- — Dites-moi, Hélène, on ne pourrait pas se passer du masque ? Vous trônez presque à trois mètres de moi, protégée par votre bureau, à lui seul aussi vaste que toute ma cuisine…
- — Oh, et puis merde, vous avez raison, répond-elle.
Elle révèle un visage agréable, traits réguliers et bouche sensuelle. Elle doit faire partie de ces femmes bien plus séduisantes à l’approche de la quarantaine qu’elles ne le furent plus jeunes. Elle fut certainement jolie autrefois, mais elle a gagné une forme d’assurance conquérante, une classe évidente devant laquelle on ne peut que s’incliner. Je suis d’ailleurs un peu gêné d’avoir testé sur elle, avant de rejoindre le rendez-vous, les ressources du générateur de texte gonflé à l’intelligence artificielle. Après quelques réglages appropriés des curseurs, celui-ci m’a restitué un paragraphe court, mais troublant. *
Helen is facing Mark across the desk. She is wearing an elegant, strict suit, but whose cleavage reveals the upper part of her breasts. She defies him with a smile, her bewitching perfume reaches him. Mark knows it : she is the huntress, he is the prey.
(Hélène fait face à Marc, de l’autre côté du bureau. Elle porte un tailleur élégant, strict, mais dont l’échancrure révèle la naissance de ses seins. Elle le défie d’un sourire, son parfum lui parvient, envoûtant. Marc le sait : elle est la chasseresse, il est la proie.)
Les yeux d’Hélène le détaillent. Elle s’amuse de cette traque, elle goûte cette excitation, le danger qu’elle mesure en anticipant sa réaction. Son instinct animal est éveillé, et elle sait que son parfum l’envahit, ébranle ses pensées.
— Non, ce n’est pas le cas, dit-il.
Il a un aveu à lui faire. Il reste plein de doutes. Mais Hélène sait déjà à quoi s’attendre. Elle le sent. C’est tellement évident.
- — Vous trouvez que mon bureau est ridicule ? Que je me la pète grave ?
- — Là, c’est vous qui devenez parano, Hélène.
Il est dépouillé, son bureau. Pas un papier qui traîne, quand le mien est toujours envahi par un joyeux bordel, dans lequel je me retrouve, ceci dit, parfaitement. Tout juste y a-t-elle posé les trois cadres de rigueur. Le fiston de dix ans sur son vélo. Une mignonne petite princesse avec ses tresses. Et leur probable géniteur, un grand mec souriant, genre Ken de Barbie, muni des accessoires et du costume de la boîte « Champion à Wimbledon ».
- — Marc, j’ai plutôt de bonnes nouvelles. J’ai ici les résultats d’évaluation récoltés auprès de vos collaborateurs. Vous êtes un chef d’équipe apprécié. Ils vous octroient 5 sur 5 sur l’équité, l’empathie, le respect. Ils vous trouvent créatif, parfois surprenant, ce qui peut aussi les intimider. Vous êtes exigeant, mais pas colérique, bosseur…
- — Bon, ben c’est parfait. Je peux y aller, alors ? en faisant mine de me lever.
- — Attendez, rigole-t-elle. Tout le bulletin n’est pas du même acabit. Vos compétences sont reconnues, mais ils vous trouvent un peu moins motivé par le digital, les réseaux sociaux, la gestion de l’e-réputation.
- — Ah, mon Dieu, c’est vrai, j’ai encore oublié l’e-réputation…
- — Ça ne vous intéresse pas ?
- — C’est le mot qui me gêne toujours un peu. J’ai un peu de mal avec l’e-jargon, l’e-baratin et l’e-connerie.
- — Et l’e-coaching aussi, on dirait ?
- — Vous êtes plus charnelle que virtuelle, me semble-t-il. Mais peut-être faut-il que j’e-vérifie ?
- — Vous avez une conception toute particulière du mot « digital », s’amuse-t-elle.
- — Je l’avoue, l’excès de virtuel m’emmerde, et alors ? Je ne dis pas que c’est inutile. J’ai engagé des collaborateurs qui sont tombés dans la marmite quand ils étaient petits, je leur laisse pas mal d’autonomie. Pourquoi perdrais-je du temps à apprendre laborieusement ce que ces jeunes gens maîtriseront naturellement mieux que moi ?
- — Ça se défend. Mais que leur transmettez-vous de votre propre savoir-faire ?
- — Ah, nous y voilà ! Je m’y attendais. D’autres mauvais points ?
- — Vous ne recevez qu’un 2 sur 5 sur le respect des processus.
- — C’est mon côté anar. Les processus sont faits pour contrôler, pas pour créer. Dans certaines fonctions, c’est indispensable. Dans d’autres, comme la mienne, si on les applique à l’excès, ils étouffent la créativité.
- — C’est une opinion. Qu’on n’est pas obligé de partager.
- — Absolument. Mais c’est la mienne, je la revendique, et je l’ai pratiquée avec un certain succès.
- — Un succès remarquable, Marc. Mes respects, chapeau ! Cette boîte vous doit beaucoup. Quand vous l’avez rejointe, c’était une sympathique petite brasserie familiale. Vous avez révolutionné son catalogue produit, son image, sa communication, sa distribution. Un cas d’école.
- — J’ai même un peu trop bien réussi. L’an dernier, les actionnaires ont vendu à un fonds d’investissement, en oubliant, comme c’est dommage, leur promesse de me céder préalablement un paquet de stock-options.
- — Vous en êtes resté amer ?
- — Je n’en suis pas plus riche d’un euro, c’est tout. Je ne mendie rien, je ne me plains pas.
- — Vous comprenez pourtant que les nouveaux actionnaires veulent imprimer leur marque, leurs principes de gestion ?
- — Je comprends surtout qu’ils ont acheté très cher, et serrent tous les boulons pour presser la boîte comme un citron et récupérer leur mise avant de revendre dès que possible.
- — Qu’en savez-vous ?
- — Allons, Hélène, vous m’avez dit la fois dernière que vous appréciez ma franchise. Que je ne me foutais pas de votre gueule. Ne le faites pas vous-même.
- — Vous ne me croyez pas sincère ? Je suis là pour vous aider, vous comprendre, découvrir ce qui vous fait vibrer dans votre travail ou votre vie.
- — Tout va relativement bien pour moi, merci. Et vous ?
Elle sourit
- — Tout va relativement bien aussi.
- — Vous voyez, nous avons tous les deux atteint l’âge du relativement. Vous avez pourtant accompli bien davantage que moi. Une famille, une belle maison…
- — Il n’est pas trop tard pour vous, Marc. Vous avez du charme, et c’est tout le mal que je vous souhaite.
- — Merci. Vous savez, autant je gère mon travail en pro, autant j’agis pour mon propre compte en dilettante. Mon compte en banque, ma vie sentimentale, mes loisirs…
- — Quels sont-ils ?
- — Classiques. Voyages, ski, randonnée. Un peu de salle de sport, bien que ça m’emmerde. Musique, cinéma. Lecture, beaucoup. Écriture, un peu.
- — Quel genre ?
- — Un peu de tout, surtout des nouvelles. Je me suis même essayé récemment à écrire et publier de petits textes érotiques, par curiosité et fantaisie. J’espère ne pas vous choquer.
- — Pas le moins du monde. Et vous publiez où ça ?
- — Un site qui s’appelle Rêvebébé.
- — Joli programme ! Vous le faites sous votre véritable identité ?
- — À vous de le découvrir ou de le deviner, si vous poussez jusque-là la curiosité.
- — Ou la fantaisie.
- — Pour en revenir à ce qui nous réunit ici, Hélène, ne vous en faites pas, je ne vais pas être désagréable, je vais être un sujet sympathique et docile, je viendrai à vos séances de coaching avec le sourire aux lèvres. Mais ne prenez pas les nouveaux actionnaires pour des enfants de chœur. On va me confronter à une très belle femme, brillante, à qui je vais confier mes attentes, mes frustrations, mes envies d’autre chose. Elle va les écouter, les encourager, peut-être même inconsciemment. La belle Hélène sera un magnifique cheval de Troie. En faisant mon bilan de carrière, elle va peu à peu instiller en moi des envies de départ spontané, et donc gratuit. Place aux jeunes ! Mais pas avant d’avoir veillé à ce que je leur transfère mon know-how.
- — C’est vraiment ce que vous pensez ?
L’espace d’un instant, je repense au générateur de texte, quand il perdit tous ses moyens. Je la veux, elle ne me veut pas. Elle me veut, je ne la veux pas. Il et Elle veulent ou ne veulent pas, sans arrêt, et jamais synchrones. Peut-être. Peut-être pas. Tout cela est bien confus.
- — Que vous êtes une très belle femme, oui. Quant au reste, vous le savez aussi bien que moi, Hélène. Merde, comme vous le dites si volontiers. Désolé, cette fois, c’est moi qui dois vous quitter, un rendez-vous privé. À la prochaine.
~~oOo~~
Un petit bip a retenti sur mon portable, signalant l’arrivée d’un message WhatsApp.
« Groupe Rat Pack
Alors comme ça, on s’exhibe sur la toile ? T’es libre ce soir ? On a un truc rigolo à te montrer. »
Qu’est-ce qu’ils me veulent encore, mes potes ? C’est quoi ces conneries ? Quant à les voir, pas question, j’ai d’autres projets, avec Barbara.
« Pas ce soir, j’ai rencard avec une créature. »
« Sois performant, dans ce cas ! C’est important de laisser une bonne première impression ! ☺ »
Quand on parle de la louve… Message WhatsApp de Barbara !
« Marc, désolée, j’ai un empêchement de dernière minute. Je dois annuler. »
« Pas de problème, je décommande le restau. Annuler, non, on reporte. Samedi ? »
« Pas possible non plus. »
« Dimanche ? Mercredi ? »
Pas de réponse. Jusqu’à ce que retentisse un appel vocal.
- — Je vais être honnête, Marc, je ne suis plus certaine que ce soit une bonne idée.
- — Et la raison ?
- — J’ai checké ton profil et tes évaluations sur RateMyDate.
- — Sur quoi ?
- — RateMyDate
- — Connais pas.
- — Allons, Marc, ne fais pas semblant. Tu y as créé un compte, avec ton nom, prénom, et même une image en vignette. D’un goût douteux. Tu aurais pu faire comme tout le monde et y placer ton visage, plutôt qu’une photo de ta quéquette.
- — Tu peux répéter çà ?
- — Au moins, tu es honnête, et aussi modeste que la taille de ton engin. Mais c’est pas ça, le lézard. J’ai lu les évaluations de tes deux plus récentes conquêtes, et excuse-moi de te le dire, mais elles ne sont pas plus flatteuses que la photo.
- — Mais de quoi tu me parles, bon sang ?
- — Désolée, Marc, je ne crois pas que nous cherchions tout à fait la même chose, toi et moi. Bonne soirée, et sans rancune ?
Elle a déjà raccroché.
~~oOo~~
De retour à l’appart, je me précipite sur mon laptop, tape fébrilement « ratemydate » et atterris sur la page d’un site qui propose aux gens de donner une cote assortie d’un commentaire à leurs partenaires sexuels de rencontre. On n’arrête pas le progrès.
J’introduis mon nom dans le moteur de recherche des utilisateurs référencés. Merde, comme dirait la belle Hélène, aurais-je un homonyme que j’ignore ?
Une fiche apparaît, en tout cas. C’est bien mon nom. Et Barbara a raison pour la photo. Sauf que ce n’est pas ma queue. Le mec est monté comme une crevette. Je ne sais pas à quelle température il se savonne la bistouquette, mais on dirait bien qu’elle a sérieusement rétréci au lavage.
Côté popularité, c’est pas glorieux. Cote d’appréciation : 2, 33 sur 5. Ça fait pas la moyenne. Me voilà envahi par l’hébétude du patineur artistique assis sur le banc à l’issue de son programme. Il sait qu’il s’est viandé sur le double Lutz, qu’il a morflé dans le triple Axel, qu’il a tellement foiré la pirouette qu’il en a raclé la glace des incisives, et il n’ignore pas que les juges sont de vieilles peaux de vaches qui ne rateront pas l’occasion de l’humilier pour mieux favoriser les athlètes de leur nation. À quoi pense-t-il à cet instant, le pauvre garçon, en attendant les notes comme un marmot d’autrefois à l’école des fans ? Dix ans d’entraînement quotidien, et tant de tours de piste à dandiner du cul dans une atroce combinaison moule-couilles à froufrous, sur un remix tout pourri du boléro de Ravel, tout ça pour se prendre une sévère giclée de zéros pointés dans les gonades ? Si c’était à refaire, il choisirait pas ça, comme sport. Il s’inscrirait au Fight Club. Et le premier à qui ça plaît pas, pan dans les dents !
Et c’est bien mon état d’esprit. Parce qu’il y a pire encore que les notes. Il y a les commentaires.
★ ☆ ☆ ☆ ☆
Plutôt sympa, mais un obsédé sexuel qui devrait se soigner. C’est pas moi qui ferai l’infirmière.
Dominique du Barreau
★ ☆ ☆ ☆ ☆
Un incorrigible coureur de jupons. Je ne sais pas ce qui m’a pris de lui céder, alors que je pouvais me faire le top du top, mieux équipé et plus vigoureux - voir le profil de François V,, fiche N°49762.
Anne Hulard
★ ★ ★ ★ ★
Ne vous fiez pas aux avis précédents, très malveillants. Le meilleur coup de la ville. Cinq étoiles, sans parler de celles que j’ai encore dans les yeux. Quelle nuit !
Cécile
Putain, ça, c’est signé Dominique et François, et leur canular vient de me casser le meilleur coup qui me tendait les bras.
~~oOo~~
Ouverture de la session Zoom. Sur la webcam, j’ai la mine de Clint Eastwood quand il tend la pelle à Eli Wallach en lui expliquant que le monde se divise en deux catégories de gens : ceux qui ont un pistolet chargé et ceux qui creusent. Et eux, la brute et le truand, ils creusent face à moi sur l’écran. En s’enfonçant de plus en plus, tout penauds, à force de chercher des excuses inutiles.
- — On est désolés, Marc, c’est une blague qui est a vraiment mal tourné, on pouvait pas deviner.
- — Vous vous y êtes pris comment ?
- — Tout simplement. On t’a créé un compte à ton insu. Avec ton nom, ton prénom, ton adresse de courriel. Et pour la photo…
- — T’as mis la tienne, François, ça j’ai remarqué. Et puis vous avez chacun placé un commentaire et une note vachement généreuse. Merci, les gars, adieu Barbara !
- — Écoute, on pourrait la contacter, cette nana, lui expliquer, elle a peut-être de l’humour…
- — Et ce ne sera pas suspect ? Le charme est rompu, le mal est fait. De toute façon, elle ne se fie qu’à celle qu’elle voit sur son iPhone, tous ses choix sont guidés par autrui. Les influenceuses et les réseaux sociaux. La mode, les films, les vacances, la bouffe, le cul. Tout, absolument tout…
- — Cécile est du même avis. Qu’est-ce qu’elle m’a passé comme savon !
- — Tu la remercieras pour avoir ajouté son commentaire et remonté ma moyenne.
- — C’est vrai que c’est gentil, ce qu’elle a écrit, même si c’est presque trop généreux que pour être honnête…
- — Non, non, même pas, je t’assure, et ça me fait plaisir que ta femme ait apprécié. C’est vrai qu’on a baisé comme des dieux, elle et moi, la fois dernière.
- — Ça va mieux, on dirait ? On s’autorise des plaisanteries ? Même si celle-là est un peu grosse.
- — C’est mot pour mot ce qu’elle m’a dit l’autre jour, ta femme. Tu lui ôtes les mots de la bouche. Ce qui est certain, c’est que vous allez vous démerder pour supprimer ce compte, et tout de suite.
- — Pourquoi tu ne le fais pas toi-même ?
- — Tu t’imagines que je n’ai pas essayé ? Impossible d’y parvenir : ils me réclament un mot de passe pour accéder à mon compte. Et c’est vous qui l’avez créé. Alors à vous de jouer, je partage l’écran.
- — OK, bien sûr.
- — Bon, alors, ce mot de passe ? Je vous écoute.
- — Euh… François, si j’ai bonne mémoire, c’était pas… Canular69, avec une majuscule au début ?
- — Bien possible, Dominique. Tente ça, Marc.
« Erreur. Mot de passe incorrect. Réessayez… »
- — Vous me gonflez avec vos « bien possible ». Concentrez-vous, putain !
- — On va pas te le cacher. Il était tard, on avait un peu picolé, alors…
- — Je crois que je sais. Même qu’on a rigolé. C’est « SOSimbaisable » en un mot, et SOS en capitales…
- — Vous savez à qui je vais faire une vraie tronche d’imbaisable, à notre prochaine rencontre, s’il y en a une ?
- — Allons, Marc, c’était une blague, tu ne vas pas te formaliser…
- — J’arrête pas de rire, comme tu le vois.
- — Essaie toujours ça, François a l’air sûr de lui.
« Erreur. Mot de passe incorrect. Réessayez… »
- — Alors c’est qu’il y avait un « underscore » entre SOS et imbaisable…
« Erreur. Mot de passe incorrect. Ceci était votre dernier essai. Vos tentatives de connexion infructueuse sont considérées comme suspectes. Contactez l’administrateur. Vous ne pourrez provisoirement plus déposer d’évaluations des autres membres. Votre fiche personnelle restera en revanche visible et active pour les autres utilisateurs. »
Un profond silence traverse la vidéoconférence. J’ai de plus en plus la dégaine du bon vieux Clint, il ne manque que les notes de guimbarde, la plainte de l’harmonica. Et puis la voix de Dominique s’alarme.
- — Oh putain, c’est quoi, ça ? Il y a deux nouvelles évaluations qui se sont ajoutées. Je te le jure, on n’y est pour rien !
Effectivement. Et ça n’arrange pas ma moyenne.
★ ☆ ☆ ☆ ☆
Chiant, pas drôle, aucune sensation, aucune émotion. Sans imagination, je n’ai pas vibré, j’ai attendu que ça se passe et je n’ai éprouvé aucun plaisir. J’aurais mieux fait de me regarder un truc sexy toute seule à la maison.
Cindy
☆ ☆ ☆ ☆ ☆
Plus jamais. La pire expérience de ma vie, et Dieu sait que je suis une gourmande, je ne fais pas ma difficile, même quand c’est épicé, mais il y a des limites à tout.
Sarah
- — Je sais pas ce que tu lui as fait à celle-là, Marc, mais ça devait être un peu trop chaud, on dirait.
- — Mais je les connais pas, moi, ces gonzesses, je les ai jamais baisées !
- — T’énerve pas. Je te crois. T’es juste en train de te faire troller.
- — La faute à qui ? Écoutez, les mecs, j’en ai plein les bottes. Je sais juste une chose : c’est vous qui allez vous décarcasser pour nettoyer vos saloperies. Je veux rien savoir. Il y a un avocat et un informaticien, ça devrait le faire, pas vrai ? Je vous laisse 48 heures, pas une de plus. Après quoi je vous pourris la vie. Je rameute la terre entière, vos mères, vos voisins, ton Vandenberghe, le pape, Kim Jong-un, même les revenants, Tino Rossi, Charles Pasqua, Pol Pot, j’en sais rien, moi, tous les mecs qui vous ont jamais fait gerber d’ennui ou chier dans vos frocs dans votre enfance. Je convoque Jean-Claude Bourret et ses potes en soucoupes, je mobilise les répliquants, BHL et la Dombasle, bref, je vous confronte à tous vos pires cauchemars. Mais cette page disparaît, démerdez-vous. C’est compris ?
~~oOo~~
Jeudi. Finalement, j’ai bien dormi, après avoir vidé ma colère. Et ce midi, je goûte une bonne rasade de soleil automnal. Sans masque. Je grille même une cigarette. Le pied. C’est fou, voilà deux gestes qui en d’autres lieux me feraient passer pour un asocial ou un oisif. Détrompez-vous. Le jeune Arthur, qui gère dans mon équipe les contacts presse et les réseaux sociaux, vient de recevoir une demande d’interview de la part d’une journaliste d’un magazine féminin. Une certaine Julie Danvers, cheffe de rubrique chez Girlz. Une excellente occasion de gérer la réputation de la marque que je représente, tout en mettant bas les masques sur la terrasse du bistrot de notre brasserie, où le public peut déguster toutes nos bières. J’attends qu’elle se pointe.
La voilà qui arrive, accompagnée d’un photographe. J’ai bien fait de me raser, m’habiller un peu smart.
Merde, dirait Hélène. Qu’est-ce qu’elle est mignonne ! Chaque fois que je m’offre une petite friandise signée Radagast sur Rêvebébé, je pense aux films de Philippe de Broca avec Belmondo. Résultat, j’ai décidé de réviser mes classiques, et de visionner toutes ces pelloches qui ne font pas leurs quasi cinquante ans. La semaine dernière, je me suis donc fait l’Incorrigible. Eh ben, devine quoi : la petite Julie-reporter, c’est ni la Dorléac, ni la Ursula, ni la Bisset. C’est comme un miracle. Comme si Marie-Charlotte Pontalec venait de s’échapper de la bande de celluloïd pour rejoindre la vraie vie. Comme si elle se proposait de me servir de tutrice et se charger de soulager l’application de toutes mes peines. Face à moi, c’est le double de ma Bebel-girl préférée qui s’avance, une autre Geneviève Bujold, et ça me rend tout chose.
- — Bonjour. Julie Danvers. Et tout d’abord, merci de votre disponibilité.
Et là-dessus elle m’adresse un sourire qui fait s’évaporer les restes de ma mauvaise humeur. Trente-deux quenottes éclatantes, le compte est bon, et si vous y ajoutez ces irrésistibles petites fossettes, le mien aussi. Elle peut me demander ce qu’elle veut, et même si je n’ai pas réponse à tout, je m’étendrai volontiers, en rêvant gentiment à l’improbable hypothèse qu’elle en fasse autant.
- — De rien, c’est mon rôle. Merci pour votre intérêt envers notre marque. Je peux vous offrir une bière, la nôtre en l’occurrence ?
- — Très sincèrement, je préfère le vin.
- — Très sincèrement, moi aussi, mais ne l’écrivez surtout pas !
Elle est mignonne, sage et sérieuse en apparence, mais de temps, son petit nez mutin se retrousse, ses yeux se font espiègles. Elle commande un Perrier, le photographe accepte pour sa part volontiers la bière, s’installe un peu à distance, le temps qu’elle mène l’interview.
Nœud dans la gorge, je bafouille.
- — Azertyuiop, euh… Tout ? Vraiment ?
- — Comment cela a-t-il commencé ?
- — Ah oui, bien sûr, évidemment. Eh bien c’est finalement assez récent. Il y a six mois environ, nous avons conduit une étude de marché, et nous nous sommes aperçus qu’il restait une niche à conquérir. Celle des buveurs de bière occasionnels qui…
- — Excusez-moi de vous interrompre, mais je crains qu’il y ait un léger malentendu.
- — Mlllttt… tendu ? Vraiment ? Comment ça ?
- — J’ai en effet découvert que vous étiez le responsable marketing de cette brasserie en plein succès. Mais je ne vous ai pas contacté à ce titre.
- — Vous m’intriquez. Euh, vous m’intriguez !
- — Ce dont je voudrais parler avec vous est d’ordre plus… personnel, privé.
- — Je… Eh bien… Je n’ai rien à vous refuser !
- — Vous êtes actif sur un site web au caractère plutôt… érotique.
- — Ah, euh, oui, peut-être, en effet. Et que… quoi… que puis-je faire pour vous ? Non, euh, comment m’avez-vous trouvé ? Je veux dire retrouvé ?
- — Une journaliste ne révèle jamais ses sources, dit-elle en riant. Mais il faut bien dire que ce ne fut pas si difficile d’identifier Marc Horte.
- — Un ami informaticien m’a déjà mis en garde. On laisse donc vraiment des traces partout, sans s’en rendre compte…
- — En effet. J’espère que ça ne vous dérange pas d’en parler.
- — Non, pas du tout, il n’y a là rien de gênant. À ceci près que je ne suis qu’un des nombreux anonymes qui y publient. Je ne suis pas particulièrement qualifié pour m’exprimer au nom de toute une communauté. Il serait préférable que vous vous adressiez au gestionnaire du site, ou au Comité de lecture.
- — C’est déjà fait, j’ai contacté l’éditeur, il n’y voit aucun inconvénient, au contraire, c’est une forme de promotion. L’entretien ne sera pas long, je vous avoue que c’est un tout petit sujet d’un paragraphe ou deux, assez léger.
- — Tant mieux, je suis moi-même un membre assez modeste.
Elle acquiesce, sourit avec une forme de bienveillance amusée.
- — Pourquoi fréquentez-vous ce site ?
- — Si je vous dis par hasard, vous n’allez pas me croire.
- — En effet.
- — Et pourtant c’est le cas. Disons que c’est surtout la curiosité. Je lis beaucoup, j’écris un peu. Un jour je suis tombé là-dessus, j’ai un peu lu, et puis je me suis demandé « et pourquoi pas moi ? »
- — C’est un défi, alors ?
- — Voilà, on peut le voir comme ça, un truc un peu ludique.
- — Et avec le temps, vous vous êtes pris au jeu ? Vous êtes devenu toujours plus actif ? Dépendant, même ?
- — N’exagérons rien. Ça reste un petit loisir sans enjeu. De temps en temps, si je n’ai rien d’autre à faire. C’est très irrégulier. Ces derniers temps, j’ai pas mal contribué, c’est vrai, mais il se peut très bien que je reste ensuite six mois sans plus rien faire. Si je n’y prends aucun plaisir, je m’abstiens.
- — Et ça ne vous dérange pas d’être évalué par les autres ?
- — Non, pourquoi ? Je n’ai pas de prétention particulière.
- — Allons, allons, ne me dites pas ça. J’essaie de me mettre à votre place. Je vous avoue que mon amour-propre en prendrait un coup à chaque mauvaise critique…
- — J’essaye de faire de mon mieux, c’est tout. Après, ça plaît ou pas, peu importe, ce n’est plus mon problème. Et puis les évaluations sont dans l’ensemble très généreuses, je trouve. Il est probable que j’aurais moins d’indulgence, si je me notais moi-même.
- — Vous êtes sûr ? Vous avez une telle mauvaise image de vous ?
- — Non, non, tout va bien, je vous rassure. On appelle ça le sens de l’humour, l’autodérision. Je peux vous poser une question ? Pourquoi moi ?
- — Comment ça ?
- — Oui, pourquoi avez-vous tenu à centrer votre petit reportage sur mon humble personne ? Je ne suis qu’un anonyme parmi les autres, sur ce site. Il y a de vrais monuments, des virtuoses, comme Radagast, des gens mille fois plus prolifiques, comme Patrik.
- — Euh… Ah, bon, vous me l’apprenez. Je n’ai consulté le site qu’assez superficiellement. D’abord parce que vous, votre identité était commode à percer. Et puis il faut bien dire que pour l’instant, c’est plutôt vous qui faites le buzz. Vous êtes un membre… euh… modeste, sans doute, mais aussi très visible.
- — Mais pas du tout, c’est quoi cette histoire ? Mon audience est franchement confidentielle.
- — Ne vous en faites pas pour la confidentialité. D’ailleurs, si vous voulez, je cacherai votre nom. Je mettrai des initiales. Ou je vous appellerai François Pignon. Et pour la photo, on peut vous prendre de dos.
- — N’exagérons rien, je ne suis tout de même pas un criminel, ce que je poste est plutôt innocent. Et puis de toute façon, si je mets le masque, on ne risque pas de me reconnaître. Mais dites-moi, ça vous a choquée à ce point-là, ce que vous avez lu sur le site ?
- — Non, non, pas du tout. Parfois même amusée.
- — Juste amusée ? Rien de plus ? Ça ne vous a pas un tout petit peu émoustillée ?
- — Très honnêtement, non, Marc. Ça ne m’a pas… particulièrement convaincue.
- — Ne vous excusez pas. Il en faut pour tous les goûts. J’admets volontiers la critique.
- — Je l’ai remarqué. Merci pour l’interview, en tout cas. Vous êtes vraiment trop aimable. Je dirais même que vous gagnez à être connu.
- — Pour vous être agréable. Vous êtes vous-même charmante. Oserais-je vous inviter à boire un autre verre un de ces jours, sans prétexte particulier ?
- — C’est que… Je ne pousse pas la curiosité journalistique à ce point-là. Vous m’êtes très sympathique, bien davantage que ne me le laissait penser la visite du site. Mais je ne fais pas vraiment du journalisme d’investigation, je ne souhaite pas vous découvrir à ce point-là.
Ça s’appelle un râteau monumental. Rester souriant. Enchaîner.
- — Ça paraît quand ?
- — La semaine prochaine, le magazine arrive jeudi en kiosque. Je vous ferai relire avant parution, c’est promis.
- — C’est dans la rubrique littéraire ?
- — Non, pas vraiment. Vous savez, Girlz est plutôt un magazine féminin un peu léger, superficiel. La mode, les conseils beauté, l’actu des pipoles. Je gère la rubrique faits de société. Le courrier des lectrices. La rubrique sexologie, aussi.
- — Alors, à défaut de vous revoir, je pourrais peut-être vous écrire, pour réclamer vos conseils. Ce coaching-là me serait certainement utile.
- — Qui sait ?
~~oOo~~
Au cours des derniers jours, je me suis imposé une cure de réalité. Abstinence digitale : silence sur Twitter, absence sur Instagram. Facebook, je n’y suis pas, depuis toujours, et délibérément. J’ai délaissé le générateur de texte, que j’avais davantage testé par curiosité que par véritable intérêt pour sa prose dopée à l’intelligence artificielle. Je ne me suis pas connecté sur Rêvebébé, mes petits textes peuvent bien y plaire à quelques-uns ou sombrer dans l’oubli, peu importe. Pas envie d’y lire, non plus. Et puis j’ai bien sûr soigneusement évité d’aller revoir cette maudite page de canular sur RateMyDate qui m’a manifestement privé d’une nuit bien douce. Et qui sait, de mieux encore, d’un début d’histoire d’amour, si affinités. J’espère simplement que François tient parole, et qu’il s’active à supprimer ce compte intempestif.
Je m’efforce de ne pas être amer, de prendre ce revers si malchanceux avec le détachement et l’humour que j’ai revendiqués en expliquant le sens de mes petites contributions sur Rêvebébé à Julie, la délicieuse journaliste qui m’a gracieusement envoyé balader. Elle non plus ne m’a toujours pas renvoyé son texte, et finalement ça m’arrange. Après cette indigestion de tentations décevantes, je hausse les épaules et prends la vie comme elle vient.
Farah, mon ex, m’a appelé, plutôt gentiment, pour prendre de mes nouvelles. Ce n’était, ceci dit, pas tout à fait désintéressé. Accessoirement, elle m’a demandé si ça me dérangerait de lui prêter la tente Quechua. Elle compte passer quelques jours dans les Cévennes, « avec quelqu’un ». Quelqu’un de manifestement pas trop différent. Non, bien sûr, ça ne me dérange pas, même si la démarche manque un peu d’élégance. Mais je ne lui en veux pas, je lui souhaite sincèrement de trouver ce qu’elle cherche, et d’abord de le savoir, aussi.
Me voilà presque zen, occupé à revoir le plan média du prochain lancement.
Arthur entre dans mon bureau sous le prétexte de me demander si je veux qu’il me rapporte un sandwich du snack voisin. J’accepte en le remerciant, mais remarque aussitôt qu’il me dévisage de façon bizarre.
- — Quelque chose qui vous tracasse, Arthur ?
- — Vous êtes certain que tout va bien pour vous, Marc ?
- — Pourquoi ça ?
- — Vous savez que je suis tout ce qui se dit sur nos marques et ceux qui les représentent, sur le web.
- — Bien sûr, et vous assurez cette pige à merveille.
- — Il y a un article qui vient d’être publié il y a trente minutes à peine sur ce magazine féminin, Girlz. Je pense que… qu’il vous concerne, et est… particulièrement… gênant, me semble-t-il.
Il me tend son iPhone, et je découvre l’objet du délit.
D’abord la photo : ma gueule enfarinée, couverte du masque, certes, mais manifestement détendue, et levant mon verre en direction du photographe, comme s’il y avait quelque chose à fêter.
Ensuite, le titre :
Cet homme est le pire coup du monde, mais il le prend bien !
Et puis le chapeau d’introduction de mon interview :
M. H., 36 ans, possède la pire moyenne du monde sur l’application RateMyDate, ce nouveau service communautaire où il est désormais possible d’attribuer une note à ses partenaires sexuels. Si ce spécialiste du marketing travaille de jour pour une brasserie, c’est en véritable stakhanoviste du sexe qu’il consomme de nuit les brunes et les blondes, puisque des milliers de partenaires ont évalué leurs rapports intimes avec lui. De quoi confirmer le dicton « Qui trop embrasse mal étreint », car le moins qu’on puisse dire est qu’elles n’en ont pas gardé un souvenir impérissable. Une situation qu’il prend avec beaucoup de philosophie, dans l’interview qu’il a accordée à notre reporter Julie Danvers.
Nausée. Guibolles en coton. Qu’est-ce que c’est que ce truc ?
Je me précipite vers mon écran, tape l’adresse de RateMyDate, cherche ma fiche apocryphe. Elle est toujours là, désormais encombrée de commentaires qui s’étalent à l’infini, quand je déroule l’ascenseur latéral.
★ ☆ ☆ ☆ ☆
Accueil courtois. Les hors-d’œuvre sont plutôt sympas. Ça se gâte dès l’entrée, la portion est vraiment trop maigre. Service trop rapide, le plat de résistance arrive aussitôt, noyé dans la purée. Le dessert ? Non merci. L’addition, vestiaire, et pas de livre d’or.
Lucie-fair
★ ☆ ☆ ☆ ☆
De prime abord, plutôt engageant, mais ne vous y fiez pas. La propreté laisse à désirer. Trop petit, minuscule même. Je n’ai couché qu’une fois et puis je me suis cassée. À éviter. Il y a bien mieux dans les environs.
Globe-trotteuse
☆ ☆ ☆ ☆ ☆
Nous sommes un couple de retraités allemands qui aimons faire de nouvelles découvertes. Les prestations étaient de niveau correct, jusqu’à ce que nous nous mettions au lit. Nous n’en gardons que de mauvais souvenirs, et bien des démangeaisons. Rétrospectivement, une expérience épouvantable, il nous a fallu des semaines pour venir à bout des petites bêtes indésirables.
Horst & Gerda
Et il y en a 19 352 autres comme ça, de comptes-rendus de rapports sexuels, et 100 % de partenaires insatisfaits, des deux sexes.
Merde, je ne me savais pas aussi sexuellement actif. Si j’ai tant grimpé, c’est comme disait l’autre à l’insu de mon plein gré.
Vite, un texto à François en lui disant d’aller voir. En le couvrant d’insultes, aussi.
Colère froide.
Je saisis mon téléphone, forme le numéro. Trois sonneries. Elle décroche.
- — Julie Danvers, bonjour !
- — C’est le pire coup de la planète à l’appareil.
- — Ah, oui, Marc, je… j’allais justement vous appeler
- — Bien sûr. Tout comme vous alliez justement me faire relire.
- — C’était bien mon intention, sachez-le.
- — Il n’y a pas que les intentions qui comptent mademoiselle.
- — Non, bien sûr, je…
- — J’aime beaucoup ce que vous faites.
- — Je suis désolée, Marc. Ce n’était du tout prévu comme ça, c’est un accident, la rédac’cheffe a trouvé mon brouillon sur le serveur, et elle a trouvé ça tellement marrant qu’elle l’a posté aussitôt et tel quel sur notre site web sans m’en avertir.
- — C’est vraiment super-marrant en effet.
- — Dès que je l’ai vu, j’ai fait retirer l’article en toute urgence, Marc. Ça vient d’être fait, il n’est plus en ligne, vous pouvez vérifier.
- — Je vois, un coïtus interruptus, en quelque sorte. J’adore votre titre, aussi.
- — Ce n’était pas non plus ce que j’avais prévu. On ne m’a pas consultée. Le mien était plus sobre. L’équipe web l’a remplacé par une formule pute-à-clics.
- — Pute-à-clics, voilà qui résume hélas bien ma pensée, mademoiselle.
- — Soit. Mais pourquoi avez-vous alors accepté de me parler de tout ça de si bonne grâce ? J’en étais à vrai dire un peu étonnée…
- — C’est la seule chose que je vous concède. À ce niveau-là, ce n’est plus de la malchance. C’est une malédiction.
Je lui explique en vitesse le quiproquo. Le canular foireux de mes potes. Rêvebébé. L’incompréhensible avalanche d’évaluateurs inconnus qui m’accablent. Le cauchemar.
Seul un long silence me répond à l’autre bout du fil.
- — Oooh non… Purée. J’ai un peu honte.
- — Juste un peu ? Vraiment ? Vous savez ce que j’en pense de votre éthique de journaliste à la suce-moi-le nœud ? Une chose est certaine : je vais exercer mon droit de réponse, et vous ne pourrez pas me le refuser. Vous n’allez pas vous en tirer simplement en dépubliant ce truc de votre torchon. La suite, c’est avec mon avocat que vous en discuterez.
Je raccroche. Ma tête tourne. Après, il y a un trou noir. Un vertige, une douleur intense, et puis plus rien.
* Tous les extraits attribués ici au générateur de texte aléatoire sont authentiques et ont été reproduits sans la moindre altération.