n° 20918 | Fiche technique | 31330 caractères | 31330Temps de lecture estimé : 18 mn | 20/05/22 |
Résumé: Premiers pas pour me rapprocher de celle qui sera peut-être mon initiatrice. | ||||
Critères: fplusag jeunes profélève init -rencontre -prof | ||||
Auteur : Geg Folie Envoi mini-message |
DEBUT de la série | Série : Mourir d'aimer Chapitre 01 / 04 | Épisode suivant |
J’atteins l’âge où l’on a tendance à regarder dans les rétroviseurs. Je commence à écrire de nombreux souvenirs, fouillant dans de vieux cartons délabrés pour vérifier quelques dates, quelques noms ! J’ai un véritable choc en découvrant un cahier poussiéreux que je croyais perdu : mon journal d’ado ! Je commence à le parcourir avec précaution, tant les pages semblent prêtes à se déchirer : dates principales, situations, scènes, vêtements, doutes, espoirs, émotions et impressions. J’avais tout noté ou presque. Je suis entièrement chaviré de me sentir projeté un demi-siècle en arrière et mesure la chance que j’ai eue de rencontrer mon Aphrodite, ma dame de Rénal à qui je voue une reconnaissance éternelle.
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1970, je suis dans une petite ville de province : Mâcon, préfecture de Saône-et-Loire. Fils d’ouvrier des usines Schneider du Creusot, je pense être monté dans l’ascenseur social, en réussissant le concours d’entrée à L’école Normale d’instituteurs (E.N). Hébergé à l’École Normale de Garçons (ENG), mes cours se déroulent à celle de filles (E.N.F) pour préparer le bac Philo. Ce sera l’an prochain. Ma priorité, puisque je suis en 1re, est d’avoir de bonnes notes au Bac de français.
Comme nombre de garçons de mon âge (bientôt 18 ans), je suis plus attiré par les femmes plus âgées que moi que par les filles de mon âge. Je m’en suis inquiété un moment, me demandant si j’étais « normal », mais mes nombreuses lectures m’ont rassuré : statistiquement, je suis dans la norme. Parmi mes phares, il y a une de mes profs, mais ne comptez pas sur moi pour vous révéler quoi que ce soit qui vous permettrait de l’identifier, ou de deviner la spécialité qu’elle enseigne, ce sont les limites que je me suis fixées, par respect pour elle et pour le dernier serment que je lui ai fait.
Elle est comme toutes celles qui m’attirent : « encore jeune quand même », grande, d’autant plus qu’elle est toujours perchée sur de très hauts talons qui mettent en valeur ses mollets magnifiques et ses très longues jambes qui me semblent interminables. Quand elle entre par le fond de la classe et qu’elle la traverse pour rejoindre le bureau, je suis envoûté pas le balancement de son bassin provoqué par sa démarche légèrement chaloupée. Elle m’aide, sans le savoir, à affiner mes observations en portant, le plus souvent, robes et jupes juste au-dessus du genou. De profil, je devine qu’elle a une poitrine plutôt généreuse, ce qui me comble. Je ne pense pas être anormal si j’avoue que je n’ai pas découvert son visage en premier, et pourtant ! Des yeux étonnamment changeants : un bleu plutôt clair et lumineux quand elle discute et plaisante avec ses collègues, mais capables de s’assombrir très vite, allant jusqu’au gris acier dès qu’elle sent le besoin d’affirmer son autorité… glaçants dans certains cas ! Au niveau du maquillage, elle sait manifestement faire ce qu’il faut pour se mettre en valeur : une petite touche pour souligner les sourcils, une note de mascara à peine plus sombre que ses cheveux sur les cils qu’elle a naturellement longs, un fard à paupières légèrement plus foncé que ses yeux, une petite note un peu plus claire sous l’œil, un rouge à lèvres qui les souligne à peine et c’est tout ! Pas de fond de teint ; elle a bien compris que son teint naturel est parfait. Moi qui déteste les maquillages outranciers de certaines de mes copines, je suis ravi !
Pour essayer de compléter fidèlement son portrait, j’adore ses cheveux : elle porte une frange ondulée qui masque son front sans cacher ses sourcils ; sur les côtés, elle prend soin de dégager ses oreilles, dévoilant ainsi tout son visage, et à l’arrière il y a comme une jungle de boucles qui semble désorganisée, descendante un peu au-dessous des épaules ; un blond cendré et lumineux, et tout cela me semblent naturels ! Pour finir un petit nez, bien proportionné et légèrement retroussé ! Bref, elle est parfaite… Enfin, j’ai peut-être quand même un petit reproche à lui faire : certes, elle a une large bouche qui dévoile une dentition magnifiquement blanche et superbement alignée, mais je trouve quand même ses lèvres un peu trop fines ; je les aimerais plus gourmandes. Ce n’est pas ce point de détail qui va la déclasser et l’empêcher de devenir ma « déesse », ma « sirène ».
En cours, je me laisse bercer par sa voix mélodieuse, mais n’écoute pas vraiment les paroles de ses chansons. Non, ma priorité, c’est de la photographier des yeux à défaut d’appareil photo, pour ancrer ces images dans ma mémoire. Pour la retrouver le soir, dans mon box, et dans mes bras :
« Je lisais le Grand Meaulnes et après les lumières, Je me faisais plaisir, je me faisais dormir, Je m’inventais un monde… /… J’ai dit des femmes, pas des jeunes filles… /… Elle avait mis le feu en moi ».
Je sors souvent de mes rêveries lorsqu’elle m’interroge à l’oral. Et bien sûr, je sèche ! Je ne reçois pas de jugement ou de remarques désobligeantes ; sa mimique semble plutôt exprimer un peu de désespoir, d’incompréhension, d’impuissance… Ce qu’elle me confirme rapidement lorsqu’elle me dit :
Tu parles, je ne vais surtout pas te le dire, ce qui m’arrive ! Je reste à ma place pendant que mes camarades quittent la classe. Elle se pose à moitié sur ma table, ce qui a pour effet de faire remonter légèrement sa robe sur sa cuisse gauche, ce qu’elle ne semble pas remarquer. Quel supplice ! J’ai envie de la toucher, de la caresser, de… Je suis tétanisé et me contente de humer son parfum ! Elle devine mon trouble, sans doute, sans chercher à l’expliquer :
À toutes ses questions, la même réponse :
Il faut bien clore cet entretien :
Elle me donne rendez-vous le jeudi après-midi à 14 h 30, griffonne son adresse sur un morceau de papier, et me le tend en disant :
Il me faudrait sans doute un livre entier pour essayer de décrire le cyclone qui envahit ma tête. L’une des vagues me comble… je vais être seul avec elle, je vais… je vais…, mais la contre vague me calme… tu ne peux pas, tu n’oseras jamais, tu vas prendre une baffe et tu vas tout perdre. Heureusement, le cyclone se calme et me dicte ma conduite : je dois m’en tenir à ses propos et rester à ma place de bon élève qui vient pour progresser.
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23 Avril 1970, soleil et douceurs printaniers au rendez-vous, tout va bien ! J’arrive au pied de son immeuble avec une demi-heure d’avance. Il est situé sur les quais de Saône. Je repère les lieux, son nom sur l’interphone, et m’assois sur un banc, contemplant les flots de la Saône.
Quel imbécile ! Je n’ai même pas songé à apporter un minimum pour prendre des notes. Bon c’est fait, je verrai bien… Surtout, être pile à l’heure ! Incapable de réfléchir, j’appuie sur le bouton de l’interphone, me présente et l’entends me dire :
Je monte dans l’ascenseur, la tête toujours vide et les jambes en coton.
Arrivé à l’étage, je la vois qui m’attend à la porte de son appartement, souriante, et vêtue d’une robe à fleurs sur fond bleu. Elle me fait entrer. Mon regard inquisiteur me révèle qu’elle est nettement plus décolletée que celles qu’elle porte en cours et laisse entrevoir le liseré en dentelle d’un soutien-gorge de la même couleur. Je confirme, elle a de beaux arguments. Elle ne me laisse pas le temps de satisfaire davantage ma curiosité, me montrant de la main le canapé où je dois m’asseoir. Elle s’installe dans un fauteuil en face, et nous sommes séparés par une table basse sur laquelle sont entassées des piles de papiers.
Elle est souriante, manifestement détendue, mais professionnelle, donc ferme. Et commence ce que je vis comme un véritable calvaire, redevenant un petit garçon ayant la volonté de décevoir le moins possible sa prof. Deux heures de questions/réponses, sans jugement, sans appréciation, et au contraire quelques commentaires flatteurs à chaque réponse juste, des encouragements :
Un court répit, elle part à la cuisine et revient avec un plateau sur lequel trônent une carafe de jus de fruits et deux verres. 1/2 seconde de « photo-bonheur » lorsqu’elle se penche pour déposer le plateau, et peut-être 1/4 de seconde lorsqu’elle s’installe dans son fauteuil… juste assez pour me confirmer que c’est une femme de goût : le petit triangle de tissu qui cache son intimité est de la même couleur que le haut !
Je déguste, par petites lampées, ce nectar bien frais.
Je ne saurai donc jamais de quoi il est fait, mais il ne peut qu’être délicieux. Je ne regarde qu’elle, qui relit ses notes, et commence à remplir une demi-feuille A4, sur laquelle elle écrit en majuscules d’imprimerie : « PRIORITÉS DE TRAVAIL », ce que j’arrive à déchiffrer à l’envers.
Et c’est reparti. Vers 16 h 30, le supplice se termine.
Je la vois compléter sa feuille « PRIORITÉS ». Ouf, quelques minutes pour laisser à mes yeux le temps de faire quelques photos supplémentaires qui se classeront dans ma mémoire parmi les plus érotiques. Totalement concentrée sur son travail, elle ne se rend pas compte que ses pauses me ravissent : ses jambes changent fréquemment de position, se croisent, se décroisent, sans m’en dévoiler davantage. Parfois, l’un de ses doigts se promène au bord de son décolleté, toujours sans m’en dévoiler davantage. La même main extirpe du sillon qui sépare ses seins une belle médaille, et à la façon qu’elle a de la caresser, de la lécher, de la sucer, je me dis que ces lèvres que je trouve trop fines ont quand même l’air bien gourmandes. Je suis au Nirvana ! Elle a manifestement fini de remplir la fiche. Je la vois reprendre une demi-feuille A4 et la recopier. Encore quelques minutes de Bonheur !
Je prends congé :
Je me retrouve sur les quais de Saône ; je rejoins la rue de Flacé, en proie à un nouveau cataclysme. Ce n’est pas possible, jamais je ne pourrai ingurgiter un tel programme en une semaine, je devrais laisser tomber. En même temps, défilent dans ma tête toutes les images de l’après-midi, accumulant les questions : est-ce que j’ai rêvé ? Est-ce qu’elle m’a révélé toutes ces petites merveilles consciemment ou non ? Bon, il faut que je me calme. Au carrefour avec la rue de Paris, je décide de m’arrêter chez Tonton pour prendre une bonne pression bien fraîche. En ce jeudi après-midi, il n’y a pas grand monde. Tonton est sûrement parti en courses, puisque c’est sa fille qui m’accueille. Elle me sert mon demi et, dès qu’elle a un moment libre, me rejoint à ma table alors que je consulte « mes priorités ».
Je me contente de lui raconter mes soucis scolaires auxquels elle semble s’intéresser sincèrement. Mais je ne suis pas avec elle. Je coupe court assez vite et décide de rentrer à l’ENG « pour bosser » : rue de Flacé, boulevard Rocca, impasse Jean Bouvet. Prostré dans mon box, je n’ai pas envie de dîner et me couche très tôt pour retrouver mon jardin secret. Les images de l’après-midi défilent en rush. Je réalise qu’à part le fauteuil et la table basse, je n’ai rien mémorisé du décor. Mais j’ai découvert qu’elle a une fille ! Elle est probablement mariée, ce qui ne m’arrange pas, à moins qu’elle ne soit divorcée ou séparée, ce qui me conviendrait davantage ! Et puis, j’ai vu tellement de choses ! Peu à peu, aidé par l’engourdissement annonciateur du sommeil, je me ressaisis : je serai combatif comme Julien Sorel, et gagnerai le cœur de ma dame de Rénal, dussé-je mourir sur l’échafaud. Et je passe une nuit délicieuse, la tenant blottie dans mes bras, lui susurrant des mots fous et multipliant les caresses et les bisous les plus tendres.
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Pendant la semaine qui suit, je bosse comme jamais, me surprenant à réviser le soir dans mon lit. Lorsque le doute m’envahit en voyant que je ne vais pas boucler le programme, je me console en me disant qu’elle verra tout de même mes efforts. Le plus beau jour de la semaine arrive enfin.
30 Avril : même scénario que la semaine précédente ! Cette fois, la robe est d’un jaune vif, légèrement plus courte, ce qui n’est pas pour me déplaire. Au moment où elle se laisse glisser dans son fauteuil, je constate avec bonheur que ses « dessous » sont encore assortis ; quelle classe ! Pendant qu’elle s’affaire à trier ses papiers, je photographie le décor qui me semble fastueux dans sa simplicité. Pas de papier peint, mais des murs blancs, les couleurs viennent du mobilier, très moderne à mes yeux, des bibelots, des tableaux, de nombreuses petites lampes ! Un instant, l’image de la salle à manger familiale me traverse l’esprit. Quel contraste ! Oui « Louise » tu es une femme exquise, je suis sûr de t’aimer et je serai ton Julien !
J’adore son petit rire quand elle me dit :
Ça, c’est un bon point, il faut que je poursuive dans cette voie !
Je ne sais pourquoi, je me sens totalement détendu et suis très vite concentré. Du coup, je ne subis plus un interrogatoire, ne me sens plus un petit garçon, mais un étudiant qui répond à des questions, gagne en confiance, s’autorise même quelques commentaires un peu drôles, auxquels elle réagit par des sourires, et même quelques rires. Je vais jusqu’à me permettre quelques questions qui me sont venues au cours des révisions. Elle y répond souvent par d’autres questions « et vous, qu’en pensez-vous ? ». J’oublie la prof ! J’ai l’impression qu’elle l’a elle-même oubliée ! Nous avons un dialogue entre adultes qui échangent des arguments. J’adore quand elle me dit :
Le jus de fruits arrive à nouveau. Elle complète la fiche « Priorités » la recopie, et vient s’asseoir à ma droite près de moi ; je devrais dire contre moi ! Un moment inoubliable pour Julien !
Ouahouh !
Ah non, ma Louise, tu ne vas pas redevenir la prof ? Eh, si ! Elle me tend le papier :
Quand elle me tend la feuille, nos mains se frôlent, je suis totalement envahi par son parfum dans lequel je crois trouver des notes florales (myosotis, violettes, lilas… ?), et en arrière, des senteurs d’agrumes (citron à coup sûr, peut-être mandarine ou orange). Certes, je ne suis pas un « nez », mais c’est léger, aérien, printanier ! Je suis tout contre elle.
Louise me sort de mon extase :
J’ose une question que je veux discrète :
Je me dis que je suis en train de m’immiscer dans sa vie privée, et qu’elle ne va pas me répondre. Mais la réponse arrive tranquillement :
Lorsque je vois que ses yeux s’humidifient légèrement, je fonds et me colle un peu plus à elle. Mais elle se ressaisit très vite et se remet debout immédiatement, presque brutalement :
Je me lève et me dirige vers l’entrée où elle m’accompagne. Au moment où je veux prendre congé, je tends la main pour la saluer, mais à ma grande surprise, elle s’approche de moi, pose une main sur mon avant-bras et me dépose un baiser furtif sur la joue, tout près des lèvres, en murmurant :
J’ai des ailes : nous nous sommes frôlés, touchés, elle m’a embrassé et tutoyé ! C’est gagné, non ? Oui, mais quand même elle s’est ressaisie. Nouvelle tempête dans ma tête, vague, contre vague, espoir, désespoir. C’est dur à vivre. Et deux semaines sans la voir dans son intimité, je ne vais pas supporter. Deux semaines ? Enfin, sauf si… Avant d’entrer à l’EN, je m’arrête juste en face, à la MJC, consulte le programme et constate avec joie que le spectacle de sa fille a lieu ici, et comble du comble, il est gratuit. C’est décidé, j’irai.
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6 mai 1970 : le mercredi soir arrive. Douche, shampoing, petit brushing et je me mets sur mon 31. J’ai cogité : les parents vont sûrement arriver tôt pour être bien placés. Je suis devant la MJC de bonne heure, me donnant une contenance, faisant mine de flâner, de regarder les affiches. Pour être sûr de ne pas la rater, je me place sur le perron d’entrée. Les spectateurs arrivent par petits groupes, lorsqu’enfin, la voilà ; je devrais dire plutôt « les voilà », mais sans que j’y puisse quoi que ce soit, je zoome sur elle. Divine ! Elle porte un superbe tailleur de couleur prune, avec un haut plutôt court, style « spencer ». L’échancrure de l’encolure laisse entrevoir un corsage « paille » dont le col déborde et couvre les revers du spencer. Elle ne m’a pas encore vu, mais deux détails me sautent immédiatement aux yeux : son visage est totalement fermé, comme si elle entrait en cours, et elle semble distante avec le monsieur qui l’accompagne. Non, ce n’est pas son mari, il a l’air tellement vieux. Ils ne se regardent pas, ne se parlent pas, ne se tiennent même pas la main. Non, ce n’est pas possible, ce n’est pas son mari.
Ils commencent à monter les quelques marches qui nous séparent lorsqu’elle relève la tête et que son regard croise le mien. Je ne le crois pas ! Son visage passe instantanément de l’ombre à la lumière. Elle franchit la dernière marche, saisit d’une main celle que je lui tends, la recouvre de son autre main et la garde longuement :
Zut, il faut que je réponde quelque chose de pas trop banal. Je me surprends quand je m’entends répondre :
Sans doute pour ne pas être entendue, elle murmure :
Tout cela n’a probablement duré que quelques secondes. Pendant ce temps, du coin de l’œil, j’ai observé le « vieux » qui l’accompagne, largement en retrait désormais. Il est manifestement connu et est salué par les notables mâconnais. Il se rapproche de ma sirène qui sent sa présence derrière elle.
La poignée de main est courte et sèche, et je n’ai aucune réponse. Mais ma Louise poursuit :
Manifestement, il n’en a rien à faire, mais qu’il se rassure, moi non plus. Il s’impatiente :
Mon œil inquisiteur le détaille, je le trouve petit, un peu voûté, légèrement bedonnant, et ses cheveux grisonnants trahissent son âge ; il doit avoir au moins 50 ans ! Mais qu’est-ce qu’elle fait avec lui ? Ils entrent et je les suis à distance. Ils ont évidemment une place réservée, et une hôtesse la leur montre, côté gauche, au bord de l’allée centrale. Elle laisse son mari passer et s’installe en bord d’allée. En me faufilant, je trouve une place, également en bord d’allée, mais côté droit, juste deux rangs derrière eux. Je vais passer une bonne soirée. Je l’ai, sans obstacle, dans ma ligne de mire : un profil droit, légèrement arrière. Le spectacle tarde à commencer. Monsieur a manifestement, à sa gauche, quelqu’un d’intéressant avec qui il discute sans arrêt. De son côté, ma Louise semble se sentir seule, observant la salle, à gauche, à droite, devant ! Elle doit chercher quelqu’un ! Sa tête se tourne légèrement en arrière, et son regard croise enfin le mien. Son visage s’illumine et, discrètement, la main à hauteur du genou, elle me fait un petit signe que j’interprète : « ah, ça y est, je t’ai trouvé ! »
Le spectacle commence et je me retrouve face à ma vérité… En fait, je ne connais rien à la danse, et donc ne l’apprécie pas plus que ça. Je vois une succession de ballets, commençant par les plus petits rats, et je m’ennuie, mais ce n’est pas grave. Il faudrait quand même que je repère la fille de ma déesse ; certes, j’ai vu quelques photos, mais ça ne suffit pas. Jusqu’au moment où arrive sur scène un « petit rat » que je ne peux manquer : sa maman s’est levée et prend des photos, beaucoup de photos. Au moment de se rasseoir, elle se tourne légèrement de mon côté et me fait un signe pour me confirmer que c’était elle. Je réponds, le pouce levé pour lui signifier que j’ai compris.
À l’entracte, je me dirige vers la buvette, espérant l’y croiser, mais non ! Elle n’a pas bougé de sa place et je rejoins la mienne. La salle a été totalement éclairée. Je me rends compte que la jupe de son tailleur est fendue sur le côté droit. Je ne crois pas avoir gardé plus d’une minute les yeux sur la scène, guettant le moindre mouvement de ses jambes. Ce que j’espère arrive : elle croise les jambes, remontant la droite sur la gauche, et me dévoilant l’inespéré… oui, j’ai déjà remarqué qu’elle a les jambes un peu bronzées, j’ai d’abord pensé qu’elle portait des collants d’une couleur un peu plus soutenue que ses jambes, mais je me suis trompé, elle porte des bas, et parfois, j’entrevois un petit morceau de la petite attache qui les tient, apparemment de la même couleur que sa jupe. Oh, Louise, quel raffinement !
Le spectacle se termine enfin. Il m’a laissé, en tant que tel, totalement indifférent, mais j’ai passé une bonne soirée tant j’ai enrichi mon stock d’images ! Ce n’est pas terminé, suivent les présentations, les remerciements, les ovations, les remises de bouquets… Je m’ennuie, mais je reste. Arrive le moment de la sortie. Louise sort seule tant son mari semble absorbé par ses conversations. Je réussis à m’en rapprocher, profitant de la cohue pour lui frôler la main. Immédiatement, elle me regarde :
Me tendant la main, et retenant la mienne un instant trop bref, elle me déclare :
Nous nous quittons là et je suis à quelques pas de mon lit, mais mes pieds ne touchent plus terre. Je me connais, je vais faire un bilan de ma soirée. Je note même, dans mon journal, quelques impressions et certains de ses mots. Je ne trouve que du positif : elle a apprécié de me voir là si j’en juge par le rayon de soleil qui a illuminé son visage quand elle m’a vu ! Elle me tutoie de plus en plus vite, certains de ses mots me touchent droit au cœur : « prendre confiance en toi », « tu as d’autres talents ». D’autres sont pleins de promesses « je t’apprendrai à apprécier la danse… », j’en suis sûr, elle n’est pas insensible, et je suis tout aussi sûr qu’il y a un fossé entre elle et son vieux. J’écris encore quelques vers qui lui sont destinés et me couche, agréablement bercé par le film de la soirée. Tard dans la nuit, je me réveille, constatant que l’image de sa jambe droite magnifiquement fuselée dans son bas a fait son effet.
J’ai promis, je bosse. Je souffre juste un peu quand j’ai cours avec elle tant elle me semble indifférente et lointaine. Elle ne pose jamais son masque sévère, ne m’accorde pas plus d’attention qu’aux autres, quelle maîtrise ! À moins que je ne me fourvoie ? Dieu que le temps est long… encore huit jours pour peut-être en savoir un peu plus, ou rien du tout, ou reculer. C’est un supplice permanent.
Pourquoi vouloir en savoir davantage sur la suite, alors que je ne la connais pas moi-même ? Vous ne pouvez tout de même pas être plus impatients que moi !