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n° 19008Fiche technique15043 caractères15043
Temps de lecture estimé : 9 mn
29/05/19
Résumé:  Voilà ce que c'est que dormir la fenêtre ouverte une nuit de pleine lune : on se réveille à quatre heures du matin pour écrire le récit foutraque d'un cauchemar.
Critères:  f fhhh fdomine revede pied partouze sm poésie délire sf
Auteur : Calpurnia            Envoi mini-message
Apocalypse Colombine

Vers le milieu du XXIIe siècle, lorsque Colombine prit le pouvoir, elle se saisit de lui comme un fruit pourri laissé trop longtemps sur la branche. Elle venait de réaliser, à seize ans, qu’elle était construite pour régner sur tous les peuples de la Terre, ce qu’elle fit sans autre difficulté que d’avoir à se présenter aux élections présidentielles de son pays. Son regard de feu, allié à sa voix d’une douceur inégalée, hypnotisa les électeurs devant leurs écrans. Son hologramme se propagea dans tous les foyers. En conséquence, elle fut élue avec près de 100 % des voix. Les autres nations tombèrent ensuite sous sa coupe et elle se retrouva maîtresse du monde. Elle convoqua le Pape, qui n’eut pas le choix, s’il voulait préserver son église, de la couronner impératrice de l’humanité : tel fut le titre qu’elle s’était choisi.


Elle établit son palais au château de Versailles, faute de mieux, en attendant de disposer d’un logement à la hauteur de sa gloire : trois fois plus grand et dix fois plus chargé d’enluminures que le modeste logis de Louis XIV et ses successeurs. Les travaux commencèrent sans tarder et se poursuivirent nuit et jour.


Elle se voulait aussi l’impératrice de l’amour. Souvent, elle donnait des audiences au cours desquelles il était permis de s’accoupler avec elle. Tout le monde rêvait de sa peau blanche et fraîche comme une neige de printemps. Les lauréats de la vaste loterie devaient se présenter nus complètement, et baiser à genoux les pieds impériaux à travers ses bottes. Des femmes aussi participaient à ces orgies, car Colombine était non seulement bisexuelle, mais pansexuelle : elle aimait se donner à tout le monde, sans autre limitation que le temps dont elle disposait.


Cependant, elle se rendit compte que sa révolution d’amour était incomplète : il fallut, pour que le geste fût intense, faire couler le sang au-delà des limites du raisonnable, ne serait-ce que pour endiguer le flux constant des nouveau-nés dont la planète débordait chaque jour davantage. La surpopulation devenait un problème dont la solution était pourtant toute simple. Colombine décida que les riches de l’ancien régime devaient payer pour leurs crimes d’avarice, et ce prix était naturellement celui de leur vie. Mais dans un premier temps, elle se contenta de les priver de vêtements, afin de brimer leur pudeur. Chacun pouvait les voir exposés, couverts de chaînes au milieu de la foule, les Arnault, les Pinault, les Zuckerberg, les Gates, les Trump et tous les émirs du pétrole, ils pendouillaient misérablement au centre de leurs peaux blanchâtres, avec leurs corps devenus débiles à force de savants rafistolages.


Car en ce temps-là, les milliardaires avaient pu s’assurer une longévité très supérieure à celle des gens de peu. Ils s’étaient appuyés sur des technologies médicales de pointe qu’ils se réservaient pour eux seuls, afin de prolonger leur vie au-delà de ce que la biologie humaine leur permettait d’espérer, refusant par là même de quitter ce monde si accueillant pour eux. Puisqu’ils refusaient obstinément de mourir, il fallait les tuer. C’est ce que fit Colombine un soir de juin, afin de fêter le premier anniversaire de son accession au pouvoir.


Elle les fit réunir, en plein midi, au centre d’un stade dont les gradins étaient combles. Comme elle aimait les symboles, ils étaient précisément 666, le nombre de la bête, hommes d’affaires et anciens chefs d’État, naguère puissants ; moyenne d’âge : deux cents années de domination suivie d’une chute spectaculaire. Après son discours, Colombine s’était équipée d’un fusil muni de balles explosives, ainsi que d’une quantité considérable de cartouches dans son sac à dos. Elle se dévêtit à l’exception de ses bottes et descendit dans l’arène en ordonnant à sa garde rapprochée de rester à distance.


Les condamnés croyaient que, puisque l’impératrice était presque nue, elle avait l’intention de copuler avec eux et que son arme n’était qu’un gadget seulement destiné à épicer son fantasme. Il faut dire que, malgré leur âge canonique, ils bandaient tous de bandaisons parfaites, car les médecins et les pharmaciens, toute une équipe de blouses blanches consacrées à leur service exclusif, avaient très bien fait leur travail en respectant leurs exigences de virilité, ce qui leur permettait de mettre quotidiennement dans leur lit quantités de femmes vénales attirées par le luxe et la luxure perverse de ces mains plusieurs fois centenaires avide de seins et de fesses à tripoter.


Six cent soixante-six verges étaient dressées vers le soleil, bien qu’entourées de chairs livides et plusieurs fois retendues, dégoulinantes de rosée du désir, parfois gigantesques, œuvres d’artistes du bistouri prêts à se surpasser pour la satisfaction de leurs clients, priapes tournés comme des tournesols en direction de l’impératrice qui visait juste : tous reçurent une balle dans le sexe, éparpillant les génitoires dans de sanglantes bouillies. Lorsque les premiers furent touchés, ce fut l’épouvante. Devant l’inéluctable, la promesse rompue d’une vie éternelle, sidérés de ne plus être des dieux, ils claquaient des dents, ils urinaient leur champagne, ils vomissaient, ils déféquaient leur caviar quotidien. Il faut se vider avant de mourir.


Constatant qu’ils ne pouvaient pas fuir, les anciens riches voulurent soudoyer Colombine avec des liasses de dollars qui n’avaient plus cours, puis, tout tremblants, ils se mirent à genoux pour implorer en pleurant la grâce de celle qui les avait vaincus, prêts à accepter n’importe quelles conditions de reddition. Tout juste certains furent-ils autorisés à se masturber, à condition de demeurer à genoux et de verser leur semence sur les bottes de Colombine, puis de laper leur éjaculat mêlé de larmes, un suc épais qui brillait au soleil et ressemblait étrangement à de l’or fondu – nous allons bientôt expliquer pourquoi.


Triomphante, l’impératrice usa de nouveau de son pouvoir et les hypnotisa de son regard ; ils acceptèrent enfin leur destin. Cela n’empêcha rien : tous moururent dans d’affreuses souffrances, et dans les flots de sang, leur chant de lente agonie monta jusqu’à la populace essentiellement constituée de femmes jadis misérables, clochardes, étudiantes contraintes de se prostituer, épouses recluses et ouvrières des usines du tiers-monde.


De concert, serrées sur les gradins, toutes se pâmèrent de joie dans des orgasmes sadiques. Vengeance. Hourras. Extase. Il y eut des flots de mouille qui s’écoulaient des gradins du stade, sous la musique d’un orchestre de deux cents cuivres et violons qui entonnaient le nouvel hymne mondial composé à la gloire de l’impératrice. Jamais Colombine ne fut si populaire. Ses bottes piétinaient les cadavres sur lesquels elle pissait. Ceux-ci, rattrapés par l’entropie à laquelle ils avaient voulu échapper, se décomposaient avec une rapidité surprenante. On put constater avec un mélange d’horreur et d’émerveillement que les testicules explosés des bicentenaires grouillaient de vers qui se tortillaient parmi les lambeaux de chair et que ces vers étaient faits d’or, de platine et de diamants, entre autres métaux et pierres précieuses que les anciens rois du monde avaient l’habitude d’absorber afin de se rassurer quant à leur puissance. Avant de fermer leurs yeux, les maîtres déchus remercièrent Colombine, car puissamment hypnotisés par les charmes féminins de la souveraine, ils aimèrent soudain leur bourreau, de toute la force de leurs pauvres cœurs corrompus, à l’instant même de succomber.


Puis elle fit lâcher les chiens, des meutes entières et sauvages, milliers de lévriers, épagneuls, patous, colleys, animaux tatoués de pure race ayant fui la vie urbaine trop policée, bâtards nés en liberté de croisements aléatoires, tous affamés de viande autant que de femelles, et malheur à quiconque croisait dans les campagnes ces hordes carnassières, car les mâles oméga inassouvis de femelles, de loin les plus nombreux, désespérés de ne pouvoir s’accoupler, violaient systématiquement toute personne qui tombait sous leurs crocs. Colombine les avait fait capturer, puis enfermer dans l’obscurité. Les molosses dévorèrent les mourants incapables de fuir, en même temps qu’ils enfoncèrent leur virilité dans les orifices naturels, et ce fut pour les condamnés, juste avant de perdre la vie, les yeux écarquillés, l’apogée de l’avilissement. Ce spectacle atroce fit vomir les femmes du public dans des flots nauséabonds qui dévalaient les gradins.


Alors il y eut une éclipse de Soleil, dont la lumière ne fut plus qu’un anneau fin comme une alliance de noces entre le désir et le sang. Colombine, qui avait planifié cette cérémonie barbare en fonction de l’événement astronomique dont la prévision avait été tenue secrète, monta sur la tribune et leva ses bras vers les deux astres accouplés afin de conclure cette épiphanie de la noirceur humaine dans une extase érotique autant causée par l’horreur de la scène que les deux boules de Geisha vibrantes qu’elle avait enfoncées dans son vagin. Elle chanta, d’une voix plus grave que n’importe quelle voix de basse masculine, des mots vibrants, des formules mystérieuses que personne ne comprit – ce qui n’était pas nécessaire – mais que chacune trouva merveilleuses.


Lorsque tous les condamnés eurent enfin rendu l’âme, elle fit arroser le stade de napalm et craqua une allumette. Tout brûla, y compris le public, les musiciens, les gardes et les chiens, dans une clameur immense et les mugissements désespérés d’un océan vivant. Rares furent les personnes qui survécurent après avoir assisté à la scène : elles ne purent témoigner bien longtemps, tant la police politique appliqua de zèle à les éliminer.


Cependant, la rumeur racontait à voix basse qu’une fois cela commis, Colombine dansa seule sur les cendres de son crime jusqu’à la nuit tombée, qu’elle hurla comme une louve, qu’elle se caressa dans d’incroyables jouissances, qu’elle cria au cosmos tout entier sa haine absolue envers Dieu. Une corneille se posa sur son épaule et chuchota à son oreille qu’elle appréciait cette manière de régner. Le lendemain, l’impératrice se fit construire une nouvelle couronne impériale avec les dents en or des condamnés. Elle se fit tatouer sur le front, à l’encre écarlate, les signes de la grande prostituée de Babylone. Elle ne porta plus jamais de vêtements à l’exception de ses bottes et apparut ainsi à la télévision afin d’expliquer au monde sa nouvelle politique. La suite de son règne ne fut qu’une vaste bacchanale de stupre et de sang mélangés.


Parmi les anciens chefs d’État se trouvaient quelques femmes, venant pour la plupart de pays d’Europe du Nord où la démocratie n’était pas un vain mot. Elles aussi auraient dû trépasser sous les balles de Colombine. Elles furent graciées. Cependant cette grâce s’accompagna d’une condamnation à demeurer enfermées à vie dans de petites cages où l’impératrice les prostituait au bénéfice de ses favorites, courtisanes perverses, aussi belles que frivoles et extrêmement cruelles, parmi celles qui comptaient au nombre des maîtresses du nouveau monde.


Cette fascinante cérémonie fut le point de départ d’une orgie sans précédent de répression contre tous ceux qui avaient possédé des biens avant le règne de Colombine. Un océan supplémentaire apparut en ce temps, plus profond et plus large que le Pacifique, mangeant le continent américain en entier à l’exception des sommets de la cordillère des Andes : il était rempli de sang noir où prenaient vie de nouveaux monstres aquatiques qui parfois émergeaient afin de dévorer les imprudents qui s’aventuraient trop près des côtes. Seule Colombine, mystérieusement épargnée par ces créatures immondes, se baignait impunément. Il n’y eut pas d’opposition, pas de résistance, pas même une objection. Le monde était glacé d’effroi. Des innocents mêmes, vénérateurs de l’impératrice, par milliards, furent entraînés dans la tourmente. Des nuées de corbeaux festoyaient sur les charniers de Colombine. Toute idée de civilisation trépassa sous ses bottes.


C’en fut trop pour Gaïa qui, comme une mère réduite à cette extrémité pour sauver son enfant, ouvrit ses entrailles et libéra des fleuves de lave qui ensevelirent les survivants à la folie de Colombine, emportant au passage le château impérial flambant neuf, démesuré, pompeux dans son gigantisme absurde et jusque dans ses ruines. Le ciel s’obscurcit alors de fumées si épaisses que le soleil ne put le traverser durant deux années de nuit et de famine.


Nullement épouvantée par les conséquences de ses actes, Colombine se réfugia au sommet de l’Everest, accompagnée de Pierrot, l’un de ses valets à la fidélité jamais mise en défaut, celui-là même qui avait composé l’hymne à sa gloire, et aussi d’un vieux prêtre que l’impératrice avait épargné parce qu’il était vicieux et qu’il avait l’habitude de manipuler ses paroissiennes afin d’obtenir des faveurs sexuelles (voir le texte : Les outrances d’un prêtre).


Tous les autres humains étaient morts. Au cours d’une messe qui eut lieu dans un silence de glace, le père abbé maria Pierrot et Colombine. Une fois ceci fait, elle prit son fusil et mit fin aux exploits de l’homme d’Église en procédant d’une manière identique à celle du stade. Puis elle ouvrit la porte du refuge secret dans lequel se trouvait une fusée lunaire – à moins que ce fût un dragon – qui emmena le couple sur notre satellite naturel, où il habite toujours. Toujours persuadée d’être haïe de Dieu, Colombine savourait sa vengeance et s’en délecte encore.


N’entendez-vous pas, lointains descendants des témoins du désastre – car la vie renaît toujours de ses cendres – les échos lointains du rire insane de l’impératrice à la peau de neige ? Ne devinez-vous pas son chant troublant ? L’œil borgne d’astre de la nuit n’est autre que le canon de son fusil à balles explosives qu’elle pointe vers vous, pauvres vivants, et surtout vers votre pénis érigé entre vos doigts, vous qui, la braguette ouverte, lisez les histoires cochonnes de Revebebe… un site créé quelque mille ans plus tôt !


Au clair de la Lune…