n° 20013 | Fiche technique | 32084 caractères | 32084Temps de lecture estimé : 18 mn | 16/01/21 |
Résumé: Un orage... une panne de courant... un confinement... une rencontre... une histoire simple. | ||||
Critères: fh fplusag | ||||
Auteur : Domi Dupon (une antiquité du site) Envoi mini-message |
DEBUT de la série | Série : Orage Ô Des espoirs Chapitre 01 / 03 | Épisode suivant |
Vendredi soir
À l’abri dans sa véranda, vautré dans une bergère un verre de bière (belge d’abbaye) à la main, France-Info en ambiance de fond sur son vieux poste à transistors, il assistait en spectateur admiratif à l’orage intense qui éclairait la vallée de ses zébrures lumineuses.
Il aurait dû regarder la météo avant de partir de Lyon. Mais à vrai dire, et même à dire vrai, il se fichait du temps qu’il pouvait faire. Après trois semaines non-stop d’une enquête des plus chiantes et pour un résultat nul, son commandant lui avait proposé, une semaine de récup. Il avait rendu son étoile de shérif, éteint sa bécane et était revenu dans ses montagnes du Haut-Bugey pour se ressourcer. Il avait hérité, de son grand-père, ce chalet situé au bout du bout d’un chemin vicinal. Joli euphémisme pour expliquer que c’était la dernière habitation d’un hameau composé d’une dizaine de feux implanté au pied de la montagne à une centaine de mètres de la lisière d’une forêt domaniale. On y accédait par un pont étroit jeté au-dessus d’un torrent qui, par temps d’orage, pouvait se montrer tumultueux (le torrent pas le pont !).
Il adorait ce coin où, avec Mathilde, ils avaient passé de merveilleux moments, mais depuis l’arrivée de deux sexagénaires dans la maison voisine, trois ans auparavant, sa chère et tendre n’y revenait qu’à contrecœur et de plus en plus rarement. Elle s’était pris la tête avec l’élément mâle du couple, pour quelque obscure raison et, à chaque séjour, ils s’engueulaient par-dessus la haie. Dans ces combats de basse-cour, l’épouse et Jeff, restaient en retrait, mais à plusieurs reprises, il avait été obligé d’intervenir tant l’irascible voisin se montrait impoli envers Mathilde. Pas qu’elle ne le méritait pas, mais c’était sa femme. Que lui, à l’extrême limite (il ne l’avait jamais fait, et pour cause… !) la traite de sale conne mal baisée, soit, mais qu’un voisin le fasse… Et sur quoi s’appuyait-il pour dire qu’elle était mal baisée ? Il aurait mieux fallu dire pas baisée du tout. Il ne se souvenait même pas de la dernière fois où ils avaient fait l’amour.
Ils s’étaient mariés une dizaine d’années auparavant après six mois d’une relation passionnelle. Mathilde, comme pas mal de gonzesses, avait été impressionnée par son métier, enfin par le côté cow-boy avec son « six coups ». Au début, il n’avait pas démenti : une super nana, avec tout ce qu’il fallait où il fallait, très imaginative au pieu, et sans beaucoup d’interdits, avec un cerveau, ce qui ne gâtait rien. Quand elle avait compris que son boulot consistait surtout à se confronter avec des ordinateurs ou des téléphones portables, ils se connaissaient suffisamment pour qu’elle passe outre. Les premières années de leur union furent idylliques. Leur relation se délita peu à peu. Elle ne voulait pas d’enfant, elle était surtout préoccupée par sa carrière. Aujourd’hui, même s’il existait une vraie complicité, voire une certaine tendresse, ils vivaient plus en coloc qu’en couple. Le fait que Mathilde ait un « meeting » ce week-end l’arrangeait plutôt. Il pourrait profiter de sa liberté et pourrait flemmarder en toute quiétude sans risquer une altercation avec le voisin.
Une seule fois, celui-ci s’en était pris directement à lui en le traitant de sale flic. Cette réflexion l’avait exaspéré et Mathilde avait dû le retenir. Ce n’était pas la réflexion en elle-même qui lui avait fait perdre son sang-froid, il en avait entendu d’autres, mais comment ce vieux beau l’avait-il appris ? Peu de gens au village connaissaient sa profession et ce n’était pas eux, des amis de son grand-père, qui allaient le crier sur les toits.
Jeff n’avait jamais trouvé ces gens particulièrement sympathiques, mais ils l’indifféraient. Il n’en allait pas de même de sa femme pour qui Jacky, le mari, genre beau et con à la fois était l’archétype du gros beauf qui refusait de vieillir. Madeleine, sa moitié, une connasse frigide (il ne lui avait jamais demandé d’où elle tenait ça !) ressemblant à rien et qui se croyait sortie de la cuisine de Jupiter. Elle ne lui paraissait pas spécialement respirer la joie de vivre. Il se demandait pourquoi Mathilde montrait tant d’agressivité à son égard alors que la voisine n’était jamais intervenue dans leurs querelles. La seule chose qu’il savait d’elle : c’était une marcheuse, pas un soutien de notre bon président, mais du genre à partir le long des sentiers avec son sac à dos. Le contraste entre le mec qui voulait se la jouer d’jeun’, un tantinet exib à rouler ses muscles et sa moitié, discrète, n’essayant pas de cacher sa maturité, la plupart du temps vêtue genre surplus Emmaüs l’avait toujours fait ricaner. Autant, il comprenait la réaction de Mathilde face au mâle alfa (roméo) autant il ne comprenait pas ses remarques acerbes et méchantes sur cette pauvre femme qui avait pour seul défaut d’être l’épouse d’un gros beauf.
Le mauvais temps qui l’avait surpris à son arrivée, quelque part, le satisfaisait. Détestant les embrouilles de toutes sortes, il préférait éviter les regards inévitablement hostiles de son connard de vis-à-vis. Lors de ses derniers séjours en solo, il avait aperçu la voisine avec qui il avait échangé un bonjour de politesse, mais par un heureux hasard, il n’avait pas eu à affronter son con-joint. Avec ce temps merdique, il était tranquille : pas de risque de barbecue intempestif.
Un breaking news crachotant annonça qu’un hold-up meurtrier avait eu lieu dans la presqu’île. Il prêta l’oreille. Selon le journaliste, un gardien de la paix qui avait voulu intervenir avait été abattu. L’agresseur, comme de bien entendu, était en cavale.
Même s’il n’allait que rarement sur le terrain, la mort d’un collègue, surtout aussi bêtement, le touchait. En général lorsque lui se pointait, tout risque avait disparu.
Une violente déflagration, assez proche le fit sursauter et le ramena à des préoccupations plus immédiates. Extinction des feux. Jeff se réjouit d’avoir fait une flambée dans sa cheminée. Si le transfo du hameau avait morflé, il était parti pour une nuit sans électricité. EDF ne se pressait jamais pour venir réparer. Les trois lampadaires du hameau muets, le spectacle son et lumière qu’offrait l’orage n’en était que plus grandiose.
Alors qu’il portait le verre à ses lèvres, un flash d’une luminosité intense l’aveugla. Il fut suivi d’une nouvelle explosion encore plus assourdissante que la précédente. La surprise lui fit lâcher son verre. La bière se répandit sur son pantalon. Quel gaspillage ! Il lui fallut quelques secondes pour retrouver l’usage de ses yeux. La foudre ne devait pas être tombée très loin. À peine cette pensée l’avait-elle traversé qu’il vit des flammèches s’élever derrière la haie, chez le voisin honni. Il savait où elle était tombée.
Il se précipita au garage, enfila son poncho de pluie et empoigna l’extincteur. En courant sous le déluge, il parcourut les 50 m qui le séparaient du portail du voisin. Il réalisa sa stupidité. Une de fois de plus, il avait agi avant de réfléchir. Il aurait dû essayer de les avertir, mais il n’avait pas leur téléphone. Il n’avait pas d’annuaire non plus. Appeler les pompiers, ça aurait été la solution de monsieur Tout-le-Monde, mais pas lui. Il allait jouer les chevaliers blancs alors que pour la plus grande satisfaction de Mathilde, il aurait pu les laisser griller.
Dans l’instant, c’était plutôt le chevalier dégoulinant. En prime, il venait de s’apercevoir, un, que dans sa hâte, il avait gardé ses tatanes d’intérieur, deux, que le portail, mais aussi le portillon sur le côté étaient verrouillés. Sur le pilier de celui-ci, un interphone encastré. Il devait fonctionner à l’électricité. Il n’avait pas le temps de vérifier. Heureusement, le portail n’avait rien d’infranchissable. Déposant l’extincteur à l’intérieur de la propriété, il enjamba l’obstacle tant bien que mal. Dans l’entreprise, il laissa une godasse dans la rue. Sans s’en préoccuper, il pataugea jusqu’au perron de la maison. Les ardeurs du ciel éclairaient la scène comme en plein jour. Les flammèches, derrière la maison, grandissaient pour devenir des flammes. Pas de temps à perdre. Il tambourina à la porte d’entrée, pendant plusieurs secondes en criant :
Il ne pouvait attendre plus longtemps. Alors qu’il tournait à l’angle du mur, un volet claqua, une petite voix apeurée qui avait du mal à couvrir le bruit ambiant cria.
Il répondit en style télégraphique
Sans plus attendre, il courut vers l’incendie. Frappé par la foudre, un arbre d’une espèce indéterminée était tombé à l’aplomb de la maison. Le feu s’était propagé sous la terrasse-balcon (trop étroit pour être une terrasse, trop large pour être considéré comme un balcon d’où…) qui courait le long du mur. Des piquets émergeant d’un foutoir indescriptible nourrissaient le feu. Le bois semblait bien sec et flambait allègrement. Bien à l’abri, il ne fallait pas compter sur l’eau venue du ciel pour l’éteindre. S’il laissait faire, les flammes allaient atteindre les rambardes du balcon et après… Jeff s’approcha autant qu’il pouvait et enclencha l’extincteur. Au fur et à mesure qu’il éteignait un foyer, un autre naissait ou renaissait. Avec son petit appareil, il n’y arriverait pas. Surtout qu’il devait bientôt être vide. Pourvu que les pompiers arrivent.
Alors qu’il commençait à désespérer, un jet d’eau vint à sa rescousse. Ça n’avait rien d’une lance d’incendie, mais ce fut suffisant pour arrêter la progression des flammes. Il continua d’asperger jusqu’à ce que son extincteur rende l’âme. Les flammes étaient redevenues des flammèches que le voisin continuait d’arroser. Il se tourna vers lui pour… Pas le voisin, mais la voisine. Voisine qui n’avait pas pris le temps de prendre un vêtement de pluie. Dans un grand t-shirt (ou une courte chemise de nuit) qui lui collait au corps, il découvrit une silhouette étonnamment féminine. Le vêtement devenu translucide sous l’action de la pluie offrait une vision qui, en un autre moment, aurait pu être des plus charmantes.
Malgré les conditions dantesques, elle se rendit compte de son étonnement.
Il lui prit le tuyau d’arrosage des mains.
Elle ne trouva pas une, mais deux paires de gants. Elle revint vêtue d’une espèce de manteau de pluie en PVC orange, genre tenue de chantier, qui lui arrivait jusqu’aux pieds. Il leur fallut pas moins d’une demi-heure pour dégager le recoin de tout le bordel qui l’encombrait et l’amener assez loin de l’habitation. Les trombes qui tombaient du ciel se chargeraient de refroidir les dernières braises.
Elle lui proposa une boisson chaude. Il la suivit à l’intérieur. Si dehors, on y voyait comme en plein jour, dans la maison aux volets fermés, il faisait aussi noir que dans le cul d’un n… oup’s pardon, politiquement incorrect… dans les sphincters d’une personne d’une minorité visible. Et ça caillait. La porte restée ouverte avait laissé l’humidité et la fraîcheur envahir le hall. La pauvre, sans penser plus loin, s’extirpa de son ciré fluo qu’elle accrocha à un portemanteau dans l’entrée. Jeff la trouva à la fois pitoyable et hyper sexy. Pitoyable, ses cheveux gris dégoulinants rendus filasse, son visage défait. Sexy, ce vêtement de nuit qui n’avait pourtant rien d’une nuisette olé-olé moulait ses formes (contrairement à ce qu’il avait pensé jusqu’à là, elle en avait). Elle l’entraîna vers ce qu’il pensait être la cuisine quand elle stoppa et se retourna.
Jeff n’en avait rien à foutre des états d’âme de ce gros c… de Jacky. Il n’aspirait qu’à une chose : se dépoiler, prendre une douche chaude et se débarrasser de cette odeur de fumée. Il sauta, non pas sur la femme, mais, sur l’opportunité que celle-ci lui offrait.
Si possible, un jour où ton connard de mari ne sera pas là, rajouta-t-il pour lui-même.
Il avait fait demi-tour et se dirigeait vers la porte.
Le cri le stoppa net dans son élan.
Il fit volte-face. La voisine qui avait fait preuve jusqu’à ce moment d’un sang-froid remarquable craquait. Elle tremblait de tout son corps et pas seulement de froid. Dans sa chemise de nuit bonne à essorer, elle avait l’air lamentable d’une naufragée qu’on vient de repêcher juste avant qu’elle se fasse happer par l’hélice d’un bateau.
Pour ne pas changer, Jeff avait agi (en parole cette fois) avant de réfléchir. À peine, finissait-il sa phrase qu’il réalisait qu’il avait dit une connerie. « Jean-François, réfléchis avant de parler ! » Il entendait encore sa mère lui seriner cette antienne. Il n’apprendrait jamais. Inviter cette gonzesse chez eux, Mathilde allait le tuer à moins que ce soit son beauf de mari. Il s’enferra un peu plus.
Il était assez proche pour, malgré l’obscurité, la voir sourire. Elle lui répondit d’une voix apaisée :
Elle avait de l’humour et lui s’était rendu ridicule, une fois de plus. C’était un art qu’il cultivait… surtout avec les femmes.
#***************#
Confortablement installés devant la cheminée, éclairés uniquement par le flamboiement des bûches dans le foyer, silencieux, ils sirotaient un café. Bien que chaud, il passait mal : il fallait trier. Après avoir déniché au fond d’un placard un stock de bougies, il était monté prendre une douche, demandant à Madeleine, après force indications sur ses probables besoins, de préparer le café. Funeste erreur : prisonnière du tout électrique dans lequel son mari l’avait enfermée, elle ne connaissait pas le mode d’emploi de la cafetière à piston, et concocta une espèce de bouillasse. Confuse, elle se confondit en excuses. Il en rit. Tout en soulignant le bon arôme de moka, il la moqua gentiment. Elle avait réussi un parfait café turc.
Contrairement à Mathilde, à qui il fallait toujours un temps infini pour se changer, Madeleine n’avait pas mis plus de cinq minutes pour se sécher, troquer sa chemise de nuit contre un vêtement plus chaud et moins suggestif. Elle avait aussi préparé un petit sac avec des vêtements de nuit et son nécessaire à toilette. Après qu’elle ait enfilé un trench, chaussé une paire de bottes, ils avaient changé de crèmerie. Jeff appréciait cette rapidité. Arrivée chez Jeff, elle s’était aperçue qu’elle n’avait pas pris de chaussons. Il lui avait prêté ses charentaises, pas vraiment élégantes et trop grandes, qu’il portait l’hiver.
Jusqu’à ce jour, elle avait été la femme du voisin imbuvable, une personne insignifiante, au visage quelconque, à la silhouette indécise qui ne dégageait aucune féminité. Ce soir, alors qu’ils éteignaient le début d’incendie, il avait aperçu son corps en transparence. L’incendie et la pluie l’occupaient à plein temps. L’instant ne se prêtait guère à l’observation concupiscente.
Maintenant dans la chaude quiétude de son salon, pour la première fois, il la regarda comme une femme. Les genoux ramenés contre sa poitrine, elle fixait, rêveuse, les flammes qui dansaient dans la cheminée. Elle tenait son mug à deux mains comme pour se réchauffer. Il voyait son visage de trois quarts. Visage pas réellement joli, mais gracieux, intéressant : des yeux foncés encadraient un nez fin légèrement busqué. Une petite bouche aux minces lèvres lui donnait à penser qu’elle ne devait pas être toujours d’un caractère facile. Seules quelques ridules aux commissures des lèvres révélaient son âge. Malgré ce que la pluie leur avait fait subir, sous cette lumière tamisée, ses cheveux gris parsemés de quelques mèches châtains faisaient ressortir son bronzage printanier.
Un petit gabarit. Probablement guère plus d’un mètre soixante. Quant au poids, il ne devait pas excéder les 50 kg. Filiforme ou plutôt uniforme eut été l’adjectif qu’il aurait utilisé pour la qualifier jusqu’à ce soir. Elle portait toujours des vêtements assez amples qui lissaient sa silhouette. Ce qui n’était pas le cas lors de son apparition sous l’orage. Soudain apparut une image précise : Madeleine, dans sa chemise de nuit collée à son corps et rendue transparente par la pluie. Sur l’instant, il n’y avait pas accordé d’importance, mais son inconscient, ce cochon, avait, lui, parfaitement enregistré chaque détail : des seins lourds légèrement tombant en l’absence de soutif, mais dont beaucoup de jeunettes auraient apprécié la tenue, un petit cul joliment galbé par une culotte genre coton-grand-mère, des longues jambes délicatement fuselées. Dire qu’il l’avait traitée de filiforme : une fausse maigre, admirablement proportionnée et conservée, elle était. Il oublia qu’elle avait sans doute le double de son âge (ou presque) et se surprit à fantasmer sur ce corps de femme mature.
Il sursauta. L’obscurité relative de la pièce lui permit, pensa-t-il, de dissimuler son trouble.
Elle sourit.
Et elle se fichait de sa gueule !
Il le savait bien : il avait dit la première chose qui lui était passée par la tête.
Comme Mathilde, pendant ses congrès ou même ses soirées entre filles, songea-t-il.
Encore une de ses réactions idiotes : il l’avait invitée à dormir sans penser une seconde qu’il n’y avait qu’une chambre « en état de marche ». Tant pis pour lui, il dormirait sur le canapé.
Il désigna le canapé.
Un clin d’œil coquin.
Jeff éclata de rire. Le naturel de cette mamie le séduisait. Ça le changeait de la conduite chichiteuse qu’avait Mathilde depuis qu’elle se considérait comme une femme importante.
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Samedi matin
Jeff émergeait doucement. Il s’étonna. La cuisse nue de Mathilde contre la sienne, la main de Mathilde sur sa bite qui montrait sa reconnaissance avec une bandaison. Celle-ci n’avait rien de la mécanique érection matinale. Fichtre, cela faisait longtemps que cela ne s’était pas produit. Flash brutal. Ce n’était pas la main de sa femme ni sa cuisse… Les péripéties de la veille au soir se recalèrent.
Après avoir mis deux grosses bûches dans le foyer, il était passé par la salle de bain en prenant soin de vérifier que son invitée ne l’occupait plus. Surtout pas de lézard. À son entrée dans la chambre, Madeleine était couchée (de son côté à lui, évidemment), la couverture remontée jusqu’au ras du cou. Il s’était assis sur le lit, avait soufflé la bougie et ôté son futal dans l’obscurité. Avant de se glisser à son tour sous la couette, il s’était excusé de ne pas avoir de pyjama. D’une voix ensommeillée, elle se contenta d’un « pas grave, moi non plus ». Au son de sa voix, il avait deviné qu’elle lui tournait le dos. Ainsi dormiraient-ils cul à cul. Ce qui ne le changerait guère.
« Moi non plus ». Aurait-elle ôté son pantalon ? Était-ce un appel ? Avait-il mal compris ? Tentation de vérifier. Du calme, se morigéna-t-il. Elle a au moins soixante ans, la mamie ! Quoique, sur ce qu’il avait aperçu… Il avait fantasmé un moment sur des impossibles étreintes avec sa compagne d’une nuit, mais les émotions de la soirée, s’ajoutant à une quinzaine professionnellement épuisante, avait eu raison de lui. Le sommeil l’avait pris subitement et l’avait amené sans escale jusqu’au matin, où il se réveillait enlacé par une femme dont la main enveloppait son pénis.
Il ne savait pas quoi faire. Il n’osait pas bouger de peur de la rév… menteur, il était ! Peur de rompre le charme. Profiter pleinement de cet instant fugitif de sensualité. La chaleur de cette cuisse nue contre la sienne, ces seins fermes qui se pressaient contre son dos et surtout cette main qui faisait gonfler son sexe. L’envie de poser à son tour sa main sur la cuisse de Madeleine. Et si elle répondait positivement à cette avance. Faire l’amour à une femme en âge d’être sa mère ! N’importe quoi ! Et pourtant, cette érection née pendant son sommeil résistait à son retour à la réalité. Pire, avec la prise de conscience de la situation, elle s’affermissait ! Il désirait ce corps qui pesait contre le sien.
Et coucher avec la femme de son ennemi, voilà qui serait plaisant. Cocufier ce malotru. Bizarrement, à cette pensée son désir reflua. Il risquait une réaction négative et là, bonjour l’embrouille, mais au-delà, faire l’amour avec Madeleine seulement pour le plaisir de faire cocu ce malotru de Jacky, y’a un truc qui passait pas. Il sentait la respiration régulière de celle-ci dans son cou. Aucun doute, elle dormait. Tenter quelque chose dans ses conditions ressemblerait fort à une agression. Il fallait qu’il se reprenne. Il souleva délicatement la main de la femme qu’il reposa délicatement sur le drap. En se tortillant adroitement, il parvint à se dégager et sortit du lit.
Sur la pointe des pieds, il quitta la chambre sans omettre de récupérer son futal. Ça caillait trop ! Inutile de se geler les noix. Le chauffage ne s’était pas remis en route : probablement, le courant n’avait pas été rétabli. Un essai avec un interrupteur lui prouva qu’il avait vu juste. Un coup d’œil par la fenêtre de la cuisine : la pluie avait faibli, mais le ciel demeurait toujours aussi noir. L’important : faire du feu dans la cheminée. Mais d’abord mettre à chauffer de l’eau pour le café. Il ne regrettait pas de ne pas avoir cédé aux demandes de Mathilde. Elle trouvait sa gazinière ringarde, mais le maître-queue qu’il se targuait d’être avait refusé de cuisiner sur une de ces affreusetés électriques. Aujourd’hui, il s’en félicitait.
La casserole d’eau sous la flamme et le café au fond de la cafetière, il se dépêcha de préparer son feu. Il venait d’y lancer une allumette quand Madeleine entra dans le salon. Il ne put s’empêcher de rougir en la saluant. La pensée de sa cuisse nue, de son sein et surtout de sa main mal (ou trop bien) placée l’avait poursuivi depuis son lever.
Le ton sur lequel, elle affirma cela, ses yeux qui pétillaient de malice lui descendirent jusqu’au fond du slip. Son regard qui avait constaté le retour du pantalon de pyjama n’avait pas été très discret. Elle s’en était aperçue et, à la mimique, qu’elle lui retourna, il eut la certitude qu’elle était réveillée quand il s’était levé. Il enchaîna rapidement.
Elle le suivit dans la cuisine avec un petit sourire en coin. Elle avait dû trouver ça drôle de le faire bander, même sans le faire exprès. S’il avait bien compris ce qu’elle lui avait dit hier soir, elle allait attendre le retour de son mari chez sa sœur qui habitait le village voisin. Ils petit-déjeunèrent dans un silence relatif. L’ambiance complice qui avait existé la veille avait disparu. Un sentiment de malaise, une tension un tantinet sexuelle les habitaient, l’un comme l’autre. Jeff n’osait pas regarder la main droite de sa voisine. L’image d’icelle sur son sexe était trop prégnante.
Il avait hâte que le breakfast se termine. Manifestement, Madeleine aussi. Elle avala rapidement son bol de café en grignotant deux biscottes. Elle se leva dès la dernière goutte bue et s’en fut après l’avoir remerciée pour son hospitalité. Quelques secondes plus tard, elle était de retour. Elle resta sur le pas de la porte de la cuisine.
Second départ. Il était dit que ce ne serait pas le dernier. Une demi-heure plus tard, alors, qu’il rechargeait sa cheminée, un coup de sonnette. Madeleine, le retour. Habillée de pied en cap, coiffée maquillée, tenant un parapluie pour se protéger de la pluie qui redonnait de la voix, elle attaqua sur le mode de la plaisanterie :
Jeff n’était pas un spécialiste, mais par chance, un copain avait le même système et il avait vu comment il procédait. Il put, sans problème, l’ouvrir puis le refermer après le passage de la voiture. En regardant, la petite Peugeot rouge disparaître au bout de l’allée, il pensait en avoir fini avec toute cette agitation. Grossière erreur. C’était sans compter sur les caprices de la Lescherette, le torrent qui traversait le hameau.
À suivre