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Temps de lecture estimé : 30 mn
19/05/18
Résumé:  L'Espagne a conquis l'Amérique du Sud, mais pas seulement avec ses soldats. En voici un exemple...fictif et purement destiné à s'amuser. Si des lecteurs l'apprécient, une suite viendra.
Critères:  fhh ffh entreseins fgode double attache historique
Auteur : André 59  (Petit récit à la gloire des Conquistadores)

Collection : Petites histoires de l'Histoire
Les Amazones - Épisode 2

Dans la première partie : « Les Amazones – Épisode 1

Au IVe siècle av.J.C, une armée macédonienne fut entièrement détruite par une coalition de peuples barbares, près de la cité d’Olbia sur la Mer noire. Parmi ces guerriers surgis des steppes, il y aurait eu une nation de femmes-guerrières : les Amazones. Farouches et indépendantes, elles ne voyaient dans les hommes que des ennemis ou…des géniteurs s’ils étaient braves. Elles subjuguèrent leurs adversaires. Puis elles disparurent. Deux mille ans plus tard, les Conquistadores espagnols eurent la surprise de les retrouver en face d’eux.






Lima, Vice-royauté du Pérou, 1594



Le Père Rodrigo regarda le Père supérieur avec malice. Avec sa haute taille, sa large poitrine et son regard hautain, ce dernier était le type même de l’Hidalgo. Une cuirasse lui aurait mieux convenu que sa robe de bure. Mais tels étaient beaucoup de serviteurs de Dieu en ce Nouveau Monde ; des moines-soldats bien plus que de paisibles religieux. Il n’était cependant pas sûr que ces qualités martiales soient utiles pour juger de l’affaire qui s’annonçait.



Rodrigo quitta la cellule dans laquelle ils venaient d’entrer et laissa le Père supérieur seul. Dans un angle de sa cellule monastique aux murs nus et passés à la chaux, le frère Ignacio reposait sur sa paillasse, les mains jointes. Visage paisible et reposé. Quelques feuilles manuscrites restaient sur un coin de table. L’encre venait à peine de sécher. Le religieux prit une chaise et commença à parcourir le texte avec attention. De façon étonnante, tout était rédigé en castillan, en langue vulgaire et pas en latin, comme s’il avait souhaité qu’un maximum de témoins puisse en prendre connaissance, on se demandait bien comment et pourquoi :



Moi, Ignacio Pedro de Cuera, qui suis arrivé au seuil de ma vie, je voudrais dans ce texte rendre compte des événements extraordinaires dont je fus le témoin en ces terres reculées et encore inexplorées de Nouvelle-Espagne il y aura bientôt cinquante ans. À cette époque, je reçus en confession les paroles de trois nobles dames. Les deux premières m’avouèrent leurs turpitudes et l’autre me narra en détail ce qu’elle avait vécu dans une tribu païenne de la forêt, une tribu de femmes-guerrières. Des faits tellement incroyables à entendre que j’ai encore du mal à y prêter crédit. Ma mémoire me joue parfois des tours sur ce que j’ai fait ou vu il y a une heure, mais, curieusement, ces événements lointains sont aussi clairs que si cela s’était fait à l’instant. Je tâcherai par conséquent de rendre compte de nos échanges aussi précisément que possible, dans les faits, les gestes et même les paroles. Aujourd’hui, le temps a dû faire son œuvre, la plupart des acteurs de cette aventure ont disparu et au moins deux de ces femmes ont sans doute déjà rejoint Notre Seigneur, mais leur honneur doit être préservé. Toi qui lis en ce moment ce papier, tu comprendras de quoi il en retourne si tu as la constance de poursuivre jusqu’au bout ce récit. Si je romps le secret de la confession, nul autre que toi ne doit le savoir. Quand tu auras lu tout ceci, brûle cet écrit, mais n’oublie rien.


Or, donc, il y a cinquante ans de cela, j’arrivai au Pérou, bien décidé à servir avec zèle notre mère l’Église. J’étais prêt à risquer ma vie pour cette grande et noble mission. Dieu exauça ma prière, car, peu après mon arrivée, le supérieur de mon ordre à Quito m’informa qu’une grande expédition se préparait à quitter la vallée de Zumaco. Elle devait descendre le cours de l’immense fleuve intérieur qui prend ses sources dans le massif des Andes et retrouver son embouchure face à l’océan. Francesco Orellana, le grand capitaine avait été le premier à l’explorer. Ses hommes disaient avoir vu des territoires cultivés ainsi que des cités opulentes. Les indigènes assuraient que des royaumes immensément riches et peuplés se trouvaient tout au long de ces rives, mais nos hommes avaient dû rebrousser chemin, faute de vivres et malades. J’étais à l’époque curieux de tout ; je ne pus résister à l’envie de rencontrer un des soldats ou des marins ayant participé à ce voyage et j’eus la chance extraordinaire de rencontrer le chroniqueur de l’expédition : Le Père Fray Gaspar de Carvajal. Chacune de ses paroles résonne encore dans mon esprit :


  • — C’est vrai, mon Frère. Nous avons vu des terres riches comme jamais. Et nous étions persuadés que c’était le royaume de l’Eldorado.
  • — Nous avons fait tous deux vœux de pauvreté, mon père, cela ne me touche guère. Parlez-moi plutôt de ces gens. Sont-ils prêts à écouter et découvrir le message des Saintes Écritures ? La parole de Dieu pourrait-elle sauver ces âmes égarées ?
  • — Tout dépend des tribus rencontrées. Nous avons toujours tenté de parlementer, mais ils étaient assez hostiles. À vrai dire, ils nous fuyaient et parfois il nous a fallu nous battre. Tout au long du voyage, nous avons pourtant vu des choses étonnantes. Ces femmes, oui, je me souviens surtout de ces femmes…

Je ne pus m’empêcher de sourire…


  • — Voyons, mon père, et votre vœu de chasteté ? Décidément, cette expédition vous a troublé.
  • — Il y a de quoi, mon frère. Pouvez-vous seulement imaginer… des femmes nues, aussi nues qu’au jour de leur naissance, et sans peur, blanches et de grande taille. Elles commandaient les guerriers qui nous attaquaient depuis les berges. Nos arquebuses et nos arbalètes ne les effrayaient point. Ils se jetaient sur nos épées sans souci de la mort. Et elles les conduisaient, tels des capitaines entraînant leurs compagnies. Nous les avons vues combattant devant tous les Indiens, elles valaient chacune dix guerriers.

Il se leva alors brusquement de sa chaise et jeta les bras au ciel, en transe, je n’ose dire en extase…


  • — C’était les Amazones ! Les Amazones !

Je lui pris doucement la main et l’invitai à se rasseoir.


  • — Je sais, il paraît que c’est la raison pour laquelle cette région est dénommée par nos cartographes Amazonia, mais franchement, mon père, une telle chose est impensable. Ces sauvages ont souvent l’habitude de porter les cheveux longs, vous aurez confondu ces païens avec des filles, tout homme a ses frustrations et ses faiblesses. Il ne faut pas vous en vouloir. Vos compagnons et vous-même avez vu ce que vous vouliez voir. Le Christ aussi a eu lui aussi son moment de tentation. Votre imagination aura fait le reste. Hérodote, le père de l’Histoire, en doutait déjà dans ses récits et vous voudriez me faire croire qu’ici, dans le Nouveau-Monde…

Il m’interrompit. Je me souviens encore de son rire. Tonitruant. Son œil brillait. Son discours devint soudain plus familier.


  • — Mon garçon, j’ai fait vœu de chasteté, je te l’accorde, mais je sais comment une femme est faite. Et crois-moi, elles étaient vraiment bien faites ! Nos hommes étaient bouche bée devant elles… jusqu’à ce qu’elles nous criblent de flèches. J’ai vu, de mes yeux vu, l’une d’entre elles abattre un guerrier qui s’enfuyait. Les furies des récits anciens ne sont rien en comparaison. Et la cicatrice qui barre mon œil et mon visage me le rappelle tous les jours.

Ses paroles devinrent ensuite confuses, il partit dans un délire évoquant les hommes-jaguars et les cités d’or, les esprits de la forêt et le culte des morts. Son discours n’avait plus de sens, son corps était là, mais son esprit était ailleurs.

Je quittai cet homme en étant pour le moins dubitatif. Pour moi, cette aventure l’avait rendu à demi fou. Je revenais avec plus de questions que je n’avais eu de réponses, mais ma volonté était inflexible. Je devais partir pour porter la parole du Christ. Avec mes compagnons, le glaive à la main et la croix dans le cœur, nous allions œuvrer pour la plus grande gloire de Dieu. Pro majore gloria Dei, quelle belle devise ! Ma foi serait mon épée et les Évangiles mon bouclier. Pauvre fou que j’étais. Pauvres fous que nous étions !


J’étais impatient de partir, mais il nous fallut du temps pour préparer l’expédition. Le mot d’ailleurs était impropre, c’était une véritable petite armée qui s’apprêtait à partir. Des centaines de cavaliers et de fantassins, des marins aussi et un millier de porteurs indigènes. Quand j’y repense, quels diables d’hommes on y trouvait. Un mélange étonnant de rapacité et d’idéal. Un ramassis de mauvais garçons et de pauvres chevaliers, de porchers d’Estrémadure et de mercenaires venus de toute l’Europe. Et pourtant quel courage ; et quelle foi ! Il fallait bien en avoir pour partir ainsi à l’inconnu et tout risquer. Il est vrai que beaucoup n’avaient rien à perdre. Si ce n’est leur vie. Mais quelle cruauté aussi, hélas. Beaucoup ont dû rendre des comptes à Notre Seigneur, leur dernière heure venue, mais à mon avis, même Satan et ses démons n’en auront pas voulu. Ils en auront eu trop peur.


La partie la plus pittoresque, et pas forcément recommandable, de notre troupe, c’était les femmes, il y en avait plusieurs dizaines. Aussi fou que cela puisse paraître, certains officiers partaient accompagnés de leurs épouses. Le commandant de l’expédition, Don Alvarez, était flanqué ainsi de son épouse, Doña Elena de Silva. D’un port altier, elle savait d’un simple coup d’œil faire sentir à chacun, homme ou femme, la supériorité de sa condition. Sa haute naissance n’avait d’égale que sa beauté. Elle le savait et elle foudroyait la plupart d’entre nous d’un regard de mépris glaçant.


Certains murmuraient pourtant que sous cette glace, c’était le feu qui couvait et la rumeur disait que son joli corps en avait consumé plus d’un dans les replis de sa couche. Don Alvarez la soupçonnait bel et bien d’infidélité et c’est pourquoi il préférait la voir à ses côtés, quitte à lui faire risquer sa vie. Encore plus incroyable, sa sœur cadette, Isabella, les accompagnait également. Presque vingt ans et aussi belle que son aînée. Elle n’était pourtant pas encore mariée. Elle se destinait, en effet après son noviciat, à entrer chez les Carmélites. Et pourtant, depuis qu’elle avait fêté ses quinze ans, les beaux partis n’avaient pas manqué. Mais elle avait repoussé tous ses prétendants. Son père avait respecté sa volonté. Certains voyaient déjà en elle une sainte rachetant l’inconduite de sa sœur. Elle voulait, avant de prononcer ses vœux, voir le monde une dernière fois. Et aussi porter la foi auprès des païens. C’était Blandine jetée aux lions. Mais nul ne semblait s’en inquiéter à part moi. Peut-être était-ce parce que nous avions le même âge.


Notre commandant n’était pas seul à être accompagné, nombre de nos soudards étaient flanqués eux aussi de leurs concubines. Des Indiennes pour la plupart, mais au moins étaient-elles baptisées. Et elles pouvaient faire œuvre utile en nous servant d’interprète. Je savais bien qu’elles étaient là pour être leurs servantes et leurs maîtresses, pour ne pas dire leurs esclaves, et je ne pouvais pas m’empêcher d’avoir de la compassion pour elles. En fait, je découvris rapidement que beaucoup d’entre elles menaient leurs hommes à la baguette. Et au combat, elles pouvaient se révéler encore plus féroces qu’eux, pillant et achevant les blessés. En dépit de la dureté de leurs conditions, beaucoup ne dédaignaient pas la vie au côté de nos hommes. Elle leur paraissait même parfois plus facile et préférable à celle qu’elles auraient menée dans leurs tribus où elles n’étaient pas mieux traitées, juste bonnes à filer, tisser et manier la pioche. Chez elles, une femme était un bien qu’on offrait, prenait ou échangeait pour sceller une alliance et montrer son prestige. Alors, quelle différence par rapport à nous ? De toute manière, si elles étaient maltraitées, elles déguerpissaient et disparaissaient dans la nature. Certaines étaient belles, je dois le reconnaître. Cependant, je ne ressentais pour elles ni désir ni tentation. À l’époque, je me croyais protégé par la grâce divine. Si j’avais su… mais à vingt ans, on est un idéaliste. Seule comptait ma mission.


Les mois passaient. Je n’en pouvais plus d’attendre. Arriva enfin le grand jour. Nous partîmes de Quito sous les acclamations de la foule et la bénédiction de notre évêque. Le vice-roi avait donné un drapeau qui devrait flotter à la proue du navire du commandant. Rien ne pourrait plus nous arrêter. Alors commença l’aventure. Après une longue marche qui dura plusieurs semaines, nous arrivâmes, d’étape en étape, sur les berges du fleuve où nous attendait une petite flotte composée de plusieurs brigantins armés et de grandes chaloupes avançant à la voile et à la rame. Nous nous entassâmes à l’intérieur comme nous le pûmes. Nous savions tous que, dès que possible, il nous faudrait débarquer en longeant les rives, les navires étaient là pour notre soutien, pas notre confort. Sécuriser les berges pour avancer sans risques d’attaques était une autre tâche quotidienne, ainsi que celle d’aller à terre régulièrement pour trouver de l’eau potable et de la viande fraîche, sans cela, le scorbut nous aurait bientôt décimés. Nous n’avions guère le choix, il fallait se battre, vaincre ou mourir en affrontant les hommes, les bêtes et les éléments.


Au milieu d’une moiteur étouffante, les embarcations de notre petite armada espagnole descendirent lentement le cours de l’Amazone. À leur bord, nos soudards se préparaient à conquérir de fabuleux royaumes où ils pourraient enfin apaiser la soif d’or inextinguible qui les assaillait depuis leur arrivée sur les rivages des Indes Occidentales. Mais pour l’heure, c’était surtout les moustiques et les fièvres qui nous souhaitaient la bienvenue. Le fleuve avait parfois les dimensions d’une véritable mer intérieure, avec des bras si larges que nous n’en apercevions pas toujours les rives. Dans cet univers si différent de l’Europe, tout nous apparaissait surdimensionné, extravagant, inquiétant. Les pluies incessantes faisaient pourrir le cuir des équipements et rouiller les armes qu’il fallait sans cesse graisser tandis que la chaleur nous dévorait à travers nos grossiers vêtements de laine. Ce fut ainsi que le démon de la chair commença à instiller perfidement son poison dans mes veines.


Comme la sueur imbibait les tissus et que nous suintions tous de transpiration, beaucoup d’entre nous prirent l’habitude de juste enfiler une chemise de coton, voire d’être à moitié nus comme les Indiens. Quant aux Indiennes, elles avaient justement depuis longtemps jeté leurs défroques dans le fleuve pour reprendre leurs habitudes vestimentaires ; c’est-à-dire ne porter que le strict minimum, juste un pagne pour cacher leur bas-ventre. Nous ne nous en formalisions guère, y compris moi-même. À cause de la saleté et la sueur, prendre un bain en piquant dans les bras de rivière était tentant. Encore fallait-il faire attention aux parasites, serpents et caïmans pullulant dans les environs. Évidemment, l’eau suscite la luxure, mais entassés dans nos bateaux, nous exhalions une telle puanteur qu’il nous fallait bien récurer et soigner nos carcasses ou l’air empesté nous causerait de graves dommages. Au cours d’une halte faite pour se réapprovisionner en eau douce, je pris donc la décision de m’écarter pour chercher un bras du fleuve où je pourrais me décrasser. Il y avait de l’eau partout. Je vis rapidement un coin paisible dans lequel se jetait une petite cascade. L’endroit avait l’air sûr. Je n’y tenais plus, je jetai mon froc et plongeai. Quel bonheur de sentir un peu de fraîcheur. Alors que je savourais le moment, j’entendis une cascade de rires féminins et des bruits de pas lourds venir dans ma direction. Une voix rauque retentit.


  • — Mesdames, vous avez une heure, ne vous éloignez pas ! Nous resterons à proximité pour assurer votre sécurité. Les gars, que je ne surprenne aucun d’entre vous à reluquer ces dames ou il vous en cuira !

Sainte mère de Dieu ! J’eus tout juste le temps de récupérer mes vêtements et de me cacher dans le plus simple appareil dans un fourré. Un groupe de femmes apparut, des Blanches, des femmes espagnoles de notre troupe et au milieu il y avait Doña Elena ! Elles se mirent toutes dans le plus simple appareil et plongèrent à leur tour l’une après l’autre, nues et excitées, dans l’eau. Riant, s’éclaboussant, elles tournaient en tous sens, courant sur le bord de l’eau ou s’y baignant jusqu’à mi-corps, exposant ainsi à ma vue tous leurs appas. C’était beau, c’était merveilleux. Dans cette végétation luxuriante, j’avais la sensation d’être Adam découvrant Ève au paradis terrestre. J’aurais dû détourner le regard, mais c’était impossible. J’étais plutôt David couvant d’un regard concupiscent Bethsabée.


Doña Elena était celle qui me fascinait le plus. Comme elle savait nager, elle restait immobile au milieu du plan d’eau, sur le dos, tête rejetée en arrière, bras et jambe écartée, ses seins lourds et pleins dardant leur pointe vers le ciel. Ses cheveux s’étalaient dans l’onde autour de son visage impassible. Je ne pus m’empêcher de l’imaginer étendue ainsi sur sa couche, attendant son époux ou son amant. J’en avais la bouche sèche. Quand elle revint vers la rive, je pus détailler à loisir sa silhouette sans défaut. C’était Vénus sortant de l’onde. Moi, le serviteur de Dieu, je devenais l’adorateur d’une idole, d’une déesse. La déesse de la beauté et de l’amour !


Elle avait la taille fine et de belles hanches, j’avais l’impression de voir une de ces guitares andalouses dont j’aimais tant pincer les cordes, jadis, quand j’étais enfant. Et que dire de sa poitrine ! Oui, Dieu l’avait créée pour aimer et être aimée. Jamais je n’ai senti à ce point le poids des vœux que j’avais prononcés. La posséder et ensuite être damné à jamais ! Cela allait devenir mon obsession, je le savais. De telles pensées étaient indignes d’un serviteur de Dieu. Alors je compris que celui-ci avait décidé de mettre ma vocation à l’épreuve. Tel le Christ sur la montagne, il me faudrait résister. Ici, dans ce paradis… ou cet enfer, un enfer vert qui nous engloutirait tous quand le Seigneur le voudrait. Et pourtant, je n’avais pas peur. J’ai regardé leurs jeux, et que Dieu me damne, j’en ai vu certaines se caresser, s’embrasser. Jamais je n’avais osé imaginer de telles fantaisies.


Ce qui me mit les sens en feu fut de voir Doña Elena s’allonger au soleil, sur une banquette naturelle de mousse et d’herbe. Yeux clos, sourire aux lèvres, elle avait rejeté ses bras en arrière et replié une de ses longues jambes, accentuant ainsi la cambrure de son dos et faisant saillir sa poitrine. Une de ses dames de compagnie vint s’allonger près d’elle. Le souffle court et le cœur battant, je la vis alors embrasser son ventre puis ses parties honteuses. La langue de cette pécheresse dansait une sarabande endiablée entre les cuisses de sa maîtresse qui se caressait les seins et se mordait les lèvres pour ne pas gémir. C’était la première fois que je voyais la fente nue d’un sexe de femme. Rose et auréolée d’un duvet d’un noir de jais, tout comme ses cheveux qui s’agitaient telle une crinière, cette porte secrète me fascinait.


À ma grande surprise, Doña Elena ne manifesta aucune gêne lorsque sa compagne y inséra un, puis deux doigts. Alors que je voyais sa tête rouler de droite à gauche, ses hanches remuèrent de plus belle et je vis ses mains enserrer la tête de cette femme, les doigts crispés dans les cheveux blonds qui ondulaient au même rythme que ses hanches. Je voyais aussi les muscles de ses cuisses fuselées se tendre à mesure que grandissait son plaisir. Elle ne disait rien, mais je le devinais à son visage qui était comme illuminé. Une autre dame de compagnie vint se joindre à la scène, elle s’agenouilla à son tour et lui caressa d’un air distrait les tétons. Les doigts de sa main droite couraient sur la peau de sa maîtresse ; de la gauche, elle tenait la main serrée de cette femme magnifique comme si elle voulait partager son plaisir. Je vis Doña Elena se tordre et remuer jusqu’à ce qu’une sorte de transe la saisisse puis qu’elle se détende d’un coup, l’air apaisé. À l’époque, je n’avais pas compris qu’elle venait de jouir. Mais quel moment incroyable, alors qu’un piquet de gardes se trouvait à quelques pas de là ! Nos femmes espagnoles ont du tempérament, mais ça dépassait tout ce que j’aurais pu imaginer, il est vrai que dans mon âme virginale, mon imagination était assez pauvre.


Elles se rhabillèrent et regagnèrent notre campement. À les voir, nul n’aurait pu se douter de ce qui venait de se passer. J’avais l’esprit et le corps en feu. Et je réalisais soudain avec un pincement au cœur que je n’avais pas vu Isabella. L’aînée ? La cadette ? Les deux ne quittaient plus mes pensées. La tête me tournait. Je voulais être mis au défi de résister à la tentation ? Dieu m’avait trop bien entendu et envoyé une épreuve au-dessus de mes forces. La sérénité n’allait pas être de la partie. Cela était-il de mauvais augure pour moi et pour nous ?


Ce fabuleux périple commença pourtant bien. Durant les premières semaines, nous ne rencontrâmes que des tribus amicales et pacifiques. J’eus ainsi tout le loisir d’observer leurs mœurs et leurs coutumes. Ces hommes que certains voient comme des innocents aiment en réalité la chasse et la guerre, autant que nous. Mais certaines de leurs peuplades ont pour le péché de chair une passion qui dépasse l’entendement. Et ils ont pour leurs femmes des faiblesses coupables.


Nous débarquâmes ainsi un beau jour chez des gens fort hospitaliers qui allèrent jusqu’à proposer à chacun d’entre nous une fille pour la nuit. Je fis demander par un interprète si celle qu’on me destinait était vierge. Quelle ne fut pas ma surprise de voir les guerriers présents rire à s’en éclater la panse. L’un d’entre eux répliqua par une véritable harangue que le public approuva bruyamment. Voilà ce qu’en dit mon interprète, cinquante ans après, j’en frissonne encore :


  • — Ils ne comprennent pas l’obsession que les Blancs ont pour la virginité. Pour eux, c’est un handicap, et même une tare. Seules restent vierges les filles qui ne sont pas demandées et qui ne plaisent pas. Pourquoi vanter le fait de n’exercer aucun attrait et de ne se faire aimer de personne ?

Je leur fis comprendre que je me devais de rester fidèle à un vœu fait au ciel. L’interprète me présenta comme étant moi-même un puissant sorcier au service de notre dieu unique et ils se retirèrent avec la fille, non sans montrer des signes de circonspection, hochant la tête en signe de complète incompréhension.


Je me rendis compte dans les jours qui suivirent que le fait d’avoir eu des rapports avec un homme, avant le mariage, et même d’avoir eu un enfant renforçait le prestige du clan en prouvant la beauté et la fertilité de la fille. Les Indiens pratiquaient sans vergogne la polygamie comme chez les Maures. Ici, le plaisir était roi et les valeurs étaient renversées. Nos hommes n’avaient pas mes scrupules. Ils sombrèrent dans la lascivité et le dévergondage. Et notre commandant et nos officiers les premiers, tels les Carthaginois à Capoue, lutinaient sans vergogne et se vautraient dans la débauche. La discipline commença à s’en ressentir sérieusement.


Comme nos soldats négligeaient de plus en plus leur devoir, Don Alvarez ordonna de reprendre la route. Nombreux furent ceux qui quittèrent à regret cette terre de félicité. Il y en eut même que je ne soupçonnais pas. Cela me tomba sur les épaules, telle une nouvelle épreuve divine. La scène du bain avait été mémorable, là ce fut encore pire… Ou bien meilleur ? Que Notre Seigneur me pardonne, encore aujourd’hui je me pose la question.


Un soir que nous organisions un bivouac sur les rives du fleuve, une des servantes de Doña Elena me demanda d’entendre sa maîtresse et sa sœur en confession. Elles m’attendaient, un peu à l’écart des feux de camp, sous leur tente, à l’abri des regards et surtout des oreilles. Don Alvarez était parti en avant-garde pour deux jours. J’étais seul avec elles et mon statut garantissait ma tranquillité et mon honorabilité. Nul ne pouvait nous soupçonner. J’étais leur confesseur attitré pour la durée de l’expédition et ma réputation était sans tache, mon cœur pur, mon jugement droit. Je rejoignis la tente à grandes enjambées, tâchant de garder la tête froide. À l’intérieur, il y avait deux lits de camp pliables, quelques tabourets en bois, une table. Une simplicité spartiate pour une famille de soldats. Elles étaient sagement assises et elles m’invitèrent à prendre place à leurs côtés. Ce fut Doña Elena qui prit la parole la première. Elle se pencha vers moi et commença à me parler à voix basse.


  • — J’ai beaucoup péché, mon Père. Mon âme est damnée.
  • — Ma fille, ceux qui vous entourent ne sont pas des enfants de chœur, et je doute que vous ayez fait pire qu’eux. Parlez sans crainte, la miséricorde de Dieu est infinie. Si le Christ a pardonné à la femme adultère et à Marie-Madeleine, il serait bien en peine de ne pas se montrer indulgent envers vous.

Elle leva vers moi un regard implorant. Je ne la reconnaissais pas. Où était passée la grande d’Espagne ? Je regardais ses immenses yeux clairs. Ils avaient la douceur d’un ange. Et elle, la beauté du diable. J’aurais dû être plus méfiant, mais je savais, au plus profond de moi, que j’aspirais à une telle rencontre, quelles qu’en soient les conséquences.


  • — Pendant ces journées chez les Indiens, mon mari a eu envers moi des demandes que je n’ai pas pu refuser.
  • — Et cela, madame, est normal. En quoi est-ce un péché de satisfaire au devoir conjugal ? Vous vous êtes montrée telle que la loi divine l’exige.
  • — Non, mon père. Vous ne comprenez pas. Il m’a demandé de faire des… choses. Et ma sœur aussi.
  • — Oui… à votre ton, je devine que la morale n’y trouve pas son compte. Cela vous tourmente ?
  • — Je… non. En fait, oui, cela me tourmente ! Parce que j’ai aimé le faire. C’est cela qui me torture. Je ne cesse d’y repenser. Et c’est la même chose pour Isabella.
  • — Le commerce de la chair, Madame, n’est fait que pour engendrer. Si vous avez dérogé à l’ordre divin, vous ferez pénitence et serez pardonnée. Et vous n’êtes pas seule responsable, que je sache, vous êtes mariée et soumise à votre époux. Il devra lui aussi se confesser et en répondre. N’en concevez donc pas de peur. Quant à votre sœur, j’attends plutôt que ce soit elle qui me dise ce qui s’est passé.

Isabella prit alors la parole.


  • — Croyez-vous, mon Père ? Il faut donc que je vous raconte. Après tout, vous avez raison, seule la parole me soulagera.

Je soupirai et lui fis signe de commencer. J’avais redouté un tel moment qui ferait de moi un espion de l’intimité des couples et des familles bien plus qu’un simple religieux. Et voilà, c’était arrivé.


  • — Vous avez dû remarquer qu’il y a eu une grande cérémonie pour notre venue.
  • — Oui, je me souviens en particulier que vous avez été reçus en grande pompe, tous trois, dans la case du chef. La cérémonie a duré longtemps et notre interprète nous a raconté que seuls des initiés y étaient admis. C’était un grand honneur qui vous était fait. Ce moment scellait l’alliance entre la couronne d’Espagne et cette tribu.
  • — En réalité, c’était la demeure du sorcier, mais peu importe. Ce que vous devez savoir, c’est ce qui s’est passé à l’abri des regards.
  • — Ne vous sentez pas obligée de la faire.
  • — J’y tiens. Imaginez l’intérieur d’une immense hutte, tapissée d’idoles et de signes étranges. À l’intérieur, le chef de tribu nous attendait, le corps entièrement peint en rouge et à ses côtés, il y avait un autre dignitaire, ce sorcier dont je vous ai parlé. Un guerrier, jeune, le fils aîné du chef. Et plusieurs femmes. Le sorcier a commencé à parler… en espagnol. Ce païen connaissait un peu notre langue. Il a dit que l’alliance ne serait scellée que si notre sang se mélangeait. Une des femmes s’est alors levée, la plus jeune, la plus belle. Le sorcier a dit que c’était la coutume. Une femme de haut rang ne se donne pas à un homme du commun.

J’ai avalé difficilement ma salive.


  • — Vous… vous voulez dire qu’il y a eu un commerce charnel ?

Doña Elena prit la parole à son tour, intimant d’un geste à sa cadette de se taire.


  • — Oui ! Elle était complètement nue. Elle s’est allongée sur une couche disposée à cet effet, bras et jambes ouverts face à mon mari qui était rouge de confusion… et tremblant d’excitation. Les autres femmes présentes le déshabillèrent en un tour de main. C’était incroyable. Et si vous aviez vu comment il bandait… Son membre ressemblait à un arc tendu. Je l’aurais châtré sur-le-champ si j’avais pu. Elles le caressaient à tour de rôle. Il s’est agenouillé entre les cuisses de la fille et l’a pénétrée, d’un coup. Elle a croisé ses jambes dans son dos et a commencé à remuer en le caressant sur les côtés. Il gémissait… il gémissait de plaisir. Il ne cherchait même pas à s’en cacher. Jamais je ne l’ai vu ainsi dans notre lit. Cela a duré longtemps puis il a déchargé en criant et s’est retiré, sans jeter un regard pour moi. J’ai bien vu qu’il regardait plutôt les autres femmes. Le chef a fait un signe et celles-ci se sont levées. Mais elles se sont dirigées dans ma direction… vers moi. Et Isabella. J’étais tétanisée… et mon mari… ce lâche… il n’a pas fait un geste !
  • — Il a fait cela par devoir envers la couronne. Quoi qu’il soit arrivé, nous trouverons bien un accommodement avec Dieu. Et notre roi vous en sera reconnaissant.

Isabella me jeta un regard trouble


  • — Un accommodement, dites-vous ? Croyez-vous qu’il y en aura pour moi ?
  • — Parce que… vous aussi ?

Elena enlaça d’un bras protecteur Isabella.


  • — Ma sœur a sacrifié sa vertu pour le triomphe de notre foi. Mon époux avait forniqué sans vergogne devant nous, les choses commencèrent ensuite pour elle et pour moi. Ces deux femmes enlevèrent nos robes en riant et en jacassant comme des pies. Au passage, elles caressaient les seins et le ventre d’Isabella pour deviner si elle avait eu des enfants. Elles s’aperçurent vite en glissant un doigt en elle qu’elle était vierge. Mon mari a expliqué qu’elle devait le rester. C’était notre coutume. Elles l’ont alors entraînée en glapissant dans une autre salle, suivies du jeune guerrier et du sorcier. Je restai seule. Quand je fus complètement dénudée, elles m’amenèrent devant une sorte de trône, mais si vous saviez…
  • — Parlez sans crainte, Madame !

En réalité, j’avais dans l’entrejambe une très pénible sensation qui me mettait mal à l’aise, mais que je tâchais de cacher.


  • — Ce trône… il avait en son centre deux… deux phallus fait d’une étrange matière à la fois solide et souple, un large devant et un plus long et effilé derrière. Elles m’ont prise par les bras et j’ai dû m’asseoir… dessus. Elles tenaient ces… « choses pour bien les diriger vers les entrées de mon corps et… quelle honte ! »

Elle ne cachait pas son visage dans ses mains comme on aurait pu l’attendre d’une femme honteuse et une curieuse sensation m’étreignait. Je n’avais pas vraiment l’impression que ce qu’elle racontait l’oppressait. Elle ne se délivrait pas d’un poids. Non. Elle racontait plutôt une prouesse, tel un guerrier narrant ses exploits.


  • — L’une a pénétré mes parties honteuses et l’autre s’est logée dans le même temps jusqu’aux tréfonds de mon fondement. Je vous le jure, mon Père, jamais encore je n’avais accepté de pratiques sodomites ! Même de la part de mon époux qui, pourtant, me l’a souvent demandé. J’étais ainsi prise des deux côtés à la fois. Elles m’ont ensuite attaché les poignets dans le dos et enfoncé un autre phallus dans la bouche. Je voyais mon époux les bras croisé qui me regardait, les yeux fous, son membre viril dressé vers le ciel alors qu’une Indienne le branlait ! En même temps, elles me caressaient doucement les seins, pinçaient les tétons. L’une d’entre elles a commencé à titiller le petit bouton entre mes cuisses. Je gémissais, j’ai cru que j’allais devenir folle. Folle de plaisir ! C’est pour cela que j’ai honte ! Je serai damnée à jamais pour avoir laissé la luxure m’emporter. J’ai adoré me donner ainsi devant mon époux. Et lui, lui… il a adoré aussi regarder. Je le sais, il me l’a avoué !

Il n’y a pas de hasard. Elle aimant s’offrir, lui s’épanouissant en voyeur, ils étaient destinés à s’entendre. Mais comment, moi, homme de Dieu, pouvais-je le lui dire ? Il fallait que j’abrège, cela devenait un supplice de Tantale version christique. Et je ne me sentais pas de taille à résister encore très longtemps.


  • — Madame, vous avez souffert le martyre. Notre Église ne pourra que vous protéger.
  • — Attendez de savoir, mon père. Les femmes m’ont ensuite conduite, bâillonnée et entravée devant une sorte d’autel couvert d’un tapis de liane tressée et de peaux de jaguars. Elles me mirent à genoux devant et me courbèrent jusqu’à ce que mes épaules et ma tête reposent à plat dessus, jambes écartées au maximum, les reins creusés comme une chatte en chaleur. Ainsi j’offrais ce que j’avais de plus intime à la vue de tous. Mon con et mon cul étaient donnés à qui voudrait bien les prendre. Je savais bien ce qui allait arriver. La seule chose que je me demandais, c’était par où ils allaient commencer ; quelle ouverture de mon corps ils allaient choisir. Le chef vint se placer derrière moi. J’entendis quelque chose tomber à terre, son pagne sans doute. Je voulus tourner la tête, mais il la bloqua en appuyant sur ma nuque. Les deux femmes maintenaient, l’une, mes cuisses écartées et l’autre, mes bras. J’étais totalement offerte. J’ai cru qu’il allait me posséder de suite, là, comme une misérable esclave. Mais non, une troisième femme prit sa place. Je sentis sa bouche puis sa langue s’immiscer en moi. Elle me léchait, m’embrassait. Ses doigts vinrent ensuite remplacer sa langue et elle explora tous mes orifices. J’en gémissais de plaisir, j’en bavais de volupté, vous m’entendez mon père, j’aimais ce qu’elle me faisait. Je mouillais comme jamais je ne l’avais encore fait et je sentais mes deux orifices s’ouvrir d’eux-mêmes. J’étais trempée de désir, tremblante d’excitation. À un point tel que j’aurais pu être saillie par toute la tribu ensuite si elle l’avait voulu !

Seigneur, comme ses yeux brillaient ! Ses cils battaient à la vitesse des ailes d’un colibri. Elle agrippait de ses doigts fins les revers de ma robe de bure, elle revivait vraiment ce qu’elle racontait. Sa gorge palpitante faisait encore plus pigeonner son décolleté, la rondeur de ses seins n’en était que plus adorable, tentatrice. J’avais envie de caresser chaque centimètre carré de sa peau dorée, de mordre à pleines dents dans ce fruit tentateur. Oui, jamais encore le péché de chair n’avait été aussi dur à combattre. J’étais au bord du gouffre, mais je luttais pour garder l’équilibre et tentais de reprendre le contrôle de la situation. En fait, je m’étais trompé, elle n’était pas une victime. La victime, c’était moi ! J’étais tombé sur une sirène de l’Amazone qui allait me précipiter dans les abysses pour me dévorer. Et à la différence d’Ulysse, je ne pouvais pas me mettre un bouchon de cire dans les oreilles pour rester sourd à son chant. Cette adorable garce ne cherchait pas à se confesser. Non, elle cherchait tout simplement à me faire perdre pied ! Peut-être même avait-elle tout inventé. Je réalisais que les racontars sur ses amants n’étaient peut-être pas si infondés que je le croyais. Mais sa sœur… elle ne pouvait pas avoir imaginé une telle fable.


  • — N’en venons pas à de telles extrémités. Madame, ce que vous avez fait est admirable, oui, admirable. Vous avez fait le sacrifice de votre vertu pour sauver cette expédition ! Telle Judith face à Holopherne, vous…
  • — J’ai réussi à tourner la tête et j’ai regardé le chef, j’ai soutenu son regard. J’étais prête. Il a fait un signe et les femmes m’ont relevée et conduite à lui. Il était sur son trône, assis en majesté et il arborait entre les jambes un membre viril comme je n’en avais encore jamais vu. On m’enleva le phallus de bois qui me bâillonnait. Aussitôt, je l’ai pris dans ma bouche alors qu’une des femmes l’introduisait entre mes lèvres et il n’a pas tardé à grandir. Dressé comme une lance. Mais je n’avais pas peur. Je le voulais en moi, qu’il m’embroche sur son vit. Je me suis assise sur lui, il m’a prise aux hanches et m’a pénétrée en faisant coulisser son sexe en moi, je sentais mes chairs s’écarter pour l’accueillir dans mon ventre. Lui avait les yeux révulsés de plaisir. Et ce plaisir, c’est moi qui le lui donnais. Si vous aviez vu ! Sa queue était d’une grosseur et d’une longueur invraisemblable. Elle me remplissait peu à peu, me dilatait. J’avais l’impression qu’elle remontait jusque dans ma gorge, me coupait en deux et je râlais de plaisir. Je gémissais sans discontinuer. Je me suis mise de moi-même à monter et descendre sur sa tige alors qu’il me tenait aux hanches. J’ai joui comme jamais quand il m’a inondée de sa semence au bout de quelques va-et-vient. Je l’ai chevauché, et je l’ai maîtrisé. Comme un étalon entre mes cuisses ! Je pensais qu’après lui, s’en serait fini. Mais c’est mon époux qui s’est alors rapproché. Sa bite dure et raide battait le coin de ma bouche, je n’ai eu qu’à écarter les lèvres pour le sucer. Il a pris ma tête et s’est enfoncé jusqu’au fond de ma gorge. Ensuite…
  • — Hum… Dieu vous pardonnera cette faiblesse. Et vous, Isabella, que s’est-il passé ?
  • — Que croyez-vous ? La même chose que pour ma sœur, mais moi c’est le fils du chef qui me fut réservé. Jamais je n’avais vu un membre viril adulte. La femme m’a montré comment le caresser, le prendre en bouche. Je l’ai sucé à mon tour… longtemps. Le sorcier, lui, est venu se placer derrière mon dos. Il m’a écarté les fesses et s’est planté à son tour en moi. Il m’a enfilée, sans ménagement. Dans mon fondement ! J’étais si ouverte que ce sodomite est parvenu à ses fins sans difficulté. Il a joui en moi, et le fils du chef aussi. Dans ma bouche. Ensuite ils ont recommencé… en changeant chacun de… de côté. Le pacte était respecté. Je suis toujours vierge.

Elle releva la tête et me fixa droit dans les yeux, une lueur farouche étincelait au fond de sa prunelle.


  • — Et je… j’ai aimé. J’ai aimé sentir que c’était moi qui dominais en réalité. Si vous aviez vu leurs yeux suppliants ensuite, j’aurais pu demander n’importe quoi… ils étaient à mes pieds.
  • — Bon ! Cela suffit, Mesdames. Je vous absous et vous demande la permission de me retirer.

Assise en face de moi, Isabella me regarda en souriant. Ses doigts caressaient doucement le tissu de plus en plus tendu entre mes jambes.


  • — Pas avant que vous ayez vu ce que j’ai fait, mon père. Pas avant.

Et lentement, elle souleva ma robe de bure. Moi aussi je bandais, je l’avoue. Elle me regarda, toujours en souriant et, sans attendre, pencha la tête et me prit dans sa bouche. Seigneur, Seigneur ! Comment puis-je écrire cela tant d’années après ? J’en tremble encore. Jamais je n’oublierai cette merveilleuse sensation de douceur humide, de chaleur qui m’enveloppa pour la première fois de ma vie lorsque ses lèvres se refermèrent soudain sur mon membre et que sa bouche m’aspira. Je regardais sa tête aller et venir le long de mon sexe dur comme du bois, je sentais de temps en temps sa langue caresser le bout de mon vit pendant que ses doigts caressaient mes bourses et je serrais les dents pour ne pas gémir. Je me relevai alors que mes reins semblaient s’animer d’eux-mêmes.


Mon corps sans que je le lui commande se lança en avant et, les jambes à demi-fléchies, c’est moi qui, désormais, baisais sa bouche, allant et venant de plus vite alors que je tenais sa tête entre mes mains. Les yeux clos, à genoux, les mains posées fermement sur mes fesses, elle se laissait faire. Je sentais mes bourses cogner ses lèvres, ma queue enfoncée entre ses dents, au plus profond de sa gorge, je ne pouvais plus me contrôler. Je faisais osciller sa tête d’avant en arrière tout en donnant des coups de reins redoublés. J’entendais les gardes patrouiller aux alentours et priais Dieu et tous les saints pour qu’ils ne s’approchent pas de la tente. Mais elle se dégagea brusquement et arrêta soudain de me sucer alors que je sentais un drôle de picotement dans les reins, étrange sensation, bien agréable par ailleurs. Honte à moi, je ne pus m’empêcher de montrer mon désappointement. Isabella me branla alors en faisant coulisser mon membre entre ses seins et me regarda jusqu’à ce que tout gicle sur sa peau blanche. Où avait-elle appris cela ? Ces quelques heures entre les mains d’un Chaman avaient-elles suffi pour transformer à ce point cette sainte en diablesse ? Pire que le péché de chair, elle m’avait fait commettre le péché d’Onan, ma semence avait jailli sans aucune utilité, lui faisant un collier de perles qui s’étalait sur sa gorge et ses seins. Elle l’avait fait exprès, jamais je n’oublierai son sourire. C’était celui d’un artisan satisfait d’un travail bien fait. Et d’une maîtresse sûre de sa victoire.

Doña Elena s’approcha et m’embrassa.


  • — La prochaine fois, mon Père, ce sera mon tour. Je ne veux pas que ma sœur soit déflorée. Pas encore. Mais rassurez-vous, je vous laisserai le choix de la porte d’entrée. Ma bouche, mon ventre ou mon…
  • — Vous êtes folle ? Il n’en est pas question. Vous rendez-vous compte de…
  • — Chut !

Elle posa un de ses doigts fins sur mes lèvres.


  • — Taisez-vous, mon Père, vous êtes en train de vous emporter. La colère ne sied point à un homme d’Église. On pourrait nous entendre. Votre vœu de chasteté aura le temps d’être accompli dans les années qui viennent, mais au moins vous saurez de quoi vous vous privez pour le reste de votre vie. Quelle vertu y a-t-il à refuser quelque chose qu’on ne connaît pas ? Vous êtes jeune, beau et courageux, je l’ai vu. J’ai envie de vous depuis notre départ, acceptez-le.

Elle me regarda en minaudant. Sa main tapotait mon entrejambe.


  • — Voudriez-vous que je vous dénonce à mon mari ?
  • — Vous n’oseriez pas ?
  • — Vous seriez prêt à le risquer ? Ne tentez pas le sort. Je ne me donne pas, je prends. Vous le savez maintenant.
  • — Mais, enfin, pourquoi ?

Elle posa une main sur ma poitrine et caressa mon visage. Son ton devint moins impérieux.


  • — Vous êtes si jeune… J’aime les hommes, les femmes aussi. Et même si je ne l’ai jamais fait, je suis troublée par les animaux comme Pasiphaé, Europe ou Léda ont pu l’être en leurs temps. J’aime l’amour. J’aime le plaisir sous toutes ses formes. C’est ainsi. Ne me jugez pas. J’ai des besoins, des envies que mon mari est impuissant à assouvir. À Quito, je pouvais trouver tous les amants que je voulais. Tout faire dans le secret de ma demeure. Ici, je ne suis entourée que de rustres, brutaux et vérolés. Vous êtes vierge et saint, avec vous je ne risque rien. Ne me repoussez pas.

Et elle m’embrassa à nouveau. Alors que ses seins s’écrasaient contre ma poitrine, ses mains caressaient ma nuque et sa langue dardait la mienne. Je mordais ses lèvres qui avaient le goût des fruits de la forêt. Je fondais littéralement. Elle était tellement belle… Son sourire était irrésistible. Comment Dieu avait-il pu mettre tant de malice et de vice dans tant de grâce ? Je l’ai dit, j’étais au bord des abysses. Alors, cette fois, j’ai plongé et l’ai laissée m’entraîner vers le fond. Sans hésiter. Merde à Dieu ! Merde à tout ! Pour l’amour d’une femme, ou plutôt de deux, j’ai blasphémé et trahi mes vœux. Et cinquante ans après, je ne regrette rien.


Elle fit passer ma soutane par-dessus mes épaules et commença à caresser mon corps nu. Assise en tailleur sur un lit, Isabella ne nous quittait pas des yeux, l’œil brillant. Elena fit glisser sa robe. J’embrassai son cou, caressai son dos et ses fesses. Elle avait une peau fraîche, douce et parfumée, enivrante. Serrée contre moi, elle se remit à branler fermement ma verge qui recommença à durcir de belle manière. Je la laissai faire les yeux fermés, brûlant d’impatience de plonger en elle. Et tant qu’à pécher, j’avais pris le parti de m’enfoncer au plus intime de son être, oui, commettre, dès la première fois, l’acte le plus condamnable aux yeux de notre Seigneur afin de n’en apparaître ensuite que plus humble face à lui. Je la fis mettre à quatre pattes. Mais soudain nous entendîmes une patrouille se rapprocher. Cela devenait risqué. Je me rhabillai prestement alors qu’elles se glissaient toutes deux en riant sous une couverture. Je sortis de la tente comme si de rien n’était, les saluant avec déférence. Heureusement, les plis lourds de ma soutane cachaient mon érection, je bandais à en avoir mal.


  • — Madame, je compte bien entendre votre époux en confession. Doña Elena, je vous souhaite le bonsoir. Bonne nuit à vous, Isabella. À demain

Et je repartis prendre ma place près du feu de camp où j’avais laissé mes compagnons d’aventure. Après cette tempête, j’avais besoin d’un peu de sérénité. Au milieu de ces rudes gaillards, j’étais sûr de la retrouver. C’était des vétérans qui n’aimaient pas parler pour rien. J’ai vite remarqué que l’un d’eux ne me quittait pas des yeux. Il me regarda l’air grave.


  • — Rapprochez-vous, mon Père, ne restez pas à l’écart. Les nuits sont humides dans cette maudite contrée.

Alors que je me penchais vers le foyer, il me fit un clin d’œil.


  • — Faites attention quand même à ne pas vous brûler, il est des feux qui vous dévorent.

Diable d’homme, avait-il deviné ce qui s’était passé ? Il se présenta :


  • — Diégo Ochoa ! Pour vous servir, mon Père. Restaurez-vous et prenez des forces. Demain, nous entrons en territoire hostile, semble-t-il. Et ça risque de chauffer pour nos vieux os.
  • — Comment le savez-vous ?
  • — Beaucoup de nos porteurs indiens se sont évanouis comme par magie. Et ceux qui restent ne semblent pas rassurés. C’est pour essayer de tâter le terrain que le commandant est justement parti en avant-garde. Nous filons demain matin pour le rejoindre au camp d’étape qu’il aura dressé. Et c’est moi qui mène la marche avec un détachement de cavaliers. Je vous embarquerai avec moi. Vous savez monter à cheval ?
  • — Aucun souci. Je suis un Hidalgo d’origine. Mais en soutane, ce ne sera guère pratique.

Il éclata de rire.


  • — Montez en amazone. Pour un homme de robe, ce sera parfait.
  • — Les Amazones… justement… croyez-vous qu’elles existent ? Ici, dans le Nouveau-Monde ? Avant de partir, j’ai entendu des choses à leur sujet.
  • — Tout est possible dans ces contrées. Ce serait une extraordinaire coïncidence. J’avoue que lorsque je perdais mon temps sur les bancs de l’université de Salamanque, ces vieux textes me faisaient rêver. Ici, nous allons ouvrir un nouveau chapitre de l’histoire de l’Espagne. Allez vous reposer maintenant, demain vous aurez besoin de toutes vos forces.



Ici s’arrêtait la première partie du récit. Le Père déplia sa grande carcasse et essuya quelques gouttes de sueur qui perlaient sur son front : adultère, voyeurisme, onanisme, blasphème, soupçon de zoophilie, sodomie… qu’allait-il encore découvrir dans les pages qui restaient ? Surtout si une autre créature s’en mêlait ? Frère Ignacio avait bien caché son jeu. Dieu merci, son trépas débarrassait l’Ordre d’un cas gênant. Et que dire de Doña Elena dont il avait baptisé les enfants et petits-enfants ? Elle était morte depuis des années, mais sa réputation… et celle de sa famille ? Et Doña Isabella, certes très âgée aujourd’hui, mais qui jouissait d’une haute position chez les Carmélites ? Il lui faudrait se débarrasser de ces papiers compromettants avant que l’Inquisition n’en ait eu vent. Pour l’instant, il s’agissait de péchés véniels, rien qui menace l’Église, mais à l’allure où les événements se produisaient dans cette histoire, qui sait s’il n’y aurait pas ensuite un parfum d’hérésie dans les pages qui restaient, voire de sorcellerie ? Il fit emporter le corps, non sans avoir auparavant discrètement rangé dans son coffre la confession écrite. Il lirait la suite dans la nuit, et prendrait les dispositions qui conviendraient.