Ai-je eu raison de parler de cette invitation de Carl à mes copines, je ne sais pas, je ne sais plus. Cela tourne dans ma tête à me la faire éclater.
Aussi, pourquoi est-il venu sonner à ma porte. Pourquoi m’a-t-il adressé la parole ? Bon, pour être honnête, je l’avais un peu maté lors de son emménagement, mais un tout, tout petit peu. Juste les deux jours du week-end qui avaient été nécessaires à ces travaux. Je fus tout de même surprise quand j’entendis tinter ma sonnette.
Il est là, à mon seuil de porte…. Beau, sexy, viril, un vrai mec, quoi… !
- — Bonjour, vous êtes bien Charlotte ? C’est en tout cas ce que je lis à votre porte.
- — Woui.
- — Je m’appelle Carl, et je suis votre nouveau voisin de palier.
- — Woui.
- — J’espère ne pas vous avoir trop dérangé avec tout le bruit que nous avions fait.
- — Woui… Enfin, non, pas du tout.
- — Pour me faire pardonner, je désirais faire une petite fête.
- — Woui.
- — Pendre la crémaillère, en quelque sorte.
- — Woui.
- — Je désirais inviter tous mes voisins.
- — Woui.
- — Serais-tu disponible, Charlotte ? Je pense que nous pouvons nous tutoyer ?
- — Woui.
- — Alors, à samedi soir ?
- — Woui.
- — Salut !
- — Woui.
Plus conne que moi, tu meurs… ! Il me fait perdre tous mes moyens, ce mec. Et puis, de quoi j’ai l’air avec mon jean qui date de Mathusalem, mes pantoufles éculées et ce pull informe, mais si confortable ?
Pour ces agapes, que vais-je donc porter comme habits ? Il faut que je me surpasse pour lui taper dans l’œil.
*****
Ding… !
Ah, j’ai reçu mail de Nyaring, Elle m’avait dit qu’elle croyait le connaître.
Sans doute ne l’avez-vous jamais remarquée, ou bien distraitement pour aussitôt l’oublier, en la croisant dans un couloir. Et pourtant, elle fait partie de votre décor depuis plusieurs années. Transparente. Utilitaire. Pantin mécanique.
Son prénom est Nyaring. Elle a vingt-cinq ans, de longs cheveux crépus, et vient du Soudan du Sud qu’elle a fui avec sa famille durant son enfance. Aujourd’hui, elle travaille comme technicienne de surface, intérimaire d’un sous-traitant d’une grosse entreprise de nettoyage. Autrement dit d’une manière plus triviale, elle récure chaque jour vos chiottes professionnelles avec de l’eau de Javel parfumée à l’eucalyptus. Les hommes arrivent pour ce qu’ils appellent une « pause technique », parfois sans interrompre leur conversation stratégique à l’oreillette de leur téléphone. Ils baissent leur braguette devant l’urinoir, puis extraient l’oiseau sacré qui fredonne le chant du whisky secrètement picolé entre deux réunions de direction – la bouteille est dissimulée dans le tiroir du bas du caisson, à côté de la boîte de préservatifs dévolue aux collègues féminines les moins farouches.
Normalement, aucune dame n’a le droit d’entrer dans ces endroits. Peu s’y risquent, même quand les toilettes réservées à leur genre sont toutes occupées, ce qui arrive souvent pendant les pauses, car elles sont dans un service de relations humaines d’une multinationale où travaille une majorité de femmes. À l’étage des informaticiens, la situation est inversée. En résumé : elle accède à ce territoire intime uniquement parce qu’elle est la dernière des dernières et que ce lieu d’aisance est devenu le palais de son règne.
Je lis son mail
Je perçois Carl comme un garçon élégant dans sa gestuelle, peut-être plus discret que la moyenne. Il n’a jamais tourné son regard vers moi. Sans doute n’en suis-je pas digne : lui et moi ne vivons pas sur la même planète. D’après ce que j’ai compris des conversations autour de moi, il est le fils de la grande patronne, en stage chez elle, puisqu’il a vocation à lui succéder lorsqu’il aura fini ses études à Harvard où une seule journée de frais d’inscription coûte plus cher que plusieurs mois de mon salaire. Ses costumes sont coupés sur mesure, ses chemises repassées avec soin, ses ongles manucurés, sa barbe toujours impeccablement taillée. Il sent bon le propre et le net, comme d’autres répandent autour d’eux des fragrances malsaines d’alcool, de produits artificiels et de laisser-aller. J’ai conservé de mes années d’errance l’instinct d’une bête traquée pour évaluer à leur odeur les hommes que je croise. Certains sont de dangereux prédateurs ; pas lui. Il sourit à ses collègues féminines, leur tient la porte sans jamais oser une plaisanterie grivoise. Parfois même, il leur offre des roses pour leur anniversaire, par surprise. Je ne suis pas de celles qui reçoivent de tels cadeaux.
Debout devant le vase immaculé, il pisse et ne m’aperçoit pas. Il n’a cure que je puisse entrevoir son beau membre tout rose émerger du caleçon avant de laisser surgir, dans un soupir d’aise, le jet libérateur. Les hommes d’ici ne sont pas circoncis. Pense-t-il à ses profits financiers ou à ses futures conquêtes à mettre dans son grand lit solitaire ? En tout cas, il en oublie d’appuyer sur le bouton qui déclenche le flux d’eau à la fin de son passage.
Mon amie Charlie veut pour elle ce prince charmant. Elle habite dans le même immeuble chic du centre-ville que lui. Carl, lors de son emménagement à son retour en France, a organisé une pendaison de crémaillère à laquelle Charlie était invitée en tant que voisine. Celle-ci, timide, n’ose pas draguer Carl ouvertement, sinon par des tenues auxquelles il reste indifférent. Elle est venue me demander conseil. Il faut que le séduisant, mais distant Carl se rapproche de Charlie. Après quelques jours de réflexion, je trouve une solution.
Dans quelques jours, nous allons fêter Carnaval. Ce moment constitue une institution dans cette société par ailleurs si sérieuse qu’aucune fantaisie vestimentaire n’y est admise, en temps normal. Il faut bien relâcher la pression de temps en temps.
Le principe historique du carnaval est non seulement de se déguiser, mais aussi d’inverser l’échelle sociale. Ainsi, les derniers deviennent premiers, et réciproquement. Moi qui suis petite, chétive, noire et pauvre, j’ai décidé de me changer en maîtresse de cet étage, grâce à un masque construit par mes soins. Cela me sera autorisé pour une soirée seulement. La brosse des toilettes sera le sceptre de mon règne. Et je vais inviter mon amie qui se fera passer pour une collègue.
Le beau Carl ne pourra pas se défiler. Sa mère ne se permettra pas de le protéger : ce serait gâcher la fête. Sur la table de la grande salle de réunion, sur une musique et des lumières d’enfer, il devra s’agenouiller devant moi. Je serai assise sur mon trône. Il lui faudra bécoter mes pieds nus en signe d’allégeance, sous les yeux étonnés de ses collègues hilares, probablement déjà éméchés au champagne. La mascarade sera folle. Elle sera mémorable. Carl, suffisamment sûr de son charme pour se prêter au jeu, se changera en un demi-dieu antique livré en sacrifice sur l’autel du désir féminin.
J’aimerais qu’il soit dévêtu devant toutes les femmes, corps suave émergeant du costume abandonné, exposé aux regards convergeant vers la verge que je connais déjà et souhaite érigée, accessible aux mains coquines de ses subordonnées ravies de pouvoir librement le peloter, le lutiner sans tabou. Je le veux lascif, qu’il se torde sous l’effet d’une irrésistible volupté. Il adoptera sans hésiter les poses les plus impudiques. Ses doux parfums d’indécence exhalée nous enchanteront toutes. Nous assisterons à la disgrâce érotique de l’héritier dans un bouquet de stupre. Chatouillé, stimulé sans répit par des mains libertines, peut-être même le verra-t-on épancher sur le bois verni son fabuleux nectar qu’il devra laper sur mon ordre, afin d’atteindre la propreté impeccable – car je tiens à la propreté dont je reste la gardienne. Ce serait un spectacle fascinant. Carl sera nu, à l’exception de son visage dissimulé sous l’effigie d’un fauve. Masqué, on peut tout se permettre dans le cénacle de l’entreprise.
Puis j’offrirai mon sujet à mon amie. Il ne pourra pas refuser, au moins pour un dîner au restaurant : c’est la règle du carnaval. Tout y est sens dessus dessous, sans conséquence. Il me semble que je n’ai traversé un désert à pied que dans la perspective de vivre ce moment de fantaisie unique. Le lendemain, chacun et chacune reprendra sa place assignée. Le bonhomme Carnaval est traditionnellement brûlé à la fin. On se contentera ici de me rendre mon balai et ma serpillière, puisque mes services sont utiles à ceux qui m’emploient. Humblement courbée en deux, sans amertume ni colère, à mon poste dès cinq heures du matin, je brosserai encore et encore la merde sèche accrochée sur les bords des trônes blancs avec, en guise d’outil, ce qui fut l’insigne de mon pouvoir royal. Mais j’aurai la satisfaction d’avoir – peut-être – fait deux heureux le temps d’une soirée. Ou, pourquoi pas, d’une vie ?
Elle est déprimante, Nyaring, Je vais appeler Laetitia pour qu’elle me dise ce qu’elle en pense. À quelques kilomètres de là, la susdite copine fourbissait déjà ses arguments
Et voilà !
Notre Charlotte a encore flashé sur un mec. Elle nous fait ce genre de plan régulièrement.
Enfin, ce coup-ci, c’est du lourd. Elle m’a envoyé la photo du gars, c’est un vrai prince charmant.
Elle a peu de chances. Ça va encore foirer et elle va nous faire une déprime pendant un mois. On va entrer dans une zone de turbulences, mais on sera là pour la remonter. Comme toujours. C’est le rôle des copines. C’est marrant l’amitié. Tout ce que tu ne supportes pas chez les autres, tu l’acceptes de tes amies et tu te mets en quatre pour elles. En plus, tu le fais de bon cœur.
Non, parce que déjà, son Carl, éventuellement tirer un coup avec lui, un soir, par hasard, ce n’est pas gagné, mais ça reste possible. Mais là, notre Charlotte, elle est « in love ».
Mais je suis là ! Et je vais faire mon possible pour la conseiller. Et surtout lui éviter d’écouter les trois autres foldingues qui vont lui proposer des plans foireux. Il n’y a qu’un seul truc qui marche : le pragmatisme.
Ah, justement, c’est elle :
- — Allo… Charlotte ? Ma chérie… J’étais en train de penser à ta petite affaire. Alors ? Cette crémaillère ?
- — …
- — Mouais… il va falloir la jouer serrée. Un garçon comme ça, encore célibataire à son âge, y’a pas trente-six possibilités. C’est un butineur, un picoreur. Pas le gars qui veut se caser. L’enjeu va être de l’emballer, mais surtout de le garder au chaud.
- — …
- — Charlotte, ma chérie, crois-moi. Ce genre de type, ça n’a qu’à claquer des doigts et les filles tombent à ses pieds. Il est beau comme un dieu grec. Avec un côté rebelle contemporain en plus. Un dieu grec mal rasé. Un bad-boy de salon. Il me fait penser à ces statues des mecs de l’antiquité. Tu vois, le genre guerrier implacable. Achille, quoi… Mais un Achille à moitié hipster. Avec des pectoraux de folie, des tablettes de chocolat qu’on a envie de dévorer. Et tu sais comme moi que lorsqu’on met le nez dedans, les tablettes, on les bouffe jusqu’au dernier carré. C’est addictif les tablettes. Surtout ce genre de tablettes. Enfin, j’espère que ton Carl-Achille ne ressemble pas complètement aux statues grecques !
- — …
- — Bah, si ma chérie, ils avaient quand même de toutes petites zigounettes, les éphèbes à l’époque.
- — …
- — Mais non ! Je suis certaine qu’il est monté normalement ton Achille à toi. Tout ça pour dire qu’un mec comme ça, on ne l’attrape pas aussi facilement. Il en a vu d’autres.
- — …
- — Non, je ne dis pas que tu n’as aucune chance, je dis simplement que tu vas devoir faire un effort pour te démarquer de la concurrence si tu veux le pécho, ma chérie. Et quand je te dis, te démarquer, ce n’est pas une image ni une vue de l’esprit. Ce genre de zèbre, ça ne perd pas son temps à draguer. Il n’a qu’à s’asseoir et attendre que les filles l’abordent. Donc, tu devras l’apponter et l’intéresser. Et surtout soigner ton entrée en matière, si tu veux monter à bord. Pour ça, lui mettre tes avantages sous le nez ne suffira pas. Lui dire « Carl, ouvre cette porte, je te dis » non plus.
- — …
- — Oui, évitons les références ciné. J’insiste, mais il en a vu de la morue qui exhibe ses cuisses devant lui. Tu vas devoir lui rentrer dedans, et pas qu’un peu ! Mais là encore, des filles audacieuses qui prennent leur courage à deux mains, il a dû en croiser un paquet dans sa carrière de beau gosse. Donc, il va te falloir un plan. Et un plan au cordeau.
- — …
- — Perso, je vois l’affaire en deux axes. Grand 1, tu fonces. Ce mec a marqué ton cœur ? Ne le laisse pas passer, accroche-le. Enfin marqué ton cœur ou marqué autre chose, peu importe…
- — …
- — Tu crois que l’expression « marquer à la culotte » vient d’où ? Eh ouais, le principe reste le même. Je continue… Grand 2, démarque-toi de la concurrence. Tu es une fille ?
- — …
- — Tu as été draguée des dizaines de fois ?
- — …
- — Qu’est-ce qui est le plus pénible dans ces cas-là ? Les pas fins. Les lourdauds. Les grandes gueules. Fais dans l’original, l’inédit, même. Il faut que ton Carlounet soit marqué à vie par ton entrée en matière. Que ça reste gravé dans sa mémoire. Une fille qui va arriver à ça, ben, elle va devenir irrésistible pour lui. S’extirper du troupeau, de la piétaille qui tourne autour de lui. C’est ça l’enjeu. Le retourner en une phrase. Deux, c’est déjà trop. Il est passé à autre chose. Comme on dit « mec retourné en une phrase, à moitié dans ton lit ».
- — …
- — Voilà ! Reste à trouver cette fameuse accroche qui va te rendre envoûtante. Pas simple, je te l’accorde. Mais attention, tu n’auras pas le droit à l’erreur ! Tu te plantes, lui est déjà sur un autre dossier. Pour trouver cette fameuse accroche, et c’est là que mon plan est chiadé, je te conseille de te faire oublier et d’étudier ton sujet de près. On ne s’attaque pas à ce genre de forteresse, la fleur au fusil. Il y a forcément une phase d’espionnage.
- — …
- — Oui, j’ai lu Sun Tzu. On a beaucoup à apprendre des grands conquérants. Il te faudra assurer tes arrières, enfin, si je peux m’exprimer ainsi ! L’observer dans son milieu naturel, en douce. Histoire de savoir qui il est et pour trouver ton accroche qui va faire tilt et qui va faire de toi, non pas une fille, mais LA fille. Et là, il te restera à appliquer la bonne vieille méthode de Jean-Claude Duss « Oublie que tu n’as aucune chance et fonce ». Mais fonce à bon escient. Sinon, c’est du suicide. Fonce avec des munitions. Donc, une phase d’observation, tu t’intéresses de loin à ses goûts. À part les filles, il doit bien avoir des hobbies !
- — …
- — Mais non, ma chérie, je déconne. Un mec comme ça n’est pas complètement abruti, ça serait du gâchis. Par exemple, s’il est philatéliste…
- — …
- — Non, mais c’est un exemple, la philatélie. Je ne le vois pas collectionner les timbres non plus. Plutôt les bons coups.
- — …
- — Je déconne ! Philatéliste, donc. Tu l’abordes un soir et tu lui dis « Je suis super contente, je viens de trouver le 20 cents de 1905 des Îles Vierges Britanniques en sépia. J’avais déjà le bleu, mais le sépia… ouah… Depuis le temps que je lui cours après… ». Il va forcément baver puisqu’il est philatéliste pratiquant, et là, tu lui proposes de lui montrer ton timbre. En revanche, évite les allusions du genre « coller ton timbre avec sa langue ». Ça fait salope. Oui, même si c’est le conseil que va te donner Juju. On la connaît. Évite. Tu ne veux pas passer pour une salope auprès de Carlounet ? Non ? Ben voilà !
- — …
- — On est d’accord. Donc, tu as enclenché ta phase d’observation, tu as trouvé son point faible, son talon à ton Achille. Tu as mis ta ligne à la flotte et une fois que tu l’as ferré, tu le remontes. Tu moulines, tu moulines, tu moulines, à coups de phrases qui tuent…
- — …
- — Quoi comme phrase qui tue ? Je ne sais pas, ça va dépendre de l’ambiance de la soirée. Là, faudra un peu improviser. Même les plans super bien préparés comportent une phase d’impro. Je ne sais pas, des trucs du genre « Tu n’es peut-être pas parfait, mais tes défauts sont charmants », ou « En plus d’être sexy, tu fais quoi pour vivre ? », ou encore « Tu prendras quoi au petit-déj après notre première nuit d’amour ? ».
- — …
- — Non, tu ne le sens pas ? C’est toi qui vois. Prépare un panel de phrases avant. Mais dis-toi que si tu en es là, si le mec est dans ton salon à t’écouter, s’il n’a pas trouvé une excuse pour s’en aller au bout de deux minutes, soit il est très poli, soit le gros du boulot est fait. C’est les finitions qu’il te reste à faire. Tu lui proposes un apéro, tranquille, pépère et tu ne lui montres surtout pas que tu as faim. Tu restes détachée et tu lui balances tes « punchlines » qui tuent, que tu as préparés à l’avance et que tu connais par cœur. Un dernier truc. Marque-le définitivement le mec. Achève-le. Au moment de conclure, ne l’amène pas dans ton plumard. Tu lui dis un truc du genre « Moi, le sexe, c’est comme le Street Art, je préfère contre un mur ». Quoi ?
- — …
- — Non, ce n’est pas trop. À ce moment-là de la soirée, tu lui as déjà montré tes atouts, ta culture, tes qualités, là, tu vas lui montrer ta face cachée, ton côté sombre et ton porte-jarretelles aussi. Là, tu peux te permettre d’être salope. Comme disait ma grand-tante Joséphine « On attire les hommes en cuisinant et on les garde en les suçant ». Ou l’inverse, je ne sais plus. Mais peu importe. Non, en fait, pour ma démonstration, ça marche mieux dans ce sens-là.
- — …
- — Oui, mais non, c’est une image, mais elle est parlante mon image. Pécho un mec, c’est bien, le garder c’est mieux. Et là, tu dois élargir ta palette de compétences.
- — …
- — Mais non, tu n’es pas une salope ! Mais, ce n’est pas l’important. L’important, c’est que lui te pense capable de l’être. De l’être même pas. De l’être pour lui et pour lui seul. Et là, pour le rassurer, tu lui sors cette phrase (j’adore) « Excuse-moi Carl, je ne sais pas ce qui m’a pris. Je ne suis pas comme ça d’habitude, c’est la première fois que ça m’arrive ». Et puis tu verras, contre un mur, ça dépote.
- — …
- — Non, là ce n’est plus une image. Un plan bien pensé, c’est imparable. Oublie les conseils des trois filles.
- — …
- — Comment ça, je suis sûre ? Mais évidemment que je suis sûre ! J’ai beaucoup appris des erreurs qu’ont fait les gens qui ont suivi mes conseils. Hein ? Mais non, c’est de l’humour, ma chérie.
Bon, on se tient au courant, hein. Bisous…
Là, j’ai comme un doute… ! Je raccroche et n’ai pas vraiment assimilé les conseils de Laetitia que l’on sonne déjà à ma porte.
Ah, c’est Juliette. Elle fait une drôle de tête, elle a l’air songeuse.
Moi, je classe mes amies par ordre de préférence. Ma première meilleure amie, ma deuxième meilleure amie, ma troisième meilleure amie, etc. C’est plus pratique. Charlotte, c’est ma première meilleure amie. Et là, elle a besoin de mes conseils. Elle me semble un brin perturbée. Elle me fixe derrière ses grosses bésicles aux verres cul-de-bouteille, comme si j’étais le nouveau messie. Évidemment, je ne vais pas la laisser les deux pieds dans la même godasse.
- — Donc, Carl est ton voisin et il est beau comme un Astre. C’est toi qui le dis, remarque.
Charlotte a tiqué, mais elle me connaît par cœur. Elle veut du conseil efficace, alors elle va en bouffer. Elle m’a encore servi de sa vodka merdique qu’elle n’a pas laissée au congélateur, mais bon, je ne vais pas la titiller avec ça. J’espère surtout qu’elle ne va pas s’en prendre plein la tronche, ma copine. Elle veut croquer du prince charmant, mais c’est pas Cendrillon, ma Charlie ! C’est pas qu’elle soit moche, mais c’est pas miss univers non plus ! Brune et cheveux courts, pas mal foutue, mais vraiment, ses lunettes, ça ne l’avantage pas. Et elle est timide comme une marmotte en hibernation, la pauvrette !
- — Carl est intelligent, charmant, plein d’humour et cultivé comme un champ de patates. Et c’est encore toi qui le dis. Et t’es grave amoureuse de ce type ! Parfait, Charlotte !
Mon amie ne pipe pas mot et me regarde attentivement. Putain, ces lunettes ! Quelle horreur ! Elle est suspendue à mes lèvres, ma meilleure première copine. La malheureuse doit être complètement à côté de ses pompes. Déjà qu’elle a les panards dans le même sabot…
- — Tu vas m’écouter très attentivement. Parce que là, je t’ai dit ce que tu voulais entendre. Et c’est de la belle connerie ! Tu le connais pas, ce type. Et t’as pas vu sa bite surtout…
C’est sûr qu’elle a l’air furibonde d’un coup. Visage rouge tomate et buée sur les culs de bouteilles. Faut vite que je m’explique :
- — La queue de ton Carl, elle doit te plaire, crois-moi. Parce que si ça colle entre vous, ben tu vas l’avoir sous le nez pendant un bon paquet d’années. Alors autant qu’elle soit pas trop moche. Et grosse, ce serait pas plus mal… Sa belle gueule à ton Carl, c’est une chose, mais y a pas que ça. Moi, je vais t’en causer du secret de l’amour. T’es quand même ma première meilleure amie !
Du coup, je discerne une nouvelle attention dans le regard de ma copine. Curiosité et même une certaine admiration. Normal.
- — T’as osé l’inviter à un apéro. Il est assis dans ton canapé. T’as sorti le Champ et tout le grand jeu. Canapés de saumon, tartines d’œufs noirs de poisson… La totale ! Tu portes un chemisier léger très décolleté. Et une jupe volante. Et surtout, t’es restée à poil sous…
Quand je lui parle de la tenue qu’elle doit porter pour le grand soir, ma Charlotte rue encore dans les brancards. Évidemment, je m’y attendais !
- — Je sais bien que t’es pas une salope ! Et ta tenue du grand soir, c’est super important ! Alors maintenant, tu fermes ton clapet et tu m’écoutes. C’est déjà assez compliqué à expliquer. Donc, t’es à poil sous tes fringues et tu papotes avec ton prince charmant. Intéresse-toi à lui. Ils aiment ça, ces cons-là. Mais non. Pas ton Carl spécialement, les mecs en général.
Elle a pas l’air épanouie, ma Charlotte. On dirait une harpie féroce prête à croquer une guenon. Ça fout une sacrée trouille ces bestioles. C’est ses énormes bésicles qui font cet effet-là.
Quelle salade que l’amour !
Le coup de cœur, le coup de foudre, la Saint-Valentin. Pipeau ! De la flûte ! Mais l’amour : oui ! Ça existe. Faut juste savoir le reconnaître… C’est du scientifique, l’amour ! Ces connards de poètes, tu parles si c’est des charlatans, ces guignols.
- — Maintenant, j’explique, alors sois attentive, ma chérie. Carl, tranquille, assis dans ton canapé, petit polo classe et jean de marque. Tu crois qu’il fait quoi à part te mater les gougouttes ?
Forcément qu’elle chipote, ma copine. Je dis du mal de son chéri. Pourtant, il va bien falloir qu’elle me réponde.
- — Promis, ma belle. C’est tous des morts de faim quand ils ont un cul sous le nez. Alors ? Il fait quoi ton Carl ? Devine ? Moi je ne joue pas aux devinettes avec les mecs. C’est pas pour rien que je préfère donner ma langue à une chatte. Oh putain ! Je ne t’ai pas parlé de Guilaine ! Je l’appelle Guiguite… Un ange blond et des nichons de salope en chasse qui…
Bon, ma Charlotte, elle a l’air de s’en taper le fion de ma Guiguitte. Je lui en causerai une autre fois.
- — Ah ! Tu sais pas ce qu’il fout ton Carl, hein ? Ben je vais te le dire ma pépette.
Les mecs, tous sans exception, ben ils dégagent des trucs. Des phéromones que ça s’appelle. Des phéromones sexuelles dans le cas que nous causons. Ils ne le savent même pas. Ils sont là, à te reluquer les nibards ou le cul, tranquilles, et sans le savoir, ils te collent leurs phéromones sous le pif. C’est scientifique. C’est un peu comme des microbes femelles, mais c’est pas méchant. Tu ne les vois pas, mais t’en prends plein la tronche. Mais nous, les filles, on est moins couillonnes qu’on en a l’air. Et on est équipées compét. Avec…
- — Des phé-ro‐mo-nes ! C’est un truc de mec. Il y a plusieurs variétés de ces bidules. Un peu comme les salades quoi, la scarole, la frisée, la laitue, la batavia… Mais non, c’est pas vert ! C’est invisible. Comme les microbes, mais pas méchants ! Non, mais, tu m’écoutes ou pas ?
C’est sûr qu’elle m’écoute. Mais elle ne s’accroche pas. Charlotte c’est de la gentillesse et tout, mais c’est pas de la vraie futée des fois. Et là on papote scientifique. Seulement, là, il n’y a que les lunettes moches qui font scientifiques chez ma Charlie. C’est ma première meilleure amie, alors je vais faire au plus simple.
C’est scientifique l’amour.
Nous les filles, on a un détecteur de phéromones. Il paraît que les mecs aussi, mais c’est pas pareil. Eux, ils s’en tapent de leurs détecteurs. Si tu leur donnes le feu vert, ils te sautent sur la couenne et hop, crac, ma poule ! Phéromones ou pas, tu passes à la casserole. Une poule au pot, quoi. On est plus futées nous. Plus sélectives.
- — Tu piges Charlotte chérie ?
Pas trop. Elle ne percute pas vraiment. Mais c’est à ma première meilleure amie que je cause, alors je vais pas lâcher l’affaire.
- — C’est là qu’être à poil sous tes frusques, c’est primordial ma belle. C’est pour booster ton détecteur !
Là, ma Charlie reste à me regarder comme une autruche devant un pneu de 4X4.
- — Tu vas piger… Les tétines qui d’un coup te picotent. Des bourgeons prêts à péter au printemps. Et on a rien fait ! On n’a même pas imaginé le mec à poil. C’est venu d’un coup. Et c’est pas le plus beau ! T’es assise avec les nibards en bataille et PAF ! T’as soudain l’impression d’avoir des fourmis dans la chatte… Mais non pas les bestioles ! C’est ta chatte qui fourmille, quoi. C’est normal ! Y a des phéromones de ton Carl qui volettent partout. Pft, pft, pft, ça volette autour de toi !
Du coup, l’entomologie, ça a l’air de lui parler à ma copine.
- — J’ai connu ça moi. Shi Tzu qu’il s’appelait. Chez lui, en Chine. Trois semaines de cul. Putain ! ce qu’on a pu baiser à cause de mes fourmis ! Même que je lui bouffais le nem à mon Shi et pourtant… Bref. Des jours et des jours sans quitter sa bambouseraie. La moquette de sa piaule, c’était devenu une rizière tellement je mouillais. Y avait même du riz qui poussait dans son salon. Hein ? Non. Finalement, ça n’a pas marché entre nous. Va savoir pourquoi ! Mes fourmis préféraient peut-être le riz thaï. Ou l’humidité leur convenait pas. J’en sais rien. L’amour des fois c’est compliqué…
- — Tu es vraiment… Tu m’aides beaucoup Juliette…
- — Je sais ma Charlotte. Donc… C’est le détecteur qui fait tout. T’es peinarde sans arrière pensée et PAF ! T’as le téton qui frétille et ta foufoune qui mouille. Ta chatte fourmille juste parce que ça volette tout autour. Pft, pft, pft ça volette… Ben tu vois, ma chérie… C’est ça l’amour ! Et si ton Carl…
- — Attends ma Jul… Je vais te chercher une autre vodka !
Elle est pas si coincée que ça, ma première meilleure amie. Dommage qu’elle achète de la vodka de merde et qu’elle porte des lunettes horribles…
Bon, c’est pas le tout, mais maintenant je suis en retard, je dois faire ma visite hebdomadaire à Melle.
Acte 1, scène 1 : Melle et ses « plusieurs »
- — Bon, les filles, vous allez rester tranquilles, d’accord ?
— Va dire ça à Leposa, elle est particulièrement énervée.
— Oui madame ?
- — Punaise, arrête de m’appeler comme ça ! Je suis toi, tu es moi, je ne suis pas une madame ni toi d’ailleurs ! T’es qu’une gamine !
— Oui maman !
- — Raah ! Arrête immédiatement ce petit jeu ! Sinon, tu n’auras pas de barbe à papa !
- — …
- — Ça va ? T’es calmée ? Bon, Leposa, mon amie Charlotte va arriver d’une minute à l’autre, elle veut des conseils… Des conseils pour les grandes personnes donc, tu vas rester sagement dans un coin de ma tête et tu n’écoutes pas ce que les grandes personnes ont à dire, dac ?
— Ouais, mais j’en ai marre, c’est toujours Lopesa ou Lapose qui ont le droit de prendre le gouvernail de ta tête, Melle.
— Bin, oui, mais nous on est pas folles !
- — Les filles, arrêtez ! Vous ne m’aidez pas là ! Bon, Leposa, je peux compter sur toi ? Tu vas rester sage ?
— Oui, mais les autres ?
- — Les autres aussi vont rester sages, n’est-ce pas les filles ?
…
- — Les filles ? N’est-ce pas ? Lopesa ?
— Oui, c’est bon, j’ai compris.
— J’ai compris, je dois garder Leposa ?
— Melle ? elle vient pourquoi la charlotte ?
- — Elle a besoin de conseils… Elle est amoureuse d’un beau brun, il s’appelle Carl, je crois. Je crois que c’est son voisin et elle ne sait pas comment s’y prendre…
— Si c’est pour une histoire de mec, vaut mieux que je reste alors !
- — Non Lopesa ! Elle est amoureuse, elle ne veut pas juste d’une partie de jambes en l’air. C’est pas qu’une question de crac crac boum boum !
— Crac crac boum boum ? Non, mais t’es sérieuse ? tu peux pas dire tout simplement une bonne baise ?
— Là, je suis d’accord avec Lopesa pour une fois…
- — Lapose ? Non pas toi ! Charlotte, elle est romantique, elle croit au prince charmant et tout et tout !
— Donc elle est conne !
- — Punaise les filles ! Oh silence, ça sonne !
Scène 2 : Melle et ses plusieurs, Charlotte.
- — Bonjour Melle, Comment tu vas ?
- — Très bien ! Ah oui, les filles, je vais très bien ?
- — Ouh là là, tu n’as pas pris tes médicaments !
- — Je n’en ai pas vraiment besoin, et puis ils ont tendance à me retourner le cerveau. Après, je passe ma journée en mode légume. Mais t’inquiète pas, les filles sont au courant…
- — Elles sont au courant ? Même la gamine là ? Je ne sais plus comment tu l’appelles…
- — Leposa ? T’inquiète, elle est dans sa chambre, elle ne nous embêtera pas. Et pour info, c’est pas moi qui les appelle comme ça, ce sont elles qui se sont nommées comme ça.
— Eh Melle, Charlotte n’est pas venue pour parler de nous !
- — Oui, tu as raison, Lopesa !
- — Lopesa ? C’est qui celle-là ?
— C’est la nympho !
- — Lapose, parle pas de ta sœur de tête comme ça !
- — Mais punaise, vous êtes combien là-dedans ?
- — Euh… Il y a Lopesa, Lapose et Moi… Leposa est dans sa chambre. Toutefois, elle a raison, tu n’es pas là pour parler d’elles, mais de ton Carl, n’est-ce pas ?
- — Carl… Oh ! Tu le verrais ! Il est… il est…juste magnifique, et charmant, et souriant et agréable !
- — Et célibataire ?
- — J’en sais rien, mais il vit seul !
- — Continue, parle-moi de lui… Je veux tout savoir !
— Mais qu’est-ce qu’on en a à fiche de tout ça ?
- — Lapose, encore une intervention de ce cru et tu déguerpis, OK ?
- — …
— N’empêche qu’elle a raison, rien à fiche de ça ! Eh, Charlotte, il te plaît ? Alors, hésite pas, tu sonnes chez lui et tu le violes bon sang !
- — LOPESA !!!! Mais t’es devenue dingue ? Et le consentement ? Tu connais ?
— Ah bon ? Ça existe des mecs qui refuseraient une belle paire de fesses en cadeau ? Je les connais, moi, les mecs ! Tu exhibes tes fesses et t’inquiète qu’il aura une demi-molle qui va lui flinguer le peu de raison qu’il a en magasin. J’te dis : j’les connais !
- — Et qui tu connais, d’abord ? Les gros ploucs des boîtes de nuit ?
- — Euh…
— Et alors ? Il n’y a pas de mal à se faire du bien, non ?
- — C’est pas ça, mais là tu parles de viol !
- — Euh…
— Bon OK, si tu préfères, tu lui sautes dessus, et tu le manges. T’inquiètes, il ne va pas s’en plaindre, ça va, c’est mieux comme ça ?
— Mais quoi à la fin ??? Vas-y, crache ta Valda, charlotte, plutôt que de faire tes Euh…
- — Je pense qu’il vaut mieux que je vous laisse entre vous Melle…
- — Non non non ! pars pas, je vais les virer et on va rester à deux, rien qu’à deux super tranquilles !
Scène 3 : Melle (presque seule) et Charlotte.
- — C’est bon, on est seules… Je les ai mises dans mon cervelet, loin, elles ne sont pas près de revenir…
- — C’est quand même vachement bizarre ta pathologie…
- — Donc, nous disions : Carl…
- — Oui Melle, je ne sais pas comment l’aborder. Je sais où il travaille et j’ai même une amie qui bosse dans sa boîte. Elle veut profiter du carnaval pour me faire entrer…
- — Le carnaval ? C’est quoi cette connerie ? Attends… T’as dit « Sa boîte » ? C’est un bourge ton keum ?
- — S’il te plaît, Melle, Je t’arrête tout de suite, ne commence pas avec tes idées de communistes, ce n’est pas parce qu’il a du pognon que c’est un con.
- — Et il fait quoi ? Il joue en bourse avec l’argent des contribuables et il s’en fout plein les pognes ?
- — S’il te plaît Melle… Ce que tu peux être chiante !
- — Désolée. C’est bon, j’arrête et je t’écoute.
- — Justement, ne m’écoute pas, mais dis-moi qu’est-ce que je dois faire ! J’ai écouté les conseils des autres copines et je ne suis pas convaincue…
- — Bin moi, j’ai une idée, tu glisses une de tes factures dans sa boîte aux lettres. Il va croire que le facteur s’est trompé puis quand il va sonner chez toi, tu l’invites pour le remercier.
- — C’est une bonne idée, et après ?
- — Et après quoi ?
- — Je lui dis quoi…
- — Bin, j’en sais rien moi… Que t’as fait à manger pour un régiment et qu’il faut absolument qu’il t’aide sans quoi ce sera de la nourriture de gâchée !
- — C’est super ça ! Et après…
— Mais elle est pas vraie, celle-là, faut tout lui dire !
- — Leposa ?
- — …
- — Leposa ! Qu’est-ce que j’avais dit ? Retourne dans ta chambre et ne reviens plus, sinon, pas de barbe à papa ! J’te préviens, c’est le dernier avertissement !
— De toute façon, son Carl, c’est un chleuh !
- — Leposa ! Tu vas présenter immédiatement tes excuses à Charlotte !
— Non !
- — Écoute, Melle, tu as été super et je te remercie, mais il faut que tu prennes tes médocs, ça fait vraiment flipper !
Scène 4 : Melle, Charlotte et une surprise.
- — Vraiment, je n’aurais pas dû venir ici, t’embêter avec tout ça. Tu as assez de problèmes comme ça !
- — Non non ma charlotte, reste ! Je t’en prie, je t’assure que je les ai rangées dans un coin de ma tête… Et tu sais que ça me fait plaisir de t’aider. Donc, nous en étions où ?
- — Je l’invite à manger chez moi.
- — Oui, tu claques le chauffage à fond. Pendant le repas, tu minaudes et tu ne cesses de te plaindre de la chaleur, tu t’éventes, enfin tu vois, ce genre de truc, quoi !
- — Bin, il suffira d’ouvrir la fenêtre…
- — Euh… D’accord, tu parles de ta journée, t’en rajoutes des tonnes, tu es éreintée…
- — Bin, il me dira qu’il vaut mieux qu’il me laisse me reposer, non ?
- — Euh… D’accord. Tu lui dis que c’est juste de la fatigue musculaire et que tu ne sais pas ce que tu donnerais pour un bon massage.
- — C’est un peu rentre dedans ? C’est pas très subtil, non ?
- — Euh… D’accord, t’as pas tort. Eh bien, tu le fais de manière plus subtile, tu enlèves tes chaussures et commences à te masser toi-même les pieds en attendant qu’il se propose…
- — Parce que je suis en chaussure chez moi ? Et puis, se masser les pieds quand on est à table… c’est pas vraiment le must de l’élégance…
- — Euh… D’accord, tu…
- — Ah, on frappe à la porte !
- — Oui ? Entrez !
- — Bonjour Melle, bonjour madame.
- — C’est mon infirmière !
- — J’ai vu Melle…
- — C’est l’heure de ton traitement Melle ! Allez Melle, ce coup-ci tu les prends, d’accord ?
- — Excusez-moi, mais elle ne les prend pas, elle les recrache quand vous avez le dos tourné !
- — Charlotte !!! Judas !
Si en plus je me fâche avec mes copines, plus rien ne va dans ma vie. Voilà, maintenant je me mets à chialer. C’est pas vrai, je suis une nulle, complètement nulle. Et va conduire quand tu pleures. Les essuie-glace sur les lunettes, ça n’existe pas encore. Je ne vois plus rien et pour conduire, c’est pas génial.
Et puis, rien à foutre si j’ai un accident, ce sera « couic » et c’est tout. Fini les problèmes, fini les copines et leurs conseils foireux, fini Carl, fini tout… !
BANG !!!
Et merde… ! J’ai percuté une voiture… !
<Aie, le chauffeur arrive vers moi, il doit être furibard… ! Ça va être ma fête… ! Quand il ouvre ma portière à la volée, je ne le reconnais pas à travers la brume de mes bésicles, mais je reconnais sa voix. C’est lui, l’homme de ma vie, et dire que je viens de l’enculer… ! Enfin, pas lui, sa voiture.
- — Ça va, Charlotte ? Tu n’as pas de mal ?
- — …
- — Viens, sors de ta voiture, tu es toute tremblante, tu es sûre que ça va ?
- — …
- — Ne t’en fais pas, il n’y a rien de grave, presque pas de dégâts.
- — …
Délicatement, il enlève mes lunettes et pour le coup, je ne vois plus rien du tout. Je sens pourtant sa présence, sa chaleur qui se rapproche, son souffle léger sur ma joue. Prenant mon menton pour le soulever, il me dit :
- — T’as d-bô-s-yeux, tu sais !
Là, je me raidis pour me dégager de cette emprise, car s’il y a bien une chose que je déteste, ce sont les mecs qui utilisent des citations cinématographiques pour draguer… !
Les décors sont de Roger H…
Les costumes de Donald C…
Cette saynète a été créée et interprétée par :
Calpurnia dans le rôle de Nyaring
Laetitia dans le rôle de Laetitia
Juliette G dans le rôle de Juliette
Melle Mélina dans le rôle de Melle
Et Charlie67 dans le rôle de Charlotte