Elle baisse les yeux et se plonge dans les catalogues.



Je sens la colère me gagner, ce sentiment d’avoir été mise à l’écart, d’être l’objet d’un complot.



Claire ne se laisse pas impressionner. Ses yeux verts sont calmes, braqués sur moi.



Je secoue la tête.



Je soupire et parcours les spécifications techniques. Le Helia 44 évolution. Un magnifique catamaran mariant de vraies qualités marines avec un confort bien supérieur aux monocoques classiques. Relativement léger, moins de onze tonnes avec 115 mètres carrés de toile, la bête est capable de dépasser les douze nœuds par vent de travers de vingt nœuds.



Claire hausse les épaules.



Je hoche la tête, pensive, me laissant prendre au jeu, sentant moi aussi l’excitation me gagner.



Sasha éclate de rire. Claire sourit.



Sasha consulte et lance d’un air affolé :



Elle disparaît en courant et nous laisse face à face. Il y a dans nos regards une promesse d’affrontement ; deux prédateurs qui se mesurent avant de passer à l’action. Claire doit sentir mon trouble et demande sans préambule :



J’acquiesce et trempe les lèvres dans mon café froid.



Je tends la jambe et relève le bord de mon pantalon.

Claire secoue la tête.



Je m’exécute, la démarche un peu raide, obéissante pour la première fois à ce qui deviendra une longue série d’ordres. Elle tourne sa chaise et attend que je me positionne face à elle avant de continuer :



Je soupire et laisse tomber mon pantalon, dévoilant mes jambes. Claire sourit, passe une main sous mon tee-shirt pour caresser mes cuisses. Je sens sa main glisser, descendre vers l’articulation des genoux et je frissonne de honte, regardant droit devant moi. Ce n’est bien entendu pas la première fois qu’elle me touche, mais jamais je ne me suis sentie aussi exposée, livrée au désir d’une autre personne.



Je fais quelques pas avec la grâce d’un robot, sentant la chaîne glisser contre ma peau, me titiller légèrement à chacun de mes mouvements. Je m’arrête.



Sa voix est sèche, intransigeante. Je reprends ma marche, me promenant d’un bout à l’autre de la cuisine. Je perçois son regard braqué sur moi ; son excitation est presque palpable. Depuis combien de temps rêve-t-elle de cet instant ? Sans doute depuis le début de notre relation, la nuit où elle m’a ramassée dans un bar des docks alors que j’allais envoyer mon poing dans la face d’un marin. Je cherchais la perdition et elle était en quête d’aventure. Nous étions faites l’une pour l’autre. Nous finîmes la soirée, ivres, enlacées sous le regard d’hommes dont les yeux rêvaient de femmes.



Claire rit.