n° 21633 | Fiche technique | 26047 caractères | 26047 4550 Temps de lecture estimé : 19 mn |
24/03/23 |
Résumé: Claire a perdu la mémoire, François espère oublier son infidélité… C’est trop beau. | ||||
Critères: fhhh extracon boitenuit amour dispute cérébral confession -couple -médical | ||||
Auteur : Patrick Paris Envoi mini-message |
Épisode précédent | Série : Mémoire vive Chapitre 02 / 02 | FIN de la série |
Quand j’ai publié « Le pouvoir de l'oubli », je croyais en avoir terminé avec l’histoire de Claire et de François. Elle avait perdu la mémoire, lui espérait oublier son infidélité… Trop beau.
C’était sans compter sur les lecteurs restés sur leur « fin ». Surtout Lætitia qui a réussi à me persuader qu’une suite s’imposait. Comment le lui refuser ? … Lætitia, jamais à court de bonnes idées que je me suis empressé de ne pas suivre, enfin presque pas, enfin juste un peu, enfin… Je ne m’en souviens pas.
Aïe, ma tête ! … Difficile d’ouvrir les yeux, j’ai les paupières collées… Où suis-je ? Tout est blanc… Ce lit, ce n’est pas le mien… Une voix résonne dans la pièce :
Le docteur ? Je suis à l’hôpital ? Pourquoi, je ne suis pas malade ? Aïe, ma tête ! Comment suis-je arrivée ici ?
Il se moque de moi, je ne peux pas être mariée… je le saurais, tout de même ! J’ai la tête lourde, j’ai envie de dormir.
Vu la tête du docteur, je ne dois pas être crédible. Que se passe-t-il ?
Une femme en blouse bleue m’apporte un plateau. Elle est gentille, je ne comprends pas tout ce qu’elle me dit, mais elle me sourit. Elle m’aide à aller aux toilettes, je n’ai pas la force de me lever. Dans le miroir, je me fais peur… quelle tête ! Je me recoifferais un autre jour.
J’ai une telle envie de dormir… Comme une automate, je mange sans savoir ce qu’il y a dans mon assiette.
Je n’ose pas me regarder. Avec appréhension, je soulève le drap et ma nuisette. J’ai le corps couvert de bleus, des bleus partout, pas étonnant que ça fasse mal chaque fois que je me retourne. Et, c’est quoi ce truc sur mon sein ?
Toc toc… On frappe. Déjà à moitié endormie, je me tourne vers la porte qui s’ouvre. Un homme passe la tête timidement, il entre sans faire de bruit, ses yeux fixés sur moi. Tiens, il n’a pas de blouse blanche, qui est-ce ?
---oOo---
Je n’aime pas les hôpitaux. Surtout pour aller voir Claire, cette traîtresse que je voulais mettre dehors il y a à peine 24 heures. Je ne pouvais pourtant pas l’abandonner. Elle m’a fait de la peine dans ce lit, sous perfusion, avec tous ces fils. J’ai failli pleurer quand j’ai pris conscience que j’aurais pu la perdre. Quel accident ! Ses amis ont eu moins de chance, Laura, dans le coma, Fabrice et Tonio passés au travers du pare-brise. Eux, je ne vais pas m’apitoyer sur leur sort.
Rentrant chez nous, je n’ai aucun courage. Qu’allons-nous devenir ? Enfin, que vais-je faire ? C’est bien beau de dire « repartons à zéro », un doux rêve. Ah ! S’il était possible de faire machine arrière.
Les toubibs sont formels, elle guérira. Elle retrouvera la mémoire, ce n’est qu’une question de temps. Elle va redevenir la Claire qui m’a trahi, qui m’a menti, la salope de la soirée avec Laura et ses amis. Celle qui m’a abandonné. Ses valises sont prêtes.
Ma colère revient, que son amant soit mort ne change rien, je devrais dire ses amants, Laura m’a tout raconté. Sans elle, je n’aurais jamais rien su. C’est une bonne copine. Quelle idiote ! Elle parlait à tort et à travers, l’alcool ne lui réussit pas non plus.
Le frigo est vide. La tête en ébullition, je vais me coucher sans manger. D’ailleurs, je n’ai pas faim. Demain, je dois aller au bureau assez tôt. Après la réunion du service, je repasserais à l’hôpital.
Quelle réunion ! Ce matin, j’ai du mal à me concentrer, mon esprit est ailleurs. Je repasse en boucle dans ma tête cette fichue soirée. Claire qui sentait l’alcool, manifestement pas dans son état normal, dans une tenue que je ne lui connaissais pas… Le dessin sur son sein qu’elle m’a montré sans aucune pudeur… Fabrice qui danse avec elle d’un peu trop près, qui l’a fait fumer… Sa passivité… Les confidences de Laura qui veut coucher avec moi… Elle m’apprend que Claire a un amant depuis un mois… Claire qui me repousse en sortant pour aller dans la voiture de Fabrice… Sa voiture qui me sème… Et cette nuit qu’elle a passée avec eux… J’ai peur d’apprendre ce qui s’est passé. Je me revois seul chez nous à tourner en rond… son coup de téléphone m’annonçant qu’elle a couché avec eux…
Ma décision est prise, impossible de tout effacer. Quand elle sera guérie, ce sera fini entre nous.
Je m’absente rapidement en fin de matinée pour retourner dans cet enfer blanc, aseptisé. Claire est réveillée, elle ne me reconnaît toujours pas, joue-t-elle la comédie ? Je m’attends à tout de sa part. Nous nous regardons comme deux étrangers. Déjà, je doute. Mon amour, qu’as-tu fait ? Une infirmière arrive, elle me demande de passer voir le médecin qui l’a auscultée ce matin.
Avec force détails, celui-ci m’explique que Claire est bien physiquement à part quelques hématomes, qu’elle n’a rien de cassé, et que son coup à la tête n’a pas laissé de séquelles graves :
Il m’explique que la perte de mémoire est due en partie au choc. En partie seulement, il faut aussi tenir compte de la quantité d’alcool qu’elle avait absorbée avant l’accident.
La perte de mémoire ou « amnésie » peut avoir des origines très différentes. Un traumatisme crânien, comme le coup qu’elle a reçu, peut entraîner une perte soudaine des souvenirs, comme si la mémoire était effacée. Comme la RAM, la mémoire vive d’un ordinateur, remise à zéro, il faut la reconstruire.
Suite à un événement traumatique majeur, la personne n’a plus conscience des faits qui se sont produits. Cette amnésie peut être totale ou partielle. Généralement, l’amnésie est factuelle, elle porte sur l’oubli d’un événement. La victime n’a plus accès à ses émotions ni à son vécu. Elle porte rarement sur une compétence ou un savoir-faire, comme faire du vélo ou savoir nager.
Après l’accident, votre femme n’a jamais perdu connaissance, pas besoin d’être mis K.-O. pour perdre la mémoire. Une commotion cérébrale légère peut suffire. Lorsque le cerveau est projeté en avant, il heurte les parois rigides de la boîte crânienne. Le cas le plus connu est le syndrome du bébé secoué.
Si l’on excepte les malades d’Alzheimer, il existe deux formes d’amnésie, l’amnésie antérograde lorsque le sujet ne parvient pas à se souvenir d’événements récents, c’est notamment le cas dans les troubles post-traumatiques, comme un accident, et l’amnésie rétrograde, caractérisée par l’oubli du passé, le patient peut aller jusqu’à oublier sa propre identité.
Dans de nombreux cas, les deux formes, antérograde et rétrograde, sont présentes. Je pense que c’est le cas pour votre femme.
Le plus souvent, le cerveau parvient à se réparer seul et les troubles disparaissent dans les heures ou les jours qui suivent le choc. Dans les prochains jours, votre femme peut aussi ne plus se souvenir des acquisitions depuis l’accident, comme le fait qu’elle soit à l’hôpital ou que vous êtes passé la voir. C’est normal, rassurez-vous, ce ne sera que passager. Elle devrait retrouver la mémoire rapidement.
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Cela fait combien de jours que je suis clouée dans ce lit ? Je m’emmerde, j’aimerais bien sortir. Le docteur vient me voir tous les jours, il est rassurant. Mes bleus sont passés au jaune, ils devraient peu à peu disparaître. Ma tête bourdonne toujours un peu, et j’ai tout le temps envie de dormir, sûrement les médicaments que l’infirmière me porte régulièrement.
Depuis quelques jours, un psychiatre vient me voir, il me fait faire des exercices, me parle de mon travail, de mon mari, ou plutôt, il me fait parler. Ces séances me font du bien, elles me permettent de remettre mes idées en place. Je ne suis pas malade, petit à petit, toute ma vie refait surface. Comment ai-je pu oublier que j’étais mariée ? Pauvre François, qu’a-t-il dû penser quand je ne l’ai pas reconnu ? Je suis heureuse de ses visites, il vient tous les soirs après son travail, on fait la dînette ensemble. J’ai hâte de rentrer à la maison avec lui.
J’ai envie de téléphoner à mon bureau. Je sais que des collègues sont passés me voir, ce n’était encore que des parfaits inconnus. Je voudrais les rassurer, et savoir où en est mon projet, s’il a été accepté, j’ai passé assez de soirées dessus. Il m’obsédait, j’en ai même rêvé.
Ouf ! ça y est, le docteur a donné son accord, je sors dans deux jours. François viendra me chercher, il a pris son après-midi. C’est un amour, il a été d’une patience… Retrouver la maison me fait un peu peur, François n’est pas un as du ménage.
Ma mémoire est revenue, mais je n’ai toujours aucun souvenir de l’accident. Des gendarmes sont passés me voir, ils étaient très gentils, ils voulaient savoir ce qui est arrivé. J’ai eu beau essayer, je n’en ai aucun souvenir. Il paraît que j’avais trop bu… c’est pas faux.
Les gendarmes m’ont expliqué que l’accident a fait deux morts et que Laura est toujours dans le coma. Mes amis, je suis triste pour eux, j’en ai pleuré toute la journée, mais pourquoi étais-je avec eux dans cette voiture ? Où était François ? J’ai beau tourner dans tous les sens, je ne comprends pas. Que s’est-il passé ?
Je passe et repasse inlassablement cette journée dans ma tête, espérant enfin me souvenir.
Reprenons. Nous devions sortir entre filles avec Laura. Elle ne m’avait pas avertie que Fabrice et Tonio seraient là. Enfin, ils sont sympas. J’étais heureuse de les revoir, ils ont choisi un super restaurant, le vin était bon, j’ai dû un peu abuser.
Ensuite, nous sommes allés chez Laura. On a refait le monde un verre à la main, je n’ai pas fait attention, elle n’avait que de la vodka, c’est traître. C’est Fabrice qui a proposé d’aller en boîte, je n’étais pas enthousiaste, mais j’ai accepté. On a continué à boire en nous rappelant nos années d’insouciance, et là, je me souviens très bien, François m’a téléphoné. Nous devions aller ensemble au cinéma, il semblait déçu. J’étais heureuse qu’il ait voulu venir passer la soirée avec nous.
Laura m’a prêté des vêtements plus adaptés, nous étions excitées toutes les deux, à rire comme des folles. Quand nous nous sommes changés dans sa chambre, les garçons ont fait irruption, je n’allais pas m’offusquer qu’ils nous voient en culotte. Fabrice est doué, il a dessiné un beau papillon sur mon sein et une fleur sur les fesses de Laura… Qu’est-ce qu’on a ri ! Ce n’était pas bien grave, c’était pour s’amuser. Avant de partir, on a encore bu, trop, sûrement, et Fabrice avait des joints.
Après, tout est encore flou dans mon esprit. Nous avons dû aller à la boîte dans la voiture de Fabrice, puisque François nous a retrouvés sur place… J’ai dansé avec lui, avec Fabrice aussi. Un peu collant, Fabrice, mais mon chéri était là, je ne risquais rien… J’ai vu François discuter avec Laura, il avait l’air songeur.
Quand j’ai fumé un joint avec Fabrice et qu’il m’a embrassée, j’ai failli éclater de rire. Pauvre François, il faisait une drôle de tête, sans rien oser dire… je n’aurais pas dû… Puis, le trou noir, le vide, je me suis retrouvée dans la chambre d’hôpital… Non, avant, je me souviens très bien avoir discuté avec François au téléphone, il n’était donc pas avec nous. C’était quand ? Qu’est-ce qu’il m’a dit ? Surtout, qu’est-ce que moi je lui ai dit ? Je n’arrive pas à me souvenir.
J’ai donc eu un accident, mais comment me suis-je retrouvée dans cette voiture ? Fabrice conduisait, s’il avait bu autant que moi, pas étonnant qu’il ait raté un virage.
Tout ça, c’est la faute de Laura. Nous devions nous voir toutes les deux… Pourquoi avoir invité Fabrice et Tonio ? Il y a un mois, quand nous nous sommes revus, j’étais heureuse de retrouver mes amis de fac, on s’est rappelé les bons moments, mais Fabrice était lourd, au début je n’y ai pas fait attention, c’est quand il a cherché à m’embrasser que j’ai compris ce qu’il voulait. Qu’est-ce qu’il croyait ? Je suis mariée maintenant, la fac et nos conneries sont loin. J’en avais parlé à Laura, elle savait que je ne voulais plus le revoir. Elle m’a piégée avec sa sortie entre filles.
Pauvre Laura, je suis allée dans sa chambre, c’était triste de la voir dans cet état. J’avais l’impression qu’elle dormait. Je ne pouvais pas lui en vouloir, j’ai prié pour qu’elle se réveille. Repensant à Fabrice et à Tonio, les larmes me sont montées aux yeux. Quelle triste fin ! Je n’ai même pas pu leur dire un dernier adieu. Je leur en veux pour cette soirée, malgré tout, ils ne méritaient pas ça.
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Les jours se suivent, je me partage entre l’hôpital, mon boulot et la maison où je ne passe que pour dormir.
Les médecins sont confiants, déjà Claire se souvient de son enfance, de ses parents, de son travail. Hier, elle m’a reconnu, honteuse de savoir qu’elle ne se souvenait plus que j’étais son mari, mais aucun souvenir de la soirée ni de son accident. Elle m’a demandé dix fois ce qu’elle faisait dans cette voiture, sans moi. Que pouvais-je dire ?
Le psychiatre qu’elle voit tous les jours lui a appris la mort de ses amis et le coma de Laura. Ça l’a attristée. Elle était en pleurs quand je suis passé la voir en fin d’après-midi. Elle m’a longuement parlé de Laura et de la fac, elle était heureuse de la sortie qu’elles avaient prévue. Rien sur Fabrice et Tonio. Je n’ose pas l’interroger ni lui reprocher sa conduite. Attendons d’être chez nous.
Elle sort dans deux jours. Il faut remettre la maison en état. Je passe la soirée à faire du ménage, l’évier est plein et la poussière a envahi le salon et notre chambre.
En passant l’aspirateur, je bute dans les valises que j’avais préparées, encore au milieu du salon. Ces valises me ramènent plusieurs jours en arrière. J’hésite à la mettre dehors comme j’en avais l’intention. Il faudra que l’on s’explique.
Machinalement, je porte les valises dans notre chambre et range ses affaires dans l’armoire et la commode. Il sera toujours temps de les refaire à son retour.
À l’hôpital, je viens de signer les papiers de sortie. Claire est silencieuse pendant le retour à la maison, elle regarde les rues par la fenêtre de la voiture, le regard vague, la ville lui semble étrangère.
Chez nous, elle a l’air perdue. Elle va de pièce en pièce comme si elle redécouvrait notre appartement. Le repas est prêt. En mangeant, nous parlons de tout et de rien, sans oser aborder ce qui encore nous préoccupe.
Une fois couchée, elle vient se blottir contre moi et commence à me caresser, elle essaie de m’embrasser. J’ai peur de lui faire mal, je dois avoir un mouvement de recul.
En la serrant dans mes bras, je retrouve Claire, la femme que j’ai épousée, celle que je craignais avoir perdue.
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Cela fait une semaine que j’ai quitté l’hôpital, heureuse d’être chez nous. Je reprends peu à peu goût à la vie, je retrouve mes habitudes, avec cette drôle d’impression d’avoir été absente longtemps, d’émerger d’un rêve qui n’en finissait pas. Tous les après-midi, je retourne voir le psychiatre, il m’aide à me reconstruire.
Ce soir en rentrant, je me sens en forme, je saute au cou de François qui devait s’étonner de mon absence :
Je prends Claire dans les bras et l’embrasse. Elle continue :
Tandis que mon chéri prépare nos verres, je me remémore ses soirées interminables pour clore les dossiers à temps, toujours sur le dos de mon équipe. J’étais crevée, heureusement ça n’a duré qu’un mois.
En trinquant à ma guérison, je trouve François bien soucieux.
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Claire vient de rentrer tout heureuse du bureau, son projet est signé. Je suis content pour elle, mais je ne sais plus quoi penser. Son projet était bien réel, elle ne passait donc pas ses soirées avec Fabrice… J’ai cru Laura un peu vite. Je ne suis pas fier d’avoir douté sans savoir. J’aurais mieux fait d’intervenir quand Claire a dansé avec Fabrice, nous n’en serions pas là.
Toujours en arrêt maladie, Claire a repris sa vie comme si rien ne s’était passé. Tous les soirs, la table est mise quand je rentre, elle a préparé le repas. Nos soirées sont calmes, comme tous les couples, comme avant. Pourtant, sa mémoire est revenue, elle sait que Fabrice et Tonio sont morts. Elle ne m’en parle jamais, j’aimerais savoir ce qu’il s’est réellement passé avec eux.
Elle est encore trop fragile, je préfère attendre la fin de sa convalescence pour avoir une discussion sérieuse.
Ce soir, en rentrant du travail, j’ai la surprise de voir le salon dans l’obscurité, les rideaux sont encore tirés. J’ai l’impression que rien n’a bougé depuis ce matin :
Dans la chambre, je découvre Claire assise sur notre lit en pleurs.
Claire baisse la tête. J’attends ses explications :
Le ton est sec, autoritaire, mais Claire est déjà perdue dans ses pensées :
Comment lui dire ? … Dans la boîte, la tête qu’il faisait quand j’ai dansé avec Fabrice, je ne faisais pourtant rien de mal, il m’a énervée… En sortant, il devait nous suivre, ce n’est pas ma faute s’il s’est perdu.
En arrivant chez Fabrice, j’étais encore remontée contre lui. Ça n’avait aucun sens… il n’avait rien fait, rien dit, juste voulu me protéger contre moi-même. Laura a rigolé de l’avoir semé, j’aurais dû réagir, j’ai rigolé avec eux.
Alors Fabrice m’a embrassée, m’a déshabillée, je l’ai laissé faire, j’en avais envie. Tonio et Laura nous ont rejoints sur le lit. Je ne sais pas ce qu’ils avaient pris, mais ils tenaient une sacrée forme. Je n’ai jamais autant baisé, quelle honte !
Je ne sais plus quand je me suis endormie. Au réveil, nous étions nus tous les quatre, j’avais mal partout.
D’accord, je n’ai pas l’habitude de boire, mais ce n’est qu’une excuse pour pouvoir me regarder dans la glace. Quelle idiote j’ai été ! … Je ne peux pas lui dire tout ça. Je ne veux pas le faire souffrir.
Claire semble ailleurs, cherche-t-elle une excuse ? Je hausse le ton pour la tirer de ses pensées :
Je comprends avoir été abusé par Laura. J’ai condamné Claire un peu vite, il est vrai qu’on n’a pas eu le temps de se parler. Maintenant, je la crois. Me rappelant nos années de bonheur, j’ai envie d’oublier cette nuit. Assis à côté d’elle, la regardant dans les yeux, je lui dis tout ce que j’ai sur le cœur, mes peurs, ma colère, ma déception, ma tristesse… les valises.
Claire me sourit, elle se pend à mon cou et m’embrasse amoureusement :
Je m’allonge à côté d’elle, la serre dans mes bras. Lentement, amoureusement, nous faisons l’amour comme si c’était la première fois. Blottie dans mes bras, elle me murmure à l’oreille :
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Claire vient de coucher Élise, notre fille. Un peu de calme avant le biberon de minuit.
Tranquillement installée sur notre canapé, Claire pose sa tête sur mon épaule, nous suivons le journal avant de passer à table.
Nous sommes interpellés par la voix grave de la journaliste qui annonce :
Drame de l’euthanasie… Rappel des faits.
Passent alors des images d’archives d’une voiture accidentée, une ambulance, des pompiers qui dégagent des corps de la carcasse du véhicule. Des images que nous n’avions jamais vues, accompagnées du commentaire de l’époque :
Trois victimes de l’alcool et de la drogue. Conduisant en état d’ivresse, le conducteur a raté un virage, son véhicule a fait trois tonneaux ayant entraîné le décès des deux passagers se trouvant à l’avant du véhicule… Une jeune femme dans le coma a été transportée à l’hôpital le plus proche. Seule une femme a par miracle été sauvée de ce drame de la route qui aurait pu être évité.
Retour sur le plateau où la journaliste conclut :
Après une bataille juridique de plus de trois ans, la justice a enfin tranché. Refusant l’acharnement thérapeutique dont elle est l’objet, les médecins de l’hôpital Laennec pourront débrancher Laura L. maintenue dans un coma artificiel depuis son accident.
Une bien triste affaire qui trouvera demain sa conclusion.
Claire se blottit contre moi. Elle me serre le bras, des larmes coulent sur ses joues.