Résumé :
En vacances à Venise, après le premier confinement, je découvre sur les marches de la gare une jeune beauté brune abandonnée, esseulée et bafouée par son petit copain qui lui a préféré un garçon. Dans un élan de générosité, je lui propose de partager mes vacances et décide de lui offrir des vacances inoubliables. Un peu hésitante, elle a accepté ma proposition. Enchantée par le cadre, elle a joué le jeu que je lui proposais. La première nuit a été torride en turpitudes la suite me fait découvrir une vraie partenaire à la hauteur de mes espérances. Mathilde est ouverte à toutes mes propositions et semble les apprécier, voire y prendre un très grand plaisir.
Oui, je sais, amis lecteurs ce que vous êtes exactement en train de penser, le bougre ne nous épargnera rien, avec un romantisme à deux balles il nous entraîne naïvement dans une histoire à l’eau de rose, mièvre de platitudes et remplie de tous les clichés romantiques sur Venise… Et alors ? N’avez-vous jamais désiré ou rêvé de vivre ce genre d’aventure ? Moi, je peux me le permettre. J’en ai enfin l’occasion, l’opportunité, les raisons et les circonstances sont avec moi, dois-je m’en priver ? Alors, oui, je saute à pieds joints dans cette histoire, je m’y vautre pour décupler mon plaisir et n’avoir plus tard, aucun regret… Toutefois je ne suis pas totalement égoïste, puisque je la partage avec vous.
Aux dires d’Amanda, ma source la plus fiable et la mieux informée sur la vie à Venise en matière de fêtes et de libertinage, il existe sur le Lido une maison fort accueillante qui perpétue la tradition des Ursulines. Avec l’introduction de ma chère Amanda, je propose à Mathilde d’aller faire un tour dans ces lieux et voir de ce qu’il en retourne.
Mais il me faut lui expliquer qui sont ces « fameuses Ursulines », à qui l’on confie l’éducation de jeunes filles et qui apportent des soins à des malades mentaux dont elles continuent perpétuer la tradition ancestrale.
Pour bien comprendre ce qui suit, il est important de se rappeler que lors de la fondation de la Compagnie des Ursulines en 1535, et durant longtemps, ce n’était pas une congrégation religieuse dont les membres prononçaient leurs vœux ni étaient cloîtrées. La Compagnie des Ursulines était un regroupement de femmes laïques qui se réunissaient et investissaient dans une institution pour éduquer les jeunes filles et donner des soins aux pauvres. Plus tard, bien plus tard, cette Compagnie devait être transformée en ordre religieux, mais certaines « maisons » se sont réservé le droit de rester sous leurs statuts premiers afin de rester fidèles aux principes fondamentaux qui animaient ces premières communautés. Celle de Venise en fait toujours partie.
Mathilde, toujours très curieuse, tente de m’interroger sur le pourquoi et le comment de cette éducation. Malheureusement, je ne peux satisfaire toutes ses questions. La seule chose que je sais, c’est que les Ursulines mélangent depuis toujours l’accueil de malades mentaux et l’éducation des jeunes filles. Quant à dire en quoi consistent les bases éducatives ou les soins, cela ne m’est pas possible. Même Amanda ne m’a rien dit, rien révélé.
C’est donc, muni du mot d’introduction signé par Amanda, que nous nous retrouvons au portail d’une discrète propriété le long de la côte du Lido de Venise, mince cordon de terre, de sables et de limons qui ferme la Lagune. Là, depuis de très nombreuses années, hôtels de luxe et casinos côtoient de somptueuses demeures où la haute société mondiale vient prendre du bon temps et s’encanailler. Le Lido reste sulfureux aux yeux de la bonne société vénitienne, car c’est lieu de perdition pour nombre d’entre eux.
Un cerbère vient nous ouvrir et contrôle nos identités tout en vérifiant le mot de recommandation signé de la main d’Amanda. Puis il nous précède jusque dans une grande bâtisse pour nous remettre entre les mains d’une belle et grande femme, aux cheveux châtains, aux yeux violets, à la stature et tour de poitrine impressionnants. Avec un fort accent des Balkans, elle nous accueille avec un grand sourire et une franche poignée de main.
- — Bonjour… Soyez les bienvenus… Je suis Katarina, la directrice de ces lieux. Notre amie commune m’a téléphoné pour m’annoncer votre visite.
- — Est-ce que nous sommes toujours chez des Ursulines ?
Telle est ma première réaction.
- — Mais bien sûr, nous sommes toujours la Compagnie des Ursulines fidèles aux principes qui ont fondé notre regroupement et nous continuons à éduquer des jeunes femmes issues des milieux défavorisés et soigner certaines maladies mentales.
- — Beaux programmes… Mais comment se déroule votre mission ?
Tout en parlant, Katarina nous conduit sur une terrasse-bar où, à l’ombre d’un parasol nous dégustons un café italien. Accueillis par une jeune serveuse très, très mignonne, aux formes appétissantes que son uniforme impeccable met outrancièrement en valeur. Avec un grand professionnalisme, elle prend notre commande, tandis que Katarina continue ses explications :
- — Nombreuses sont les jeunes femmes étrangères qui rêvent de venir travailler en Europe. Généralement elles n’ont ni les qualifications nécessaires ni ne parlent les langues européennes. Alors, ici, on leur donne ces bases. Vous êtes, là à cette table, sur cette terrasse, dans la partie « restaurant-bar d’application » de notre école hôtelière. Nous avons aussi un « hôtel d’application » pour recevoir tous nos clients. Ensuite, elles peuvent choisir un pays d’installation en Europe et vivre en autonomie.
- — Et longtemps vous avez mélangé éducation avec soins à des malades…
- — Mais nous continuons. Ici nous soignons certains troubles mentaux, avec – nous en sommes très fiers – d’assez bons résultats.
- — Quelles sortes de troubles mentaux soignez-vous, si ce n’est pas indiscret ? demande Mathilde
- — Chérie… aucune question n’est indiscrète, seules, quelquefois, les réponses peuvent l’être… Mais ici, rien n’est vraiment secret… enfin dans cette enceinte, à l’extérieur, c’est une tout autre question. Voyez-vous, ici, nous recevons des hommes et quelques femmes qui ont des problèmes d’ordre sexuel.
- — ? ? ?
- — Ce sont des personnes qui ont de gros, très gros besoins de sexe et peuvent avoir des difficultés à les satisfaire dans notre système social, au risque soit d’être internées dans une clinique soit d’être poursuivies par le système judiciaire. Alors nous les accueillons, pour des périodes plus ou moins longues. Pour les hommes, ils sont atteints d’hypersexualité tandis que certaines de nos patientes, elles, sont atteintes de nymphomanie.
Mathilde reste un peu sur sa faim et attend la suite des explications.
- — Mais alors, vous les mettez sous camisole chimique ?
- — Mais, chérie, ce sont là des pratiques barbares qui sont réservées aux cliniques et à la médecine traditionnelle. Non ! Ici, on met en œuvre un traitement plus naturel, moins chimiquement agressif et qui est loin de la médecine classique. Vous verrez, tout à l’heure, si vous le désirez…
- — Ah ! Si je peux, je serais curieuse de voir cela.
- — Pas de problème.
- — Et, sinon, le côté éducatif ? Vous disposez aussi de traitements… comment dire… non conventionnels ?
- — Je pense que vous trouverez cette pédagogie intéressante. Peut-être que vous trouverez que nos protocoles sont stricts et un peu austères, mais là encore, nous faisons en sorte que nos pensionnaires puissent disposer d’un vrai métier à la sortie, au bout de trois à quatre ans et qu’elles sachent parler au moins deux langues européennes. Toutes les jeunes femmes que nous accueillons sont étudiantes dans le secteur de l’hôtellerie-bar-restauration avec un vrai diplôme à la sortie et donc de vrais métiers.
- — Mais cela doit être horriblement cher comme études ! l’interrompt Mathilde.
- — Chérie, réfléchis un peu… Les filles que nous abritons n’ont pas d’argent, comment pourraient-elles payer ce cadre ? Non, ce sont nos patients qui, en venant suivre un traitement ici, payent pour elles… et bien entendu, elles travaillent toutes dans notre institution au service, à la réception, en cuisine, au ménage…
- — Waouh… Ça, c’est génial ! s’exclame Mathilde, très enthousiaste.
- — N’est-ce pas…
- — Et on peut visiter ?
- — Mais bien entendu, ma chérie, vous pouvez visiter, participer, tester… Comme c’est la première fois que vous venez ici et que vous êtes recommandés par Amanda, je vais vous faire une fleur, mais ne le dites surtout à personne, pour vous deux, aujourd’hui, c’est même gratuit.
- — Comment… gratuit… je demande.
- — Oui, vous pouvez tout tester, tout essayer gracieusement… et quand vous reviendrez, car c’est certain, ici, on revient, vous payerez. Le prix comporte un droit d’entrée annuel qui permet de subvenir à l’entretien du bâtiment et un droit de visite qui permet de subvenir à l’éducation de nos pensionnaires et participer à un pécule de départ dans la vie. Je vous remettrai un dépliant tout à l’heure avec notre brochure réservée aux membres bienfaiteurs du Club des Ursulines. Maintenant, si vous voulez me suivre, nous allons prendre connaissance des lieux.
Une fois encore, nous sommes séduits par la richesse un peu vieillotte et surannée de la décoration d’intérieur. Après quelques salles de classe, très traditionnelles, une ou deux chambrettes réservées aux pensionnaires, croisant quelques groupuscules de jeunes filles en uniforme, toutes plus mignonnes les unes que les autres, au point que Mathilde doive me pincer pour que je ferme la bouche… Nous arrivons devant une vaste porte ancienne…
- — Voilà, à partir d’ici, nous entrons dans le domaine des soins à nos patients. Toi, ma chérie, reste près de moi. Avec moi, tu ne crains rien.
Devant nous s’élève un vaste escalier qui débouche sur un hall où quelques hommes se déplacent, nus, le sexe en érection. Ils entrent et sortent de pièces dont on ne distingue pas l’intérieur.
Katarina, pour traverser, serre la main de Mathilde et continue son laïus de guide…
- — … Ici, chacun est libre de son corps. Ils ont à disposition tout ce qu’ils veulent pour assouvir leurs fantasmes, leurs besoins et faire en sorte qu’une fois dehors, ils ne sautent plus sous toutes les jupes.
- — Mais… mais comment font-ils ? murmure Mathilde.
- — Uniquement pour celles qui le souhaitent, nous leur proposons d’être à disposition des malades pour les satisfaire… Ce recrutement se fait uniquement sur la base du volontariat. Et l’exercice ne se fait que dans cette partie-là ! Au-delà de cette porte, en bas, les rapports sexuels sont formellement interdits…
- — Mais… mais c’est une forme d’esclavage sexuel ! s’indigne Mathilde.
- — Non… pas du tout… Ici, tout le monde est volontaire et chacun reçoit une juste rémunération. Les cours avec les professeurs de langue, de cuisine, d’hôtellerie et de service coûtent cher en salaires et charges sociales. Aucune des filles ne pourrait payer, à moins de les rançonner comme le font certains réseaux de trafiquants d’êtres humains. Ici, elles sont volontaires pour nous rejoindre, apprennent un métier et peuvent participer aussi, à des actes thérapeutiques. Mais seulement si elles le souhaitent ! D’ailleurs certaines tentent l’expérience une fois et ne la recommencent pas. Il est vrai que celles qui acceptent de dispenser ces pratiques thérapeutiques doivent payer de leur personne, mais vous allez voir que les méthodes instaurées par nos aînées au XVIIe siècle fonctionnent encore, et cela permet de conserver l’anonymat des uns et des autres. C’est un système qui évitait, à l’époque, que les malades ne soient reconnus, mais surtout repoussés en raison, toujours à cette époque, de leurs tares et/ou de leurs laideurs. Aujourd’hui, tout le monde se côtoie, en bas, dans la partie école d’hôtellerie traditionnelle. Pensionnaires malades et nos étudiantes. Ici, dans la partie soins, tous les contacts sont anonymes. Personne ne peut reconnaître personne. Suivez-moi, vous allez voir.
Nous entrons dans une de ces fameuses pièces thérapeutiques, toute sombre où, seuls des spots éclairaient crûment des trous desquels dépassaient des jambes, des culs, des sexes féminins, largement écartés, rasés ou poilus. Devant, quelques « clients », la queue raide, se dépêchent de les besogner les unes après les autres… Certaines, à hauteur de bouche, offrent leur sexe à lécher, d’autres – cul et fesses écartés – attendent d’être sodomisées. D’autres encore, le sexe au ras du trou, les jambes largement écartelées, les chevilles sanglées, « espèrent » une saillie. Quelques trous, vides, à hauteur de ceinture permettent d’y glisser un pénis et de recevoir soit une branlette soit une fellation, voire même les deux… L’atmosphère est lourde d’odeurs âcres, de sueur et de sperme. Au travers des cloisons on peut entendre des râles de plaisir, mais aucun cri, aucune larme, aucune invective.
Une fois leurs envies assouvies, les « patients » ressortent, laissant la place à d’autres, telle une sorte de noria sexuelle, infernale…
Je reste sidéré par ce spectacle et en même temps mon sexe s’excite et se redresse dans mon pantalon. Mathilde, elle, la main toujours tenue par Katarina, demeure muette de stupéfaction, même en rêve – je crois, euh… j’en suis même certain – elle n’a jamais pu imaginer une pareille scène, encore moins pour une thérapie.
- — Alors ? demande Katarina… Vous voulez essayer ? Surtout, ne vous gênez pas. Tout est à votre disposition et notre matériel thérapeutique est très propre, contrôlé chaque semaine…
Puis s’adressant à Mathilde, elle enchaîne :
- — Et toi, ma chérie, si tu veux vivre cette expérience, tu es la bienvenue, c’est très excitant de passer de l’autre côté de la cloison et recevoir des hommages sans connaître ou reconnaître la personne qui t’honore. Tu veux essayer ?
Mathilde retire brusquement sa main de celle de Katarina, de peur d’être forcée à faire des choses contre son consentement et elle vient trouver refuge dans mes bras. Rassurant, je lui susurre à l’oreille :
- — Ici, tu ne risques rien. Cette expérience ne te tente-t-elle pas un peu ? Avant-hier, tu as su donner un merveilleux spectacle avec Amanda puis, lorsque deux beaux noirs t’ont fait jouir, tout le monde a pu te voir. Ici, au contraire, c’est le règne de l’anonymat, presque parfait. Ce système de glory hole permet de donner et recevoir sans tenir compte de la personne… Si cela te tente, n’hésite pas.
- — Mais tu es un vrai gros pervers, maugrée-t-elle. Tu veux que je me donne à ces… malades ? Tu veux que je me fasse baiser sans voir qui le fait ? Comme ça, à l’aveuglette ?
- — Rien ne t’y oblige…
Un nouveau patient entre dans la pièce, à moitié excité, nous ignorant totalement, les yeux fixés sur le mur de trous. Je me penche à l’oreille de Mathilde et lui murmure :
- — Regarde le mec qui entre… je crois bien que c’est… mais oui, tu sais le type qui s’est fait gauler aux États-Unis.
- — Ah ! Oui… j’ai entendu parler de cette histoire, mais à cette époque, j’entrais juste dans ma crise d’acné juvénile et je ne m’intéressais pas à la politique. Tu crois qu’il va faire tous les trous ?
- — Ben je pense, il est là pour cela et a même dû payer sacrément cher pour y avoir droit, et plusieurs fois par jour.
- — Et si j’étais sur le passage, tu crois qu’il me… sauterait anonymement ?
- — Oui, c’est certain.
- — Mais quel intérêt de se faire baiser avec cet anonymat, sans que tu puisses dire à tes copines qu’untel ou untel t’a sautée ?
- — Euh… parce que tu parles de ça avec tes copines ?
- — Ben oui, si cela vaut la peine…
- — Cet anonymat permet aussi d’éviter les procès.
- — OK.
Puis se tournant vers Katarina, elle lui demande :
- — Tout à l’heure vous avez parlé des femmes nymphomanes, elles sont traitées selon les mêmes méthodes qu’ici ?
- — Mais, chérie, bien entendu… Les patientes nymphomanes, elles sont là, derrière les cloisons… Elles sont heureuses de pouvoir satisfaire leurs besoins de sexe sans se préoccuper ni de la drague, ni des à-côtés, ni d’avoir peur de tomber sur un psychopathe qui va leur faire mal. Ici, tout est soft… tout est sous contrôle.
- — Oui, mais certaines sont attachées.
- — Juste pour le confort de la position, et toutes les heures et demie, elles peuvent changer d’atelier.
- — Et si je veux essayer ?
- — Chérie, tu me fais grand plaisir… Toi tu verras, tu ne regretteras jamais cette expérience et comme Amanda, tu reviendras. Viens, suis-moi… Laisse ton mec ici, il saura se débrouiller tout seul.
Aujourd’hui, avec le recul, je peux affirmer qu’une certaine appréhension a noué mon ventre durant un moment en voyant s’éloigner Mathilde accompagnant Katarina. Mais la recommandation d’Amanda me rassurait un peu… Non, elle n’allait pas être enlevée par un réseau mafieux des Balkans, ni vendue sur un marché aux esclaves de chez Daes’h pour devenir esclave sexuelle dans un bordel sordide. Mathilde suivait volontairement notre hôtesse pour se préparer à expérimenter le concept du glory hole et au fur et à mesure que le temps passait, je me demandais quel type de trou, Mathilde allait-elle choisir à moins d’en expérimenter plusieurs ?
En attendant, redevenu pour quelques moments, célibataire, environné d’odeurs de luxure et de stupre – enfin je pouvais mettre de vraies odeurs sur ces mots – je me déshabille et décide de profiter pleinement de cette pièce, et la surprise de ces « trous glorieux »… Et vous dire que je n’y ai pas pris mon pied serait vous mentir, mais l’absence de corps, de regards, la fixité des corps – enfin je veux dire, des positions figées – ne m’ont pas permis de jouir aussi pleinement de la situation.
Quelques heures plus tard, alors que je suis confortablement assis dans un moelleux fauteuil, un verre de champagne à la main, plongé dans une douce torpeur due à mes exploits de l’après-midi, baigné par de suaves mélodies jouées par un vrai pianiste de bar, Mathilde finit par me rejoindre. Avec une certaine raideur, elle se penche sur les lèvres pour y déposer un long et langoureux baiser.
- — T’es un drôle de mec.
- — Quoi ? Moi ? Comment ça ?
- — Tu m’emmènes dans des coins pas possibles. Je te fais confiance. Je me laisse faire, je m’abandonne carrément dans tes bras et toi tu m’ouvres à ma libido de jeune étudiante française qui ne connaît rien à la vie, qui n’imagine même pas que tout ça peut réellement exister. Est-ce que tu te rends compte du choc culturel que c’est pour moi, tout ça ? Et le pire, c’est que maintenant, je me dis que tout cela va me manquer quand toi, tu seras rentré à ton boulot, tu m’abandonneras dans ma chambre d’étudiante. Tu n’imagines même pas l’état de frustration que cela est en train de faire naître dans mon esprit et dans mon ventre. De cette frustration physique, je ne t’en parle même pas, même si à cet instant précis, franchement, je suis plus que repue.
- — Tu regrettes cette escapade vénitienne ? Tu n’as pas apprécié ton après-midi ?
- — Pfiou !… Que non ! au contraire… C’était top, c’était même… topissime… Je suis, waouh ! vannée… exténuée… J’ai joui je ne sais combien de fois. Je suis lessivée. Mais en redescendant sur terre, je me dis que c’est un rêve, un fantasme peut-être, et que quand je vais me réveiller cela sera très dur de se retrouver dans la réalité.
- — Écoute, Mathilde, si…
- — Non, laisse-moi te poser une question : tout ce que l’on vient de vivre, tu l’avais programmé pour toi ? C’est ce que tu fais comme travail, du repérage, pour tes conseils à tes lecteurs ?
- — Mathilde, écoute… Non, je n’avais rien prévu pour moi, mais quand je t’ai proposé de partager mes vacances, j’ai passé un coup de téléphone à Amanda.
- — Ah ! Oui… Ôte-moi d’un doute, elle a bien été ta maîtresse ?
- — Euh… oui, on ne peut rien te cacher, il y a longtemps. C’est une longue histoire que je te raconterai, un jour peut-être, mais nous nous voyons de temps à autre. Enfin, chaque fois que je suis à Venise ou ailleurs si nous nous rencontrons ailleurs. Serais-tu devenue jalouse ?
- — Pas du tout, j’ai juste besoin de savoir, ou au moins, de comprendre, après coup, et là le mot est particulièrement bien choisi. Au fait, tu savais qu’elle était adepte de ces lieux ?
- — Et qu’est-ce que tu veux comprendre ?
- — Pourquoi et comment tu as réussi à me dévergonder, à ce point-là, en quelques heures ! En quelques jours ? Tu ne m’as pas droguée, quand même ?
- — Non. Tu es toujours libre de suivre, ou pas, mes invitations, mes propositions et je pensais te faire plaisir, te donner du plaisir et même te faire donner du plaisir. Maintenant, si tu le regrettes ou si tu penses que tu vas le regretter, nous stoppons tout, on va juste se promener en touristes, sagement. C’est toi qui décides.
Mathilde se tait. La tête sur mon épaule, les mains accrochées à mon avant-bras, je la sens réfléchir, peser le pour et le contre, comme au premier jour de notre rencontre…
- — D’abord, c’est un peu tard pour avoir des regrets, hein ? Ce qui est fait est fait. Mais tu ne m’as pas répondu sur le fonds de ton travail, c’est donc que j’ai vu juste. Tu voyages et tu baises de partout pour ensuite donner les bonnes adresses, les bons coups à des couples ou des messieurs cochons.
- — Ou des dames, ajoutai-je avec un certain cynisme…
- — Oui, ou des dames qui veulent voir du pays et le back-room des dits pays.
- — Il y a un peu ça. Cela te choque ? Tu es heurtée dans ta sensibilité féministe de jeune femme-étudiante révoltée ?
- — Non, même pas. Je suis juste triste, car je ne peux pas m’imaginer te suivre à distance, en lisant ton blog et en repensant à Venise avec le gode dans ma chatte pour me donner l’illusion de notre plaisir.
Pfiou… Il était temps de rentrer à l’hôtel, car la discussion prenait une mauvaise pente et nous pourrions parler de tout ceci aussi bien sur le bateau de retour et en tête-à-tête lors de notre dernier souper vénitien. Oui, c’est vrai que nous abordons notre dernière nuit ensemble…
Mon côté macho et d’éternel célibataire sait depuis longtemps gérer ces moments ou deux êtres qui ont partagé une folle aventure, de quelques heures, quelques jours voire quelques semaines doivent se séparer pour, peut-être, ne jamais se revoir ! Mais, en cherchant bien, je n’ai jamais rencontré une fille qui, comme Mathilde, s’ouvre devant moi à ses propres pensées. Je suis venu chambouler son existence en l’invitant à partager ces instants avec moi. Elle m’a suivi, s’est confiée, m’a fait confiance et a apprécié les expériences proposées. Et puis, là, soudain, elle se rend compte que tout cela va devoir prendre fin, qu’elle va devoir repartir à Dunkerque – perspectives relativement peu réjouissantes, il faut avouer. Pourtant, je ne suis toujours pas disposé à mettre un terme à mes voyages, pas plus qu’à attaquer une vie rangée avec quelqu’un qui m’attend à la maison et à qui je dois raconter mes aventures, ou pas, en pensant au prochain voyage. Non, je ne me vois pas ainsi, enfin, pas pour le moment et pour longtemps encore !
Alors que notre bateau-taxi nous chahute sur le clapot de la Lagune, soudain j’ai une fieffée belle idée… Mathilde, fraîche et un peu naïve, mais si belle et si attachante, intelligente, curieuse et ouverte d’esprit qui a accepté sans trop réfléchir de me suivre dans ces folies, Mathilde mérite mieux que toutes les filles et femmes que j’ai déjà rencontrées. Elle ne va pas devenir mon fidèle roc auprès de qui je peux retourner m’amarrer et trouver un semblant de réconfort. Non, elle mérite d’être associée à mes projets, à tous mes projets.
Dorénavant, je pourrais ne plus être seul devant un paysage, un magnifique tableau, un bel édifice, une jolie fille, un beau mec. Les yeux de Mathilde vont m’accompagner et je saurais même les utiliser pour en sublimer la description. De son côté, elle va pouvoir découvrir ce monde qu’elle traverse avec sa fraîcheur, sa candeur et sa soif de découvertes et qu’elle semble apprécier même si elle a tout à découvrir. À elle, d’inventer comment elle peut en tirer profit. La seule ombre au tableau serait peut-être qu’elle devra certainement abandonner ses idées de diplômes.
C’est au dessert, une coupe d’Asti à la main, alors que les yeux de Mathilde sont un peu vagues de tristesse que je me lance dans mon argumentation en lui proposant de nous associer et écrire à quatre mains. Je veux lui laisser le temps de réfléchir, de peser le pour et le contre.
- — Même pas en rêve… c’est oui, deux fois, trois fois, une infinité de fois… oui !
Brusquement elle se tait, les prunelles étincelantes de larmes elle ajoute :
- — T’es vraiment sérieux ? Ce n’est pas une proposition que tu fais chaque fois avant de larguer une conquête ou parce que tu sais que la fille ne pourra pas te suivre et comme ça, tu pars l’esprit léger, sans vraiment culpabiliser ? Est-ce que c’est une proposition que tu as déjà faite à Amanda ?
- — Oui, je suis très sérieux et jamais je n’ai fait cette proposition avant. Tu es la seule et unique à qui je l’ai faite et la ferai…
(À suivre)