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Temps de lecture estimé : 18 mn
11/04/23
Présentation:  Je suis fan de BD. L’une de mes préférées est née bien avant moi. Alors sans prétention aucune…
Résumé:  La chasseresse avait suivi la carte rudimentaire tracée par les chasseurs du clan. Elle avait fini par trouver l’endroit qu’elle cherchait…
Critères:  #aventure f frousses bain forêt cérébral nopéné
Auteur : EdenPlaisirs      Envoi mini-message

Série : Aux âges farouches

Chapitre 01 / 05
Les bannies

La cascade



La chasseresse avait suivi la carte rudimentaire tracée par les chasseurs du clan. Elle avait fini par trouver l’endroit qu’elle cherchait. Une petite vallée encaissée bordée de petits monts rocheux au pied desquels une forêt épaisse s’épanouissait. Pourquoi les anciens n’avaient-ils pas décidé de s’installer ici ? Parfois, Tara se demandait si les sages du clan étaient si malins que les membres du clan le proclamaient sans cesse. Ce n’était pas son avis en tout cas.


La nuit avait été froide et l’aube était encore fraîche. Les lueurs dorées du petit matin faisaient scintiller doucement les dernières couches de neige dure. La chasseresse était sortie de l’eau en lissant ses longs cheveux noirs des doigts. Après une longue nuit de veille passée à réfléchir, se laver sous la petite cascade l’avait revigorée. Puis elle s’était baignée par pur plaisir. Tara, contrairement à nombre d’autres gens de son entourage, aimait la saison froide autant que les autres saisons. Enfant, elle quittait chaque matin le village pour aller se laver à la rivière proche de son village. Elle s’était ainsi habituée au froid et s’était endurcie sans même y songer.


La fraîcheur de l’air sur sa peau nue l’excitait alors qu’elle venait de se laisser aller à se caresser dans le petit torrent. Elle en avait eu subitement très envie, très curieuse de le faire dans l’eau pour la toute première fois. La chasseresse se donnait du plaisir de plus en plus souvent et ne cherchait plus à se cacher qu’elle aimait jouir de son corps. C’était peut-être lié au fait qu’elle soit seule. Quoi d’autre ? Ses propres caresses devaient la rassurer. Elle était excitée comme jamais depuis qu’elle vivait seule sans en comprendre la raison. Si ça restait un mystère, c’était très agréable. Elle se caressait sous chaque crépuscule et chaque aube nouvelle la trouvait avec ses doigts plongés dans son sexe. Jusqu’ici, Tara n’avait jamais été très portée sur ce genre de plaisir, mais depuis quelque temps, elle éprouvait beaucoup de satisfaction en se caressant. Lors de ses anciennes pratiques peu expertes, elle n’était jamais complètement transportée. Elle jouissait maintenant chaque fois et si ça lui plaisait beaucoup, cette sorte de béatitude la détendait autant qu’elle lui apportait de plaisir.


Tara avait vraiment besoin de se détendre après sa décision de la nuit. Si elle avait décidé de s’installer dans cette vallée, elle devait en savoir plus sur ses extérieurs. Il lui fallait quitter sa grotte et sa cascade. Elle devrait escalader les petites montagnes et découvrir ce qu’elles lui cachaient.


Tara partirait en exploration dès le lendemain…




La forêt



La jeune femme n’était pas perdue. Elle n’avait jamais su où elle se trouvait. Après avoir franchi les montagnes, elle s’était aventurée en pleine forêt. Quel autre choix avait-elle ? Aucune autre possibilité ne s’offrait à elle. Glynis ne pouvait que continuer son chemin en espérant sortir très vite de ces bois profonds et trouver ce qu’elle cherchait. D’autres gens ! Ou simplement de l’aide pour un moment.


Le lourd bâton de marche lui avait été très utile lors de sa progression jusqu’ici, mais la jeune femme rousse le trouvait maintenant plus embarrassant qu’autre chose. Il resterait pourtant une arme si elle devait se défendre. Glynis n’était pas une experte dans le maniement de la sagaie et se servait de la sienne pour déterrer des racines et des plantes comestibles, plus que pour chasser. La seule chasse dont elle était capable était la pose de pièges et de collets et sa longue marche pressante ne se prêtait pas à cette activité. Glynis était une excellente guérisseuse, elle était également une bonne pêcheuse et là encore, ces capacités lui étaient inutiles. Pour l’instant, la jeune femme rousse comptait sur sa chance et se contentait de survivre. À chaque occasion, elle emplissait ses outres d’eau et cherchait de quoi se nourrir en cheminant à travers la végétation. Heureusement, les neiges restantes ne dureraient pas et Glynis ramassait bardanes, cressons, mâches et pissenlits quand elle en trouvait. La forêt était pleine de buissons qui lui donnaient des prunelles et des sorbes.


Glynis s’était débarrassée rapidement de ses peaux de loups et s’était laissée glisser dans l’eau. Une eau de source glaciale qui avait formé une petite mare claire malheureusement dépourvue de poissons. La jeune femme frissonnait et claquait des dents en frottant son corps nu. La chair de poule disgracieuse n’était rien, les gros frissons interminables étaient déplaisants, mais le risque de prendre froid était bien réel. Tout ça pour se décrasser alors qu’elle était seule. Était-ce vraiment raisonnable ?


Glynis ne prêtait plus attention aux alentours depuis sa dernière nuit. Elle était épuisée et sentait une pointe de chaleur s’enflammer lentement dans sa poitrine. Elle avait pris froid. Une lumière plus crue ne l’avait pas alertée et elle avançait comme une somnambule sans plus s’intéresser à son chemin. Un brusque envol d’oiseaux dérangés par sa présence l’effrayait et la guérisseuse leva les yeux vers les arbres d’où provenait le bruit. Elle crut que son cœur allait exploser et s’arrêta, découvrant les hauteurs des dernières frondaisons. Portant son poids sur son bâton de marche, la guérisseuse reprit sa marche, un sourire éclairant son visage sali de poussière et de terre.


Très vite, Glynis sortirait enfin de cette épaisse forêt.




L’intrus



Tara, adossée contre le gros chêne, retenait son souffle. Devait-elle se montrer où attendre ? La loi du clan était simple dans ce cas précis, mais avait-elle vraiment le choix ? Courir prévenir les chasseurs Ouroukos aurait été la chose à faire, mais ils étaient bien trop loin. Aucun membre du clan ne devait agir seul dans une telle situation. Si elle quittait l’endroit, l’intrus ne serait peut-être plus là à son retour et pister ses traces serait long et fastidieux. L’autre semblait se cacher. Il était peut-être même dangereux.


Le clan des cascades avait banni Tara du village, acceptant cependant qu’elle puisse rester sur leurs terres. C’est ce que Tara avait fait. Elle était restée éloignée sans quitter le territoire du clan. Aujourd’hui, Tara était seule. En ce qui concernait la présence de cet intrus, la décision à prendre lui appartenait. D’une certaine manière, elle était encore chez elle.




Tara



Tara s’était toujours montrée une enfant différente des autres. C’est ce que ses parents lui disaient à longueur de temps. À chaque incartade ou après les ennuis accumulés par leur fille, le couple tentait d’expliquer à Tara qu’elle ne devait plus se comporter ainsi. C’était toujours en vain. Tara était perpétuellement sous le coup de la bougeotte et ne savait pas rester en place. Elle était trop curieuse, trop encline à donner son avis à des adultes plus sages qu’elle, et incapable d’accepter des reproches quand elle pensait avoir raison. Il était impossible de savoir si Tara ne comprenait pas les conseils donnés ou les ignorait sciemment. Les autres enfants connaissaient les reproches que cette fille subissait et étaient prompts à lui chercher querelle. Tara était plus prompt encore à défendre ses idées et ses droits. Plus Tara grandissait, plus les choses empiraient. Alors Tara décida de ne plus se mêler à ceux qui, pour elle, ne la comprenaient pas.


La jeune fille de douze printemps avait eu une enfance solitaire. Elle s’était éloignée des autres autant pour éviter de provoquer des ennuis que par peur de faire des bêtises nuisant à ceux du clan. Cette solitude n’était pas pour lui déplaire et elle s’en était accommodée. Tara était maintenant considérée comme une femme par le clan. Les hommes dédaignaient pourtant cette femelle si difficile à comprendre autant que pourvoyeuse de déceptions et d’ennuis. Les mœurs étaient libres et il était admis par beaucoup, comme accepté par les coutumes que des femmes puissent parfois partager leurs couches. Toutefois, toutes devaient être en couple avec un homme. C’était la loi. La survie du clan dépendait de nouvelles naissances. Les anciens tenaient à ce qu’un chasseur accepte la chasseresse comme compagne. Tara, elle, se refusait à céder à la loi.


Tara était laissée à l’écart et faisait en sorte de se faire oublier. Plus grande et plus forte que bien des jeunes hommes Ouroukos, elle s’était fait quelques nouveaux ennemis parmi les jeunes mâles de son clan. Tout comme elle provoquait colère et jalousie parmi la population de jeunes chasseurs rencontrés lors du dernier « grand raout ». Les grands rassemblements donnaient lieu à des festivités et à des rencontres permettant d’apporter du sang neuf à tout un peuple. C’était également l’occasion de participer à des joutes amicales et Tara s’y était distinguée. Elle était plus rapide à la course et plus vive dans ses mouvements que bien d’autres jeunes chasseurs et avait rabaissé le caquet de certains prétentieux en les battant dans des luttes à mains nues. C’était suffisant pour que nombre d’hommes la regardent comme une curiosité ou comme quelqu’un qui n’était pas à sa véritable place.


Si peu de choses étaient interdites par les lois en vigueur, certaines n’étaient pas des mieux accueillies. Personne n’empêcha Tara de clamer sa décision d’être chasseresse, mais personne ne l’encouragea, et surtout, elle dut se débrouiller seule. Les chasseurs se contentaient donc de l’accepter à leurs côtés dans les chasses sans rien lui montrer de leurs savoirs, et sans jamais la conseiller. Pourtant, ses quinze printemps derrière elle, la jeune femme était devenue aussi douée que les autres pour le pistage, la traque et les mises à mort des gibiers. Il fut très vite évident qu’elle maniait l’arc mieux que quiconque, bien que moins experte à chasser, armée d’une sagaie. La chasseresse participait à la vie de la communauté, préférant vivre à l’écart. Un arrangement qui satisfaisait les deux partis.


Tara avait passé quelques nuits avec Lore. La cueilleuse était veuve et ses presque quarante printemps la laissaient esseulée. La chasseresse aurait dû avoir un compagnon depuis longtemps, mais aucun des chasseurs n’avait voulu de cette femelle têtue et difficile à vivre. Tara, elle, était satisfaite, sinon heureuse. En ce début de nouvelle saison, le conseil des sages venait de décider que cette situation était inacceptable. La chasseresse âgée de dix-neuf printemps devait donner des fils ou des filles au clan. Elle se plierait donc à la loi qu’elle le veuille ou non. La compagne de Tourk était morte en couche après avoir donné la vie à une fille. Tourk, lui, était encore en âge de chasser et de donner d'autres enfants à une nouvelle compagne et il acceptait la décision des anciens. Les choses étaient donc établies !


La bête était grosse et la naissance de petits ne tarderait plus. Tara n’avait pas tué la louve. Si elle était chasseresse, elle passait énormément de temps à observer la nature. Elle s’était donc autant intéressée aux gibiers qu’à leurs prédateurs. Le loup était le plus courant des carnassiers vivant sur le territoire des gens des cascades. Tara pensait que les mœurs et les habitudes de ces animaux seraient très utiles à connaître. Dès qu’elle le pouvait, elle rejoignait la tanière de cette louve solitaire où elle passait du temps à l’observer et une idée lui était venue. Les loups évitaient les humains, mais vivaient en groupes et paraissaient très intelligents. Il était certainement possible d’élever un tout jeune loup en captivité. Cette louve vivait seule et allait mettre bas. C’était parfait pour que Tara puisse tenter de mettre son plan à exécution.


Depuis un peu plus d’une lune, Zuli suivait la chasseresse jusqu’à la tanière du fauve. La jeune fille admirait en secret cette femme si différente des membres du clan. Pour elle, Tara était peut-être difficile à cerner, mais elle était capable de tenir tête aux autres et de rejeter ce qui lui déplaisait. Zuli était très souvent en désaccord avec ses parents ou les décisions du conseil et comprenait parfaitement que l’on ose se battre pour défendre ses idées. Cachée derrière une roche, Zuli espionnait Tara en espérant apprendre ce qu’elle ferait de cette louve qu’elle ne se décidait pas à tuer.


Les loups vivaient en meutes et une bête devenue solitaire ne l’était jamais sans raison. La louve grise avait été rejetée par les siens, car trop hargneuse, trop agressive, mais incapable de devenir une meneuse. Elle avait eu deux portées et avait tué ses petits. L’animal se sentait traqué par l’humaine qui s’approchait trop souvent et trop près de sa tanière. Elle se sentait en danger quand l’intruse restait proche de son antre. L’autre humaine ne lui faisait pas peur. La louve, couchée dans les herbes hautes, observait Zuli de ses grands yeux jaunes. L’attaque rapide de la louve avait jeté Zuli à terre et la jeune fille avait hurlé.


Tara s’était expliquée devant les anciens. Pour la première fois de sa vie, elle regrettait l’une de ses décisions. Elle avait admis son erreur devant tout le village. La chasseresse avait tué la louve, mais la malheureuse Zuli boiterait toute sa vie. Tara était bannie du clan des cascades pour un temps. Les sages avaient d’autres décisions à prendre avant de décider de la rejeter définitivement, ou de lui accorder une seconde chance.




Glynis



Glynis n’avait jamais réellement été acceptée par ce clan. À son arrivée parmi les Tallak, elle n’était encore qu’une fillette âgée de dix printemps. Une enfant perdue et morte de peur. Elle ne se souvenait que de peu de choses. Ses parents avaient été tués par des inconnus, et ces mêmes tueurs la pourchassaient aussitôt après l’attaque. Glynis était néanmoins restée une étrangère pour ceux qui avaient décidé de la garder avec eux. Elle s’était souvent posé des questions sans comprendre ce qu’on lui reprochait. Elle travaillait dur et se montrait toujours agréable avec les autres. C’était Alia, la guérisseuse qui avait fini par lui expliquer une terrible vérité.


Les Zallas, ceux de son clan d’origine, avaient attaqué les Tallak. Ils avaient tué les premiers et avaient tenté de s’approprier les grottes sacrées du clan. Les gens des grottes étaient beaucoup moins nombreux et leurs ennemis restaient bien plus forts et plus agressifs. Les femmes Zallas combattaient aux côtés de leurs hommes et se montraient plus féroces encore. Depuis très longtemps, ce peuple vindicatif s’en prenait sans raison aux Tallak, tuant les chasseurs qui s’éloignaient un peu trop ou des cueilleuses isolées. Cette fois-là pourtant, l’intelligence des plus faibles et une bonne part de chance avaient joué en faveur des Tallak. Tork avait sacrifié sa vie en attirant la plupart de leurs ennemis après lui. Le chef du clan avait couru vers une petite clairière d’herbes hautes et sèches que les Tallak laissaient en friche, puis il s’était effondré, le corps percé par des flèches. Les gens des grottes qui avaient suivi à distance n’avaient plus qu’une chose à faire. Ils avaient encerclé leurs agresseurs, et cela fait, avaient jeté des torches enflammées dans la clairière. Les hautes herbes sèches s’étaient embrasées très vite. Après quoi, il avait suffi aux chasseurs de décocher leurs flèches sur les Zallas affolés et cernés par les flammes. Le feu brûlait les guerriers qui n’osaient pas tenter leurs chances pour chercher à lui échapper et des flèches Tallak décimaient les plus téméraires. Les rares envahisseurs survivants s’étaient finalement enfuis pour lécher leurs plaies. Trois fois deux mains et deux autres doigts de Zallas morts, et c’était bien. Deux fois deux mains et sept autres doigts de Tallak tués, c’était trop. Des pertes trop lourdes pour que le clan puisse espérer survivre dans les grottes sacrées. Ils étaient donc partis rejoindre d’autres gens de leur peuple. Désormais et pour longtemps, les gens des grottes dépendraient de leurs voisins. Les dieux les avaient abandonnés et les cavernes sacrées étaient perdues à jamais.



Glynis avait compris. Bien plus tard, il lui fallait admettre qu’elle ne serait jamais une Tallak. Si on ne lui reprochait rien, elle était ignorée par beaucoup. Si elle participait à la vie communautaire du village, elle s’isolait d’elle-même de plus en plus souvent. Le pire pour Glynis étant que personne ne paraissait s’en rendre compte. La jeune adolescente aux cheveux rouge savait qu’elle n’avait pas sa place parmi ceux qu’elle avait crus les siens. Où aller ? Elle n’en avait aucune idée. Quand partir ? Elle n’était encore qu’une jeune fille et si elle était déjà bonne guérisseuse, elle n’était pas une excellente chasseresse et était incapable de se défendre. Des questions et des réponses qui souvent la faisaient pleurer…


Glynis était partie chercher des plantes à soigner et des écorces de tilleul. Elle avait fréquemment besoin de feuilles à tisanes, de tubercules ou de racines. Elle avait trouvé l’homme inanimé, mais toujours en vie. Après l’avoir entièrement dévêtu de ses peaux, la jeune femme découvrit la morsure. Les plaines alentour pullulaient de vipères et cette vallée rocailleuse en abritait plus encore. Une plaie boursouflée et violacée déformait le mollet de l’inconnu. La guérisseuse avait lavé la blessure à l’eau de son outre, nettoyé et raclé soigneusement la plaie de sa petite lame de silex et l’avait fait saigner abondamment du mieux qu’elle le pouvait. Si cet homme avait le cœur assez fort, il ne mourrait pas. Glynis l’espérait en tout cas. Après ses soins, la jeune femme avait rangé ses affaires et s’était décidée à ramener le blessé au village. D’autres serpents pouvaient venir et il y avait les fauves. Abandonnée sur place, la victime ne passerait pas la nuit et le crépuscule s’annonçait. Ramener au village un étranger était une décision difficile, mais Glynis ne pouvait se résoudre à abandonner un homme à une mort certaine.


La guérisseuse avait sué sang et eau pour traîner le blessé jusque chez elle. Le sauvetage avait été difficile et le trajet long et épuisant. Le protégé de Glynis était toujours en vie quand ils arrivèrent au village.


Trois nuits plus tard, des hurlements éveillaient les Tallak. Alia gisait sur la couche où le blessé avait été soigné. La guérisseuse avait été tuée, égorgée comme un chasseur l’aurait fait pour une laie ou un marcassin. Un peu plus tard, on découvrait le corps d’un guerrier posté à la garde de l’enceinte du village. Lui aussi avait été égorgé comme un porc sauvage. L’homme blessé et ramené au village par Glynis avait disparu.


Le jour même de ses dix-neuf printemps, Glynis était bannie du clan Tallak…




Le choix



La chasseresse dégagea prudemment son dos du tronc rugueux et jeta un court regard vers l’intrus.



Tara avait soufflé ses mots et s’était reculée aussitôt pour retrouver son abri. Une femelle ! Les hautes herbes dissimulaient en partie le corps de l’autre, mais il n’y avait aucun possible sur le fait que ce soit une femme. Deux petits seins nus étaient parfaitement reconnaissables. Sous les lueurs de l’aube, de longues mèches de cheveux paraissaient proches de la couleur de l’argile. Tara n’avait jamais vu pareille chevelure. Une lourde tignasse qui semblait emmêlée. C’était bien une femme et la chasseresse était certaine de ne l’avoir jamais vue. Elle n’avait même jamais entendu parler d’une femelle aux cheveux rouges. L’étrangère était restée sous le couvert de la végétation jusqu’alors et Tara aurait très bien pu lui tomber dessus sans avoir pu déceler sa présence. C’était une légère odeur de fumée émanant des hautes fougères qui avait alerté la chasseresse. Là, l’intruse ne se cachait plus et c’était très surprenant. Soit elle ne se rendait pas compte du danger, soit elle était imprudente. Faire un feu sur une terre qui n’était pas la sienne était également une grossière erreur. Tout cela était très étrange. Dans trois lunes aurait lieu le grand raout des peuples, et il se tiendrait sur le territoire des Ouroukos. Les gens des cascades, et l’ancien clan de Tara. Était-il possible que l’étrangère soit venue dans ce but ? Non ! Si elle n’était pas seule, il était certain que si d’autres l’accompagnaient, ils ne devaient pas être très nombreux. Rien n’indiquait la présence d’un groupe ou encore moins d’une troupe de chasseurs. Un grand nombre de personnes laissaient toujours quelques traces. C’était bien trop tôt pour le grand rassemblement et les lois étaient les mêmes pour tous. Les clans arrivaient toujours au complet.


Tara se décida d’un coup et quitta sa cachette. Elle aussi se montrait très imprudente, mais l’autre ne paraissait pas si dangereuse. C’était néanmoins un gros risque s’il s’avérait qu’elle se trompe. Du temps de gagné si elle avait pris la bonne décision.



Dans un premier temps, la grande femme aux cheveux noirs laissa tomber son arc sur le sol, puis elle leva ses mains devant elle, les paumes tournées face à l’inconnue. Une idée inquiétante bouscula soudainement la chasseresse et elle leva plus haut les bras. Est-ce que l’autre comprendrait seulement son avertissement ? Tara, alors âgée de treize printemps, avait été étonnée par la visite d’un petit groupe de chasseurs qui ne parlait pas son langage. Des hommes et des femmes venus de très loin et qui étaient restés quelques printemps chez ceux des cascades. Toujours curieuse de tout, la jeune femme s’était très vite intéressée à ces étrangers et avait rapidement sympathisé avec une fille proche de son âge nommée Louna. Après quelques saisons, le petit groupe était reparti pour un autre voyage. Ils se disaient voyageurs et explorateurs. Louna et ses parents, eux, étaient restés.




La rencontre



La femme aux cheveux rouges était restée immobile un long moment puis elle avait bougé, imitant le geste de paix de la chasseresse Ouroukos.



Une légère surprise fit briller les yeux noirs de Tara et elle resta un petit moment silencieuse. Puis elle montra à nouveau ses mains nues à l’intruse.



Glynis à son tour parut accuser le coup d’une certaine stupéfaction et elle aussi releva ses mains.



Tara devait se concentrer pour raviver sa mémoire, mais comprenait assez bien les propos de l’inconnue. C’était de parler qui lui posait problème. Tara et Louna s’étaient longtemps amusées à s’apprendre mutuellement leurs langages respectifs. Elles avaient très vite beaucoup progressé, Tara bien plus que son amie et quand les parents de Louna avaient opté pour rester aux cascades, les deux jeunes femmes avaient continué à parler comme les gens du clan des cascades. Tara ne pouvait rien regretter de ses lacunes d’aujourd’hui.


La grande chasseresse avait souri aux dernières explications de Glynis. La femme aux cheveux rouges avait perçu la progression de Tara qui ne se méfiait pas, bien avant que cette dernière ne se doute de sa présence. Glynis se soulageait en urinant dans les fougères, elle avait eu peur en découvrant la chasseresse et n’avait plus osé bouger. Puis, après un long moment, elle se calmait, finissait par se persuader que tout danger était écarté et se relevait prudemment.



La grande femme brune lâcha un petit rire grave.



La chasseresse avait sorti de la viande séchée d’une petite besace qu’elle portait attachée à sa taille. Elle ne s’encombrait jamais de provisions de routes et chassait toujours dans ses progressions. Cette fois, elle le regrettait. Ses réserves de bouche étaient maigres.



Tara resta un instant à observer sa voisine. Les cheveux de Glynis l’intriguaient. Une couleur très étrange, mais qu’elle trouvait jolie. Une chevelure tombant plus bas que les épaules et comme emmêlée en rouleaux serrés. La jeune femme avait des yeux couleur de l’eau d’une mare et un visage qui plaisait à Tara. La chasseresse brune avait été de loin la femme la plus élancée du clan. Elle n’avait même jamais croisé une femelle de sa taille lors des grands raouts. Peu de mâles d’ailleurs la dépassaient en taille. Glynis était plus petite qu’elle-même, mais pas tant que cela, ce qui faisait d’elle une femme plutôt grande. Un corps mince et souple. La chasseresse désigna la poitrine nue de Glynis et eut une moue moqueuse.



Tara sourit encore et Glynis poussa un profond soupir. Elle n’était plus seule…