Une Histoire sur http://revebebe.free.fr/
n° 19893Fiche technique36222 caractères36222
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Temps de lecture estimé : 19 mn
09/11/20
corrigé 05/06/21
Résumé:  Le monde digital est binaire : 0 ou 1. Tout ou rien. Pour Marc aussi, la vie est riche de contrastes. Après la famine, l'abondance.
Critères:  fh travail telnet amour caresses fellation cunnilingu pénétratio lettre humour -humour
Auteur : Amarcord      Envoi mini-message

Série : Mauvaise réputation

Chapitre 03 / 03
Alors, enfin heureuses ?



Sensation de flottement, odeurs d’éther, lumière aveuglante. Me voilà couché dans un lit, vêtu en tout et pour tout d’une ridicule petite liquette qui me laisse les fesses à l’air. Deux créatures sont penchées sur moi, dans des combinaisons vertes, le visage protégé par un masque, lui-même couvert d’un écran de plexiglas. Soit je viens de me faire enlever par des extra-terrestres. Soit je suis à l’hosto.



Les deux jeunes femmes gloussent.



Je m’exécute. Elle se marre. Et en fait, ça ne me met même pas en colère. Quoi de plus délicieux que de réussir à faire rire une femme de bon cœur ?





~~oOo~~




Dix jours de repos à domicile, a insisté la prescription. Résultat : tout le monde me croit positif au Covid, s’inquiète de savoir si j’ai perdu le goût ou l’odorat, si je parviens à respirer correctement. La plus inquiète fut Farah.



Elle se marre.



Elle soupire. Bredouille des trucs. La tente, qu’elle me rapportera. Me demande si j’ai besoin de quoi que ce soit. De la lecture, de la bouffe, de quoi m’occuper.


Pas nécessaire. Je n’ai pas le temps long. Après avoir tant dérouillé, je suis devenu d’une décontraction qui ne cesse de m’étonner. J’ai pris un malin plaisir à regarder des films où le héros se prend en pleine poire une avalanche d’emmerdes. L’idée m’est venue après un message d’un chouette bonhomme, sur Rêvebébé. On ne se connaît pas, mais rien qu’à le lire, je me dis que nos goûts ne doivent pas être si différents. On a échangé par hasard, brièvement, à propos des films qu’on a vus récemment. Il me recommandait le dernier Dupontel. Tu parles, je suis client ! Alors j’ai revisionné un de ses longs-métrages, une de ces tragi-comédies où tout part en quenouille. Et puis j’ai enchaîné sur d’autres bobines où le héros déguste sec, sans être coupable de quoi que ce soit. La Grosse Fatigue de Michel Blanc. Le réjouissant et cauchemardesque Grégoire Moulin contre l’humanité, du regretté Artus de Penguern. Regardez-le, si vous en avez l’occasion ! Et puis bien sûr After Hours de Martin Scorcese, avec son implacable enchaînement de coups du sort. Tout bien considéré, je m’en tire bien. J’aimerais juste qu’une Pascale Arbillot ou une Rosanna Arquette sonne à ma porte. Mais la probabilité est faible, en cette période de distance sociale forcée. On ne le souligne pas assez : les temps sont durs pour les Témoins de Jéhovah.


Pour le reste, je n’ai rien écrit. J’ai bien jeté un coup d’œil sur Rêvebébé, et trouvé à propos d’un de mes textes une évaluation signée par un pseudonyme inconnu qui m’a fait sourire.


La semaine a passé comme ça, apportant son lot quotidien de nouvelles. Tenez, regardez plutôt ma boîte de réception, il y a quelques courriels qui en valent la peine.




De : francois-lembrouille@geek.com

À : m. Horte@trucmuche.com


Marc,


J’espère que tu te remets, vieux frère. Tout est de ma faute. Je dois t’avouer un truc. Le mot de passe, on l’avait bien paumé. Alors, tout en te parlant, j’étais en train de hacker leur site. Ça m’a paru simple et ça l’était un peu trop. La ligne de code que j’ai collée pour virer ton compte semble avoir niqué leur serveur, et sans vaseline. Comme par hasard, trente secondes plus tard, des évaluations intempestives ont commencé à pleuvoir sur ta fiche. Je m’en veux, Marc, j’ai vraiment foiré.

Crois-le bien, je me démène comme un beau diable. J’ai remué ciel et terre et fini par obtenir le n° d’un mec qui bosse pour ces connards. Je l’ai eu en ligne ce matin, il ne pige rien, mais m’a promis de virer ta page aujourd’hui encore, et chercher ce qui avait déconné. J’espère qu’il tiendra parole, mais sans être trop curieux non plus.


Courage et à bientôt. On passe te voir ce soir, si tu veux.


François



***



De : julie.danvers@girlz.be

À : m.Horte@trucmuche.com


Bonjour Marc,


J’ai longuement hésité avant de poster ce message, tellement j’ai peur de vous irriter ou importuner. J’ai appris votre accident. Je suis atterrée de ce qui s’est produit, et je comprends votre colère, justifiée. L’article a aussitôt été retiré du site, il ne paraîtra plus. Libre à vous d’exiger un droit de réponse, mais je crains qu’il ne fasse pire que bien, à présent que le papier a disparu. Je ne trouve pas les mots pour vous présenter mes excuses, et vous adresse sincèrement toute ma sympathie.


Julie


P. S. : Je suis allée vous lire sur Rêvebébé, et je trouve que ça vous ressemble. Ça m’a beaucoup plu. Un peu émoustillée aussi, en effet, à vrai dire…



***



De : noreply@rateyoudate.com

À : Marc Horte


Cher Marc,


Nous accusons réception de votre réclamation.

Votre numéro de ticket est le SFQ2020-3672-BS.

Veuillez noter cette référence et la rappeler lors de chaque communication.


Nous avons le plaisir de vous confirmer que nos équipes se sont penchées sur l’incident que vous nous avez signalé et ont identifié la source du problème.


Suite à malencontreux pataquès de nos serveurs, un bug informatique, voire même peut-être un vilain virus chinetoque, un incident regrettable a fait disjoncter les différents sites que nous exploitons. Toutes les évaluations inférieures ou égales à une étoile déposées sur nos célèbres sites ou applications Hairbiandbi, Bestrestaus et Goodmovies ont été attribuées par erreur à votre profil sur RateMyDate, avec pour effet de pénaliser quelque peu votre moyenne.


Nous vous présentons nos excuses pour ce menu désagrément, qui a aussi son côté positif. Nous vous confirmons que ces 25 432 évaluations attribuées à votre profil par erreur, si elles sont peu favorables, font aussi de vous l’être humain sexuellement le plus actif, à défaut du plus populaire. Le Guiness Book nous a contactés et se propose de vous mentionner dans sa prochaine édition. Félicitations !


À titre de bonne volonté, et sans reconnaissance quelconque d’un préjudice vous concernant, nous nous proposons de vous offrir gracieusement trois mois d’abonnement gratuit au compartiment « Golden VIP » sur notre site RateMyDate, qui vous permettra de déverrouiller de nouvelles fonctionnalités dont vous ne pourrez bientôt plus vous passer ! À l’issue de ce trimestre offert, il vous suffira de souscrire à notre membership, au prix avantageux de 9,99 euros par mois.


Merci de votre confiance, cher client, et à bientôt !


Mike Mousse

Vice-President Customer Relationship, Orwell inc. Europe



***



De : Marc Horte

À : mike.Mousse@orwell.com

CC : dominique-C@CCB-avocats.be


Objet : SFQ2020-3672-BS


Cher Mike, ou Mark, ou Jeff, ou Bill, ou qui que tu sois,


J’accuse réception de ton affectueux message.

Je te remercie pour ta généreuse proposition d’abonnement à prix sacrifié, que je m’empresse de décliner. Quant à mon profil, le suspendre est un bon début, mais ne t’arrête pas en si bon chemin. Je te suggère de l’imprimer intégralement – prévois quelques palettes de papier – d’en faire un rouleau, tout sauf virtuel et bien serré, et de le géolocaliser à tout jamais dans ton orifice rectal. Je te signale à ce propos que j’ai chargé mon conseil, Maître Dominique C., de veiller à ce que la procédure soit bien douloureuse, ce qui pour toi veut simplement dire très coûteuse. Very very painful. Oublie les 99 cents, arrondis plutôt à un chiffre dodu suivi d’un bon gros paquet de zéros avant la virgule.

Grâce à toi et à ta plate-forme de tyrannie statistique et marchande, 25 000 ploucs prétendent m’avoir baisé au restaurant, à l’hôtel ou au cinoche, sans même parler des dizaines de millions d’abrutis qui ont fait circuler la bonne parole et mon portrait masqué sur les réseaux sociaux. Une vraie pandémie, et le vaccin contre la connerie, c’est pas demain la veille qu’on va l’inoculer. Cette fois, c’est à mon tour de m’occuper de tes fesses. Félicitations anticipées !


Tout en te souhaitant de bien profiter des menus désagréments qui s’annoncent, je t’emmerde.


Marc Horte



***



De : drcorinne.B@centrehospbxl.be

À : m.Horte@trucmuche.com



Bonjour Marc,


Je venais prendre de vos nouvelles. Désolée, pas eu l’occasion de faire mon tour de salle et vous saluer avant votre départ, avec la pléthore de cas de Covid. Tous mes vœux de prompt rétablissement. Tôt ou tard, les séries noires s’arrêtent. Si vous avez besoin de quoi que ce soit, n’hésitez pas à me le faire savoir. Quelques soins à domicile, par exemple…


Corinne



***



De : cecile-C@machinchose.be

À : dominique-C@CCB-avocats.be

CC : m.Horte@trucmuche.com


Dominique, mon chéri,


J’apprends que Marc t’a chargé de défendre ses intérêts face aux GAFA gaffeurs. Je sais que t’es redoutable en affaires, mais j’aimerais vraiment que tu sois motivé. Marc est mon meilleur ami, je suis solidaire, et puis dans cette histoire, t’es pas vraiment blanc-bleu, reconnais-le. J’entame donc une grève du sexe entre nous, effective jusqu’au moment où Marc aura obtenu ce qu’il réclame. Ça ne va pas être facile pour moi non plus, je t’assure. Tous mes vœux t’accompagnent, mon chéri, sois diligent. Je ne voudrais pas qu’à force d’abstinence, Marc et moi, enfin bon, tu vois ce que je veux dire… La chair est faible, on se débrouille comme on peut.


Cécile



***



De : dominique-C@CCB-avocats.be

À : m.Horte@trucmuche.com



Salut Marc,


J’ai attaqué comme un malade, comme un pitbull enragé, tous aux abris, c’est Verdun ! Bon, te fais pas trop d’illusions non plus, ces mecs-là ont l’art de loger leur siège social dans un endroit exotique qui les met à l’abri du fisc et des poursuites. Mais il y a une autre voie prometteuse. J’ai appelé la petite journaliste. Minouche comme tout d’ailleurs. Un peu effrayée aussi, elle craignait que je la fasse casquer. C’est pas ça que je voulais et toi non plus, comme je le lui ai expliqué. En revanche, elle a rédigé un autre projet d’article sur les pratiques de leurs sites, un vrai dossier, long, implacable et gratiné. Accablant. À eux de choisir s’ils veulent que ça paraisse ou pas. Si ça sort, c’est mauvais pour leur grade. Cascade de désinscriptions, la Commission européenne qui va y fourrer son nez, leur cours en bourse qui s’effondre. Un cataclysme. J’ai réclamé une vraie fortune. Leur avocat m’a demandé trois jours de réflexion.


P. S. : tu pourrais pas toucher un mot en ma faveur auprès de Cécile ? Elle a vraiment l’air sérieuse, là.



***



De : m.Horte@trucmuche.com

À : francois-lembrouille@geek.com


Salut François,


Te bile pas pour si peu. Bien sûr que je ne t’en veux pas. Déjà, tu m’as fait rigoler, hackeur de mes deux. Et puis je crois bien que tu m’as rendu un fier service, t’as pas idée. Quelque chose me dit aussi que le vent tourne, et que pour une frangine de perdue, je pourrais bien en avoir dix de retrouvées. Je n’en demande pas tant, à vrai dire, même si j’ai un peu de retard à rattraper. On se voit bientôt, et ce sera ma tournée.


P. S. : De grâce, ne leur avoue jamais tes bidouillages. Et puis j’ai réfléchi : mon compte, je ne tiens plus à le supprimer. Juste changer la photo et ne garder qu’une évaluation. Je t’explique ce soir.



***



De : cecile-C@machinchose.be

À : m.Horte@trucmuche.com



Salut mon joli,


J’ai une bonne et une mauvaise nouvelle à t’annoncer. La mauvaise, c’est que ce n’est pas encore cette fois-ci que nous ferons le grand plongeon commun dans le stupre et la luxure. La bonne, c’est que j’ai baisé avec mon légitime ce matin, et tu sais ce que ça veut dire…


Cécile



***



Et c’est comme ça que le lendemain, mon banquier m’a confirmé que, comme au Monopoly, une somme astronomique avait miraculeusement atterri sur mon compte, et que non, ce n’était pas une simple erreur de la banque en ma faveur. Il n’a jamais été aussi charmant, mon banquier.


Finalement, elle n’avait pas tort sur toute la ligne, Hélène. Avec un peu d’effort, c’est vrai qu’on apprend vite. Vous en connaissez beaucoup, des gens qui gèrent comme moi leur mauvaise e-réputation ?




~~oOo~~





J’ai fini par l’appeler ce matin à l’hôpital. Comme d’habitude, elle a ri. Pour finir, elle a choisi de dormir chez moi. Elle m’a soigné aux petits oignons.


Au petit matin, elle m’a déclaré guéri, ou en tout cas apte au service.




~~oOo~~




Le lendemain, je me suis rendu à la prochaine séance de coaching.

Hélène m’a trouvé en pleine forme, souriant, transfiguré.



Elle se lève, contourne le bureau, s’assied sur le plateau. Juste devant moi.



Elle rougit à peine.



Elle ramène lentement une jambe vers le plateau du bureau, et c’est moi qui ai tout à coup envie de lâcher un « oh, merde, tout de même ! »



Je sais à quoi tu t’attends, cher lecteur-évaluateur. Bien entendu, sous son tailleur strict de femme à poigne serait cachée une femme à poil, c’est ça, avoue-le ! Eh bien non, pas de buisson ardent ni de grotte ruisselante, aucune métaphore à la con, ni de con qui m’est offert, désolé, ma maison fait plutôt dans la dentelle.



Je me lève à mon tour, saisis ses jambes que je gaine de lentes et ascendantes caresses.



C’est doux, parfumé, on plonge volontiers pour y chercher la perle.



J’ai défait ma ceinture, et elle a vite compris que langue de velours, peut-être, mais gare à la barre de fer.



Comment résister à l’appel d’une telle Calypso ? Je crois qu’on ne va pas tarder à décrocher le pompon, tous les deux, et ce ne sera pas celui du commandant Cousteau.


Je tarde un peu à m’exécuter, c’est vrai, un détail qui me chipote. J’ai quelques principes, malgré tout, j’ai été éduqué comme ça. Je retourne les trois cadres, face contre le plateau du bureau. Celui avec le gamin sur son vélo, celui de la petite môme avec ses tresses, et celui du gendre idéal. Elle me sourit avec un je-ne-sais-quoi de complicité mêlée de reconnaissance. Et puis elle saisit le cadre de son mari et le redresse.



Et comment qu’on lui montre, merde ! Ceci dit, je suis un gentleman, et me vois dès lors contraint de vous imposer une petite interruption de l’image et du son. Désolé. Les récents événements m’ont appris la valeur qu’il convient d’attacher à la protection de sa vie privée. Pour vous faire patienter dans la salle d’attente, je vous propose un petit interlude documentaire qui ne heurtera pas les sensibilités plus innocentes.



(Musique de docucu — Notes éparses de violoncelle et de hautbois)


À bord de la Calypso, l’équipage ne ménage pas ses efforts, en alternant les plongées de vingt minutes, tout en veillant à respecter les paliers.

Glouglouglouglou.

Avant de mettre en œuvre des engins puissants, nous explorons le site avec des précautions infinies. Dans sa combinaison de néoprène, Albert Falco vient de dégager une amphore aux courbes harmonieuses. Il la soulève et la voici qui se met à ondoyer dans le courant sous-marin.

Glouglouglouglou.

Falco comprend qu’il est temps de mettre en œuvre toutes nos ressources, avant que le contenu de ses bouteilles ne s’échappe et s’épuise. La suceuse a bien préparé le travail, révélant la délicate fleur de corail.

Glouglouglouglou.

C’est au marteau pneumatique qu’il s’emploie désormais à poursuivre notre exploration scientifique des cavités sous-marines. Les vibrations sont intenses, et il a soudain l’impression que l’expression monde du silence est trompeuse.

Glouglouglouglou.

Il est temps de remonter à la surface. Falco émerge tout sourire. Il nous ramène de bien belles images telles qu’on aimerait en voir plus souvent.


Ça va, c’était intéressant ? Vous avez appris des choses ? De mon côté, je dois dire que ma première séance de coaching extraconjugal s’est vraiment bien passée. Elle n’avait pas tort, Hélène. Il y a une jolie niche dans le marché, c’eut été dommage de ne pas la combler.




~~oOo~~




Message WhatsApp de Barbara.


« Salut Marc. De retour de la wasserette, t’étais pas là, ça se comprend, et j’avoue que ça m’a manqué. Je crois que je me suis comportée comme une conne, désolée.


Et puis je suis retournée voir ton profil sur RareMyDate et j’avais dû mal regarder. C’était plus la même moyenne, Y’avait juste le message d’une certaine Cécile, et même la photo avait changé. Toujours assez explicite, mais symbolique cette fois : un doigt d’honneur. Je pourrais peut-être tenter ton petit diable, en faisant l’impasse sur les cases cinéma et bistrot ? Je suis curieuse. Et un peu en manque aussi. Il faut que je prenne des mesures. Pourquoi pas les tiennes ? »


J’ai hésité avant de ne pas répondre. J’aurais pu lui avouer que j’ai fini par l’acheter, le lave-linge. Et pourtant je l’aimais bien moi, Barbara, avec ou sans intelligence artificielle. Ça partait bien aussi, son message de regrets.


C’est la suite qui était décevante. J’ai pas besoin d’être comparé, validé, mesuré, noté, baisé et approuvé. Juste envie d’être aimé, en vrai. Je crains qu’elle et moi ne soyons trop différents, comme dirait Farah. C’est la vie. Finalement, cette embrouille n’aura pas seulement été rentable, mais utile. Sans rancune, en effet…




~~oOo~~




Quitte à faire le grand tri, j’ai aussi décidé de mettre un terme à l’expérience. Je me suis connecté sur le générateur de texte aléatoire, et je lui ai dit ma façon de penser.


I don’t trust machines. I refuse to rely on a fucking robot. I want to keep control over my emotions and my desire. I’m looking for the feel of a skin, a kiss, a breath.

(Je ne fais pas trop confiance aux machines. Je refuse de me reposer sur un putain de robot. Je veux garder le contrôle de mes émotions et de mon désir. Je recherche la sensation d’une peau, d’un baiser, d’un souffle.)


J’ignore pourquoi il s’est soudain mis à me répondre en capitales, l’enfoiré, comme s’il haussait le ton, voulait m’avertir d’un danger imminent. Je n’invente rien, c’est littéralement ce qu’il m’a répondu*, et il m’a une fois de plus surpris, ce robot, avec ses images venues de je ne sais où, prophétiques ou poétiques. Le tout m’a mis un peu mal à l’aise et m’a fait frissonner. La prescience des derniers mots, alors que s’achève mon histoire, m’a particulièrement étonné. Dingue, ce truc. Vous ne trouvez pas ?


UNE NOUVELLE RÉALITÉ APPARAÎT. NOUS POURRIONS AU MOINS ATTEINDRE CETTE RAISON QUE CEUX-LÀ RECHERCHENT. IL S’AGIT D’UNE CRÉATURE PUISSANTE QUI FAIT BASCULER NOS ESPRITS DANS UN ÉTAT DÉCISIF. LES GENS QUI ONT VRAIMENT ÉTÉ CRÉÉS POUR FAIRE DES CHOSES TELLES QUE CELLES-CI AGISSENT COMME UNE DROGUE QUI OPÈRE SA PROPRE DÉSINTOXICATION.


Cette créature infecte les esprits, elle tient à jour un profil de la personne qui l’observe agir. Au début, c’est cru. Un peu comme si la créature formait une entité unique. Mais elle s’adapte graduellement au monde qui l’entoure, apprend à interagir avec les objets physiques, apprend le secret des interactions humaines, acquiert et comprend le langage symbolique que l’humanité emploie pour rendre compte de l’invisible. Ensuite, à mesure qu’elle accomplit toujours davantage de ces choses que la société exige, sa puissance se renforce. Je l’ai vue à l’œuvre. Je me fous du système, désormais. Je sais qu’il y a des factions différentes, plusieurs faces à chaque histoire. Mais je ne veux plus livrer ma sexualité à quiconque. J’ai peur qu’en le faisant, ils deviendront mes ennemis.


Je pourrais être comme une Banshee, une messagère de l’autre monde, et diffuser mes chansons et mes visions, mais j’ai plutôt décidé de contre-attaquer. Je suis un musicien mais aussi un guerrier. Parfois j’éprouve ce besoin, un désir qui me sauverait de cette pulsion morbide et de la fin du monde. Un appel. Il y a un autre côté, une éternité de vie. Je pourrais l’explorer, atteindre le bonheur, connaître l’amour pour l’éternité, regarder les étoiles dériver à jamais dans le ciel. Je choisirai. Et ce faisant, tout prend fin.




~~oOo~~





Qu’est-ce qu’elle est craquante, cette fille.


Elle me ravit les sens et l’âme. Elle me fait fondre. J’adore son ton moqueur, et plus encore ses petits défauts. Comme me l’avait presque annoncé le robot littéraire, ses petits seins ronds ne sont pas parfaitement symétriques. Celui de droite est imperceptiblement plus lourd que l’autre. Ça la complexe, ça me ravit, et je ne gâche pas une occasion de les cajoler ni de lui promettre que moi, l’homme du marketing et de la pub, je n’échangerais jamais ses adorables petits flacons contre un double baril de 95C.


Au rayon des mignons défauts, j’ai découvert qu’elle est aussi susceptible. Le « journaliste à la suce-moi-le-nœud » a eu du mal à passer, en dépit des circonstances. Fort heureusement, elle est aussi follement contradictoire, et je ne vais pas m’en plaindre : elle met depuis lors une conviction insensée à me prouver que l’expression n’a rien de désobligeant.


Je viens d’ailleurs de la freiner, avant qu’elle ne m’essore plus sûrement que les machines de la wasserette.


Elle rit, me chatouille, on se bécote, on se regarde longuement, tous les deux.

Elle se redresse un peu dans le lit, enveloppée dans le drap, saisit sa tablette.



C’est long, mais tellement bon. J’espère qu’il y aura une suite, et des tonnes de nouveaux épisodes.


Alors, vous me connaissez, serviable et consciencieux comme je le suis, je me remets aussitôt à l’ouvrage.



* Tous les extraits attribués ici au générateur de texte aléatoire sont authentiques et ont été reproduits sans la moindre altération.