n° 21477 | Fiche technique | 31823 caractères | 31823 4920 Temps de lecture estimé : 17 mn |
25/01/23 |
Présentation: D’aucuns diraient que Pénélope Tancrène n’avait pas eu une vie facile. Ce n’était pas l’avis de la jeune femme… | ||||
Résumé: Franche, directe et honnête, la jolie Pénélope devrait se rendre compte que toute vérité n’est pas toujours bonne à dire. Un petit souci pour une femme ingénue et naïve… | ||||
Critères: f fh hplusag collègues travail collection cérébral voir exhib humour -humour | ||||
Auteur : Juliette G Envoi mini-message |
DEBUT de la série | Série : Pénélope Chapitre 01 / 06 | Épisode suivant |
D’aucuns diraient que Pénélope Tancrène n’avait pas eu une vie facile. Ce n’était pas l’avis de la jeune femme. Elle avait simplement vécu une vie d’un autre âge. Fille d’un père alcoolique violent, et d’une mère douce et soumise, Pénélope n’avait pourtant pas souffert de l’abandon de ce père, qu’elle n’avait pas connu. Élevée par sa maman, la petite fille avait été heureuse. Jeannette, mère à la santé fragile, travaillait quand elle le pouvait et petit à petit, sombra dans le découragement. Bien heureusement, le père absent était propriétaire d’un gros centre équestre, et gagnait très bien sa vie. La justice s’était donc occupée à ce qu’il subvienne au besoin de ses épouse et fille. Et bien sûr, il devait délier les cordons de sa bourse, jusqu’à la majorité de Pénélope, et durant toutes ses études, si la gamine était douée pour cela. Maigres revenus et santé fragile, Jeannette, tant bien que mal, vivotait et veillait à ce que sa petite fille ne manque de rien.
Depuis ses douze ans, Pénélope était occupée par ses journées d’écolière, et le chevet de Jeannette. Elle avait des amis de cour de récréation, mais pas de réels liens d’amitié, autres que ces derniers. Pénélope n’avait pas d’activité sociale autre que ses études, pas plus que de temps et d’envie, pour la pratique d’une activité sportive. Par ailleurs, elle se trouvait très bien comme elle était. Voilà la vie qui avait été donnée à Pénélope et jamais elle ne s’en plaignit.
À vingt-deux ans, Pénélope était une jeune femme superbe. Une chevelure épaisse et soyeuse de la couleur des blés mûrs. Un visage aux traits réguliers, qu’on ne pouvait pourtant pas qualifier de délicats. Un front large, des pommettes hautes un peu trop accentuées, un nez un brin trop fort et une large bouche sensuelle. Un menton, un rien trop puissant. Une touche de masculinité, selon certains. En revanche, de grands yeux azur et une large bouche aux lèvres pleines lui accordaient une sensualité troublante. Très souvent, on avait qualifié Pénélope de « véritable beauté ». Grande et mince, des seins qui appelaient les regards masculins, comme certains moins virils, et des fesses qui appelaient des sifflets, que l’on pouvait qualifier de compliments sonores, si bien sûr, on avait l’oreille populiste. Pénélope trouvait son nez trop fort, sa bouche trop grande, et son menton trop puissant. Elle aurait aimé ses seins moins lourds et ses épaules moins larges. Alors qu’elle n’avait jamais pratiqué d’activité physique digne d’éloges, elle avait un physique de sportive de haut niveau. La jeune femme se savait néanmoins jolie et n’en faisait pas tout un plat.
Titulaire de trois licences en poche, Pénélope avait accepté de travailler bénévolement pour une association humanitaire. Elle se fit donc violence pour quitter sa mère pour trois longues semaines.
La jeune femme s’étonna de ne pas comprendre un traître mot de ce que lui disait Konstantinos, un étudiant grec qui œuvrait à ses côtés. Pénélope lisait Platon et Homère dans leurs écrits d’antan, mais était incapable de traduire le grec dit moderne. Le latin comme le celte n’avaient aucun secret pour elle, et Pénélope savait qu’elle était l’une des rares personnes au monde, à pouvoir traduire des textes issus de la langue celtique. Ces Celtes, ayant eu la fâcheuse manie de privilégier l’oral à l’écrit, ces textes étaient autant rares que précieux. La jeune femme travailla donc son grec moderne dans les bras de Konstantinos.
L’étudiant grec fut le premier amant de la jeune femme. Pénélope avait donc mimé les gestes et imité les petits cris, comme les petites phrases, distillées par les femmes, quand un homme les prenait. Une érudition glanée sur les quelques sites pour adultes, que la jeune Pénélope avait visités. Ceci fait par curiosité et par soif de culture. L’amour n’était donc pas vraiment folichon, et Konstantinos s’avérait être un véritable imbécile. Une semaine avait suffi pour que Pénélope gagne en expérience de la vie.
Trois ans plus tard, son professeur de lettres et d’histoire préféré, Lambert Tricotin, se colla à Pénélope, et bafouilla qu’il avait très envie d’elle. Il éprouvait un désir brutal, au point d’en devenir fou. Pénélope l’obsédait et il en était totalement amoureux. La vie sexuelle de Pénélope s’était jusqu’ici résumée à des étreintes moites et maladroites avec un jeune imbécile grec. Pénélope, cette fois, apprécia les étreintes de ce professeur transi d’amour pour elle. Lambert était tendre dans les préliminaires, et juste assez viril pour la faire gémir pour la toute première fois. Un gémissement sincère, récidivé plusieurs fois, à leur deuxième rencontre. Plusieurs mois auparavant, Lambert avait découvert une petite prairie, où il était resté tout un après-midi, se goinfrant des illusions perdues de ce bon Honoré. Lambert et Balzac n’avaient pas été dérangés, et le professeur avait toujours retrouvé sa chère prairie, déserte. Il y passait deux fois par semaine, sans être dérangé par qui que soit.
Nue sous une légère brise, et dans les bras de son amant, Pénélope cria en s’étonnant de le faire. Peut-être était-ce dû au fait d’être en extérieur ? Toujours est-il que la jeune femme s’était très vite sentie, plus excitée qu’à l’ordinaire. La peur d’être épiée ou pire, découverte par un quidam, devait aiguillonner sa libido. C’est tout au moins, la déduction que Pénélope en tira ensuite. Ce fut donc dans l’herbe grasse, que Pénélope se perdit enfin, en cris extatiques. Lambert, passionné par la dégustation du fruit de Pénélope, devenu juteux à souhait, osa traduire une envie subite en un acte audacieux. Il pinça fortement un téton brun et dressé, tout en enfonçant sa langue, dans le cœur du fruit gorgé de suc, qu’il dévorait. Pénélope, elle, se laissait manger en appréciant les sensations prodiguées par les bons soins de son amant. Elle s’étonna de cette brusque pointe de douleur agréable et souffla un « Plus fort ! » qui décupla l’ardeur, du professeur attentif qu’était Lambert. Pénélope cria donc doucement sous ces douces douleurs, ravie de les découvrir, et, ce faisant, fouettant les sangs de son amant imaginatif. Dans un élan fougueux, Lambert se jeta sur Pénélope et la prit avec une virilité nouvelle. Ces assauts vigoureux bousculèrent très vite une Pénélope qui paniqua presque de perdre pied de cette manière. Ainsi, l’amour pouvait être un réel plaisir ! Peut-être qu’enfin, la volupté d’un orgasme se ferait-elle connaître ? Chacun des valeureux coups de reins de Lambert fut encouragé par un petit cri, et ces signes d’encouragements vocaux eurent le don de transformer le timide professeur de lettres en un ingénieux Indiana Jones, traqueur de trésors enfouis.
Tête-bêche, allongée aux côtés de Lambert, Pénélope abandonna très vite la moue boudeuse, que la retraite de son amant avait fait naître. Puis, elle s’ouvrit sous les lèvres gourmandes, qui de nouveau, goûtaient son intimité, devenue source qui semblait intarissable. Si ces caresses la comblaient, elles ne valaient pas les coups de reins presque brutaux précédemment donnés par son amant, et ne suffiraient pas à la faire chavirer. Pénélope en était persuadée. C’est alors que Lambert bougea… Konstantinos s’était contenté de la besogner sans rien demander, et son cher professeur, bien que beaucoup plus doué, n’avait jamais encore proposé une telle initiative. Évidemment, Internet en digne fer de lance de la culture tous azimuts, lui avait fait connaître ce qu’elle ignorait. La jeune femme fut néanmoins surprise, de se retrouver nez à nez, avec un membre viril impérieux. Nez à nez n’étant pas par ailleurs une image très exacte. La hampe de chair dure et tendue s’était logée contre son visage, et un gland turgescent et humide était collé à ses lèvres. Lambert la dévorait avec délice, et Pénélope découvrait la virilité de son amant, désireuse d’être câlinée par sa bouche. Ce que la jeune femme allait s’employer à faire bien sûr, toute en curiosité, de cette nouvelle audace.
Lambert, tel Pierre du Terrail et chevalier Bayard, fut sans peur, certes, se demandant pourtant si reproches il y aurait. Sa langue titilla une dernière fois un petit bouton dur puis glissa sur une faille détrempée, avant de se poser sur un œillet sombre et serré. Un petit « Oh ! » de sa chère Pénélope l’encouragea, et le fit pousser son investigation plus loin. Le professeur avait senti bouger les lèvres de sa belle sur sa virilité tendue à se rompre, et avait failli rendre grâce sans coup férir. Sans plus réfléchir, et par ailleurs, bien incapable d’agir avec intelligence, Lambert Tricotin laissa le Cro-Magnon qui sommeille en tout mâle, prendre le pas, sur le civilisé professeur d’université. L’on pourrait dire que l’instinct de Lambert prit le pas sur son intellect. Dans le même temps, Tricotin poussa son sexe sur les lèvres de Pénélope, et faillit se répandre quand il se sentit englouti. Puis, sans raison aucune, hormis celle de succomber à ses plus profonds fantasmes, il enfonça deux doigts dans la petite rondelle tendre, que sa langue venait d’explorer.
Tout se passa très vite, et les ahurissantes découvertes de l’orgasme tant attendu furent données pêle-mêle à Pénélope. Et surtout, sans qu’elle y soit préparée. D’abord… Pénélope cria. Pour être exact, la jeune femme aurait crié, si subitement, la lourde queue raide de son cher amant, n’avait pas décidé qu’elle n’en pouvait plus d’attendre, et n’avait pas forcé ses lèvres avec une audace, qui ne supportait aucun refus. Les lèvres distendues et la bouche pleine, Pénélope avala le membre qui investissait les lieux, se posant la naïve question de savoir si cela plairait à son possesseur. À la suite de quoi, Pénélope n’eut plus aucun répit. La surprise passée, sa curiosité de savoir si la fellation serait l’une de ces occupations sexuelles préférées, n’eut pas le temps d’être assouvie. La jeune femme se cambra soudain sous un nouvel assaut de son chevalier servant. Pénélope hurla silencieusement, soumise à une incompréhension justifiée, quand ses reins furent brutalement conquis par les doigts d’un Lambert, devenu un vaillant Du Guesclin, face au château de Grand-Fougeray. La panique la renversa, et Pénélope faillit s’étouffer en tentant de se débarrasser de ce qu’elle commençait à sucer avec plaisir. Un brutal mélange de sentiments contradictoires bouleversait la jeune ingénue. Plaisir, douleur, incompréhension, honte, curiosité, reconnaissance, joie, et une angoissante frayeur… Un répertoire inconnu et tout en désordre, mais bien assez étoffé pour lui faire perdre contenance. La langue de Lambert bousculait son petit bouton et ses doigts dévastaient son œillet.
L’anus contracté sur les doigts durs, Pénélope jouit en se cambrant, incapable de faire connaître son indignation. Son sexe, comme indépendamment de sa volonté, s’était soudé au visage de Lambert. Son ventre la brûlait et Pénélope faillit défaillir en se sentant couler d’abord, puis littéralement exploser ensuite. L’humiliation la fit sangloter de honte, quand elle comprit qu’elle inondait, et aspergeait son malheureux professeur. La voix de Lambert lui parvint alors comme lointaine, et Pénélope l’entendit clamer un « Oh, Pénélope, c’est merveilleux ! Je n’ai jamais connu un tel bonheur. Encore ! Encore ! ». La honte recula vite au profit d’une nouvelle émotion, alors que la jouissance de Pénélope giclait de son corps en jets diffus. Une fierté incongrue mais bien réelle, fit hurler Pénélope une nouvelle fois. Un hurlement de plaisir néanmoins étouffé par ce qu’elle s’acharnait, sans trop savoir pourquoi, à avaler avec presque de l’avidité.
Tricotin en demandait encore, et encourageait sa dulcinée à se libérer sans complexe. Une incrédulité totale submergea Pénélope, quand sa fente se convulsa et expulsa trois autres giclées drues. C’était comme si son ventre désirait exaucer les vœux de son amant. Cette nouvelle victoire devint le soleil d’Austerlitz de Lambert, qui en toute contradiction avec l’histoire qu’il enseignait avec amour, rendit les armes, en se répandant entre les lèvres de la belle Pénélope. Écartelée et dans un état second, Pénélope jouissait sans pouvoir reprendre pied. L’orage qui malmenait ses sens ne semblait pas vouloir s’atténuer. Il le fallait pourtant ! Pénélope se sentait proche de perdre conscience. La jeune femme sentit soudain le pieu qu’elle suçait, sujet à des convulsions. Elle entendit le râle de son amant, et sa main s’empara de la lourde flamberge. Lèvres serrées, montant et descendant sur la queue de Tricotin, et la main caressante en renfort, Pénélope s’appliqua donc à tenter de soulager son cher professeur. L’élève accueillit le plaisir du professeur entre ses lèvres, sans même avoir songé à ce qui allait se passer. Pour la première fois, Pénélope goûtait à la liqueur d’un homme. Si la fadeur tiède de ce que son amant lui offrait lui déplut, elle avala cet hommage en songeant que c’était pour elle, que Lambert avait joui. C’était elle qui avait amené son amant à la jouissance. Lambert avait joui pour elle seule. Un nouvel orgasme la bouleversa aussitôt. Brutal et ravageur, le plaisir lui tordit les entrailles. Le corps de Pénélope s’arqua tandis qu’elle criait encore, avant de s’effondrer sur un Lambert Tricotin aux anges.
Il n’y eut pas d’autres faits d’armes. Pénélope, découvrant très vite que son fier Napoléon n’avait pas, comme il le prétendait, délaissé sa Joséphine.
Pénélope venait de fêter ses vingt-huit printemps. Elle était, aujourd’hui, une jeune femme brillante. Une intelligence rare et une mémoire exceptionnelle lui avaient permis de se hisser sans effort, dans les hauteurs des études littéraires. Pénélope était également d’une gentillesse extrême, comme incapable de mentir. Bien sûr, elle savait que sa franchise innée la desservait très souvent, mais dans sa grande naïveté, Pénélope combattait avec sérénité, l’adage qui clamait que toute vérité n’était pas bonne à dire.
Après deux relations décevantes avec des amants douteux, Pénélope avait décidé de donner du temps au temps, et s’était consacrée à étancher sa soif de connaissances. Pénélope était une belle femme et les occasions de trouver l’âme sœur n’auraient pas manqué, si elle s’était intéressée à la chose. Ce qui n’avait pas été le cas. Ce que Pénélope ne savait pas, c’est que franchise et curiosité ne faisaient pas forcément bon ménage. En bonne ingénue, Pénélope se lançait donc dans la vie, sans trop la connaître, et d’ores et déjà curieuse, de la croquer à pleines dents.
Il lui avait fallu huit ans pour en arriver là. Loin d’être un calvaire, les études avaient passionné Pénélope. Un Doctorat et trois licences, c’était exceptionnel, clamaient ses professeurs. Licences d’anglais, d’italien et de sociologie. Littérature, philosophie, philologie et rhétorique, c’en était fini de ses chères études. Adieu l’histoire et les sciences. Plus d’épigraphie, de papyrologie, de paléographie… Plus de langues qu’elle n’appréciait pas d’apprendre pour uniquement étoffer son bagage.
Aujourd’hui, son doctorat en poche, Pénélope pouvait enfin se lancer dans la vie active. Il lui fallait, simplement, trouver au plus tôt un emploi…
Octave Groseille, jeune et fringant retraité de la marine marchande, avait fière allure. Les yeux verts et luisants d’un félin, le visage altier, et une fossette au menton à la Kirk Douglas, acteur dont il était un sosie convenable. Une tignasse châtain coiffée en arrière lui donnait un air léonin, et il y passait souvent de longs doigts nerveux. Grand et bâti en force, les épaules puissantes, l’homme possédait l’arsenal complet du tombeur de ces dames. Ceci sans compter que ce physique avait un allié de poids. Octave maniait les mots avec un art consommé. Il pouvait maîtriser un langage châtié, comme il était capable de distiller une culture riche, à tout auditoire capable d’écoute. Octave était également un menteur né. Loin de la mythomanie, il mentait avec naturel, tout en sachant qu’il aimait cela. Un autre atout dans les jeux de séduction qu’il lançait souvent face à une proie convoitée. Octave savait parfaitement qu’il faisait frissonner de désir, une bonne partie de la gente féminine. Et si la dame avait fondu devant son charme, elle découvrait ensuite, ce qu’elle avait peu de chance d’avoir déjà connu. Octave Groseille avait été richement doté par dame nature, pour ce qui concernait ses attributs virils. Pour notre homme, un matériel génétique heureux sous la ceinture aidait à la conquête du sexe opposé. Il n’en avait pas reçu de preuves irréfutables jusqu’ici, mais Octave n’avait jamais reçu la moindre plainte.
Après une période de travail intense, Octave Groseille quitta la marine marchande, et investit son pécule dans une librairie. L’homme aimait la culture et adorait les livres. Octave, depuis des lustres, pensait que l’activité de libraire lui serait un paradis à vivre. Il commença par prévenir ses clients qu’il reprenait également leurs livres d’occasion. Il suffisait que l’objet soit en bon état et le prix qu’il déciderait serait déduit de leur achat. L’affaire tourna correctement quelque temps, et Octave, sans s’enrichir, en était satisfait. Il se passa ensuite une chose étrange. Après avoir dévoré nombre d’ouvrages, et s’être gavé de lectures, Octave Groseille se trouva fort dépourvu, quand la fainéantise fut venue. Lire et enrichir ses méninges était une chose. Vendre et entretenir son échoppe, une autre. Groseille, travailleur infatigable jusqu’ici, se rebutait au travail, sans même savoir pourquoi. Sans la moindre envie de retrouver son fier courage, Octave se contenta de vendre un livre par ci, et d’entasser une nouvelle acquisition par là.
La retraite d’Octave était maigre, mais il vivota sans se poser de questions sur l’avenir, laissant la poussière devenir maîtresse de son petit Éden…
Octave Groseille s’était mis en frais. Son costume gris anthracite brilla sous l’éclairage de la librairie, quand il quitta son fauteuil pour s’avancer vers la jeune femme qui venait de passer la porte. Chemise et cravate de rigueur, mocassins noirs et neufs aux pieds, Octave était tout sourire, et se passa la main dans les cheveux en observant l’arrivante. C’était certainement son rendez-vous d’entretien d’embauche. Et la dame valait tous les efforts qu’il avait entrepris pour la recevoir. À peine plus petite que lui, le corps sanglé dans un tailleur hors mode, la demandeuse d’emploi était époustouflante de beauté.
Les yeux d’un bleu lumineux se fixèrent sur lui, et Octave retint un soupir en regardant la jeune femme venir vers lui.
Octave avait trouvé le courage de débarrasser son coin accueil, et de dénicher un autre siège, qu’il avait placé face à son petit bureau de bois défraîchi. Il était l’heure de jouer de son charme et d’ingéniosité. Cette femme semblait décidée à accepter un emploi mineur, alors qu’elle pouvait prétendre à occuper de plus hauts postes. Pensez donc… Un doctorat en poche, cette fille perdait son temps à chercher à devenir vendeuse de bouquins ! C’était une situation à tenter d’exploiter au mieux. C’est à cela qu’allait lui servir une partie de la manne providentielle, que cette bonne tante Agathe lui avait laissée, en rendant son âme à Dieu. Ou à qui que ce soit d’autre, vu que la bonne tante était une athée acharnée, et une bouffeuse de curaille. Les quelque cinquante mille euros de legs permettraient de remettre à flot la librairie, sans que lui, Octave, fournisse le moindre effort.
Pénélope Tancrène eut un petit sourire en répondant que ses recherches dataient de la veille. Elle avait reçu un appel de l’organisme qui la gérait, et dont elle avait oublié le nom, et avait accepté de venir aux nouvelles.
La jeune femme eut un autre sourire.
Elle insistait ! Hé bien, c’était chose surprenante.
Octave rendit son sourire à la jeune femme, et toussota doucement pour s’éclaircir la gorge.
Pénélope pencha sa jolie frimousse de côté, l’azur de son regard figé aux yeux d’Octave. Elle attendait qu’il s’explique. Il ne s’en priverait donc pas.
Pénélope, une moue dubitative en place, écarquilla les yeux en signe d’incompréhension, avant de s’informer sur les dires du libraire d’une voix un tantinet anxieuse.
Sans trop comprendre ce que tout ceci signifiait, Pénélope hocha affirmativement la tête, fixant son interlocuteur avec attention.
Octave se carra dans son fauteuil, soulagé de la tournure des événements.
Pénélope, à son tour, parut se détendre. Ce monsieur Groseille était, décidément, un homme conciliant.
Octave se leva d’un mouvement souple, et sa main parcourut l’espace devant lui.
Le rire grave de Groseille troubla le calme de la librairie.
Cette Pénélope Tancrène était décidément charmante. Directe et franche du collier. Peut-être un peu bizarre pour en être arrivée à accepter son offre, mais peu importait. Elle était prête à travailler pour lui, ce qui faisait l’affaire d’Octave. Et cette femme belle à damner un saint, ce qui était une très agréable surprise.
Octave tapota son bureau d’un doigt fort.
Un long moment, Pénélope Tancrène garda le silence, puis elle se mordit les lèvres.
Pénélope pencha à nouveau son visage de côté et exhala un petit soupir.
Octave leva les yeux au ciel et son visage s’éclaira d’un large sourire.
Le rire grave d’Octave résonna une nouvelle fois.
Un capharnaüm sans nom ! C’est ainsi que l’endroit fut qualifié par Pénélope, sous le sourire bienveillant de Groseille. Il avait commandé des monstres de métal et d’acier sur toutes les mers du monde, mais classer des livres lui était apparu comme une tâche insurmontable. Ce fut l’excuse donnée à sa toute nouvelle, et toute première employée. Une excuse apparemment acceptée par cette dernière.
Quinze jours plus tard, la librairie était un autre monde. En accord avec son employeur, la jeune femme avait décidé de prévenir les clients que Monsieur Groseille fermait pour travaux. Ceci, annoncé par une affichette accrochée à la porte d’entrée de la librairie. Un joli cartonnage beige, habillé de l’écriture délicate et racée de Pénélope. Dans un élan de générosité, et tout étonné de son acte, Octave passa un contrat avec une société de nettoyage pour aider son employée à progresser dans ses tâches. Chaque soir, il regardait partir Pénélope, et chaque soir, il s’émerveillait du travail accompli. La longue pièce boisée était rutilante de propreté. Saleté et poussière avaient abandonné la place, sous l’avancée conquérante de Pénélope et de ses troupes. Les éclairages semblaient donner plus de lumière, et en donnaient certainement. Les photographies accrochées aux boiseries des murs brillaient, les étagères de bois luisaient de lueurs chaudes, et les ouvrages se montraient sous un meilleur jour. Les livres qu’Octave adorait tant paraissaient figés dans des garde-à-vous impeccables, semblant ne plus attendre que d’être feuilletés.
Pénélope n’était pas dupe et avait sermonné son patron en lui faisant comprendre qu’un libraire devait vendre et non collectionner.
Les sections créées par Pénélope étaient en place. Il n’avait pas été question de classification de Dewey. Le contenu des étagères étant par trop hétéroclite, Pénélope avait simplifié au mieux. Littérature. Romans. Arts majeurs. Arts mineurs. Des sous-sections étaient de mise. La littérature obligeait un classement alphabétique par auteur. Les romans étaient rangés par type. Policiers, aventures, SF, anticipation, etc. Il en allait de même pour les arts. Peinture, sculpture, musique, etc. Une étagère complète était dédiée aux livres d’occasion, échangés par les clients. Un travail de titan selon Octave. Une tâche difficile pour Pénélope.
Octave s’amusait d’entendre Pénélope s’approprier son entreprise. Signe qu’elle s’investissait pleinement dans ses fonctions. Groseille était positivement ravi, et commençait à croire que vendre des livres serait bientôt possible.
Pénélope, elle, rentrait chaque soir chez elle fourbue, discutait avec sa mère de son travail, préparait leur repas, et se couchait aussitôt après avoir accompli un léger programme d’assouplissement. Jamais elle ne flancha, s’adaptant à ses nouveaux efforts physiques sans se plaindre.
Pénélope se mit à courir cinq kilomètres chaque matin pour calmer les courbatures de son corps. La jeune femme, tout étonnée d’aimer courir, était plus surprise encore de découvrir que son corps la remerciait de ce qu’elle lui infligeait. Ce n’était certainement qu’une impression, mais Pénélope se sentait plus forte et dans une forme splendide. Les corvées et ces courses à pied auraient pourtant dû l’épuiser.
Un véritable paradoxe, pour une intellectuelle peu habituée à tout effort musculaire.