Mona a le regard concentré de la lectrice studieuse qu’elle est : ses yeux verts et lumineux parcourent les lignes des feuillets qu’elle tient dans ses mains raffinées aux doigts agiles. Quelques jolies bagues stylisées les enserrent. De précieux bracelets entourent ses poignets. Quelques fois, elle émet de petits bruits de bouches, comme si sa langue souple jouait dans les interstices de ses dents blanches. Ses lèvres finement dessinées le démontrent en se transformant en moue exquise, puis en relevant la commissure droite de sa bouche, creusant une fossette dans sa joue.
D’un geste leste, Mona déplace une mèche de ses cheveux noir de jais qui lui cache les yeux, elle continue sa lecture en inspirant une grande respiration, qui pourrait ressembler à un soupir, ou à ce que n’importe quel homme aimerait entendre après l’amour, lorsque les corps luisent de sueur, les cœurs emballés ensemble, qui reprennent leur constance tranquillement…
Mona poursuit la course des lettres, des mots, des phrases, des paragraphes. Quelques fois elle souligne de son stylo, d’autres fois elle entoure une partie, trace un point d’interrogation, commente de sa calligraphie en bulle. J’ai aussi un stylo et un carnet pour noter ce qu’elle me suggérera suite à sa lecture. Malencontreusement, en prenant ma tasse de thé, mon crayon roule et tombe par terre. Je me penche pour le ramasser et je remarque qu’il a feint de s’enfuir. Je tends le bras et lorgne Mona. Elle a de belles jambes, et la chance, elles ne sont pas croisées ! Des bas noirs, des talons noirs, mon œil s’immisce plus loin bien que j’aie déjà mon nécessaire d’écriture en main, est-ce bien une culotte rouge ? Elle recèle ça, Mona, cette conseillère littéraire dont mon éditrice m’a obligé à rencontrer ? Prude à l’extérieur, affriolante à l’intérieur ? Je me redresse tandis qu’elle bouge. Tout fier, je lui montre mon stylo qui avait glissé.
Mona repose les feuillets sur la table qui nous sépare :
- — Mais pourquoi ? me demande-t-elle.
La lumière de ses yeux verts accroche mon regard. Je me sens envahi, je ne sais quoi répondre, je fixe son nez retroussé qui lui donne un air espiègle, l’arc parfait de ses sourcils, je remarque le fin maquillage de ses cils, je ne sais comment m’y prendre avec cette fille : elle possède une prescience et une intelligence littéraire hors du commun.
Mais c’est moi l’écrivain. Pas elle.
- — Pourquoi quoi ? questionné-je, interloqué.
Mona penche sa tête de côté comme pour mieux m’observer de ses yeux de jade, ses cheveux glissent sur son épaule dénudée. Seules de fines bretelles cachent son grain de peau et supportent une subtile blouse noire, avec une vaporeuse dentelle dans son col en V laissant entrevoir les arrondis de sa poitrine. Elle reprend les feuillets qu’elle avait laissés près de sa tasse d’expresso, jette son regard vert amande, comme la forme de ses yeux, sur le texte et survole une ligne de son doigt :
- — Pourquoi au début de chacune de vos histoires, doit-il y avoir ce regard masculin qui sexualise un personnage ; qui est toujours une femme ?
Je ne m’attendais pas à cette question. Je croyais plutôt que nous allions discuter du complot que les héros éventent, sur le deus ex machina qui ne doit pas être trop facile, sur les temps de verbe puisque nous sautons d’une époque à une autre… Je réponds :
- — Peut-être simplement parce que le public qui me lit est majoritairement masculin ? Je ne sais pas.
Mona reproduit ce soupir, ce souffle, cette aspiration que nous, les hommes, aimerions tant entendre lorsque nous nous déshabillons devant une femme, dans une chambre d’hôtel aux lumières tamisées dans une ambiance romantique… mais cette fois-ci, la respiration de Mona semble être plus d’exaspération qu’autre chose.
- — Et bien voilà : vous avez tout dit ! Donc, si je comprends bien votre point de vue, c’est qu’une bonne accroche pour une bonne histoire, c’est de survaloriser la beauté de la femme ?
- — Je, je n’ai pas dit ça…
- — Mais réfléchissez-y…
Son œil me foudroie et je rétorque :
- — Mais non, vous racontez n’importe quoi, je ne survalorise jamais la femme !
- — Ah non ? Mona semble curieuse de ma réponse, avec son petit sourire en coin et les éclairs verts.
- — Non, je, je, je l’écris tout simplement comme elle est : je ne suis qu’un observateur du monde et mes romans sont des reflets de la société, c’est tout !
- — Justement ! c’est tout, « les reflets de la société ». Vous reproduisez le patriarcat, quoi ?
- — Mais non, arrêtez… vous n’en avez aucune preuve.
- — Pardon ? m’interloque-t-elle, surprise elle-même par ce que j’ai dit.
Et elle fait ce petit sourire si redoutable et ce regard en coin. De ses doigts cerclés de bagues, elle enroule une mèche qu’elle cache derrière son oreille d’où pend une boucle argentée représentant le signe de l’infini ou du serpent. Elle reprend les feuillets de mon récit et s’applique en reprenant le fil de mon histoire :
- — Alors, décortiquons tout cela, vous voulez bien ?
J’accepte. Mona me lit des extraits de mon dernier récit et raconte le synopsis initial :
- — « Une Éditrice demande à son meilleur Romancier de thriller d’horreur de rencontrer une Conseillère en littérature pour réviser son texte. » Jusqu’ici je ne me trompe pas ?
- — Non, c’est bien ça. Et c’est un personnage fort, l’Éditrice ! affirmé-je, fier du résultat de ce personnage.
Mona me sourit, soudainement complice :
- — Nous y reviendrons. Donc, « ils se rencontrent et tout ne se passe pas pour le mieux, car la Conseillère sait lire entre les lignes et invoque le démon dont il était question dans le thriller. Course-poursuite, le Romancier conduit les voitures habilement, sait se défendre, il possède un réseau de vieux amis partout au pays, la Conseillère hurle, se fait déchirer ses vêtements… »
- — Elle est courageuse, la Conseillère ! rajouté-je à sa description.
- — Bien sûr, réagit Mona, avec un sourire que j’ai peine à déchiffrer. Ironique, peut-être ? Elle continue : « Le Romancier et la Conseillère parviennent à trouver l’Orbe après une suite de péripéties. La Conseillère et l’Éditrice se retrouvent, elles discutent du roman extraordinaire du Romancier, et comment ce dernier sait faire appel à ses dernières forces pour parvenir à son objectif… »
Mona, à ce moment, applique sa main sur sa belle bouche qui forme un O d’exclamation, les yeux grands ouverts sur le texte et rajoute – oui, c’est bien du sarcasme :
- — Et comme il est beau et comme il dégage de la puissance ! s’exclame-t-elle en surjouant.
- — Ce n’est pas vrai, elles ne disent pas ça.
Mona tourne les feuillets vers moi et me pointe le deuxième paragraphe :
- — Elles ne disent pas ça, mais ici, il est écrit, et je cite : « elles s’enlacèrent, se caressèrent les joues, leurs yeux fermés, leurs lèvres tout près. Chacune d’elles, miroir de l’autre, imaginèrent ensemble un homme les protégeant, aux lèvres douces et fermes, aux bras forts, qui sait manier les mots… » est assez explicite, non ? Et en plus, elles sont lesbiennes, encore mieux !
- — Mais non…
- — Tout pour attirer un public masculin ?
- — Mais non…
- — D’accord, passons, répond Mona en reprenant les feuillets vers elle et en croisant ses jambes sous la table. Passons d’ailleurs à la description de la Conseillère, voulez-vous ? Plus loin, le Romancier et la Conseillère sont à un restaurant. Je cite : « Elle déplace une mèche de ses cheveux noirs. Je souris. Son nez retroussé lui donne un air espiègle. Je remarque l’arc de ses sourcils parfait. Le fin maquillage de ses cils fait ressortir son regard de braise. Elle fait de petits bruits de bouches, comme si sa langue souple jouait avec sa salive. Elle essuie la commissure de ses lèvres d’un doigt agile et fait une moue exquise… »
- — Elle est belle, n’est-ce pas ? renchéris-je, tout sourire, face à Mona.
- — Oui, sans aucun doute, se défend-elle.
Elle appuie ses coudes sur la table et me regarde profondément :
- — C’est pour ça que je vous ai demandé : « Mais pourquoi ? » et que vous m’avez répondu : « Pourquoi quoi ? » Vous ne voyez pas ? vous ne voyez vraiment pas ?
Mona semble vraiment se questionner, me questionner : « Que devrais-je voir ? La Conseillère est sublime et les lecteurs l’aimeront ! » Je dois bien réagir :
- — Non, que, que voulez-vous que je voie ?
Nouveau soupir de Mona, j’aime bien lorsqu’elle agit de la sorte, ses seins se gonflent…
- — C’est ce qu’on appelle le male gaze, monsieur. Le regard de l’homme. La narration est comme une caméra, elle choisit ce qu’elle montre. Je relis cette phrase, voulez-vous ? « Elle fait de petits bruits de bouches, comme si sa langue souple jouait avec sa salive. Elle essuie la commissure de ses lèvres d’un doigt agile et fait une moue exquise… » c’est la métaphore d’une fellation ça ou je me trompe ?
- — Mais non, quand même, ils sont au restaurant…
- — Et alors ? Une petite pipe sous la table, ça ne vous a jamais excité ?
- — Oui, mais non…
Mona rit, se redresse, hoche la tête de gauche à droite :
- — L’une des questions qui taraudent les scientifiques de la littérature est : « L’écrivain est-il responsable de ce qu’il écrit ? », mais je devrais plutôt dire : « L’écrivain.e est-iel responsable de ce qu’iel écrit ? », mais nous ne polémiquerons pas sur l’écriture inclusive, je ne vous sens pas prêt.
- — Hein ?
- — Restons au masculin, donc : « L’écrivain est-il responsable de ce qu’il écrit ? » Qu’en dites-vous ?
- — Mais bien sûr qu’il l’est !
- — Très bien. Je considère aussi qu’un créateur est responsable de ce qu’il produit, concède Mona. Si on revient maintenant sur votre thriller avec le Romancier et la Conseillère, une chose est claire ! l’homme regarde, la femme est regardée. La narration guide le regard des lecteurs pour montrer le héros masculin – hétéronormé, comme dans la plupart des œuvres de fiction – qui agit, qui est au centre de l’intrigue. L’héroïne, elle, est un objet de désir, elle subit les choses sans avoir son mot à dire. N’est-ce pas ce qui se produit dans votre euh, thriller ?
Le Romancier en effet est celui qui porte l’action dans mon histoire, c’est vrai. Il me fallait bien une narration ! La Conseillère porte son nom, elle conseille. Je n’ai pas le temps de répondre, Mona continue sur sa lancée, c’est son métier de détruire les auteurs pour améliorer leurs écrits :
- — Le personnage du Romancier justement, on ne sait même pas s’il est chauve, s’il est jeune, s’il est vieux, s’il est blanc, s’il est brun, s’il est noir ! Par contre, pour l’héroïne, on le sait ! Je vous cite : « Ses longs cheveux noirs sont attachés en une queue de cheval qui chatouille son épaule dénudée. Seules de fines bretelles cachent son grain de peau et supportent une subtile blouse noire, avec une vaporeuse dentelle derrière laquelle on devine ses attributs. Les courbes de sa taille et de ses hanches invitent à une aventure où le voyageur trouvera le bonheur… »
- — Elle est belle, hein ?
- — Sans aucun doute.
Il n’y a aucune ironie, Mona répond du tac au tac et poursuit son laïus en levant le doigt et en regardant le ciel :
- — En fait si je comprends bien le sens de votre texte, la Conseillère, suite à toutes ces aventures, est prête à s’étendre lascivement sur le lit, de laisser paraître une cuisse, la rondeur d’une fesse pour attiser le regard de votre héros. Quelques choix s’offrent à lui, soit il souhaite la caresser, soit il lui donne une bonne tape, c’est bien ça ?
- — Je ne… rien n’est écrit dans le récit.
- — Non, naturellement, si je vous en parle c’est seulement parce que c’est évoqué. Et que si c’est le dernier cas qui s’impose, le héros frappe « gentiment » la fesse exposée, naturellement l’héroïne va faire « un petit cri de surprise » et sourira par la suite, prête à en recevoir d’autres, je me trompe ?
- — Mais non, mais non, je n’ai jamais…
- — Je sais que vous n’avez jamais écrit ça, mais c’est ce que votre texte suggère ! Il est bien écrit, ça oui…
- — Merci…
- — Vous avez bien cherché dans les synonymes, les cooccurrences, c’est bien. Mais sur le fond ? Vous ne faites que reproduire le fantasme des hommes, vous reproduisez une société patriarcale, ce que vous connaissez… Je repose la question donc : « Sommes-nous responsables de ce qu’on crée ? »
- — Mais euh, bien sûr !
Je ne vois pas où Mona veut en venir, je la vois seulement se tracasser sur les mots, sur la subtilité du langage alors que nous pourrions simplement être complices, elle et moi, d’une bonne histoire.
- — Je répète : dans votre œuvre – et dans la grande majorité des films et des livres de toute manière, les personnages masculins sont actifs, les personnages féminins sont écrits, filmés, dessinés pour être regardés et sexualisés. C’est un rapport de classe, de genre, une domination masculine. Et vous savez sans doute que, lorsqu’on se focalise sur le corps, l’impact des personnages féminins est diminué ?
- — Seriez-vous en train de me faire la morale ?
Ma question l’ébranle, ses doigts agiles glissent sur son stylo à encre, ses fossettes se creusent avec son sourire, sa langue mouille ses lèvres :
- — Non, mais je tiens à le savoir : considérez-vous que les femmes soient conditionnées à adopter le regard que les hommes ont sur elles ? Car c’est de ça que nous parlons !
- — Mais non, mais non…
- — Les hommes veulent les femmes bonnes au lit : salope en privé, classe en public. Qu’ils puissent les sortir, ils en seront fiers si elles sont bien apprêtées… c’est ça ?
- — Mais non, mais non…
- — Et donc la place de la femme est d’être belle, salope, « conseillère » ?
Je me tais :
- — Donc, monsieur, m’invective Mona. Si personne ne se questionne, le patriarcat gagne encore une fois ! C’est pour ça que l’Éditrice a demandé à ce que nous nous rencontrions, vous voyez ? Pour vous faire prendre conscience de la responsabilité de votre métier, de ce que vous écrivez…
Je grogne, ne sais quoi répondre, je suis perdu et éperdu, et Mona me pointe de son stylo :
- — Croyez-vous qu’il serait possible d’inverser les rôles, dans votre récit ? Imaginez que le Romancier est une Romancière, que la Conseillère est un Conseiller… ?
- — Mais non, le Romancier, c’est moi !
- — Ah ! c’est vous ? Qui déjà disait : « Je est un autre » ?
- — C’est Rimbaud…
- — Voilà. Et donc le narrateur, ce n’est pas vous, mais bien ce que vous voulez montrer… dans une bonne histoire – à moins que le thème soit la représentation du genre justement – peu importe le genre des personnages, l’important est l’action qu’ils font. Ici, ils pourraient agir de la même manière, la Romancière qui regarde le Conseiller, le Conseiller qui est décrit comme objet de désir : ça deviendrait du female gaze, du regard féminin… mais est-ce essentiel de sexualiser les personnages ?
Je ne réponds pas. Je regarde le fond de ma tasse vide. Comment lui expliquer que ce désir, justement, est ce qui me pousse à écrire ? Elle me croirait pervers… Le désir d’écrire le désir : la littérature, c’est l’ordre du ressenti, rien n’est décidé à l’avance, le livre va se construire selon la mémoire, qui se transforme en futur, en vision, en imaginaire. Un objet sans cesse fuyant ; je cherche toujours l’Orbe. Mais elle a raison sur un point Mona : telle femme que je décris à la peau noire, par exemple. Si je ne précise pas cette qualité, le lecteur imaginera que cette femme est blanche. C’est ce que Mona veut m’expliquer. Le rapport de classe. Le rapport de domination. De la majorité. De la domination masculine. C’est tout le système alors qu’il faudrait changer ? Qui suis-je, moi, dans ce grand bordel ?
Mona rigole, elle déploie sa gorge, ouvre sa bouche en souriant :
- — Mais encore : « pourquoi ? » Pourquoi utiliser des termes à connotation sexuelle ?
Elle plante ses yeux sur moi, plus calme, posée :
- — Il faudrait vous essayer à une histoire de candauliste, monsieur ! suggère-t-elle en souriant malicieusement.
- — Jamais de la vie !
- — Pourquoi ? questionne-t-elle, mutine. Vous pourriez décrire parfaitement la femme que vous aimez, non ? Car ce serait le thème de votre récit…
Il faut que je me reprenne. C’est moi, ici, le héros narrateur de ce récit : il me faut reprendre les commandes. Mais Mona, avant même que j’aie pu en placer une, replace les feuillets en ordre, les tapote sur la table pour mieux les ranger en faisant clique-tiquer ses bijoux et m’affirme :
- — Voilà donc votre prise de conscience sur votre responsabilité. Vous écrivez du mâle gaze sans vous questionner : par les hommes hétéros pour les hommes hétéros. Le problème avec le mâle gaze, ce n’est pas qu’il soit là, c’est qu’il soit partout ! Chacun doit donc changer son regard sur le monde. C’est un combat féministe : pour changer cet état de fait, les femmes doivent produire plus de fictions, et offrir leur propre regard…
Mais reprends-toi, Romancier, cette femme est en train de faire ce qu’elle veut, je ne peux perdre mes bases, je ne peux tomber, tout cela est déstabilisant, je me mords les joues et réfléchis, mais pas assez rapidement. Mona insiste à prendre la parole :
- — Bon, nous n’avons pas discuté du test de Bechdel, mais ce sera pour une prochaine fois. Quoiqu’il en soit, je refuse ce récit, monsieur.
- — Quoi ? Mais non ! ce n’est pas possible !
- — Oh que si, monsieur, tout est possible en littérature, insinue la Conseillère.
Je n’en peux plus, j’explose :
- — Il n’en est pas question ! C’est moi qui écris, qui suis en train d’écrire. Je changerai la fin de cette nouvelle pour que vous acceptiez mon texte.
- — Pardon ? dit une Mona tout en sarcasme et faisant papillonner ses cils. Nous en avons discuté tout à l’heure, Rimbaud disait : « Il est faux de dire «Je pense», on devrait dire «On me pense.» Car je est un autre… »
- — Et moi, madame, je ne suis nul autre que moi-même et c’est décidé, je réécrirai la fin et vous deviendrez ma Conseillère…
- — Vous n’allez quand même pas me mettre en scène ? soudainement inquiète.
- — Peut-être bien, évoqué-je avec un sourire moqueur et anticipant les scènes futures.
Mais Mona, sûre d’elle-même, dodeline la tête de gauche à droite en signifiant :
- — Voilà ce que je disais à propos du patriarcat et de la domination masculine… Je ne me mettrai pas à nu devant vous, monsieur ! Même si vous me désirez. Le rôle de la femme n’est pas de s’adapter au regard masculin… affirme-t-elle en ancrant son regard en moi.
- — Qui écrit, madame ? rétorqué-je.
- — Vous. Mais est-ce bien vous ? Ou est-ce l’auteur ou l’autrice de ces lignes ?
J’aurais pu y répondre que c’est un autre que moi, mais de ne pas s’en faire, comme disait un ministre, car il y aurait du consentement, des rires, nous ne reproduirons pas une domination violente, seulement des jeux où chacun se plaît… j’aurais pu répondre aussi que : mais je n’en ai pas eu le temps.
Mona a conclu ce récit :
- — Dans ce texte, bien que le regard masculin ait décrit mon corps – jusqu’à ma petite culotte ! – c’est moi qui mène l’action. Pas vous. Votre récit est refusé. Et je vous invite à relire ce texte. Au revoir.
Et Mona se lève de sa chaise, replace ses cheveux derrière son oreille, me laisse en plan avec mes feuillets et je louche sur sa croupe, ses fesses en forme de cœur inversé, et je m’imagine y laisser une trace de ma main. Elle se retourne pour me lancer un coup d’œil derrière son épaule, un sourire présomptueux, et elle quitte la scène. Seul à table, des feuillets d’un mauvais thriller à la main, je me questionne soudainement sur mon regard…