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n° 18665Fiche technique21986 caractères21986
Temps de lecture estimé : 13 mn
18/11/18
Résumé:  Un temps lointain où les filles n'avaient pas la même valeur que les garçons !
Critères:  ff cadeau école cérébral init confession -prememois
Auteur : Jane Does      Envoi mini-message

Série : Journal d'une catin

Chapitre 01 / 12
L'apprentissage

Définition de Catin : femme de mauvaise vie. Puis par extension, prostituée.


Mais ce mot a eu bien des synonymes au cours des âges et des ans ! Gigolette, Gourgandine, Putain et plus simplement de nos jours « Pute » !




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Ce n’est donc qu’en feuilletant le dictionnaire que le mot m’est apparu comme pouvant s’apparenter à ma vie. J’aurais osé dire profession, bien qu’évidemment ce que j’ai toujours fait ne soit pas un vrai métier. Plutôt un art de vivre à mon sens. Bien entendu les avis des uns et des autres se déclinent en fonction des aspirations de chacun. Puis surtout ce sont les femmes dites « respectables » finalement qui jugent souvent par des propos acerbes ce genre d’existence que j’ai choisi.


Les vraies raisons sont d’ordre personnel, et quelque part il ressort de ces allusions, de ces petits noms d’oiseaux dont certaines (certains aussi parfois) se complaisent à m’affubler ; une forme de… jalousie peut-être ? Je ne m’étendrai pas sur ce sujet, le faisant assez par ailleurs sur ou sous le ventre des hommes plus ou moins fortunés qui fréquentent mon appartement. La discrétion reste de mise et si je vous raconte quelques anecdotes dans des pages savamment triées, ce ne sera que pour démystifier ce que trop de monde juge comme une existence déshonorante.


Donc les lignes qui vont suivre, avec plus ou moins de souvenirs, pourront paraître crues ou excitantes, mais là encore ce ne sera qu’en fonction du point de vue du lecteur et surtout de ses penchants pour les amours libres. Comme en toute chose, il y aura des contre, et des pour. Fort heureusement ce journal, ou les quelques feuillets épars que je vais vous laisser en guise de testament ne seront qu’une infime partie de ce mode de vie que j’ai délibérément adopté. Peu m’importe que vous les aimiez ou les détestiez.


Ils sont ce que je suis, retracent ce que j’ai fait, aimé ou haï. Et l’amour ou la haine peuvent parfois être si proches l’un de l’autre que ces sentiments sont emberlificotés dans d’incommensurables arabesques. Alors ce qui va vous être narré ici, ne doit être lu que superficiellement, et restera juste que ce doit être… un moment de lecture, sans plus chercher à vous plaire d’autre manière. Bien ! Je parle, je parle, et il est temps donc de vous raconter…




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L’année de ce premier jour, celui qui détermine ce que l’on est, ce que l’on devient, il remonte à si loin dans le temps. Je dois faire appel à mes souvenirs, ceux qui sont bien au plus profond de mon esprit, parce que, quoi que l’on en dise, que l’on en pense, nous les femmes, en possédons un aussi. Et j’avoue que le mien fonctionne plutôt toujours bien. L’année, disais-je donc ? Plutôt une époque, la belle, souvenez-vous… Mais revenons au tout début de cette affaire.


Mille neuf cent dix-neuf ! Au sortir d’une grande guerre ! En voilà une de belle année. Enfin paraît-il, parce que je ne saurais rien vous raconter d’autre que ce que l’on m’en a dit ! C’est cet an-là que je suis née, le quinze août à six heures du matin, le jour de la Sainte Marie, c’est bien ce bougre de matin que ma mère a enfanté. Il paraît que j’étais rose et fraîche comme une fleur, fille d’un couple de la bourgeoisie régionale. Mon père, Armand, un notable d’une ville de province, de moyenne importance. Ma mère… Clothilde, une jeune femme dont les parents étaient aussi patrons d’une usine dans le textile.


Ça, c’est la genèse d’une famille, la mienne. Donc ce fameux quinze août, un beau bébé de sexe féminin poussait son premier cri, avec en préambule une claque médicale sur les fesses, donnée par une sage-femme dans la grande demeure familiale. J’étais là, entourée d’une flopée de visages qui trouvaient tous, à coup sûr une ressemblance imaginaire avec l’un ou l’autre de mes géniteurs. Papa se trouvait fort dépité par mon manque d’un attribut plus viril que cette foufoune dont mon entrejambe était affublé.


Ma mère quant à elle avait fait sa part du travail, pas la plus facile, admettons-le ! Ensuite… eh bien faute de garçon, ils devraient bien s’accommoder de la gamine que j’allais devenir. Si Clothilde me prit sous son aile, Armand, lui, ne me donna pour toute affection que le strict nécessaire. Je n’entrais pas dans sa ligne d’attente. Ce qui me faisait défaut entre les jambes me classait d’office dans une catégorie « indésirable », bien que les convenances dussent être gardées. Sans doute s’employa-t-il, durant les années suivantes, à me renvoyer au rang qui se trouvait dévolu aux femmes de cette époque.


Choyée d’un bord, ignorée de l’autre, je devais donc me forger tout au long de ces années d’une enfance plutôt heureuse somme toute, un caractère particulier. L’homme s’y trouvait confiné en éternelles absences, en fantôme dont le rôle se bornait à ouvrir un portefeuille. Ce papa peu présent ne m’avait jamais finalement fait de mal malgré tout, se contentant simplement de me permettre de subsister sans problème. Et les caresses de ma mère ne pourraient jamais remplacer ce vide affectif tangible.


La chance aurait donc pu être de mon côté et m’offrir ce frère dont toute la maisonnée rêvait, mais dame nature est imprévisible. Ce ventre qui m’avait vu croître pour me permettre d’explorer ce monde ne voulut plus jamais se remettre au diapason des espérances de ces parents si diamétralement opposés dans leur amour filial. Ma mère, riche d’argent, mais pauvre de sentiments dû subir les pires rebuffades. Mon géniteur lui reprochant sans cesse de n’avoir su que lui faire cette drôlesse dont il n’avait que faire. Les temps n’étaient guère aimables avec les filles, surtout lorsqu’il s’agissait de transmission de fortune.


Mes études se sont passées de la meilleure manière. Là encore, je me dois de reconnaître que l’argent de papa devait contribuer à ouvrir les portes d’écoles prestigieuses dont je tairai les noms. Toutes étaient religieuses et les « bonnes sœurs » se sont toujours montrées conciliantes avec les petites fredaines dont j’ai dû me rendre coupable de temps à autre. J’ai toujours eu l’intime conviction que les virements mensuels qui alimentaient leur comptabilité précieuse avaient sans doute gommé ces péchés véniels. Le certificat d’études n’avait été, dans ces conditions très favorables, qu’une simple formalité.


Puis, évidemment pour nous les filles, les directions qui s’imposaient tendaient toutes à faire de nous des fées du logis. Ces beaux messieurs se devaient toujours d’être servis, tels de véritables princes. Finalement, cette éducation ne m’avait nullement traumatisée et l’ambiance délétère de la maison se trouvait compensée par la promiscuité avec d’autres jeunes filles, loties d’une identique façon. Ces études-là, au fil des mois, ceux-ci à la chaîne, devenant des années, des amitiés indéfectibles se forgèrent pour mon plus grand plaisir. Celui aussi de ces rencontres de dortoirs où nos premiers émois se vécurent entre jeunettes, sensiblement toutes du même âge.




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Ce fut donc au retour d’une longue période de vacances que ma condition de femme se trouva révélée d’une éclatante manière. Quelques mois au bord de l’océan Atlantique dans une petite station balnéaire où certains regards se posaient sur moi avaient déjà largement contribué à me faire savoir que ce qui poussait sur mon torse alimentait bien des envies. Lesquelles ? Je n’aurais su les dire et encore moins les décrire, mais ces pièges à prunelles qui enflaient mon corsage semblaient avoir bien plus d’importance que les traits de mon visage. Donc ces juillet et août où en compagnie de ma mère nous arpentions les rues de Saint-Gilles en Vendée avaient vu quelques transformations morphologiques significatives de mon corps.


Quelques poils, que je jugeais disgracieux, s’étaient invités à cet endroit qui m’avait privé des sentiments d’un papa qui se gardait bien de nous rejoindre lors de nos séjours océaniques. Puis un matin, une horrible tache de sang m’expédiait au rang suprême de femme accomplie, laissant sur les lèvres de Clothilde un sourire indéfinissable. Elle s’engageait alors dans un monologue difficilement compréhensible par la jeune fille que j’étais. C’était l’année de mes seize ans… et avec ce sang séché, s’envolaient mes insouciances primaires.


De ce charabia féminin, dont ma mère, m’avait abreuvé, je n’avais retenu qu’une seule chose, ce flux impie reviendrait chaque mois d’une longue féminité qui s’annonçait pour moi. Donc septembre me trouva en plein désarroi, accentué plus encore par le fait que lors de la rentrée à l’internat, une nouvelle compagne de chambre m’était promise. Que de changements ! Ceux-là, réalisés en si peu de semaines, ne pouvaient que perturber mon jeune esprit. Je n’avais d’autres choix que rester à cette place que le monde arrangeait aux femmes en ce début de siècle tout neuf.


Elle avait onze mois de plus que moi, deux nattes pour domestiquer une chevelure dont la couleur s’apparentait à celle de la ficelle. Derrière de grands carreaux censés corriger je ne sais quel défaut de sa vue se cachaient deux grands yeux clairs qui m’auscultèrent dès mon arrivée dans la chambre que nous allions partager pour l’année scolaire à venir. La nouvelle venue, cramponnant dans sa main gauche une valise, s’était arrêtée tranquillement sur le pas de la porte, me jaugeant d’un simple coup d’œil. Pour faire bonne figure, je lui lançai d’instinct quelques mots :



Surprise par la question si délicatement amenée, je m’étais sentie d’un coup tellement loin de cette fille.





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Voilà cette première rencontre avec ce mot si peu glorieux. Catin… tout un programme échafaudé par une Adèle en guerre contre sa famille, contre la société. Elle avait ce jour-là, mis le feu en moi, celui d’une révolte ignorée, semblable à la sienne. Nous avons au fil du temps appris à nous connaître mieux. Elle était sans gêne, effrontée et m’entraîna rapidement dans son sillage. Les sœurs qui nous donnaient des cours avaient fort à faire avec les deux rebelles que nous devenions. En ce milieu d’année scolaire je trouvais enfin, un vrai plaisir à faire tourner en bourrique ces pauvres filles de Dieu.


Mais il y eut également d’autres moments engendrés par l’esprit fertile de ma nouvelle amie. En particulier ce qu’elle appela un soir : les cours singuliers. Après les prières du soir, des Complies auxquelles nous assistions toutes obligatoirement, elle voulut à tout prix que je sacrifie à un jeu moins anodin, moins innocent.



Alors ce soir-là, elle avait joint le geste à la parole. Sa main avait saisi une des miennes et lentement elle avait attiré mon corps vers le sien. Sa menotte libre s’était calée sur ma nuque et j’avais vu son visage qui s’approchait de ma figure. Quand enfin, je compris qu’elle avait l’intention de coller ses lèvres contre ma bouche, je ne pouvais plus esquisser ce mouvement de recul nécessaire pour échapper à sa voracité. Ma seule parole…



Puis je reçus un éclair, venu d’une foudre inconnue. Ces lippes chaudes qui minaudaient sur mes lèvres, puis s’entrouvraient sur une pointe encore plus douce, laquelle finissait par s’insérer dans mon palais. Malgré mon sursaut de surprise, je ne trouvais pas si écœurante cette langue folâtrant de si paillarde façon dans ma bouche. Elle se lovait en elle, s’incrustant dans des caresses inédites, cherchant à émettre des signaux que mon corps de vierge avait quelques difficultés à décrypter. Mais l’effet escompté, s’il n’était pas parfait, en demeurait néanmoins d’une redoutable efficacité. L’ensemble de mon être se sentit submergé par je ne sais quel fichu sortilège.


Les réactions diverses pouvaient sans doute s’analyser par d’étranges sensations épidermiques. Une chair de poule impossible à juguler envahissait tous les pores de ma peau. Un refroidissement n’aurait guère fait mieux et cependant, je brûlais d’une fièvre nouvelle. Ses doigts aussi semblaient devenir des lutins frémissants qu’elle laissait courir dans mon dos, frôlant sans équivoque la cotonnade que je portais. Ils parcoururent ma colonne vertébrale tout le temps de cet échange incroyablement bouillant. Mais le plus surprenant, ce fut bien que lorsque nos poumons manquèrent d’air, que la soudure se disjoignit, j’en éprouvai un certain malaise, tel un vrai chagrin.


Les yeux d’Adèle brillaient d’un éclat violent. Un rictus s’affichait sur les babines de la fille qui retirait ses lunettes.



Elle avait réitéré son bécot et j’y avais trouvé le même divertissement. Donc pourquoi n’aurais-je pas osé également faire virevolter ma langue dans son gosier, après tout ? Pour savoir, il faut essayer et c’était bien une méthode qui avait fait ses preuves, longtemps avant nous. Et la patte d’Adèle cette seconde fois ne se contentait plus de passer sur la chemise de nuit. Non, elle avait trouvé un endroit pour se faufiler, par le bas, sur cette plage allant de mes reins à mes épaules. Il ne me restait plus qu’à lui rendre la monnaie de sa pièce… puisqu’il me fallait apprendre.



À suivre…