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Temps de lecture estimé : 12 mn
08/12/21
Résumé:  Entraînée dans de multiples dérives depuis qu’ils se sont installés au Pays Basque, et alors qu’Antoine s’absente beaucoup, Laura se retrouve confrontée à des situations qui vont finir par la mettre en danger.
Critères:  #aventure caférestau telnet dispute
Auteur : Djangerine      Envoi mini-message

Série : Mon beau militaire

Chapitre 06 / 06
Sur la route de la corniche – 6

Résumé des épisodes précédents :

Laura est une jeune femme de 26 ans extrêmement attractive. Originaire de la région parisienne où elle a fait ses études, elle a rencontré Antoine un an auparavant, qui rêvait de retourner vivre au Pays basque où il a grandi. En intégrant un cabinet-conseil dont une branche est basée à San Sebastian, elle a pu s’installer avec lui. Ils louent une villa avec piscine dans un joli village de la côte Basque française. Elle travaille beaucoup à distance, participe à des réunions avec des clients et se déplace régulièrement en France et à l’étranger. Naturelle, entreprenante, amoureuse mais ouverte aux expériences, elle se retrouve un peu isolée à la différence d’Antoine qui a retrouvé de nombreux amis et qui l’entraîne dans de multiples dérives.







Elle revoit Annabelle quelques jours plus tard. Elle a rencontré son contact du régiment de paras de la ville voisine, ami de son père.

Elle a montré les photos et raconté l’histoire de Laura. Il a confirmé qu’il connaissait cet homme, mais refusé de donner la moindre information, rajoutant néanmoins, « c’est un gars droit ! ».



Elle marque une pause.



Le regard inquiet de Laura l’arrête.



Elle tente de la faire sourire :




*******



Les allusions d’Antéro sur Antoine lui trottaient dans la tête. Qu’est-ce qu’il sous-entendait ? Avare de paroles, il n’avait pas lâché ça par hasard. S’intéressait-il à lui afin de poursuivre son petit jeu d’intimidation, ou pour d’autres raisons ?

Peu de temps après, alors qu’elle utilisait l’ordinateur de la maison, un vieil appareil qui restait la plupart du temps branché, pour rechercher une adresse sur Google map, elle vit apparaître une localisation faite précédemment. Alors qu’elle n’y aurait habituellement pas prêté attention, quelque chose la poussa à s’y intéresser. Elle voulut faire une copie d’écran et vit apparaître cette copie intégrée à une série d’images qu’elle fit défiler. La localisation Google était accompagnée par un itinéraire détaillé, puis par deux photos très surprenantes et par un logo « Peña ahí está », l’ensemble constituant probablement un dossier prévu pour être joint à un message.


Les photos montrent trois filles, jeunes, en train de danser sur la piste d’une boîte, puis vautrées sur une banquette. Elle ne reconnaît aucune d’entre elles par contre, la déco lui rappelle une boîte en centre-ville qu’ils ont fréquenté, le Gotha club. Le contexte est festif, verres en main, tenues un peu en désordre, deux des filles semblent très joyeuses, en train de crier ou de chanter, la troisième semble absente et détourne son visage. Étrange !

Elles sont jeunes, 20 ans tout au plus, jolies, très jolies même, mais semblent extenuées, regards allumés, presque hystériques pour les deux premières, triste et apeuré pour la troisième.


Elle revient à la localisation, la capture d’écran pointe un village, Ardikuxa, au Pays basque espagnol, perdu dans la forêt d’Oiartzun, à proximité d’un barrage, traversé par une route de montagne. Puis elle passe au plan qui donne des indications détaillées à partir de la frontière espagnole, une trentaine de km de route à partir du péage de Biriatou, sortie Irun, traversée d’Oiartzun… à la sortie d’Ardikuxa, prendre à gauche tout de suite après l’ermitage San Antonio, chemin forestier de 6 km jusqu’à Zaindari Etxea. Elle retrouve la maison en googlisant, pas mal de voitures garées aux alentours sur la vue satellite, étonnant en plein bois et à une telle altitude. Par contre, très peu d’informations sur cette maison sur le web, qui mentionne, datée de plusieurs années, une « sidreria » installée dans une ancienne maison de gardes forestiers.


Elle consulte le site des peñas Bayonnaises qui référence les associations festives du secteur mais ne trouve pas d’info sur la mystérieuse peña ahí está, essaye d’en comprendre l’objet, peut-être un signe de ralliement, un cercle « carpe diem » ?


Elle échafaude de multiples hypothèses sur ce fichier, se convainc qu’il ne peut s’agir que de « copines » d’Antoine, mais si jeunes ! … et pourquoi les prendre en photo… et pourquoi ces plans ? Pour donner rendez-vous à qui ? Les livrer à qui ? Un flash lui fait visualiser l’histoire d’Annabelle « son mec l’avait fait partouzer avec plusieurs copains ». Elle imagine Antoine avec ses copains et ces trois filles « il en est bien capable, ce connard ! », le revoit rentrer certains soirs exténué et filer sous la douche direct.


Elle s’interroge aussi sur l’apparition soudaine de ce fichier sur son ordinateur. D’où sort-il ? Elle ne le retrouve nulle part dans la mémoire, ne comprend pas la connexion qui a pu s’établir… Elle télécharge le fichier sur son smartphone et décide de laisser la page ouverte.

Elle réfléchit aussi à sa propre attitude, est-elle en position de reprocher quoi que ce soit à Antoine, de lui faire la morale, alors qu’elle continue à voir Antéro et qu’elle ne lui en a toujours rien dit ?

En fait, elle ressent un écroulement intérieur, ce qu’ils avaient construit ensemble, déjà bien fragilisé par les multiples excès, des deux côtés, est en train de sombrer. Le processus lui semble inéluctable, amorcé depuis déjà bien longtemps.

Elle veut quand même en avoir le cœur net. Le soir, au retour d’Antoine, elle s’installe devant l’ordi et l’interpelle :



Il s’approche, elle fait défiler les images et l’observe en même temps :



D’abord surpris, son visage traduit incrédulité et questionnement mais il se ressaisit vite. Il échappe :



Elle a bien noté le moment de flottement, il connaît ces documents. Elle ne le pousse pas davantage, le laisse se saisir de la souris et refaire défiler les images, propose quand même :



Il ne répond rien.



*******



Un peu plus tard elle sollicite Annabelle, lui raconte sa découverte et sa confrontation avec Antoine. Elle se demande dans quelle histoire pourrie il s’est fourré, s’inquiète de l’âge des filles, montre les photos, sent sa colère monter en imaginant qu’il a pu les entraîner dans des plans sordides, éprouve de la culpabilité à l’idée de l’avoir, même passivement, encouragé à toujours plus de débauche, flatté son ego en ayant parfois accepté l’inacceptable, sous couvert de libération sexuelle, d’expérimentations multiples, et ce faisant accompagner dans la mise en danger de ces jeunes filles.



Annabelle cherche à relativiser, mais partage de par sa propre expérience l’inquiétude de Laura :



Elle réfléchit.




*******



Le samedi suivant, elle décide d’aller plus loin. Alors qu’ils ont pris la voiture d’Antoine pour aller faire des courses, installée au volant, elle entre des coordonnées dans le GPS du véhicule et lui affirme :



Ils sont déjà en route, Antoine se renverse dans son siège, mécontent. Elle emprunte la corniche basque avant de rejoindre l’autoroute. Un flash quand elle passe à l’endroit où l’a intercepté Antéro l’autre jour. Elle revoit les feux de pare-brise bleus, la silhouette, la démarche de l’homme qui s’approche. Qu’est-ce qu’il a à voir avec histoire, est-ce lui qui a fait apparaître le mystérieux dossier ?


Après la frontière, la route est encore longue, ils traversent plusieurs petites villes du Pays basque espagnol, puis empruntent une route de montagne sinueuse. Sur la fin du parcours, les paysages sont magnifiques, forêts de hêtres têtards aux allures inquiétantes, cascades et ruisseau en contrebas. Juste après le village, un chemin en terre serpente en lacets serrés sur six kilomètres.


Ils arrivent, elle vérifie, quarante minutes de trajet depuis la frontière. Elle reconnaît la clairière vue sur l’image satellite, une dizaine de véhicules garés, l’espace peut en accueillir beaucoup plus. La bâtisse ne paye pas de mine, pourtant la porte franchie, un long bar adossé à un mur recouvert de bouteilles et un ensemble hétéroclite et chaleureux de tables, de fauteuils et de canapés, organisé autour d’une énorme cheminée, accueille les visiteurs. De quoi accueillir plusieurs dizaines de convives. En arrière-plan, une autre grande pièce laisse deviner un alignement d’énormes barriques, la fameuse cidrerie. Derrière le comptoir, deux quinquas aux charmes débordants, un peu trop maquillées. Elles entretiennent la conversation avec un groupe d’hommes, parlent et rient avec éclat.


Ils s’approchent, elle observe Antoine nerveux qui en quelques secondes a fait le tour des consommateurs, scrutant chaque visage. Il commande en espagnol, « dos cervezas » en fixant froidement la serveuse qui semble surprise. Laura observe les deux femmes qui l’ont dévisagée à son entrée, leurs prénoms sont brodés sur leurs tenues de travail, Olga et Carla !

Ils s’installent, silencieux. Antoine descend rapidement son verre, il n’a semble-t-il pas l’intention de s’éterniser. Laura prend son temps et observe. Le feu crépite, pourtant on n’est que début octobre. Les hommes groupés au bar se retournent fréquemment et l’observent. La brune Carla s’éclipse par la porte de service, entraînant derrière elle un des gars, et se dirige vers les dépendances.


Un homme arrive de l’arrière-salle, trapu, élégant, il la dévisage lui aussi et vient s’asseoir à la table jouxtant la leur, à proximité d’Antoine qui s’est raidi. Il l’interpelle à voix basse en espagnol, tout en fixant Laura. Antoine lui répond, parlant bas, en tournant la tête. Le gars se lève et s’éloigne agacé, entraînant au passage et d’un geste la blonde Olga derrière lui.


Laura parle mal espagnol mais elle a capté quelques mots prononcés par le nouvel arrivant de sa voix sourde. Elle reste interdite, « mas cachonda… jovencitas… ultima vez » Elle n’est pas sure de cachonda mais pense que le gars l’a comparée à d’autres filles, quelque chose comme, « celle-là est encore plus bandante que les jeunes de la dernière fois ».


Elle met un moment à analyser l’information, ressent l’humiliation grandir puis une colère froide. Ce con a amené d’autres filles ici, qu’il a peut-être livrées à ces mecs concupiscents qui la matent. Elle arrête les hypothèses et se tourne vers lui, blême.



Il a blêmi lui aussi.



Antoine la rattrape, il a repris son contrôle et lui affirme que c’est pas ça du tout, démonte la succession d’évènements avec beaucoup d’assurance, mais elle garde l’image de ses yeux qui se voilent au moment où elle explose, du temps qu’il met à ajuster son discours.

Elle ne saura probablement jamais ce qu’il a fait ici.



*******



Antoine n’a rien avoué et elle a fini par lui laisser le bénéfice du doute mais quelque chose est cassé.

Elle le regarde et prend conscience de combien il a changé depuis leur installation sur la côte basque. En trois ans, sans qu’elle s’en rende compte, les excès l’ont marqué, ses traits se sont épaissis, ses cernes assombris, et son regard, hier pétillant et malicieux est aujourd’hui terne et fuyant. L’alcool, les drogues peut-être, le travail un peu, les voyages professionnels et… d’agrément beaucoup, l’ont épuisé, et elle n’en prend conscience que maintenant.

Et puis elle s’en veut, à travers lui, d’avoir cru à l’idée du couple anti-conventionnel, libertin mais fusionnel, qu’elle s’était forgée quand elle l’a rencontré.


Ce qu’elle vient de comprendre l’écœure mais ne la surprend qu’à moitié. Elle savait sans vouloir se l’avouer qu’Antoine resterait prisonnier de ses démons, que sa vie locale, ses copains et copines d’adolescence le tiraient vers le bas, dans des soirées plus glauques les unes que les autres, qu’elle ne veut plus partager avec lui.

Elle le croit tout à fait capable de s’être embringué dans des trafics sur internet qu’elle imagine mélanger prostitution, chantage, espionnage… mixant dans son délire les turpitudes supposées d’Antoine et les activités menaçantes d’Antéro.


Elle ne veut plus enquêter, le questionner, écouter davantage ses justifications foireuses. Elle l’a aimé mais elle ne l’aime plus. L’enchaînement des situations vécues avec les deux hommes l’a fait basculer. En se donnant à Antéro dont elle n’attend pourtant rien, elle s’est détachée d’Antoine et les dernières révélations lui ont ouvert les yeux sur leur dérive.

Elle-même se sent d’autres aspirations, par sur le plan affectif ou sexuel, plus générales, qui ne pourront pas se satisfaire de la vie de couple médiocre dans laquelle ils sombraient. Avoir surmonté ce qu’elle a vécu avec Antéro, la crise qu’il a déclenchée, lui donne suffisamment de confiance pour s’éloigner.


Antoine se rend compte trop tard qu’il a tout foiré, il se sentait invincible, avec cette jolie poule à la maison, open, prête à toutes les expériences, indépendante mais amoureuse, géniale au pieu, avec son boulot qui marche super bien et qui le fait bouger en permanence, et puis ses copains, les virées décadentes, toutes ces filles qu’ils attirent dans leur circuit, leurs repaires magiques, la fiesta, les rencontres avec des mecs influents qui lui ouvrent des portes et permettent de développer son business. Le cercle vicieux est en place, la fiesta alimente le business et vice versa. Il en croque toujours davantage, on lui en demande toujours plus, le réservoir est infini, jusqu’à ce que l’équilibre se rompe, que la façade de leur jeune couple youppie se brise.


Engueulades après engueulades, ils arrivent à la conclusion qu’il est préférable de se quitter et Laura décide d’aller s’installer en ville, seule.