n° 22136 | Fiche technique | 30853 caractères | 30853 5248 Temps de lecture estimé : 21 mn |
25/11/23 corrigé 29/11/23 |
Présentation: Attention, texte extrêmement original ! Si vous avez des problèmes avec l’originalité, merci de ne pas lire (ça vous évitera de perdre votre temps, et nous de nous coltiner un sale commentaire). Sinon, nous vous souhaitons une excellente lecture :) | ||||
Résumé: Vous n’êtes pas prêt(e) à lire ce texte... vous le savez, ça ? Et pourtant vous allez le faire, car c’est écrit. Et rien ni personne ne pourra y changer quoi que ce soit... | ||||
Critères: #collaboratif #sciencefiction fff | ||||
Auteur : ClubAA (Trois femmes) Co-auteur : Charlie67 Envoi mini-message Co-auteur : Melle Mélina Envoi mini-message Co-auteur : Wedreca Envoi mini-message Co-auteur : Jocelyn Witz Envoi mini-message |
Projet de groupe : Trois femmes |
Souvent, par le passé, de grandes découvertes ont été le fruit du hasard et d’une succession d’événements menant au Graal que tout scientifique recherche. De la découverte de l’Amérique, en passant par celle de la radioactivité ou bien encore du fond diffus cosmologique, un grand nombre de ces découvertes n’auraient jamais vu le jour sans une erreur de calcul, un problème de dosage, ou tout autre imprévu s’immisçant tel un grain de sable dans les rouages de la connaissance.
Mais parfois, ce n’est même pas lors de recherches que cela arrive, mais uniquement grâce à une putain de chatte d’enfer sa mère ! Et c’est exactement ce qu’il s’est produit pour l’une des plus grandes découvertes de tous les temps… si ce n’est la plus grande. Et pour cela, il faut retourner loin… très loin dans le passé…
***
Rome en l’an 38
Ce n’est pas sans fierté qu’elle compte s’acquitter de cette mission. Depuis sa litière, le regard dédaigneux, les sourcils froncés et les doigts se pinçant le nez pour se protéger des odeurs du peuple, Melania fonce vers le marché aux esclaves.
Son père, le consul Caïus Lupus, organise ce soir en l’honneur des bacchantes une soirée qu’il souhaite inoubliable pour les convives.
Il a laissé carte blanche à sa fille bien-aimée – la seule recommandation est de taper dans l’exotique, le sénateur Patrus Lustucrus, invité de prestige, est friand de jeunes éthiopiens.
Arrivés sur la grand-place, les lecticarius déposent leur maîtresse au pied de l’estrade prévue pour les acheteurs les plus éminents. Elle s’y installe au côté de son ami Canaplus, pédéraste invétéré et de Gracchus Sextilius pour lequel les rumeurs de zoophilie qui courent sont moins scandaleuses que les faits avérés.
Melania repère tôt la marchandise qui l’intéresse et garde un œil expert sur la concurrence, il va falloir sortir les sesterces. Il ne fait aucun doute que la dépense sera élevée, mais quand on aime, on ne compte pas.
Ainsi trouve-t-elle trois Éthiopiens dont une baraque bâtie dans la roche, en plus d’une jolie asiatique – denrée rare qui fera sûrement la joie de plusieurs invité(e)s – ainsi que deux femmes nubiles, fraîches comme la rosée du matin.
Melania se réservera un moment avec le colosse et l’Asiatique et espère même pouvoir jouir des deux en même temps.
Toute auréolée de ses trouvailles, elle arrive aux thermes qui se transforment petit à petit en lupanar sous les ordres avisés de son père. Les bains sont répartis en deux grandes salles, la première étant celle du banquet où se dressent des tables gigantesques et tellement fournies de nourriture et de boissons que même Bacchus ne saura où donner de la tête et de l’appétit ; la deuxième, où se trouvent les bassins, sera l’endroit magique pour que la débauche atteigne son paroxysme. Au sol, nombre de coussins et de matelas sont prêts à recevoir les corps en sueur s’entrelacer au son de cithares et de lyres.
Déjà les premiers invités investissent les lieux.
Il est temps pour Melania de se préparer, une simple toge suffira, inutile de s'encombrer de parures et de bijoux. Elle pose ses mains sur la porte de la salle de la débauche et de la luxure, semble hésiter quelques secondes… puis se lance…
Paris, 2023
Poussant la lourde porte métallique, le grincement grave qu’elle émet est vite couvert par les basses de la musique qui bat comme un cœur, à travers les murs.
À peine entrée, ce sont deux molosses qui viennent se placer devant Erika. Ils doivent bien faire deux têtes de plus qu’elle et sûrement plus du double de son poids. Tandis que le premier détoure la silhouette de la jeune femme, de son détecteur, le deuxième la fixe droit dans les yeux avec une telle froideur que, pour un peu, elle se serait pissée dessus. Elle retient son souffle…
Avec le soulagement d’une meuf qui n’a rien à se reprocher (mais sait-on jamais), Erika passe alors entre les deux cerbères et entre dans le pays des merveilles.
Alice vient de rentrer dans le terrier… Où te caches-tu, petit lapin blanc ?
BOUM ! BOUM ! BOUM !
Ce n’est pas tant le volume sonore que les vibrations qui l’agressent en premier. Mais Erika en a l’habitude. Ce n’est pas sa première rave et certainement pas la dernière. Déambulant entre les corps déjà en sueur, elle se fraye un chemin tout en balayant du regard la masse de chair mouvante, à la recherche d’une tête connue.
Ses oreilles commençant à s’habituer au son et ses yeux aux flashs de couleurs stroboscopiques, Erika commence à se sentir bien. Ou est-ce cette odeur qui plane dans l’air ? À peine minuit, et les effluves de shit couvrent déjà presque les odeurs de sueur. Et puis, la vue de toutes ces meufs, portant des minis ras la fouf, la rassure un peu. Elle qui avait peur de faire un peu pute, avec sa minijupe mi-cuisse, en cuir noir… pour le coup, elle passerait presque pour une bigote catho coincée du cul.
Mais en tant que reine de la poisse, il fallait bien que cette teuf, trop bien démarrée, dérape à un moment ou à un autre…
Oh non ! Pas lui !
Le type qui vient de l’interpeler n’est autre que Kevin : le mec qui a collé Erika durant deux longues années, à la fac. Ce gars n’a jamais compris qu’il était le seul à être amoureux et qu’il fallait être deux pour former un couple.
Putain de merde ! Il fallait que je tombe sur lui. Fait chier, quand même ! Y avait combien de chances ? Une sur mille… une sur dix-mille ?
Le Kevin, se sentant pousser des ailes, tente même une approche corporelle sous prétexte de danse… mais il ne danse pas, il se frotte, tout au plus. C’en est alors trop pour Erika. Elle n’est pas venue ici pour se coltiner ce blaireau pendant toute la soirée. Il lui faut un plan de sortie, et vite ! Mais pas facile de réfléchir dans un vacarme pareil. Alors, ne trouvant pas de solution, elle fait ce qu’elle sait faire de mieux : elle improvise.
Priant pour que le cerveau de Kevin n’ait pas trop évolué depuis ces dernières années, Erika s’éloigne de l’incarnation même de la stupidité et de son visage ahuri, pour se diriger vers le bar.
Un tabouret de libre ! Waouh, inespéré ! Après la poisse, on dirait bien que la chance me sourit enfin. Je vais m’enfiler un sky ou deux et tenter d’oublier ce loser !
S'approchant du siège, comme un prédateur de sa proie, Erika a bien l'intention de se biturer la gueule comme jamais…
Station Callisto XII (quelque part, en orbite autour de Jupiter), 3169
S’emparant du siège aux abords de la bulle de danse, Joss s’y laisse flotter avec délices. Depuis combien de rotations n’a-t-elle pas eu le loisir de se déboîter les neurones pour passer en pilote automatique. Ce soir, c’est mégamurge et hyperextase réunies. Elle se vautre sans retenue dans les plaisirs infinis que peut offrir une station orbitale aussi peuplée que Callisto XII. Tant pis si son capital santé en prend un coup.
Elle n’a guère le temps d’examiner la bulle, immense sphère pulsant d’un bleu surréel où nagent en 0-Grav des milliers de booties et d’où lui parvient une rythmique dingue à demi étouffée par la membrane. Déjà, un maidrob glisse vers elle sur son rail, scanne les traits de son visage et s’exclame, au comble du ravissement :
Pendant que le petit droïde cliquette et vrombit en mixant les ingrédients dans ses entrailles de plastine, la jeune femme laisse son regard errer sur le chaos d’azur flashy où évoluent les danseurs. On dirait un bouillon de culture parcouru d’éclairs laser et de frissons stroboscopiques. Ou un grouillement de chromosomes en folie, chacun cherchant les partenaires qui s’emboîteront dans ses replis mentaux et l’enverront tutoyer le Vide. Comme Joss, la plupart des beautesses ont adopté la combi moule-moule, mais elle en voit aussi bon nombre à poil, le corps semé de paillettes qui étincellent à chaque mouvement frénétique. Les gigos, eux, s’affichent en shoshort à bretelles, mode oblige.
Joss n’a pas le temps de répondre : le rob file servir un gros gigo trois sièges plus loin. Elle inspire le fond de son postapo et se lève en titubant. Enculé d’Oi. Fuir à tout prix ses tentacules poisseux. Heureusement la bulle est vaste et notre néodiplômée a changé de masque facial au cours de la dernière rotation. L’esprit atomisé par l’alcool, elle s’élance à travers la membrane, aussitôt emportée, avalée par la 0-Grav. Les pulsations barbares de la musique achèvent de la plonger au cœur de la fête…
Le temps n'est pas ce que vous croyez…
Vibrante à souhait, la musique, émanant des cithares et tambours, semble porter Melania dans un flux continu de sons envoutant le corps et l’esprit. Même si son père aurait sûrement désapprouvé ce comportement avilissant au vu du rang de sa fille, au milieu des danseuses dont les voiles multicolores flottent dans l’air comme des vapeurs sensuelles, la jeune beauté ondule son corps sans retenue ni pudeur. Sachant pertinemment la réaction que ses formes doivent provoquer sur la gent masculine, elle s’offre aux yeux affamés des hommes, affalés sur leurs lits ornés de bronze et de tapis précieux.
Le spectacle de ces femmes, dont la peau ne cesse de se frôler dans des mouvements lascifs et voluptueux, ne met pas longtemps à faire monter la température au sein du triclinium. Les bouches et les doigts, gras du jus des viandes, ne tardent pas à courir sur les gorges et les seins desquels ruissellent falerne et lait de brebis. Les corps se goûtent, se chauffent et se dénudent. L’ambiance semble pouvoir basculer à tout moment.
Puis, épuisée, et sûrement saoule aussi, Melania s’affale sur deux gros coussins de soie. La tête lui tourne. La belle attrape une grappe de raisin du plateau de fruits, pour en croquer les grains de sa bouche pulpeuse, qui à n’en pas douter fait tourner les têtes alentour. Les amphores encore loin d’être vides, le banquet peut encore durer des heures, et l’orgie, au nom de Bacchus, s’éterniser durant toute la nuit. Melania n’en croit pas ses yeux : enfin, elle peut le vivre… ce moment où l’excès se métamorphose en luxure, et le désir en débauche… l’instant où tout devient possible…
Melania a tourné la tête. La bouche encore pleine de raisin, elle s’interrompt net. Le regard hypnotisé par les pectoraux glabres lui faisant face, elle a stoppé toute mastication. L’Apollon au torse nu, toge drapée autour de la taille, la fixe de ses yeux d’un bleu profond. Déglutissant avec peine, la seule pensée qui traverse alors la jeune femme, est de savoir quel goût aurait sa peau si elle déposait ses lèvres sur ses abdominaux si bien dessinés.
Le cœur battant, elle porte alors un grain à la bouche de l’homme…
Oh mon Dieu ! Mais qu’est-ce qui m’arrive ? Cette chaleur dans mon ventre… et cette bouche que mes doigts frôlent, pour y insérer le fruit, dont un peu de jus s’écoule déjà d’entre ses lèvres. Cette bouche que je voudrais lécher, que je voudrais dévorer…
Tandis que Melania nourrit la créature tentatrice, elle ne peut s’empêcher d’imaginer sa main se glisser sous cette toge, afin de découvrir ce qui s’y cache. Mais cette pensée n’en est pas vraiment qu’une, car déjà, sans qu’elle ne le réalise, elle s’est lancée à l’assaut de la bête…
Ce n’est qu’une fois interceptée par des doigts virils, qu’elle prend conscience de son geste.
Lui tenant toujours la main, Melania se lève, des étoiles dans les yeux et des images plein la tête. À cet instant, elle le suivrait jusqu’aux portes de l’Olympe…
Main dans la main, elle suit aveuglément le bel inconnu. Si au niveau deal, Erika a moyen confiance en ce mec qu’elle ne connait au final que depuis trois minutes, en revanche, au plan du romantisme, elle dégouline dans ses poils sous la mini en cuir qui couine de désir à chaque pas qu’elle trottine derrière lui. Ses épaules nues, musclées, tatouées, roulant comme des bielles bien graissées, lui retournent les ovaires. À moins que ce soit son petit cul de mâle serré dans un jean au bord de la déchirure.
De l’autre côté, elle a pas bien eu le temps de voir, mais il lui semble qu’il avait la braguette genre plutôt convexe.
Un mot qui rime avec sexe…
Bref, la voilà qui pénètre à sa suite dans un local sombre et plein de recoins où des piles de journaux encore ficelés constituent apparemment les seuls sièges disponibles. Erika s’en tamponne le clito. Elle est pas venue pour le confort, juste pour trouver de quoi se détraquer un brin les synapses avant de retourner faire suer son organisme sur la techno, si possible aux côtés du type. Le 100 % alcool n’a jamais été trop son truc. De la dope, il lui faut. De la bonne défonce qui vous catapulte ailleurs. Loin.
L’endroit paraît idéal pour s’en procurer. Son Apollon au cul étroit ne s’est pas foutu d’elle. Erika le voit échanger deux mots chuchotés avec les uns et les autres. Elle ne le lâche pas d’une semelle. Autour d’eux, par petits groupes, ça sniffe à qui mieux mieux des poudres de toutes les couleurs, ça s’envoie dans les poumons des oinjs épais comme des gigots de mouton afghan.
Le gars se tourne vers elle et lui sourit.
Il cligne des yeux émeraude dans la pénombre. Ça la chavire. Elle pourrait presque ne rien absorber d’autre. Juste l’éclat de ses pupilles. Avec aussi un peu de salive et de foutre, mettons.
BOUM ! BOUM ! BOUM ! répète son cœur.
Ou alors c’est la zique là-bas.
Quelqu’un leur tend un tarpé maousse. Erika transpire dans son body en regardant l’Adonis, son Adonis, en téter le carton du bout des lèvres. Si ça continue, elle va s’évanouir dans ses bras. Bonne idée, tiens…
Mais trop tard : il lui passe le cône et repart dans des pourparlers avec ses voisins, des êtres insignifiants qu’Erika n’a même pas calculés, tous perdus dans le brouillard psychotrope, défoncés jusqu’aux sourcils.
Le teuch la rend morose. L’autre s’intéresse pas à elle. Si elle mettait la main sur sa cuisse, peut-être ?…
Elle met la main sur sa cuisse.
Putain, que c’est chaud !
Chaud et dur. Du muscle en dessous. Voire de l’acier. Terminator…
Erika sent qu’elle se liquéfie, se ratatine autour des pulsations violentes de son propre sang.
BOUM ! BOUM ! BOUM ! BOUM !
C’est alors que le mec lui présente sa paume avec, au creux, quatre smarties bariolés. Elle réfléchit pas. Elle est plus en état, Erika. Sans lâcher la cuisse de son dealer demi-dieu et cyborg, elle en prend deux et les gobe cul sec (façon de parler).
Puis il éclate de rire et elle voit sa langue frétiller. La sienne à elle, entrée en contact avec les pastilles qui déjà commencent à fondre, semble gonfler, vriller et se dédoubler… comme son esprit, d'ailleurs…
Elle les sent déjà pétiller dans sa gorge. Quel délice de laisser ces petites billes de Fourgue-Slythe prendre possession de son cerveau. En suspension dans la bulle, son corps caressé par les lumières douces, Orga Joss ondule comme un Lizardo apprivoisé, pour le plus grand bonheur des corps évanescents des Orkis. Une vénusienne à peau bleue, aux yeux turquoise et aux longs cheveux bleus aux pointes roses, se colle pour danser la coulée du désir. Les peaux ruissellent et sous l’effet de la nano-drogue, la jeune femme se laisse complètement aller.
Elle a débranché son cerveau et une masse cérébelleuse prend le contrôle de son corps. Ainsi bercée dans la 0-Grav, les images éphémères et fugaces de mondes idylliques pulsent au rythme lancinant des influx neurotransmétors. Une bulle éclate, puis une autre, puis encore une autre et tout autour se multiplie. Le bleu devient rose et le jaune devient vert.
Elle regarde les Gigos, qui sous l’effet des narcos se métamorphosent, les visages notamment. Ce petit morveux – est-il majeur ? – arbore une tronche simiesque tandis qu’à ses côtés le Blark ressemble à un rat. Cela lui fait penser que ces sales bêtes résistent à tout, même à l’atmosphère radioactive de la Terre.
Joss, d’un revers de main, chasse ses noires pensées et se concentre (ou tout du moins tente de se concentrer) sur la vénusienne qu’elle imagine en négatif, une vénusienne rose, c’est si absurde que cela la fait marrer !
Libérée de la gravitation, la tête à l’envers, les jambes offertes, la combi moule-moule devient très vite encombrante. Nue, Joss passe sous la douche de scintille et se recouvre ainsi de paillettes rutilantes. Oups, elle remarque qu’elle ne s’est pas épilée et c’est impudiquement qu’elle révèle aux yeux de gourmands une belle toison triangulaire.
Pas grave !
Un éphèbe, un peu pédant, sûr de ses atouts charme, s’approche en titubant. Les yeux vitreux trahissent son état, il paraît encore plus défoncé que Orga Joss. Sait-il qu’il s’approche d’une humaine ou son imagination lui fait croire qu’il fricote avec une Aspic ?
Qu’importe.
Il se déhanche avec sensualité et les corps ruisselants de sueur, les muscles en pleine gloire, les hormones au zénith et la vigueur de leurs êtres, chauffée ainsi, donnent à l’atmosphère un parfum de suavité proche de l’érotisme.
Il dépose son souffle sur le cou avant d’y abandonner un baiser. Les derniers remparts viennent de céder, Joss, se tourne, l’agrippe par la nuque et approche ses lèvres pour goûter au ravissement d’un baiser langoureux.
Telles d’anciennes amoureuses qui ne se sont pas revues depuis des années, leurs langues paraissent se reconnaître. Melania halète déjà, mord la bouche du magnifique inconnu, froissant son corps contre lui et laissant ses mains s’égarer dans la tignasse bouclée de ce cadeau que lui envoient les dieux. Autour d’eux, du reste, tous les convives se lâchent et la température grimpe rapidement. S’étant calé la panse de fruits confits, de sorbets et de viandes en sauce, on se vautre à présent dans les plaisirs de l’Amour. Partout, ça se lèche mutuellement les doigts, ça se tripote sous la toge, ça se tortille sur la soie des banquettes pour exhiber croupes callipyges, nichons blancs fardés de pourpre, poitrails velus et grosses bourses que tôt ou tard il faudra vider — un spectacle qui, sur les nerfs déjà embrasés de la jeune femme, démultiplie l’effet des minuscules grains bleus que son partenaire l’invite à picorer à même sa paume.
Elle ne s’en rend pas vraiment compte, mais ce mystérieux opium venu de Grèce affûte ses perceptions. Tout en frottant sa vulve contre la queue de son amant, elle entend distinctement des femmes gémir à l’autre bout de la salle, sent monter par-dessus le parfum épicé des plats l’odeur des fluides sexuels ruisselant de dizaines de corps en rut. Loués soient Venus et Bacchus ! songe-t-elle en empoignant les couilles de l’homme, et sous ses doigts, elle en devine chaque pli, en effleure le moindre poil.
Loin de rester inactif, il lui dévore les seins, à présent. Ses dents en pincent les bouts. Va-t-il la déchirer, lui arracher les membres comme ils l’ont fait ensemble à cette caille rôtie l’instant d’avant ? Melania en perd la tête et lui ouvre les cuisses plus grand encore. Soudain, ses appétits semblent illimités. Les yeux d’azur de son amant lui promettent des joies célestes, mais elle veut toutes les joies réunies, y compris les plus platement terrestres. Aussi se gave-t-elle de dattes au miel pendant qu’il lui lèche la fente. Puis, comme il la retourne pour la percer enfin de son glaive de chair, elle enfourne une nouvelle poignée de boulettes d’opium, siffle une pleine coupe de vin de Falerne, croque sans les mains un foie de coq aux amandes resté orphelin au bord du plat de cuivre ciselé. La graisse lui coule sur le menton. Presque couché sur elle, son inconnu la pine avec fougue. Elle crie de plaisir. La voilà chienne ! truie ! et pas une seconde elle n’en a honte.
Oh ! N’est-ce pas justement une truie qui traverse son champ de vision en trottinant ? Une vraie truie, monstrueuse, aux mamelles ballottantes. On l’a affublée de colliers de fleurs et de clochettes, on lui a ficelé le groin, entravé les pattes au moyen de chaînettes d’argent. Paniquée, elle galope en tous sens, renverse des tables, poursuivie par un bataillon d’esclaves et de mâles ivres qui finissent par la coincer, l’immobiliser et… la baiser, oui, en dépit de ses couinements perçants. Des femmes de la meilleure société font cercle autour d’eux pour les encourager, les applaudir ou les injurier, les asperger de vin et se branler l’une l’autre, égarées par tant d’obscénité…
Mais peut-être s’agit-il d’une hallucination. Melania ne sait plus. Sa vue se brouille, ses oreilles tintent de mille clameurs, son estomac se soulève sous l’effet des remugles de stupre et des parfums lourds qui l’assaillent. Il lui semble que c’est le divin Bacchus en personne qui la bourrique par derrière, lui enfonçant dans le ventre un arbre entier à l’écorce rugueuse. Elle voudrait lui échapper, fuir ce lieu devenu horrible, mais ses forces déclinent sans cesse, elle n’a plus ni volonté ni pouvoir, juste une sourde angoisse au cœur et une boule de glace au creux des intestins, qui grandit, grandit…
Il ne faut guère plus d’une petite minute pour que les cachetars lui tabassent l’occiput et la fasse compétemment disjoncter. Les jambes en coton, Erika tourne sur elle-même tandis que les murs ne tardent pas à tourner également.
La chaleur devient vite étouffante et les vêtements lui colle à la peau, lui entravant les bras. Miguel se désintéresse complètement de la fêtarde qui se raidit comme un bâton de colle Uhu. Un vent de panique – reste de conscience humaine – s’empare d’Erika. Elle voudrait appeler à l’aide, elle voudrait que Miguel la rassure, mais elle n’arrive plus à ouvrir les lèvres. Elle a l’impression qu’elles sont agrafées.
Alors, dans un ultime effort, elle attrape son Adonis par le bras, lequel en se retournant lui offre un visage rougi, gonflé, un nez qui s’enfonce au milieu des joues grosses comme des balles de tennis et des lèvres écarlates hypertrophiées.
Un peu effrayée, Erika le lâche aussitôt et constate bientôt que toutes les autres âmes de la salle sont des sosies de monsieur Culbuto ou du bibendum de chez Michelin. La vitesse de rotation des murs devient vite vertigineuse et le froid lui paralyse le corps – aussi bien que la chaleur l’avait fait, il y a quelques secondes à peine.
Un chimpanzé s’approche d’Erika et prévenant, sans une once de reproche dans la voix, l’installe plus confortablement sur un des canapés de la boîte.
À présent seule, Erika sent la nausée poindre et son ventre danser la gigue. La suée perle à grosses gouttes. Elle le sent, elle va dégobiller et ça monte très vite. Retrouvant des forces insoupçonnées, elle se lève et ni une ni deux, pénètre dans les chiottes pour dire bonjour à Jacob Delafon.
Le battant relevé, sale et puant, le fond de la cuvette jaune pisse de laquelle une forte odeur d’ammoniaque attaque les narines nécrosées de junkies, décuplent le malaise d’Erika. Les vannes ouvertes, s’échappe par grandes giclées tout le contenu de son estomac.
Et de nouveau, elle sent son estomac se tordre, son ventre se contracter. La suée coule depuis les tempes et soudain, incontrôlable, un nouveau geyser se déverse en torrent se mélangeant à l’urine et aux remugles antédiluviens de la pièce.
À bout de force, Erika continue de faire le marcassin tandis que quelque part dans la boîte, Kevin la recherche un verre d’eau à la main.
Au-dessus de la cuvette en polymère organique, du vomi encore aux coins des lèvres, Joss reprend peu à peu ses esprits. L’éjection de la bulle a été violente et le retour de la gravité a dû accélérer le processus. Toutes ces substances ingérées durant la soirée sont remontées si vite dans son œsophage… plus vite qu’un Zorrax en piqué sur sa proie. À part un petit coup à sa dignité, la jeune diplômée reprend lentement des couleurs.
Elle se relève. Sa tête lui tourne encore un peu, mais ça va déjà mieux. La chasse laser ionique désintègre instantanément le dégueulis multicolore dans un ZZZioup très discret. Elle se retourne et se dirige vers le lavabo. L’eau se mettant automatiquement à couler à son approche, elle y plonge ses mains pour s’en passer sur le visage. Attrapant une membrane éponge autogénérée sortant du mur, Joss s’essuie le visage. Et c’est là que tout bascule…
À peine la membrane jetée dans le recycleur, Joss reste figée comme une conne (et c’est peu de le dire). Là, face à elle, dans le miroir holographique, deux femmes la regardent… ou plutôt, toutes les trois se regardent. L’une à moitié nue, face à une sorte de vasque en pierre, le visage encore humide, et l’autre, tout aussi dévêtue, la même eau coulant encore sur ses joues. Toutes trois, le regard ahuri, ne semblent pas comprendre ce qu’il se passe.
Comme mue par la même force invisible, et surtout la même curiosité, trois mains prennent alors le chemin du centre du miroir. Ce n’est que lorsque Joss touche leur peau, si douce et dégageant la chaleur de la vie, qu’elle comprend que quelque chose d’unique vient de se produire.
Combien de temps les trois femmes sont restées là, à se regarder et se toucher durant cet instant, presque sensuel, suspendu dans le temps ? Elle ne saurait le dire. Un instant partagé entre trois époques… mais ça, elle ne le comprendra que bien plus tard.
***
Cette nuit-là, il fallut longtemps pour que les trois femmes décollent leur main du miroir, après que leur vision ait disparu.
Les années qui suivirent, le docteur Joss consacra tout son temps et son énergie à comprendre ce qu’il s’était passé lors de cette soirée. Durant des années, elle sacrifia tout à ses recherches. Et puis un jour…
Ce qu’elle découvrit ne fut pas moins que la plus grande découverte de tous les temps. Elle démontra que le temps n’était ni linéaire, ni une simple dimension de l’espace-temps, comme la relativité générale le laissait entendre, non… le temps était malléable… mieux que ça : c’était notre propre esprit qui faisait que le temps était temps, et de ce fait en avait le contrôle total.
Elle mit en évidence que certaines substances, dans des dosages très précis, pouvaient altérer le fonctionnement de notre cerveau et ainsi créer des sortes de ponts temporels entre les époques.
Depuis, les trois femmes se sont revues. Elles ont même fait des choses ensemble… des trucs… hum… enfin bon, vous voyez quoi (mais ça, c'est une autre histoire) ! On peut même dire qu'elles sont devenues les meilleures copines de tous les temps (pour le coup). Et si elles n'appartiennent pas à notre présent, elles continuent sûrement de se voir quelque part sur la courbe du temps.
Le docteur Orga Joss nous a quittés depuis bien longtemps maintenant. Mais elle a laissé sa trace dans l’histoire de ce monde. Car si aujourd’hui, en l’an de grâce 4243, nous trouvons tout à fait normal de voyager dans le temps à travers de simples tunnels jossiens, c’est grâce à trois femmes ayant eu une chatte monstre cette nuit-là… une nuit qui restera gravée à jamais, dans tous les livres d’histoire de la galaxie, comme « la première putain de teuf intertemporelle de l’histoire ».
Mais c’est quoi ce texte ?
La mission : trois autrices, un texte en trois parties, chacune composée de trois sous-parties (ça fait neuf, si vous suivez bien) écrites par une autrice différente à chaque fois.
Pas mal, pas mal… mais si on compliquait encore un peu les choses : trois personnages dans trois époques différentes ! Ah… là, ça commence à devenir intéressant !
Les trois agentes (très spéciales) qui ont été recrutées pour cette mission de haut vol sont Jocelyn Witz, Mélina et Wedreca.
Par contre, le projet étant classé top secret, nous ne pouvons dévoiler qui a écrit quoi, sans devoir vous éliminer ensuite (ce serait dommage). Mais rien ne vous empêche d’y aller de vos hypothèses…