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Temps de lecture estimé : 38 mn
08/09/24
Résumé:  Scènes d’une vie commune. Les murs ont parfois des oreilles. Le voisinage n’est pas toujours déplaisant.
Critères:  f fh voisins cérébral
Auteur : Jane Does      Envoi mini-message

Série : Le bruit des pas sur les trottoirs

Chapitre 01 / 02
Les nouveaux venus

Maudits immeubles où chaque son se propage la nuit. Et ceux qui me parviennent n’ont rien de secret. Mes voisins, un jeune couple, se montrent une affection débordante et la jeune dame n’est guère discrète. Quant à son coq, il est du genre endurant si j’en juge par les claquements de son ventre sur les fesses de sa cavalière. Enfin, je pense qu’il s’agit bien de cela. Mais le boucan ne laisse guère de doutes quant aux activités nocturnes des deux-là. Je regarde mon réveil… trois heures du matin… et ça fait une bonne demi-heure que la jeune femme qui se prénomme Delphine râle de plus en plus fort. Je ne suis pas devin, c’est juste que son mec à grand renfort de coups de reins hulule son prénom sans cesse. Ce qui donne un curieux mélange.



Elle ne lui répond que par ses vocalises de diva pilonnée. Et… j’ai l’impression dans mon espace de nuit qui jouxte leur chambre à coucher, qu’ils baisent vraiment sans aucune séparation. Si les premières mesures de cet accouplement sont de nature à m’intriguer, il n’en demeure pas moins vrai que ça éveille aussi mes sens. Je n’ai rien d’une voyeuse cependant, mais comment échapper à ce qui se déroule de l’autre côté d’une cloison si peu étanche acoustiquement ? Pour ne pas subir plus longuement les clameurs des amours de mes voisins, une seule solution ! Je prends mon oreiller et me dirige vers mon salon.


Et malgré cela, alors que désormais deux murs nous séparent, les sons m’arrivent toujours. Étouffés certes, mais omniprésents, je vais donc devoir acheter des bouchons d’oreille ? Le couple n’a emménagé qu’hier dans l’après-midi… voilà qui me promet de belles nuits ! Et comment ne pas craquer en entendant mécaniquement ces preuves d’un amour plutôt charnel ? Parce que j’ai dans l’idée que cette petite musique de nuit risque fort de se renouveler souvent. Bon ! Après tout, ils sont chez eux et je ne me vois pas trop leur faire remarquer que je suis l’auditrice involontaire de leurs mamours enflammés. Je cherche donc un retour de mon sommeil, mais je dois aussi avouer que leur rodéo nocturne a plus que perturbé mes sens en paix depuis quelque temps.


Instinctivement, étendue de tout mon long sur le dos, sur l’assise moelleuse de mon sofa, avec pour tout vêtement, une nuisette style confetti, je laisse ma main dériver. Oh ! Elle fait une courte station sur ma poitrine dont les tétons tendent le tissu aérien. La tentative pour calmer cette marée qui me submerge est vouée à l’échec si ma patte demeure à l’étage supérieur. Et c’est sans vraiment réfléchir que du coup elle rampe vers le point de jonction entre membres inférieurs et tronc. Là, évidemment, le point sensible est déjà ouvert et découvert par la remontée de mes froufrous. D’abord, mon index s’enroule dans une mèche de poils, avant de longer toute la longueur des grandes lèvres suintantes.


Ces amants m’ont fait réellement mouiller en me faisant participer indirectement à leur corps à corps. Et les images qui défilent dans ma caboche sont forcément erronées, puisque fabriquées par mon imagination durement sollicitée à cause des gémissements féminins et des halètements plus masculins perçus depuis mon lit. Pourquoi est-ce que je me plais à rêver de caresses semblables à celles que je pense que la fille d’à côté est soumise ? Au bout de quelques minutes de sollicitations de mes phalanges sur mon clitoris, force m’est de constater que je jouis violemment et que pour ne pas imiter davantage les deux amoureux, je me mords les lèvres. Est-ce que c’est suffisant pour ne pas me faire remarquer ? Je n’en ai aucune idée.


Mais bon ! Si mon ventre se relâche d’une pression intense, un peu plus loin, dans l’appartement qui colle au mien, la séance s’éternise toujours. Donc peu de chance pour que mes spasmes et mes plaintes étouffées aient dérangé les amants dans leur fornication langoureuse. Repue, j’enfonce la tête dans mon oreiller et tente « d’oublier » la baise joyeuse de mon voisinage. Finalement, je réussis à sombrer dans un semi-coma protecteur et je plonge dans un sommeil peuplé de coïts intenses sans jamais voir les visages de ceux avec qui je baise. Nuit mauvaise ? Cauchemar que tout ceci ? Mais mon réveil sur le divan semble pourtant confirmer la véracité de la chose. Je ne suis pas venue finir mon roupillon au salon pour rien.


Le soleil se tient passablement haut dans le ciel pour que je sois certaine qu’il est l’heure de me lever. Je reviens dans ma chambre pour y récupérer une robe de chambre et tout est calme derrière la cloison. Un peu normal qu’après le raffut, et le lâcher-prise total des deux-là, le besoin de repos soit intense. Je m’éclipse et gagne ma cuisine pour y préparer mon petit déjeuner. Un samedi ordinaire qui commence par un bon café, quelques tartines de pain grillées, beurrées et confiturées. Aucun désir d’aller chercher des viennoiseries à la boulangerie, celle qui est sous mes fenêtres. Le ciel est d’un bleu sans nuages et finalement, la gymnastique des amants a aussi donné un coup de fouet à ma libido. Comme j’aimerais également renouer avec de pareils instants « chauds » ! Ce qui me fait songer que ma dernière fois, c’était…


Oh puis zut ! Pourquoi me faire mal avec cela ? Je ne vais pas non plus noter sur le calendrier mes jours ou mes nuits de folies charnelles. De toute façon, il n’y aurait que bien peu de croix à tracer sur les lignes des douze mois de l’année écoulée. Deux ? Trois peut-être, quatre serait un miracle. Je me torture l’esprit avec des idées bizarres ce matin ? Après tout, ce jeune couple est heureux, alors pourquoi est-ce que ça me ramène à ma propre solitude ? Difficile à comprendre que des gémissements ou les bruits parfaitement naturels qu’ils ont émis soient à l’origine d’un malaise profond chez moi. Je vis bien mon célibat, alors pour quoi en faire toute une histoire ? Ils sont jeunes, chez eux, libres de toutes les folies.


Oui ! Mais elles entraînent dans leurs courses mes désirs secrets, mon besoin latent de câlins et… comment supporter leurs roucoulades de plaisir sans que ça charrie chez moi une sensation d’abandon ou plus sûrement un désir de faire l’amour de mon côté ? C’est dingue ce que mon cerveau peut jouer au con dans ce milieu de matinée d’un samedi commun. C’est dans cet état d’esprit presque déprimant que je me décide à sortir. Voir bouger autour de moi, rencontrer des gens, du monde, oui ! Un remède sûr contre toutes les vilaines pensées qui m’assaillent. Et ce joli programme est mis en œuvre par un passage obligé sous la douche. Après un maquillage aussi rapide que raté, dénicher de quoi me vêtir est une formalité.


Mon dressing est un nid de fringues de toutes sortes, de toutes saisons. Le soleil radieux de cette belle matinée engage à porter du court. Alors une jupe légère, un chemisier plutôt coordonné, l’ensemble couvrant une parure soutien-gorge-culotte appairés, et voici la brunette que je suis prête à prendre son envol. Le miroir me montre déjà les rides d’une fin de trentaine qui creusent le coin de mes yeux. Et puis et surtout, il me démontre que je n’ai pas assez dissimulé les cernes sous mes mirettes. Bof ! Je fais la moue, mais n’essaie pas non plus de régler le problème. Je n’ai personne à qui plaire. Une dernière hésitation, au moment de choisir ce qui va couvrir mes pieds. Échasses de quelques centimètres ou chaussures plates ?


J’opte pour les hauts talons, ce qui affine ma silhouette et galbe mes jambes d’une élégance présomptueuse. Voilà ! Te voici prête pour courir les rues, ma petite Julie ! Je souris à la glace. Seules les folles rient de leurs propres bêtises… mais que suis-je d’autre qu’une pauvre démente qui va aller errer dans la ville ? Et au moment où je vais quitter ma salle de bain… eh bien, dans la location de l’autre côté du mur, les grandes manœuvres viennent de reprendre. Quelle santé, ces amoureux ! Je file, tire la porte sur moi et mes talons claquent sur les marches de la cage d’escalier. Le beau temps envahit toute la ville, et mon Dieu, ça me fait sourire de songer que cette Delphine inconnue apprécie autant le cul. Et ça me rend songeuse d’être si solitaire et de ne pas être en mesure de donner d’écho à leur sérénade.



— xXx —



Qu’est-ce qu’une nuit de sexe chez des voisins peut bien déclencher en moi ? Suis-je normale de trouver cela… hautement érotique, stimulant aussi ? Comment et pourquoi ça peut éveiller dans mon corps tout entier une telle perturbation ? Ça n’a rien à voir avec les films que j’admets parfois visionner. Rarement, mais ça m’arrive, soyons honnêtes. Parfois, le samedi soir sur une chaîne cryptée et ça me remue bien moins de voir cela sur l’écran que d’imaginer les deux compères qui se câlinent bruyamment. Y a-t-il une relation de cause à effet entre le son et mon imaginaire qui me fait rêver des positions, des postures obscènes que prend le couple ? Je ne suis même pas certaine que ces deux-là ne s’envoient pas en l’air juste à la trop classique missionnaire. Alors ?


D’où me sortent ces visions étranges de leurs accouplements ? Puis il y a ces plaintes dont la femme est sûrement loin de penser que j’en profite largement. Mes oreilles ne peuvent pas manquer ces cris si typiquement féminins, ces ahanements masculins de bûcheron, non plus. Le cerveau humain est conditionné par tous les sons, craquements et autres vibrations que la nuit amplifie vraisemblablement. C’est exactement ce que je suis en train de me dire alors que j’entre dans le quartier des rues piétonnes. Là, des tas de vitrines, des magasins de fringues qui côtoient des commerces plus alimentaires. Et je veux chasser de mon crâne ce défilé de clichés qui s’y entrecroisent depuis que le couple s’est installé.


Je m’arrête devant une devanture où la nana met en place des mannequins habillés de jolies choses. Les beaux atours… voilà mon vieux démon qui à son tour refait surface. Mais oui… Chantelle nous rend belles ! Et je suis en extase devant un service trois-pièces. Un soutien-gorge de toute beauté, une culotte comme je les aime et, cerise sur le gâteau, un porte-jarretelles. Un vrai piège à mec, ces babioles. La dame qui achalande sa vitrine me fait un sourire. Un air de me dire : « c’est chouette, n’est-ce pas » ? Effectivement, je salive devant ces chiffons qui m’invitent presque à entrer dans la boutique. Peut-être devrais-je attendre que la donzelle pose l’étiquette des prix, avant tout ? Et puis zut ! Il est toujours possible de voir sans acheter !


Ouais ? Je me connais mieux que personne de ce côté-là. Je sais derechef que si je franchis le pas de cette échoppe, le sort de mon porte-monnaie est scellé. Mais se refait-on un jour ? Non bien entendu, et me voilà qui pousse la porte vitrée. Le grelot qui signale mon arrivée n’a pas fini de retentir que la maîtresse des lieux ressort de l’espace entre la vitre et le magasin. Elle a peut-être mon âge, une trentaine d’années en tout cas. Et elle me salue en devinant aisément la cliente potentielle.



D’autorité, elle me colle dans les pattes un ensemble exactement de même nature que celui de la vitrine. Je me sens poussée au vice. Bien sûr que mes pas me dirigent tout droit au fond de son magasin, là où des cabines de tissus permettent de passer ces babioles coûteuses. Elle me suit des yeux, et je sens sur mes reins la chaleur de ce regard. La vendeuse n’a certes pas les idées aussi floues que celles qui me traversent l’esprit. C’est vrai que dans ces… petits bijoux ma poitrine et mon derrière peuvent être affolants. Mais avant de les essayer, encore faut-il que je me déshabille. C’est fait en deux temps et trois mouvements. Seulement, je dois sortir de mon abri de fortune pour aller me regarder dans un miroir en pied qui tapisse le mur du fond.


Je perçois le bruit du rideau de la cabine d’à côté qui coulisse sur sa tringle. Je ne suis donc plus la seule à essayer des sous-vêtements ? Bon ! Une femme reste une femme et puis je ne suis pas nue. Donc sans trop d’inquiétude, je repousse la porte de voilage qui me sépare de l’arrière-salle du fonds de commerce. Un pas, puis deux et… me voici nez à nez avec… un mec. Il a les yeux sur moi. Tu parles d’une touche que je dois avoir ! En hauts talons, en culotte et porte-jarretelles, poitrine camouflée dans la dentelle assortie, le gars ne se retourne pas vraiment. Que faire ? Jouer l’effarouchée et reculer, pour paraître encore plus cruche que je ne le suis ? Non ! J’avance donc sans faire mine de m’être aperçu de sa présence.


Le copain ou mari de ma voisine de cabine ? Peut-être. Et je me regarde en pied dans cet immense miroir qui couvre tout le mur. Bien évidemment que je vois aussi le gaillard qui ne détache absolument pas ses quinquets de mon recto. Et ça me file une espèce de chair de poule magistrale. Pour un peu, je serais émoustillée de me savoir reluquée de cette manière. Il a les yeux qui lui sortent de la caboche. Par chance, sa femme l’appelle et il accourt vers l’endroit où elle se tient. Il écarte le rideau et les deux se murmurent quelques mots que je ne peux pas discerner de ma position. Et je retourne gentiment vers mon isoloir pour me refringuer.


Je sais, je sens que le type insiste à chouffer lourdement dans la direction de l’endroit où je dois me mettre nue entièrement avant de passer les fringues avec lesquelles je suis entrée dans la boutique. Je reluque je ne sais combien de fois la fermeture du panneau pour m’assurer que l’autre zigoto ne peut rien voir de ce que je dénude. Désagréable sensation… presque aussi perverse quelque part. Parce que malgré tout, je me sens intimidé bien sûr, mais aussi presque humide à envisager qu’un homme pourrait m’épier. Mes pensées dévient ? Est-ce un phénomène dû à mon impression nocturne d’avoir plus ou moins suivi les ébats des deux nouveaux logés de l’immeuble ? N’importe quoi ! Bon sang ! Qu’est-ce qui m’arrive ?


Il y a trop de temps que mon corps n’a plus été l’objet de câlineries d’un homme ? C’est forcément le manque qui me fait dérailler ! Je ne vois guère d’autres explications à mes inquiétudes étranges de l’instant. Je ramasse à la hâte mes hardes, me rhabille tout aussi prestement et ressors de la cabine avec à la main les colifichets fantaisie qui vont finir dans une poche de carton à la marque de l’échoppe. Parce que naturellement que je vais enrichir ma collection de lingerie de ces froufrous qui me font comme une seconde peau… et le prix du coup n’a plus guère d’importance. Lorsque je quitte l’abri, la femme et le bonhomme sont déjà loin. La vendeuse, elle, se frotte sûrement les mains. Ma carte bleue chauffe.


Un sac ici, un autre un peu plus loin, puis des fruits et me voilà qui rentre gentiment. Dans le hall de l’immeuble, je rencontre la factrice. Une dame pas très éloignée de la retraite et nous discutons quelques secondes. Elle est aimable et fait parfaitement le job pour lequel elle est payée. Elle garde en main une lettre et cherche sur les boîtes avant de m’interpeller…



La préposée au courrier reprend sa tournée et je rentre chez moi. L’appartement cent cinq est calme. Les occupants sont certainement partis ou ils se font plus discrets. Je déjeune d’une salade, jette mes achats vestimentaires dans une bassine d’eau tiède pour les faire tremper et je me prélasse sur mon canapé. Mon casque sur les esgourdes, j’écoute ma musique préférée sans déranger personne. Finalement, je m’endors avec des notes plein la tête. Est-ce que je roupille longtemps ? Je suis un peu paumée à mon réveil. C’est une sorte de bruit d’eau qui me sort d’une léthargie réparatrice, sans que je puisse mettre un nom sur ce qui provoque ce sifflement prolongé. Puis, je m’habitue suffisamment au chuintement pour déterminer avec exactitude ce qui me trouble.


Chez les Soral, si c’est bien leur patronyme, quelqu’un se douche. Il est vrai qu’après toutes les déraisons corporelles, se laver n’est pas un luxe. Comme il n’y a pas de voix, pas de paroles échangées, je suppose que seul un des deux est sous la flotte. Je ne cherche du reste pas trop à m’éterniser dans l’endroit trop proche du décrassage de l’un ou l’autre. Et puisque le ciel est toujours aussi clément, que la douceur de la soirée offre la possibilité de profiter du balcon, et bien ; c’est là que je viens passer quelques minutes. Un verre d’orangeade à la main, je m’installe gentiment sur un salon de jardin qui tient largement sur l’espace réduit à l’air pur. Mais avant de prendre place sur un siège en rotin, je jette un coup d’œil au paysage.


Bien sûr que celui-ci n’est pas différent des jours précédents, mais c’est un vieux réflexe de scruter l’horizon chaque fois que je viens traîner ici. Et… une voix mâle m’interpelle soudain, lorsque je m’y attends le moins.



Je sursaute et tourne la bouille vers cette voix inconnue.



Le type se rapproche de la séparation entre nos deux balcons. Il est grand, châtain et a des yeux clairs. Il a quoi ? Une trentaine de ballets à tout casser ! Et un muret qui nous arrive à la taille interdit le passage entre leur terrasse et la mienne. Et au moment où je vais pour me rasseoir, une voix féminine, celle-ci, vient apostropher le garçon.



Elle s’avance, cheveux enturbannés dans une serviette éponge et le corps enroulé dans un drap de bain. C’est vrai qu’elle sort de sa douche. Là, un mignon petit bout de femme me fait face et me sourit.



Ils disparaissent de ma vue ensemble et les voix me parviennent encore un court instant, étouffées, inaudibles, de l’intérieur de leur nouvelle acquisition. Bon ! Ces deux-là ont l’air un peu perdus, mais ce n’est que passager. Juste le temps qu’ils trouvent leurs marques. C’est vrai qu’entrer dans un logis fraîchement acquis peut-être déstabilisant. Mais ils sont beaux, jeunes et je me sens rassurée d’avoir vu leur binette à ces voisins qui la nuit dernière se sont approprié les lieux d’une manière assez originale. Tout va bien. Et une tourte aux champignons achetée en ville fait l’affaire pour une dînette en tête à tête avec ma solitude. Mais j’ai dans le crâne les visages des deux qui se sont donné du plaisir à trois heures du matin ! Ils sont mignons et ne se sont pas rendu compte que les murs n’avaient que peu d’épaisseur.



— xXx —



Le type d’à côté, ce Jonathan me plaît et j’ai presque des regrets qu’il soit déjà en main. Bon, je ne l’ai pas vu et ne lui ai parlé que quelques minutes, mais sa voix associée à son endurance, celle-là m’ayant marqué pour de bon, je me dis que c’est dommage. La nana est très fine, belle et très… blonde. Mais pas dans le sens « écervelée », bien sûr. Et sans doute que je ne fais pas le poids face à cette miss et son sourire d’ange. Ce sont ces idées qui me trottent dans le crâne depuis que nous nous sommes présentés. Et ça fait environ deux heures que chez eux, tout est calme. Ils sont donc sortis. Sur mon balcon, je profite de la fraîcheur de la soirée. Puis un ou deux moustiques s’invitent dès que je branche une lampe. Je n’aime pas ces bestioles.


Retour au salon, et ma foi… la télévision va me tenir lieu de compagnie. Au moins, mise en route sur une chaîne musicale, ça met un peu d’ambiance dans ma morosité. Notes très douces, du piano, et ça suffit pour me rendre dolente. Je somnole depuis combien de temps ? Aucune idée, mais l’écran est enneigé lorsque je suis réveillée en sursaut par un éclat de rire. Ah… les deux complices sont donc rentrés de leur dînette en amoureux. La porte-fenêtre qui s’ouvre sur la rue est restée chez moi entrouverte et le rai de lumière qui inonde la loggia de mes voisins m’indique clairement que les deux profitent des étoiles et… des moucherons qui vont être attirés par le halo. Ils discutent en riant puis les mots se font murmures.


Dans l’encoignure du rideau, ils ne peuvent en aucun cas m’apercevoir. Par contre, j’ai une vue assez dispersée sur la balustrade qui interdit de tomber dans le vide. Et… je réalise que si plus personne ne dit un mot, c’est surtout parce que les langues sont occupées à une tout autre activité. Le compagnon de la blonde se retourne pour guetter dans la direction de mon appartement. Pourquoi ? Pour se rendre compte que je ne suis pas dans les parages ? Il doit y avoir de cela dans son geste. Et rassuré par mon absence, il roule encore quelques pelles à sa belle. Ses pattes aussi ne sont plus tout à fait inactives. Et Delphine se laisse faire gentiment en gloussant.


Le caraco qu’elle porte passe par-dessus ses épaules et une fois dans la main de son copain, il disparaît, sans doute balancé vers un meuble que je ne peux pas voir. C’est au tour de la jupe de glisser sur deux jambes superbes, fuselées et bronzées. La lampe lui fait une sorte d’aura qui magnifie encore ce corps superbe. Elle s’accroche au cou de son amant et dans le mouvement qu’elle fait pour cela, je devine un sein qui ferait pâlir de honte les deux miens. Mon Dieu, cette fille possède les plus beaux nibards qu’il m’ait été donné d’apercevoir. Il faut dire aussi que je n’ai guère l’occasion d’en voir en réalité ailleurs que sur le petit écran.


Je me dis qu’ils vont s’éloigner, que le spectacle va stopper net, que leur chambre à coucher les attend. Que nenni ! Ils sont là, se caressent debout, sans se soucier d’être vus par les éventuels passants sous l’immeuble. Et j’assiste alors à une scène ahurissante qui me coupe le souffle. La menotte de la blonde qui sans complexe ouvre la braguette de son homme. Je peux même entendre le crissement de la fermeture sur ses rails. Et puis jaillissant comme un diable de sa boîte, la queue du loulou tressaute dans la patte féminine. S’en suit un long mouvement de va-et-vient qui, je dois l’avouer, me fait monter la température. Je n’ose plus bouger. Faire un mouvement brusque équivaudrait à montrer ma présence.


Je devine plus que je ne la vois, cette Delphine qui branle doucettement le nœud de son mâle, qui lui caresse les fesses. Instinctivement elle écarte les cuisses, rendant plus impudique que jamais la scène que je visionne en live. Je suis du coup trempée. Comment échapper à cette montée d’une envie qui me crispe le bas du ventre, qui fait palpiter mon minou comme ce n’est pas permis ? Puis Jonathan appuie sur les épaules de sa miss. Elle fléchit sur ces longues cannes et… la pipe est en direct, à moins de quatre mètres de ma tour de guet. Comment résister à ce brutal éveil de mes sens ? Je dois me mordre les lippes pour ne pas gémir tant je me sens entraînée dans un orgasme inouï. Et je ne me touche pas du tout.


Tout est donc cérébral, mental. Mon esprit sans action externe de ma part me fait mouiller d’une manière que rien ne laissait présager. Pas moyen d’échapper à ce qui me tord vraiment les tripes. Et de l’autre côté du muret, les deux corps ne sont plus visibles. Sans doute se sont-ils carrément allongés sur le sol du balcon, et les roucoulades de la dame me font savoir l’état d’avancement de leur petite affaire. Pour moi, le spectacle me prend aux tripes, je suis frustrée de ne pas savoir comment se déroule le reste de leurs ébats. Pas question de leur faire savoir que je sais, que je les entends, que j’ai vu le départ de leur action. Et il n’est pas non plus question que quelqu’un sache combien je suis émue par ce qui vient d’arriver sous mes yeux.


Quand je dis mouiller, c’est en deçà de ce que je ressens. Ça me coule le long des jambes, chaud liquide sécrété par mon ventre que plus rien ne peut retenir. Et avec l’eau bénite qui dégouline, les spasmes envahissent tout mon être. Je me fais violence pour ne pas crier. Lèvres pincées, mes mains se cramponnent au bas de ma jupe, se referment sur le tissu qui masque ma chatte et l’ensemble de mes muscles se met en branle. Oui ! Un véritable orgasme que je ne peux plus contenir. Alors que sur le balcon proche, les gémissements sont largement audibles. La voix de Jonathan me parvient dans un souffle.



Le reste se perd dans des râles de chienne en chaleur et dans mon petit coin, je suis aux prises avec une sorte de frénésie qui devient vite un geyser qui crache en permanence une lave que je ne peux retenir. Je me fais violence, puisqu’ils sont hors de ma vue, pour sortir de mon encoignure et filer dans ma salle de bain. Inutile de dire que mon déshabillage est ultra-rapide. Le devant de ma jupe présente une large auréole trempée et ma culotte est bonne à tordre. Le tout file directement dans la panière pour la lessive. Et je me colle incessamment sous le pommeau de douche. Eau bienfaisante qui fond sur moi. Je me sens plus « propre », mais pas totalement satisfaite. Et c’est donc manuellement, debout, cuisses largement ouvertes, jambes fléchies que je me bricole lentement pour atténuer cette immense envie qui me serre les tripes.


Les journées qui suivent sont très étranges. Les heures ouvrables au bureau sont toutes peuplées de ces bruits de voisinage assez différents de ceux que mon cerveau à l’habitude d’enregistrer. C’est à croire que ces deux occupent tous leurs temps libres à faire l’amour. En y réfléchissant mieux, n’est-ce pas le cas chez beaucoup de couples amoureux ? Réflexions idiotes que celles que mon esprit se complaît à me distiller. Bien sûr qu’ils ont raison de s’aimer de la sorte. Et ça me laisse sur ma faim, parce qu’à n’en plus douter, je fais mentalement l’amour avec eux toutes les fois où je capte les sons de leurs fornications. C’est-à-dire que c’est quasiment deux ou trois fois par soirée, et aussi en milieu de nuit.


Je me masturbe en cadence avec en bruit de fond les accouplements de ces jeunes propriétaires qui ne se privent de rien. Delphine crie, gémit, mais Delphine, elle… fait l’amour. Et moi ? Je ne suis qu’une femme qui écoute, qui vibre au moindre soupir de ceux-là. Je me désespère de ne pas prendre une part de ce gâteau si délicieux que la jeune blonde goûte avec une telle volupté. Et me voici anxieuse, le soir où plus aucune plainte d’amour ne m’arrive de l’appartement d’à côté. Ils sont là, pourtant. Ils rient, parlent, mais pas de sexe, et pour une période qui me parait d’une longueur inquiétante. Pourquoi est-ce que cette interruption m’interpelle autant ? Je ne vis donc plus que pour écouter les ronronnements d’amour de Delphine et Jonathan ?


Dix heures dix ce vendredi soir, je prends l’air sur mon balcon et le feu follet blond pointe son museau à la rambarde de sa propre loggia. Elle m’aperçoit et me fait un signe d’une main. Puis elle se baisse et récupère une quantité industrielle de culottes étendues sur un « Tancarville ». Elle fait ça machinalement tout en jetant un coup d’œil dans ma direction. Elle a un sourire sympa. Puis une fois son ramassage effectué, elle s’approche du muret.



Elle recule de deux enjambées, soulève sa panière de linge et disparaît dans son appartement. Voilà ! Je viens de faire un pas vers ce couple au demeurant fort sympathique. Et je sais de surcroît le pourquoi de leur arrêt brutal de leurs jeux sexuels. Delphine vient donc d’avoir ses règles. C’est con, mais à aucun moment, ces ennuis de femmes adultes ne me sont venus à l’esprit. Ce qui du coup me fait songer que les miennes de menstrues ne devraient pas non plus tarder. Par contre, chez moi, c’est très peu visible et en trois jours je suis quitte. Comme quoi toutes les femmes ne sont pas égalitaires face à la chose. Je souris béatement à l’idée que leurs rodéos conjugaux vont sans doute revenir au premier plan rapidement. Et l’idée me réjouit.



— xXx —



Au frais, une bouteille de champagne, et à réchauffer, quelques petits fours salés, de quoi recevoir mes invités le plus agréablement possible. Et ils sont à l’heure. La sonnette de la porte se met à « dirdinguer » alors qu’à l’église Saint-Amé pas très loin les cloches sonnent. Delphine est la première devant moi, avec une risette qui me montre deux jolies rangées de dents d’une blancheur éclatante. Vêtue classe, robe bain de soleil et chaussures plates, je peux admirer de très près sa poitrine impressionnante. Me rendre compte aussi que sa blondeur est naturelle. Derrière, son homme, tenue plutôt cool qui contraste singulièrement avec celle plus BCBG de sa chère et tendre. Lui tient un bouquet de fleurs qu’il me tend.



Nous sommes donc trois et je sens qu’ils fouillent du regard ce qui les entoure. Je les guide vers le salon et ils prennent place sur le sofa. Sur la table entre le fauteuil que j’occupe et leur place, trois flûtes, et je rapporte de la cuisine la bouteille de bulles. Les canapés sont dans le four et prennent une belle couleur ambrée. Le bouchon fait un son agréable à l’oreille et nous trinquons donc à ce voisinage qui nous réunit. Puis chacun y va de son petit mot, et lorsque nous avons tout avalé de la bouteille, nous sommes presque les meilleurs amis du monde. C’est vrai que ça rassemble de prendre l’apéritif ensemble. Qui de nous trois propose un tutoiement moins formel, histoire de briser définitivement la glace entre nous ? Ce n’est pas important de le savoir.


Et notre dialogue se poursuit dans une ambiance courtoise très amicale. Ce dont je suis certaine, du coup, c’est que puisque nous nous sentons bien tous ensemble, pourquoi ne pas dîner dans la foulée ? Et c’est donc ainsi qu’un livreur de pizza vient nous mettre l’eau à la bouche avec ses cartons odorants. Cette fois, c’est la table de ma salle à manger qui nous accueille pour une dînette à l’arrache. Mais les choses les plus spontanées ne sont-elles pas aussi les plus belles. J’écoute et apprends. Le travail dans une banque des environs du compagnon de Delphine, ses cours à elle pour devenir esthéticienne. J’y vais de mon petit couplet et relate mon poste dans une grosse agence d’assurance.


Nos tartes italiennes englouties, et une bouteille d’un rouge de bordeaux également intégralement vidée, nous sommes les meilleurs amis du monde et les confidences sont désormais les sujets qui priment autour de la table. La jeune femme se livre sans trop de garde-fous. Et si Jonathan est plus discret… je le sens curieux, avide d’en savoir plus sur moi. Un point sensible est évoqué, celui de mon célibat. Je me laisse aller à quelques confidences, mais reste sur la réserve. Et c’est de nouveau ma nouvelle amie blonde qui met les pieds dans le plat. Un peu grise sûrement, ivre de trop de champagne et de vin rouge, elle me fait part de sa déception de ne pas encore être enceinte et elle me narre ce que je sais déjà.


À savoir qu’ils font l’amour partout et tout le temps, avec pour but de voir enfin se développer en elle une petite vie attendue et souhaitée. Mais elle regrette aussi que ce ne soit pas plus simple. Elle a parfois quelques réflexions qui me paraissent déplacées, sans pour cela que je relève ou réplique quoi que ce soit. Je la laisse dire et nous finissons cette soirée par un digestif sous la forme d’un vieux cognac. Puis les deux regagnent leurs pénates, avec la promesse de nous refaire une soirée de ce style prochainement. Je suis pompette, et heureuse de retrouver mon lit. Cet intermède moins solitaire m’a fait un bien fou et… l’alcool aidant, je trouve ce Jonathan encore plus séduisant. Dommage… ! Je l’ai trop regardé et… j’ai bien peur que sa jolie blonde ne se soit aperçue de mon manège.


Je ne l’ai pas ouvertement dragué, mais j’ai lancé quelques piques et… Bon ! Je ne vais pas revenir sur le sujet. Delphine ne mérite pas d’être trompée et du reste mon caractère plus que placide ne m’engage pas à jouer à ce jeu de la duplicité. Mes rêves resteront donc bel et bien lettre morte. Je suis sur mon petit nuage, toute à l’euphorie de ces quelques heures passées en compagnie des tourtereaux. J’ai besoin d’air frais et ma terrasse surplombant la rue est là qui va m’accueillir, juste avant d’aller ronfler… oui, lorsque j’abuse un peu de bon vin, je ronfle vraiment. La douceur de la nuit n’oblige pas encore à clore les fenêtres et la baie vitrée est béante. Je m’y colle les fesses dans un angle d’où mes vis-à-vis ne peuvent pas se rendre compte de ma présence.


De plus, tout est calme et le balcon adjacent est vide de tout occupant. Je suis bien, sereine, et je respire mieux. Alors ? C’est un rayon de lumière fugace qui m’alerte. Juste une fraction de seconde et je sens une présence chez mes voisins… des voix aussi se font entendre. Murmures que je ne cherche pas à analyser. Ils sont là et j’imagine déjà le pourquoi. Ça ne traîne pas avant que les amants se mettent en chantier. Et Delphine gémit, son ami lui parle doucement. Impossible évidemment de savoir ce qu’il se dit, mais le ton employé et les inflexions très câlines de la voix mâle me donnent des indications assez précises sur ce qui se trame à moins de trois mètres de moi.


Dans le noir que seules quelques étoiles accrochées aux cieux nocturnes perturbent, les plaintes amoureuses sont de nature à me faire mouiller de nouveau. Et comme je suis en déshabillé vaporeux, sans autre artifice que ma peau nue, il m’est facile d’accompagner les variations endiablées de la jolie blonde. Les images que me projette chacun de ses cris, de ses soupirs, font se lover sur mon clitoris mon index qui n’a nul besoin d’être lubrifié tant je suis trempée. Ma tête se berce aussi de tous ces bruits qui me renvoient des flashs. Et ma main qui n’est pas en mouvement, rabattue sur ma bouche, je m’interdis de crier, voire de hurler alors que je me sens totalement envahie par un orgasme d’une intensité à peine croyable. Derrière la séparation, les deux baiseurs eux aussi prennent un infini plaisir et… je suis en phase avec leurs délires sexuels.


Souvent, le temps qui passe rapproche ou sépare les gens. Je ne cherche pas à m’immiscer plus que cela dans la vie du couple. Nous nous voyons, taillons le bout de gras, mais je prends soin de ne pas laisser voir l’émoi qui me tord le ventre dès que je croise les yeux du beau châtain ténébreux. Je n’ai pas l’âme d’une Messaline et ne tiens pas, mais pas du tout, à briser ce ménage dont les deux pièces sont soudées comme les doigts d’une main. Une fuite en avant en quelque sorte, malgré le fait que mon cœur saute dans ma poitrine dès que j’aperçois la silhouette de Jonathan depuis ma fenêtre. Pourquoi n’existe-t-il pas un autre gars quelque part qui me soit réservé ? Je songe à cela pour l’instant suivant me traiter de bourrique ou de folle.


Pour rencontrer des hommes, encore faut-il faire l’effort de sortir. Ils ne vont pas venir tout rôtis me tomber dans le bec. Delphine est souriante en toute occasion et nous nous faisons la bise pour nous saluer désormais. Et j’ai l’impression, mais ce n’est que mon ressenti, que leurs ébats amoureux sont plus espacés, moins fréquents, quoi ! Bon ! Je ne suis pas là à les surveiller toute la sainte journée non plus. C’est un simple constat que mon cerveau interprète d’une manière erronée. De toute façon, personne ne peut vivre vingt-quatre heures sur vingt-quatre la culotte en l’air. Je suis toujours assez pessimiste, dirons-nous. Mais tout de même… les règles reviennent vite, je n’en disconviens pas ! De là à les avoir deux ou trois semaines de suite, c’est une hérésie.


Puis… c’est au marché que nous nous rencontrons. Elle parcourt les étals, remplissant sa besace de légumes frais, de fruits et de fromages. Une forte ressemblance avec mes propres emplettes est donc à signaler. Mais là, elle a une mine renfrognée.



Nous rions toutes deux, mais c’est dans ma caboche que ça trottine. Que peut-elle avoir à me raconter de si secret ? Il en est toujours ainsi ! Dès qu’un truc est dans mon crâne, pour le déloger, c’est la croix et la bannière. Ça me travaille, et je subis de plein fouet les piaillements de ma blonde voisine qui prend de l’avance ou vide son homme pour qu’il ne lui prenne pas l’idée saugrenue d’aller baisouiller ailleurs ! Ça me fait rigoler de les entendre, mais à haute dose, ça énerve aussi mes sens et… dans mon lit, je n’ai que mes mains pour me satisfaire. En revanche, pendant que je me masturbe, bercée par les grincements de leur sommier, je ne pense plus aux paroles de Delphine. Et le dimanche n’est pas plus calme de l’autre côté du mur. Elle est insatiable, ma jolie voisine. Et le lundi matin me voit partir au boulot avec quelques cernes sous les yeux.


Je suis lasse d’une journée qui n’est que le prélude à une semaine qui s’annonce chargée. Il y a eu en ville des manifestations et… les assurés n’ont pas cessé d’être pendus à leur téléphone et au bout… il y a ma pomme et une collègue. C’est dingue ce qu’une dizaine de casseurs peut faire comme dégâts. Rassurer et aiguiller les personnes qui ont subi des dégradations, fait partie de mon job. Mais là encore, c’est usant lorsque ça se répète sans interruption durant six ou huit heures. Je n’ai guère eu le loisir de songer à la blonde et à son mec, qui doit être très loin en cet instant. Je colle mes fesses sur un siège de ma cuisine, me sers un verre de « Chablis » bien frais et souffle un peu. Pause de courte durée puisque dans les minutes qui suivent, la sonnette de l’entrée me fait réagir. J’ai une petite idée de qui est derrière la porte.



Delphine trinque avant de tremper ses lèvres dans le verre.



Je ferme ma bouche juste à temps. Pour un peu je me laissais aller à lui rajouter « avec tout ce qu’il t’a mis tout le week-end ». Je reprends en faisant gaffe de ne pas me balancer toute seule.



Elle lève les yeux et fond en larme. Prise au dépourvu par cette soudaine crise que je n’appréhende pas totalement, je ne sais plus quoi dire ou faire. Ma main attrape la sienne et je la laisse pleurer. Puis elle se remet lentement avant de me brandir un papier qu’elle gardait dans son soutien-gorge, puisqu’elle est sans vêtement ayant une poche…



Je déplie le courrier et… le nom barbare ne me parle pas vraiment : le syndrome de Mayer-Rokitansky-Küster-Hauser.



De nouveau, les larmes coulent en silence sur ses joues, formant deux ruisseaux qui se rejoignent à la pointe de son menton. Les perles d’eau salée restent en suspens quelques secondes puis viennent éclater sur son chemisier et la naissance de ses seins. Je suis impuissante face à ce désarroi légitime et ne sais pas par quel bout prendre le problème. Comment la rassurer, la mettre en confiance et calmer ce chagrin qui déborde en gouttes serrées ? Alors, tout bêtement je me penche en avant et entoure de mes deux bras ses épaules. Sa frimousse vient se poser dans le creux ainsi formé et je ressens ses sanglots atténués qui me mouillent l’endroit où son visage touche mon vêtement.


Nous demeurons ainsi de longues minutes, sans un mot. C’est elle qui d’un coup a comme un sursaut.



Elle semble se remettre plus vite que je ne le pense. Bon ! Secouée par cette saloperie de la vie, je peux me mettre à sa place. Pas simple à encaisser un tel coup du sort. Mais elle est jeune et pleine de vie. Cette fois, elle avale avec presque trop d’emphase une nourriture qui soit dit en passant est excellente. Je la complimente sur sa cuisine et elle finit par sourire. Ouf ! Je me sens mieux moi aussi, parce que j’ai cru un moment qu’elle allait déprimer pour de bon. Nous trucidons également la bouteille de Chablis et sa sœur jumelle fait son apparition sur la table. C’est comme si elle niait tout simplement son malheur. Plus un mot sur ce qui la déchire de l’intérieur sûrement. Une battante, cette femme, et je sais qu’elle va s’en sortir. Nous finissons la soirée sans reparler de son « infirmité interne », et c’est pompette qu’elle rentre chez elle, vers minuit.



À suivre…