n° 22012 | Fiche technique | 40041 caractères | 40041 6470 Temps de lecture estimé : 26 mn |
26/09/23 |
Présentation: Les « cocottes » firent chavirer les cœurs et tourner bien des têtes. Dans la capitale des plaisirs, ces « grandes horizontales » amusent, séduisent, fascinent et imposent leur style. Ces femmes libres furent les véritables « reines de Paris ». | ||||
Résumé: De la Belle Époque aux années folles, Paris fut la capitale des « grandes horizontales ». Voici le parcours et le destin de quelques-unes de ces femmes, parmi les plus célèbres des courtisanes et des « cocottes ». | ||||
Critères: #nonérotique #historique #personnages fh ff fbi hplusag fplusag asie extracon profélève nympho hotel caférestau boitenuit | ||||
Auteur : OlgaT (Quadragénaire, j’aime mêler culture et érotisme) Envoi mini-message |
Collection : Histoires de femmes libres Numéro 16 |
Résumé des épisodes précédents :
Cette collection parle de femmes qui, par leur pensée, leurs écrits, la liberté de leurs mœurs, ont été des précurseurs dans l’histoire. Il s’agit pour moi de partager mes découvertes.
Paris, de la Belle Époque aux années trente, fut, non seulement la Ville Lumière, mais aussi la capitale du plaisir, où s’affichait, dans les cercles fortunés, un goût immodéré pour la fête, l’argent, le luxe et l’extravagance. Des femmes vont incarner cette réputation. Comme l’écrit la journaliste Catherine Guignon dans son ouvrage de référence, ces femmes sont « de sublimes créatures aux yeux de braise, au sourire mutin » qui firent « une entrée spectaculaire dans le monde de la galanterie ».
Elles furent danseuses, dévoilant leur corps et valorisant leur beauté provocante. Séductrices, cultivées, elles furent aussi légères, dilapidant les réputations et les fortunes des princes et des grands bourgeois. Sans scrupules et intelligentes, elles furent les reines de Paris, qualifiées d’« amazones », de « grandes horizontales », de « scandaleuses » et de « cocottes ».
Elles se différenciaient de la prostitution des « maisons closes » ou du sort des lorettes et grisettes des trottoirs de Paris, par leur train de vie et parce qu’elles choisissaient leurs amants et leurs protecteurs. Leurs vies rappellent, dans une certaine mesure, le temps lointain des hétaïres de la Grèce ancienne, que j’ai évoquées dans un épisode précédent de cette série (voir, « Histoires de femmes libres : [1] – la poétesse et les hétaïres », texte publié sur Revebebe le 16 août 2022).
J’aurais pu faire débuter ce récit en évoquant la « Fête impériale » et des personnages comme la sublime Comtesse de Castiglione (1837-1899) ou encore la comédienne Marguerite Bellanger (1838-1886), toutes deux maîtresses de Napoléon III. J’ai fait le choix de me concentrer sur ces années qui vont de la Belle Époque à la fin des années folles, qui marquent l’apogée et le déclin d’un monde, les années 20 donnant l’illusion d’un impossible retour aux années d’avant-guerre.
Pour illustrer cette époque, j’ai procédé à un choix arbitraire en racontant la vie de seulement certaines de ces femmes. J’ai choisi ainsi de parler du parcours :
– d’une femme fatale, « la Belle Otero » ;
– de Liane de Pougy, surnommée le « passage des princes », qui fut également célèbre pour ses liaisons saphiques ;
– de la sulfureuse danseuse Mata Hari, qui finit sa vie tragiquement, fusillée comme espionne ;
– et, enfin, de Kiki, la reine de Montparnasse, la muse des peintres et des écrivains.
L’Espagnole Agustina Otero Iglesias, alias Caroline Otero, dite « la belle Otero » (1868-1965) est née en Galice, et non en Andalousie, comme elle le fera croire dans ses mémoires.
La belle Otero fut l’amie de Colette et l’une des courtisanes les plus connues de la Belle Époque, avec la danseuse Cléo de Mérode (1875-1966), l’actrice Émilienne d’Alençon (1870-1945) et sa grande rivale, Liane de Pougy.
La mère d’Agustina, Carmen, est une gitane, chanteuse, danseuse de rue, diseuse de bonne aventure. Carmen épousa en 1863 un officier grec, Carasson. La famille, nombreuse, issue de pères différents, vit difficilement. Carasson, joueur invétéré, accumula les dettes jusqu’à ce qu’il soit tué lors d’un duel. Agustina naquit de père inconnu.
La mère faisait commerce de ses charmes pour nourrir ses enfants. Carmen épousa un amant français en 1874 et Agustina se sentit vite rejetée par ce beau-père.
Lors d’une fête villageoise, le 6 juillet 1879, Agustina fut violée par un savetier, Venancio Romero. Son violeur ne sera pas poursuivi, encore moins condamné ! Les temps ont depuis heureusement bien changé.
À treize ans, elle rencontra un jeune chanteur de trois ans son aîné, Paco, qui lui apprit à danser le flamenco, à chanter et jouer la comédie dans des cafés, mais la força aussi à se prostituer. Suite à la dénonciation d’un médecin, la jeune mineure fut renvoyée au domicile familial, mais rejetée par sa mère. Elle rejoignit Paco à Lisbonne. Enceinte, son proxénète la força à avorter, ce qui la rendit stérile.
En 1882, la jeune femme s’installa à Barcelone, où elle rencontra son deuxième amant, Francisco Coll y León, un croupier, mais, lui aussi, un souteneur. Francisco la fit se produire dans des maisons de jeux et des établissements mal famés sous son nouveau nom de scène : Caroline. Chantant et dansant avec une grande sensualité, « Caroline » exerce ses charmes dans de petits cabarets.
Sa rencontre avec le banquier Furtia fut décisive. Il acheta sa liberté, lui apprit les belles manières et lui obtint des contrats dans de grands cabarets. Il l’emmena à Marseille puis à Monte-Carlo et enfin, à Paris, l’année de l’Exposition universelle. Elle y rencontra Joseph Oller (1839-1922), le propriétaire du Moulin-Rouge, qui fit décoller sa carrière de danseuse. Elle se produisit également au Grand Véfour et au Cirque d’été.
Le critique de « Gil Blas », le quotidien fondé en 1879 par le journaliste Auguste Dumont (1816-1885) décrivit ainsi la performance de « la belle Andalouse » : « Souple comme une panthère, le poignet sur sa croupe extra-andalouse, elle exécute une rotation lente, lascive, scandée par des mouvements automatiques : le ventre s’offre, se retire, et le torse se renverse complètement en arrière dans une attitude pâmée », comme l’écrit en 1890, Caroline rencontra et séduisit Ernest Jurgens, coadministrateur de l’Eden Museum de New York, en visite en France. Il lui offrit une tournée triomphale aux États-Unis. La première victime de la « sirène des suicides » fut Jurgens : quitté par la danseuse en 1895, il mit fin à ses jours.
Revenue à Paris en 1892, elle triompha dans des rôles de belle étrangère aux Folies Bergère et au théâtre des Mathurins. C’est Joseph Oller qui trouva son nom de scène, qu’elle porta à partir de cette période : la « Belle Otero ».
Au cours de ses tournées en Europe, en Amérique et en Russie, le public venait admirer ses tenues somptueuses, où des joyaux authentiques mettaient en valeur ses seins. La belle Otero, se faisant inviter dans les restaurants les plus prestigieux, collectionnant les bijoux : elle devint richissime.
En août 1898, le pionnier du cinéma, Félix Mesguich (1871-1949) la filma dans un numéro de danse à Saint-Pétersbourg. La projection au music-hall Aquarium suscita des réactions si violentes que Mesguich fut expulsé de Russie.
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La belle Otero fut très proche de beaucoup des puissants de l’époque. Elle tenait un carnet où étaient sont consignées les performances de ses partenaires ! La liste de ses conquêtes est impressionnante. Parmi les plus célèbres :
– de nombreux souverains, comme Albert Ier de Monaco, le tsar de Russie, le Kaiser Guillaume II Édouard VII du Royaume-Uni, Léopold II de Belgique et même l’empereur du Japon ;
– des aristocrates russes et britanniques, comme le duc de Westminster ou le grand-duc Nicolas de Russie ;
– des écrivains tels que le poète italien Gabriele D’Annunzio ;
– des ministres ou des hommes politiques, tels qu’Aristide Briand, qui restera son amant pendant dix ans et qui aurait été le seul homme auquel elle se serait réellement attachée.
On dit qu’elle fut la cause de plusieurs duels et de six suicides, d’où son surnom de la « sirène des suicides », qui contribua à sa renommée de femme fatale !
Pendant la Première Guerre mondiale, elle se produisit pour soutenir le moral des soldats français (Les cocottes ou demi-mondaines de la Belle Époque – 1re partie). En 1915, elle prit sa retraite et s’installa à Nice où elle acheta une maison, Villa Caroline, de quinze millions de dollars. Elle finit dans un petit hôtel près de la gare où elle peinait à payer sa logeuse, car sa fortune avait été dilapidée notamment dans les casinos. La Belle Otero mourut dans le dénuement en 1965 !
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Dans ses mémoires, la Belle Otero affirma avoir souhaité la ruine des hommes qu’elle avait séduits. Violée alors qu’elle n’était qu’une enfant, chassée par sa mère, elle fut contrainte de mener une vie errante, dansant et se prostituant dans de petites auberges de province.
Dans une société patriarcale, la Belle Otero utilise la seule arme à sa disposition, la séduction, pour se venger des hommes, qui ne cherchaient en elle qu’une jolie poupée, qu’ils se plaisaient à payer cher pour afficher leur puissance face à leurs rivaux.
Elle atteignit son but, non seulement par sa beauté, mais aussi par la sensualité sauvage d’une véritable « panthère en chaleur », selon l’expression de l’acteur et scénariste Jacques Sigurd (1920-1987).
Vedette des Folies-Bergère, cette Espagnole, dotée d’un mélange de sensualité et de candeur, revendiquait hautement son statut d’artiste face aux « femmes spectacle », comme Liane de Pougy, qu’elle détestait tant.
Anne-Marie Chassaigne, dite Liane de Pougy (1869-1950), était la fille d’un officier de cavalerie. Elle reçut l’éducation d’une jeune fille de son milieu, au couvent de Sainte-Anne-d’Auray, dans le Morbihan, où elle entra en 1878, à neuf ans, et y resta jusqu’en 1885.
Elle épousa, en 1886, à Lorient, un officier de marine, l’enseigne de vaisseau Joseph Armand Henri Pourpe, dont elle eut un fils. Mais alors qu’elle résidait à Marseille, son mari ayant été affecté à Toulon, elle prit un amant. Mis au courant de son infortune, Armand Pourpe tira un coup de feu qu’Anne-Marie reçoit dans le bas du dos. Elle s’enfuit, s’installa à Paris et demanda le divorce en profitant des nouvelles lois, au grand scandale de sa famille. Bien qu’issue, contrairement à la Belle Otero, d’une « bonne famille », elle devint elle aussi une demi-mondaine, reine des nuits parisiennes.
La jeune femme connut d’abord une période d’apprentissage dans une maison close. Grâce aux conseils de la célèbre Valtesse de la Bigne (1848-1910), qui inspira à Zola le personnage de Nana, la pudique Anne-Marie se transforma. Sous le pseudonyme de Liane de Pougy, elle commença une carrière de danseuse de cabaret et devint rapidement une des courtisanes les plus en vue de la capitale (Liane de Pougy – Wikipédia).
Elle rencontra Henri Meilhac (1830-1897), auteur dramatique à succès, amateur de jolies femmes, qui la fit engager aux Folies Bergères, où elle débuta en avril 1894. Elle joua à l’Olympia dans la pantomime « Rêve de Noël » puis triompha aux Folies Bergères en 1896, avec le rôle d’Oriane, dans « l’Araignée d’or ».
L’écrivain Edmond de Goncourt dit alors de Liane qu’elle est la « plus jolie femme du siècle ».
Très vite, Liane ne compta plus ses amants. À 21 ans, elle en aurait déjà eu 43. Elle s’intéressait beaucoup à la noblesse, recevant en passant le surnom de « Passage des Princes ».
Comme sa rivale, la Belle Otéro, Liane fit tout pour développer sa fortune personnelle. À titre d’exemple, je citerais les anecdotes suivantes :
– Lord Carnavon, celui qui, en 1922, découvrira avec Howard Carter la tombe de Toutankhamon, lui offrit une perle d’une valeur inestimable ;
– elle ruina pratiquement Charles de Mac Mahon, parent de l’ancien Président de la République ;
– elle fit payer 80 000 francs à Henri Meilhac, simplement pour qu’il puisse la voir nue ;
– elle reçut plus de 400 000 francs de bijoux, pour participer à des jeux sadomasochistes avec des Russes !
– Liane de Pougy se paya le luxe d’humilier le grand poète italien Gabriele d’Annunzio peut-être parce qu’il fut un ancien amant de la Belle Otero. Liane lui envoya sa femme de chambre à sa place, sous prétexte qu’il avait mauvaise haleine !
L’édition de 1896 du « guide Paris-Parisien » la décrivit comme une « demi-mondaine connue pour ses beaux bijoux » ; celle de 1899 parla d’une « demi-mondaine connue pour ses ventes, son suicide, ses essais littéraires et dramatiques ». Georges Montorgueil, dans son ouvrage sur « Les Parisiennes d’à présent » (1897), ironisa : « Mais si elle n’est de Pougy elle est bien Liane pour sa souple beauté et ses enlacements ».
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Comme nous l’avons vu à propos de la grande romancière Colette, la Belle Époque fut une période où s’affichait la bisexualité féminine, dans les milieux mondains et artistiques. Ouvertement bisexuelle, Liane de Pougy eut pour amantes d’autres courtisanes, comme Valtesse de La Bigne ou encore Émilienne d’Alençon.
1899 fut un tournant dans sa vie : elle rencontra la romancière Natalie Barney (1876-1972), qu’elle décrivit ainsi dans ses souvenirs « Mes cahiers bleus » : « un don du ciel, (…) un rayon lumineux et subtil qui dore tout sur son passage », mais aussi « Natalie l’inconstante, qui sait être si fidèle malgré ses infidélités ».
Natalie est une jeune et jolie Américaine de vingt-trois ans, qui deviendra poétesse et romancière. Liane en tomba follement amoureuse. Durant l’été 1899, Liane écrit à Natalie : « Des mots, des caresses, des effleurements, cela, c’est nous deux ». De son côté, Natalie, fascinée par sa « sveltesse angélique » et quelque peu « androgyne » voulut conduire Liane à Lesbos, sur les traces de la poétesse Sappho : « Passer ma vie à tes pieds comme ces jours derniers (…) Nous nous retrouverons à Lesbos (…) Je veux nous imaginer dans cette île enchantée d’immortelles. Je la vois si belle. Viens, je te décrirai ces frêles couples d’amoureuses, et nous oublierons, loin des villes et des vacarmes, tout ce qui n’est pas la Morale de la Beauté ».
Leur liaison, qui ne dura qu’une année, défraya la chronique. Natalie fut infidèle et, si elle fit ce voyage sur l’île de Mytilène, ce fut avec « Sapho 1900 », la poétesse britannique Renée Vivien (1877-1909).
Liane mit en scène ses amours saphiques avec Natalie (décrite sous le nom « Flossie ») dans un livre intitulé « Idylle saphique », qui parut en septembre 1901. Présenté comme un roman, ce livre sulfureux fut un grand succès de librairie. Liane en envoya un exemplaire à Natalie, avec cette dédicace : « L’Idylle a vu le jour et le public s’arrache, c’est le mot, ces lambeaux de nous et de nos anciennes aspirations ».
Bien des années plus tard, Natalie Barney déclara à Jean Chalon : « Liane, ah ! Ma Liane, c’est mon souvenir le plus voluptueux. Et dire que, à la fin de sa vie, elle prétendait que j’avais été son plus grand péché ! »
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Courtisane, Liane fut aussi romancière. Dès 1898, elle publia un premier roman intitulé « L’insaisissable ». Liane s’y inspire de son propre parcours, puisqu’elle décrit dans le livre la vie d’une courtisane, Josiane de Valneige, faisant le portrait de ces demi-mondaines dont l’unique péché serait tout autant d’aimer que de vouloir être aimées : « Aimer !!! Aimer !!! Oh ! Oui (…) Rencontrer un regard pur où mirer mon cœur fatigué. Palpiter dans une étreinte d’un bonheur non joué, laisser tomber sur mes joues une larme, une vraie ! ».
En juillet 1904 parut une revue illustrée, « L’Art d’être Jolie », dont Liane Pougy assura la direction. Une affiche un portrait de Liane par le photographe français Léopold-Émile Reutlinger (1863-1937). L’éditorial explique le pourquoi de cette publication hebdomadaire : il s’agit d’encourager, chez la femme « cet art instinctif en elle, l’art d’être jolie (…) en apportant chaque semaine, en son format élégant et parfumé, véritablement digne de celles qui le feuilletteront, l’essence même de ce qui fait le charme féminin ». Vingt-cinq numéros de « L’Art d’être jolie » paraîtront ainsi jusqu’en janvier 1905.
Encouragée par plusieurs de ses amis, en particulier son confident, l’archéologue Salomon Reinach (1858-1932), Liane se mit à tenir un journal intime, qui couvre la période de 1919 à 1941 et ne sera publié que de manière posthume, en 1977, sous le titre « Mes cahiers bleus ». C’est une chronique de la vie de l’entre-deux-guerres, mêlée de souvenirs de la Belle Époque, avec de nombreux portraits et où elle revient sur sa grande histoire d’amour avec Natalie Barney.
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En 1908, alors au sommet de sa carrière, Liane de Pougy rencontra le prince roumain Georges Ghika, de quinze ans son cadet, très noble, mais fort désargenté (Liane de Pougy – Wikipédia). Ils se marièrent en 1910.
La courtisane, devenue princesse, reprit son prénom d’Anne-Marie. Elle se sépara de ses toilettes luxueuses, de ses bijoux, et quitta le monde des cocottes pour vivre à Saint-Germain-en-Laye, dans une jolie maison bourgeoise où elle tint salon. Ce fut une période sombre pour l’ancienne reine de Paris, qui tomba en dépression, devint aigrie, renfermée, pingre, ne supportant plus ni les artistes ni la légèreté des mœurs. Sa dépression fut encore aggravée par la mort au combat de son fils Marc en 1914.
Georges décida alors de revenir à Paris, pour sortir Liane de cette spirale et reprendre la vie mondaine. Le couple rencontra alors une jeune artiste, Manon Thiebaut. Ils tombèrent tous les deux amoureux de la jeune femme ! Georges suggéra même le ménage à trois, mais Liane, pas partageuse, refusa.
Georges Ghika quitta brusquement son épouse en juillet 1926, et partit avec Manon Thiebaut pour la Roumanie. Liane revit alors Natalie Barney à Paris. Avec Natalie et avec la fille d’un Baron vénitien, Mimy Franchetti (1893-1943), elles formèrent un véritable triangle saphique, dont Natalie parlera dans un récit autobiographique, publié de manière posthume : « Amants féminins ou la troisième ». Quant à Liane, elle en parle ainsi, dans son journal : « Natalie à droite, me câlinant, m’embrassant, Mimy à gauche, ses lèvres sur mes lèvres… »
Menacé de divorce, le prince finit par revenir au domicile conjugal, mais les relations du couple sont désormais distantes.
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Celle qui fut une femme légère mourut dans la piété. En 1928, la princesse Ghika fit la connaissance de Mère Marie-Xavier, mère supérieure de l’asile Sainte-Agnès à Saint-Martin-le-Vinoux, près de Grenoble. Dans les années qui suivirent, Mère Marie-Xavier accompagna la lente métamorphose spirituelle de la princesse Ghika. En 1943, le R.P. Rzewuski, son confesseur depuis 1939, « juge sa pénitente digne d’être reçue dans le Tiers-Ordre de Saint-Dominique » : le 14 août 1943, l’ancienne étoile des Folies Bergère, la scandaleuse, la « grande horizontale », la « pécheresse », prononça ses vœux et prit le nom de Sœur Anne-Marie de la Pénitence. Après la mort de Georges Ghika, en 1945, Liane, ou plutôt Anne-Marie, s’installa à Lausanne où elle transforma une chambre de l’hôtel Carlton en cellule.
Ayant presque le même âge, se considérant comme les deux reines des nuits parisiennes, la Belle Otero et Liane de Pougy furent plus que des rivales : elles se détestaient souverainement.
Physiquement, les deux femmes étaient d’ailleurs très différentes. Otero est tout en rondeurs, avec un tempérament de feu. Elle, rit fort, porte quantité de pierreries colorées et s’exhibe avec opulence, en laissant un sillage capiteux sur son passage. Liane se veut plus discrète, sent la violette, porte des perles et rit sous cape et le rose aux joues des blagues grivoises des hommes qu’elle attire dans ses filets.
Leur duel connut un sommet lors d’une soirée au Casino de Monte-Carlo en 1898, en présence de tout le gratin de la Belle Époque. La belle Otero arriva la première, dans une robe somptueuse, triomphante. C’est alors que Liane de Pougy entra à son tour, simplement vêtue d’une robe virginale et uniquement ornementée d’une fleur fraîche, qu’elle vient de planter dans ses cheveux.
C’est une ruse. Liane de Pougy est suivie par sa femme de chambre qui porte tous les bijoux de sa maîtresse ! Le message est clair : contrairement à Otero, Liane n’a pas besoin d’artifices. Liane de Pougy humilia ainsi sa rivale ce soir-là et s’offrit le luxe de lui « souffler » son amant du moment.
Margaretha Geertruida Zelle dite Grietje Zelle, dite Mata Hari (1876-1917), est la fille d’un riche marchand néerlandais. Elle connut peu sa mère, tôt disparue ; quant à son père, tombé en faillite, il fut déchu de l’autorité parentale. Margaretha tomba alors sous la tutelle d’un oncle, à La Haye et entama des études pour devenir institutrice. Ce fut son premier scandale, car elle fut renvoyée de l’école à la suite d’une liaison avec le directeur.
À 18 ans, elle épousa un officier de la marine néerlandaise de dix-neuf ans son aîné, Rudolf MacLeod, avec qui elle partit pour les Indes néerlandaises, l’actuelle Indonésie. Là-bas, elle prit l’habitude de s’habiller à la javanaise, apprit des bribes de Javanais et surtout la danse javanaise.
La vie de couple se passa très mal. Le mari est colérique, violent, alcoolique et jaloux, ne se gênant pas pour tromper son épouse. Margaretha donna naissance à deux enfants, Louise-Jeanne et Normand-John. En 1899, un drame brisa définitivement le couple : les deux enfants ont été empoisonnés. Seule Louise-Jeanne survit.
En 1902, de retour en Europe, elle divorça à La Haye de son mari, obtenant la garde de sa fille et une pension alimentaire qui ne lui sera jamais versée (Mata Hari – Wikipédia). Rudolf enleva sa fille, jugeant son ex-femme indigne et dangereuse. En novembre 1903, à l’âge de 27 ans, la jeune femme partit pour Paris, et, très vite, se fit entretenir, devenant une courtisane.
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Début 1905, elle débuta en tant qu’écuyère dans le « Nouveau cirque » d’Ernest Molier (1844-1933), qui lui proposa de devenir une danseuse dénudée. Elle commença ainsi sa carrière de danseuse orientale.
Le 13 mars 1905, Émile Guimet (1836-1918), industriel et orientaliste fortuné, fondateur du musée national des arts asiatiques, lui proposa de venir danser dans la bibliothèque du musée, transformée pour l’occasion en temple hindou. Elle y triompha dans un numéro érotique et exotique sous le nom de « Mata Hari », signifiant « soleil », littéralement « œil du jour » en malais. Elle prit l’apparence d’une princesse javanaise habillée d’un collant couleur chair et entourée de quatre servantes, qui rend hommage au dieu hindou Shiva, et s’offre à lui lors de la troisième danse, se dénudant progressivement. Mata Hari est très grande, élancée, avec une peau mate sous une chevelure de jais, un regard ténébreux et une bouche sensuelle (Mata Hari – Wikipédia). Son succès fut immédiat.
Dans un article du « Courrier français », un journaliste décrit ainsi la scène : « Elle ondule sous les voiles qui la dérobent et la révèlent à la fois. Et cela ne ressemble à rien de ce que nous avons vu. Les seins se soulèvent avec langueur, les yeux se noient. Les mains se tendent et retombent, comme moites de soleil et d’ardeur » (Grande Guerre : Mata Hari, l’espionne qui n’en était pas vraiment une).
Mata Hari parcourut l’Europe, collectionnant les chapeaux, les chiens, les fourrures, les bijoux et les amants.
Avec son numéro d’effeuillage sous prétexte de danse orientale, Mata Hari, comme le fera Colette, leva le tabou de la nudité, dans une société encore marquée par le rigorisme moral du XIXe siècle. Mythomane et manipulatrice, elle se construisit sa légende, prétendant être née à Java, où les prêtres de Shiva l’ont initiée aux secrets de son culte et de ses danses. Son père aurait été baron. Son mari, un officier supérieur dont elle est séparée, était jaloux comme un tigre (Mata Hari – Wikipédia). Mata Hari, pour justifier les cupules de bronze ornées de bijoux qui masquaient ses seins pendant ses spectacles, prétendait qu’il lui avait arraché ses mamelons dans un accès de rage jalouse, lui laissant de vilaines cicatrices. Ces cupules servaient surtout à masquer la petite taille de sa poitrine.
Devenue la danseuse la mieux payée de la scène européenne, le Tout-Paris se précipite à ses spectacles, qui sont encore plus scandaleux que ceux de Colette. Elle collectionna les amants, mais aussi les maîtresses. Elle aurait été l’amante de Colette comme de Natalie Barney.
La journaliste Agnès Grossmann, dans le chapitre qu’elle lui consacre dans son ouvrage, nous dit que : « le poème de Charles Baudelaire, Les Bijoux, semble avoir été écrit pour elle ».
Dès ce moment, Mata Hari acquit sa réputation de mangeuse d’hommes. Elle n’hésita d’ailleurs pas à dire qu’elle préfère un officier pauvre à un banquier riche. C’est d’ailleurs ce goût pour l’uniforme qui la perdra.
Endettée, sa carrière déclina rapidement, la conduisant à accepter des rôles peu reluisants dans des spectacles populaires. Elle ira jusqu’à se prostituer dans des maisons closes !
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En 1914, au moment de la déclaration de guerre, Mata Hari est à Berlin avec son amant du moment, un aviateur et officier allemand. Ne pouvant retourner en France, elle choisit de regagner les Pays-Bas, qui sont neutres. Elle reçut la visite du consul d’Allemagne Carl H. Cramer, intéressé par cette femme polyglotte, introduite auprès des milieux du pouvoir. Il lui proposa de rembourser ses dettes en échange de renseignements pour l’Allemagne en retournant à Paris. Aux abois sur le plan financier, ne pouvant oublier sa gloire passée, elle décide de revenir en France, en passant par l’Angleterre en 1915.
De retour à Paris, Mata Hari se rendit compte que son heure de gloire dans le monde du spectacle est passée. Fin 1916, à Paris, elle tomba amoureuse de Vadim Maslov, officier russe au service de la France, couvert de dettes. Il a 21 ans. Blessé au front, il fut soigné dans un hôpital de campagne près de Vittel. Mata Hari devint ce qu’on appellerait aujourd’hui une « cougar » : elle rêve d’épouser le bel officier après la guerre.
Pour obtenir un laissez-passer à destination de Vittel, Mata Hari rencontra le capitaine Georges Ladoux, chef des services du contre-espionnage français, le 2 septembre 1916. Comme Cramer quelques mois plus tôt, il l’invita à mettre ses relations internationales, son don des langues et ses facultés de déplacement au service de la France (Mata Hari – Wikipédia). En tant que Néerlandaise, elle pouvait en effet franchir librement les frontières.
Pour espionner les Allemands en Belgique, elle réclama un million de francs à Ladoux qui accepta, mais la somme ne fut jamais versée. Elle comptait rejoindre la Belgique via l’Espagne. Lors d’une escale involontaire à Falmouth, elle fut interrogée par les Britanniques et revendiqua de travailler aux services secrets français. Puis elle séjourna en Belgique, où elle aurait reçu une formation au centre de renseignements allemand d’Anvers, avant d’embarquer pour l’Espagne, où elle fréquenta de nombreux officiers alliés.
En janvier 1917, l’attaché militaire allemand à Madrid, le major Kalle, que Mata Hari avait tenté de séduire en se faisant passer comme l’espion allemand de nom de code H-21, transmit un message radio à Berlin, décrivant les activités de l’agent H-21 (Mata Hari – Wikipédia).
Les services secrets français interceptèrent le message et identifièrent H-21 comme étant Mata Hari. Les Allemands avaient utilisé un code qu’ils savaient pertinemment connu des Français et avec des informations qui permettaient facilement de reconnaître Mata Hari. Mata Hari, agent double, fût-elle lâchée par les Allemands ? Six semaines après son retour en France pour rejoindre Vadim Maslov, le contre-espionnage français fit une perquisition dans sa chambre d’hôtel. Son sac à main contenait deux produits pharmaceutiques. Elle déclare que l’un de ces produits est un contraceptif, bien légitime compte tenu de ses « activités », mais il entre aussi dans la composition de l’encre sympathique. Des télégrammes chiffrés interceptés établissaient (et elle le reconnut) que le consul allemand aux Pays-Bas lui avait versé 20 000 francs. « Pour prix de mes faveurs », répondit-elle. Pour des « renseignements », selon ses juges. Elle fut arrêtée.
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Accusée d’espionnage au profit de l’Allemagne, Mata Hari était une coupable idéale dans une France en plein doute en cette année 1917, après l’échec de l’offensive Nivelle et les mutineries. Son procès ne dura que trois jours, sans apporter de nouveaux éléments (Mata Hari – Wikipédia). Elle fut lâchée par son amant Vadim Maslov qui la qualifia « d’aventurière ». Mata Hari se rendit-elle compte qu’elle était tombée amoureuse d’un lâche ?
Mata Hari fut condamnée à mort pour « intelligence avec l’ennemi en temps de guerre » (Grande Guerre : Mata Hari, l’espionne qui n’en était pas vraiment une). Sa grâce ayant été refusée par le président Raymond Poincaré, elle fut fusillée, le 15 octobre 1917 au polygone de tir de Vincennes.
Mata Hari fut sans doute une « cocotte » naïve, vénale et manipulée par les services secrets. La réalité de ses activités d’espionnage et surtout leur importance et leur portée restent un sujet de doute pour les historiens.
Mata Hari avait un faible pour les militaires et les officiers, et c’est probablement cette faiblesse qui causa sa perte. Elle se laissa entraîner dans un jeu dangereux orchestré par Ladoux, afin de continuer à assurer son train de vie et retrouver son jeune amant. Mata Hari fut obnubilée par l’argent, le sexe et la notoriété. Mais rien ne démontre qu’elle fut une espionne. Elle fut, dans le contexte de l’époque, une victime expiatoire.
Kiki de Montparnasse, de son vrai nom Alice Ernestine Prin (1901-1952), symbolisa le Paris de l’entre-deux-guerres. Sans être, comme les autres femmes mentionnées précédemment, une courtisane ou une demi-mondaine, elle appartint comme elles au monde de la nuit et des cabarets.
« Reine de Montparnasse », Kiki fut aussi un modèle, une muse et l’amante d’artistes célèbres. Elle fut chanteuse, danseuse, gérante de cabaret, artiste peintre et actrice de cinéma (Christian & Vincent on Twitter : Reine de quartier… Kiki de…). Ses Mémoires furent refusées par la censure américaine. Ils ne paraîtront finalement qu’en 2005 alors qu’ils auraient dû paraître en anglais, en 1929, avec une préface d’Hemingway, où le célèbre écrivain disait : « Voici un livre écrit par une femme qui n’a jamais été une lady… mais une reine. » !
Kiki de Montparnasse, femme libre et moderne, qui fut le modèle des peintres les plus célèbres. Elle fut aussi la muse des poètes et des écrivains de l’époque, d’une génération qui cherchait à oublier la Grande Guerre, égérie du Montparnasse des années folles, Kiki voulut affirmer son indépendance et sa liberté, y compris sexuelle, à une époque et dans une société qui restaient misogyne et patriarcale et où son comportement fit scandale.
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Enfant illégitime, Alice fut élevée par sa grand-mère, dans une grande pauvreté. En 1913, elle quitta Châtillon-sur-Seine pour rejoindre sa mère linotypiste à Paris. L’année suivante, elle quitte l’école pour travailler comme apprentie. Elle fut successivement brocheuse, fleuriste, laveuse de bouteilles chez Félix Potin et visseuse d’ailes d’avion. En 1917, elle est bonne à tout faire chez une boulangère, place Saint-Georges. Se révoltant contre les mauvais traitements qu’elle subit, elle est renvoyée (Kiki de Montparnasse – Wikipédia).
Pour gagner de quoi vivre, elle devient modèle nue chez un sculpteur (Kiki de Montparnasse – Wikipédia). Cela cause une violente dispute avec sa mère qui la chasse.
La jeune fille se réfugia chez le peintre émigré russe Chaïm Soutine (1893-1943). Elle fréquenta alors la brasserie La Rotonde, puis devint la concubine du peintre juif polonais, Maurice Mendjizki (1890-1951). C’est lui qui la fit entrer dans la communauté des artistes de Montparnasse.
Elle posa ensuite pour les célèbres peintres Amedeo Modigliani (1884-1920) et le Japonais Tsugouharu Foujita (1886-1968), dont elle fut le modèle favori. En odalisque alanguie, le nu de Kiki fait sensation au Salon d’Automne de 1922, où il se vend pour l’énorme somme de 8 000 francs. La jeune femme a adopté la coupe au bol, les yeux abondamment soulignés de khôl, les lèvres peintes de rouge vif et le pseudonyme de Kiki.
Elle ne posa pas seulement pour les plus grands peintres, elle coucha avec eux. En 1921, elle devint la compagne et le modèle préféré du peintre surréaliste et photographe Man Ray (1890-1976) qui trouvait son physique « de la tête aux pieds, irréprochable ». Il la photographia notamment à côté d’un masque baoulé, ainsi que de dos, nue, pour un célèbre cliché auquel il ajouta deux ouïes de violon et qu’il intitula « Le Violon d’Ingres », en 1924. Il lui fit rencontrer les dadas Tristan Tzara, Francis Picabia et les surréalistes Louis Aragon, André Breton, Paul Éluard, Max Ernst et Philippe Soupault (Kiki de Montparnasse – Wikipédia).
Muse incontestée du Montparnasse des années folles, elle commença également à dessiner des portraits pour les soldats britanniques et américains qui fréquentent La Rotonde. Par la suite, elle exposa régulièrement ses peintures dans des galeries parisiennes.
Kiki aime la vie, aime les arts, les hommes, l’alcool et la fête (Portrait de femme qui a marqué Paris : Kiki de Montparnasse).
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En 1929, elle fut enfermée 10 jours en prison à Nice après s’en être violemment prise à un patron de bar. Elle raconte la scène dans son carnet de souvenirs :
« (…) Un soir, je vais retrouver des matelots amis dans un bar anglais où nous n’allons jamais. J’avais à peine ouvert la porte que le patron me crie :
Je me précipite sur lui et lui lance une pile de soucoupes sur la figure. Mes copains entament la bagarre, mais la police arrive. »
Lorsque la police tenta de l’emmener au poste, elle frappa le commissaire à coup de sac à main ! Elle fut transférée à la prison de Nice, et le journal le Petit Niçois du 5 avril 1929 n’en fait pas un portrait très élogieux : « une fille aux mœurs légères, Alice Prin, âgée de trentedeux ans, née à Paris […]. »
Heureusement, Man Ray fit jouer ses connaissances et le commissaire se contenta d’une « déposition bénigne ». Lorsque Man Ray arriva à Nice avec une lettre du médecin de Kiki, elle put sortir.
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La même année, Kiki tomba follement amoureuse du journaliste Henri Broca, fondateur du magazine « Paris-Montparnasse », dans lequel paraissent les premiers chapitres du livre de souvenirs que Kiki s’apprêtait à publier. Malgré l’engagement du journaliste américain Edward William Titus, époux d’Helena Rubinstein, ainsi que la préface d’Hemingway, les autorités douanières américaines refusèrent l’introduction du livre aux États-Unis, pour cause de propos jugés « scabreux » (Kiki de Montparnasse – Wikipédia).
Sa mère, puis Henri Broca sombrèrent dans la folie. Pour parer aux frais médicaux, elle fit le tour des boîtes de nuit, où elle chante et danse (Kiki de Montparnasse – Wikipédia). En 1930, elle débuta au Concert Mayol dans la revue « Le Nu sonore ». En 1931, elle se produisit à La Jungle, en 1932 à L’Escale. En 1936, elle chanta « Nini peau d’chien » au moulin de la Galette. Elle se produisit aussi dans le célèbre cabaret de la rue de Penthièvre, « Le Bœuf sur le toit », lieu où Man Ray exposait ses photographies. Elle se rendit aux studios de la Paramount Pictures à New York, mais sans résultat. De janvier 1935 à janvier 1937, elle chanta régulièrement au Cabaret des fleurs au 47, rue du Montparnasse (Kiki de Montparnasse | Les Montparnos).
Buvant toujours trop, Kiki prit du poids, mais elle continua à poser, notamment pour le peintre norvégien Per Krohg (1889-1945) qui, trouvant sa « croupe très belle », pense « à un trois-mâts toutes voiles dehors ».
En 1937, elle ouvrit son propre établissement « Babel » qui devient « chez Kiki », rue Vavin. André Laroque, pianiste et accordéoniste de ce cabaret, devint son nouvel amant (Kiki de Montparnasse – Wikipédia). Il aida Kiki à lutter contre sa dépendance à la drogue et tapa à la machine ses souvenirs qui ne seront publiés qu’en 2005. En 1939, elle chanta au cabaret Le Gipsy’s rue Cujas. En 1942, elle fit sa rentrée au Jockey, boulevard Montmartre. Elle s’y produit jusqu’au mois de juillet 1943.
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En 1952, Frédéric Kohner, un américain, professeur dans une université de Californie, qui fut déniaisé par elle à l’âge de 19 ans, la revoit : « La porte du bar s’ouvrit… Je la vis entrer. Elle portait un manteau de phoque très usé et un chapeau d’une taille ridicule, avec une voilette qui cachait ses yeux… J’eus un choc… J’avais l’impression qu’une terrible explosion s’était produite, ne laissant rien que d’horribles ruines. Je scrutais son visage tandis qu’elle titubait vers le bar… Son visage était ravagé par l’âge au point de la rendre méconnaissable. C’était un visage où l’on sentait la mort toute proche, où l’on devinait déjà le cadavre. Un maquillage outrancier ne faisait qu’accentuer l’impression de décomposition qu’il donnait » (Kiki de Montparnasse – Wikipédia).
Elle mourut en 1953 à l’hôpital Laennec de Paris et fut inhumée au cimetière parisien de Thiais. De ses nombreux admirateurs, seul Fujita aurait assisté à son enterrement.
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La société de cette période toléra ces personnalités hors norme, qui jouirent d’une liberté impensable pour les autres femmes, allant, pour certaines, jusqu’à afficher des tendances saphiques, sans craindre de décourager leurs soupirants qui ne pouvaient oublier que leurs relations avec les « grandes horizontales » se fondaient sur l’argent.
Faut-il pour autant faire de ces femmes des icônes féministes ? Cela serait paradoxal, alors que la prostitution, y compris de luxe, constitue, depuis la nuit des temps, la pire des aliénations pour la femme, dont le corps est traité comme une marchandise.
Ces femmes n’en furent pas moins un exemple de liberté de mœurs, dans un monde où les femmes sont alors totalement soumises à la volonté des hommes et considérées, dans l’héritage judéo-chrétien et la conception du Code Napoléon, comme éternelles mineures qui passent de la loi du père à la domination du mari.
En mettant en lumière la vie de ces deux femmes, j’ai admiré leur volonté de liberté et de s’affranchir des règles.
Je recommande la lecture des ouvrages généraux consultés :
– Susan Griffin : Le livre des courtisanes (Albin Michel, 2003) ;
– Joëlle Chevé, Les Grandes courtisanes (Éditions First, 2012) ;
– Catherine Guigon, Les Cocottes, reine du Paris 1900 (Parigramme, 2012) ;
– Marc Lemonier, La petite histoire des courtisanes (Éditions Jourdan, 2018)
1. Sur « la belle Otero » :
Le livre de référence est celui de Marie-Hélène Carbonel et de Javier Figuero « La véritable biographie de la Belle Otero et de la Belle Époque » (Fayard, 2003).
Sur Internet, je recommande les liens suivants :
– https : //www.histoire-image.org/fr/etudes/belle-otero-embleme-belle-epoque
– https : //www.lefigaro.fr/histoire/archives/2018/11/02/26010-20181102ARTFIG00234-la-belle-otero-envoutante-courtisane-de-la-belle-epoque-naissait-il-y-a-150-ans.php
– http : //www.janinetissot.fdaf.org/jt_otero.htm
2. Sur Liane de Pougy :
On peut citer la biographie de : Jean Chalon « Liane de Pougy, courtisane, princesse et sainte » (Flammarion, 1994).
Sur Internet, je renvoie aux liens suivants :
– https : //www.histoire-image.org/fr/etudes/liane-pougy-charme-ambiguite-belle-epoque
– https : //parciparla.fr/cocotte-liane-de-pougy-histoire/
3. Sur Mata Hari :
Je mentionne le chapitre que lui a consacré la journaliste Agnès Grossmann, dans son ouvrage « Les salopes de l’histoire » (Acropole, 2016). J’ai aussi consulté les liens suivants sur Internet :
– https : //www.histoire-pour-tous.fr/biographies/4522-mata-hari-ou-le-mythe-de-la-danseuse-espionne.html
– https : //www.histoire-et-civilisations.com/mata-hari-femme-fatale-victime-de-grande-guerre/
– http : //enigmeshistoire.e-monsite.com/pages/mata-hari-espionne-ou-victime.html
– https : //www.holland.com/fr/tourisme/destinations/les-provinces/friesland/mata-hari-8.htm
– https : //www.collection-privee.org/public/galerie-virtuelle-plus.php ? theme=9
4. Sur Kiki de Montparnasse :
Je signale une excellente bande dessinée de Jean-Louis Bocquet (scénariste) et Catel (dessinateur), publiée chez Castermann en 2007.
Sur Internet, je renvoie aux liens suivants :
– https : //vivreparis.fr/portrait-de-femme-qui-a-marque-paris-kiki-de-montparnasse/
– http : //www.racontemoilhistoire.com/2015/02/kiki-de-montparnasse-reine-artistes/
– http : //salon-litteraire.linternaute.com/fr/inclassable/content/1804895-kiki-la-reine-de-montparnasse
À suivre : (17) « Femmes libres d’Afrique. »