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Temps de lecture estimé : 18 mn
09/09/24
Présentation:  L’automne est ma saison préférée. Je suis sûrement trop impatient, nous n’en sommes qu’à la fin de l’été, mais si ce texte vous plaît, peut-être réitérerais-je l’expérience pour Halloween ?
Résumé:  La Sorcière des Brumes plonge le lecteur dans un village isolé, où légendes et réalité s’entremêlent. Un homme en quête de réponses se confronte à une force mystérieuse et envoûtante.
Critères:  #fantastique #sorcellerie fh cérébral portrait
Auteur : L'artiste  (L’artiste)      Envoi mini-message

Collection : La Trilogie des Brumes
La Sorcière des Brumes

L’Envoûtement



Un violent orage vient d’éclater ; le ciel, noir, menace encore, et la brume s’élève du sol en cette froide semaine d’octobre, enveloppant Villefranche-de-Conflent d’un voile mystérieux. Les lanternes accrochées aux portes des maisons en pierre projettent des halos tremblotants sur les pavés. Les remparts imposants, ceignant le village, semblent murmurer les secrets du passé, tandis que le vent siffle doucement à travers les ruelles désertes, comme chuchotant des avertissements oubliés.


Je déambule lentement au gré des allées, le souffle court. Le froid est vif et mordant, et chaque respiration se transforme en un nuage de vapeur dans l’air glacial. Mon pouce frôle une vieille cicatrice sur mon poignet gauche, une marque en forme de sigle infini presque effacée par les années, mais toujours vivace dans ma mémoire. Cette cicatrice, souvenir d’un serment d’adolescents, est mon dernier lien tangible avec Stéphane. Nous avions scellé un pacte en nous infligeant cette blessure, convaincus de notre amitié éternelle.


Stéphane a disparu depuis plusieurs années, laissant derrière lui seulement des rumeurs et des mystères non résolus. Il avait choisi de s’installer dans ce petit bourg isolé, un lieu dont je ne sais que peu de choses, mais où il a manifestement vécu. Je ne suis pas ici pour des funérailles, mais pour fouler ses pas, me souvenir de lui, et peut-être essayer de comprendre ce qui a pu lui arriver.


Alors que la nuit tombe et que la fatigue m’envahit, je ressens le besoin de me changer les idées, de trouver un refuge temporaire, et décide de chercher cette oasis dans l’unique bar ouvert en cette période, un troquet chaleureux au cœur de l’hiver naissant. Entrant, je suis accueilli par l’odeur enivrante du vin chaud épicé, mélangée à celle des décorations d’Halloween qui ornent chaque recoin. Des citrouilles sculptées, des sorcières taillées dans du bois, des guirlandes de feuilles mortes et des bougies chancelantes ajoutent une touche d’étrangeté à l’ambiance, comme si tout ici n’était qu’un fragile déguisement masquant quelque chose de bien plus sinistre.


L’endroit est presque vide, à l’exception de deux autochtones assis sur de hauts tabourets, accoudés au comptoir. Ils boivent du Vermouth en discutant à voix basse. Cherchant à me réchauffer sans me montrer trop intrusif, je m’installe à une table dans un coin, non loin d’un poêle où crépitent quelques bûches. Malgré les craquements du feu, des bribes de leur conversation me parviennent…



Une vague d’angoisse inexplicable me traverse. Mon esprit tente de se détourner, de rationaliser ces propos, mais la curiosité prend le dessus. Je décide de m’approcher pour finalement quémander quelques informations.



Les deux se tournent vers moi, un peu surpris par mon intrusion. Le plus âgé, avec une barbe poivre et sel bien taillée, me scrute un instant avant de se détendre légèrement. Il porte son verre à ses lèvres, prend une gorgée, puis le repose sur le comptoir en soupirant.



Son compagnon, avec des traits marqués par le travail en extérieur, acquiesce vivement, les yeux brillants d’une lueur étrange. Il se penche vers moi, baissant légèrement la voix comme pour préserver un secret.



Il jette un coup d’œil rapide vers la fenêtre, où l’on devine à peine la lueur des lanternes vacillantes à travers la brume épaisse. L’aîné renchérit d’une voix grave.



Il marque une pause, l’air sérieux, cherchant ses mots pour présenter l’indescriptible. Puis, comme pour souligner la gravité de ses propos, il ajoute :



Je sens un frisson parcourir mon échine. Le jeune homme, visiblement plus nerveux, hoche la tête avec insistance.



Un lourd silence s’installe entre nous. Cette dernière révélation me frappe de plein fouet, faisant écho à ce qui aurait pu arriver à mon ami. Mon esprit est en ébullition, partagé entre l’envie de croire à cette légende fascinante et le besoin rationnel de la rejeter comme un banal conte de village. Et s’il ne s’agissait pas simplement de rumeurs ? Je m’efforce de chasser cette idée troublante.


Je finis par demander, doucement, chuchotant presque, comme si je craignais la réponse :



Les deux individus échangent une œillade, puis le plus âgé se penche vers moi, l’expression de son visage devient plus intense.



Quittant le bar, je suis incapable d’effacer cette incroyable histoire de mon esprit. Le nom de Mara résonne dans ma tête de façon persistante. Les rues pavées de Villefranche-de-Conflent, enveloppées de brume, me paraissent soudainement plus étroites, étouffantes, et alors que je les arpente songeur, les conversations qui me parviennent, parfois à demi-mot, semblent se fondre dans l’air, laissant planer des bribes de phrases à peine audibles : « sorcière » … « regard » … « perdition » . Chaque mot perçu alimente mon trouble, m’entraînant un peu plus dans l’inconnu.


En passant devant l’épicerie du village, je surprends deux vieilles femmes en pleine discussion. Elles se masquent la bouche et baissent le ton à mon arrivée, comme si elles redoutaient d’être comprises.



Elles se séparent alors, chacune reprenant sa route, me laissant seul avec ces paroles énigmatiques, renforçant en moi l’étrange impression que ce village tout entier cache un secret effroyable.



_________________________________




L’esprit empli de questions sans réponse, je regagne mon hôtel à Ille-sur-Têt, toute proche, où je loge durant mon court séjour. Le mystère Mara me hante toute la nuit, et le lendemain matin, je me réveille avec la ferme intention de découvrir qui elle est réellement. Après tout, et même si ça n’a aucun sens, elle a peut-être un lien avec la disparition de Stéphane. La curiosité s’est transformée en une obsession dévorante, un besoin irrépressible d’avoir le fin mot de l’histoire.


Je me dirige vers la bibliothèque du village. Il fait gris, un léger crachin me transit, l’orage menace toujours. Une fois arrivé, je me retrouve dans un lieu austère où le temps semble s’être arrêté. Le silence y est pesant et les murs de pierre suintent l’humidité et le savoir accumulé au fil des siècles.


Je passe des heures à fouiller dans les rayonnages poussiéreux, à la recherche du moindre indice. Finalement, mes doigts tombent sur un vieux grimoire dont les feuilles jaunies regorgent de récits fantastiques, de sortilèges et de légendes oubliées. J’y découvre toute sorte de contes et superstitions, mais une page attire particulièrement mon attention. Il y est décrit une femme d’une beauté fatale, capable d’ensorceler les hommes d’un simple regard. Les détails sont vagues, mais assez pour attiser ma curiosité et alimenter ma confusion.


Plus tard dans la journée, je décide de me mêler aux villageois dans un café. J’aborde quelques anciens, dans l’espoir d’obtenir des informations supplémentaires. La plupart se montrent réticents et marmonnent des avertissements insensés. L’un d’eux, un vieillard voûté et aux traits marqués par les années, finit par me répondre :



Chaque pas que je fais pour comprendre me pousse plus loin dans l’obscurité et le mystère. Je sens pourtant que je ne peux pas en rester là…




La Prémonition



Je me retrouve plongé au cœur d’une dense forêt. La pénombre environnante est à la fois inquiétante et envoûtante, le silence total est pesant. Je me sens attiré par une force étrange, irrésistible. Devant moi, à travers la végétation, une lueur se dessine. Une silhouette se détache progressivement, comme si elle émergeait de la nuit elle-même.


C’est elle. Mara.


Sa beauté dépasse tout. Ses cheveux sombres et soyeux flottent autour de son visage, encadrant des traits d’une perfection surnaturelle. Il me semble un instant qu’un éclat verdâtre se reflète sur sa peau. Cette sensation disparaît aussitôt, mais une inquiétude sourde s’installe. Ses yeux, deux abîmes d’un noir profond, m’envoûtent immédiatement, et malgré moi, je ne peux détourner le regard. Mon souffle se fait plus court, mon cœur bat plus vite. Une chaleur intense s’empare de moi, un désir brûlant, irrésistible.


Mara s’approche lentement, chacun de ses pas résonne dans l’air. Les rayons de la lune la caressent, lui donnant un éclat presque éthéré, mais l’ombre qu’elle projette sur le sol me semble plus grande, plus épaisse qu’elle ne devrait. J’essaie de me convaincre que c’est une illusion, une simple distorsion de la lumière, mais l’image me hante.


Elle s’arrête à quelques mètres de moi, me scrute, puis murmure, sa voix se fondant dans le vent :


  • — Tu es venu jusqu’ici… Pourquoi ? demande-t-elle, énigmatiquement.

Je tente de parler, de répondre, mais les mots se meurent dans ma gorge. Tout ce que je ressens est un besoin viscéral de la respirer, de la toucher. Elle le sait, et son sourire s’élargit.


  • — Tu me désires, n’est-ce pas ? poursuit-elle, presque maternellement, mais avec une pointe de moquerie.

Je hoche la tête, incapable de nier l’évidence.


  • — Oui… je… je te veux.

Sans un mot, elle commence à se dénuder, de façon calculée, hypnotique. Sa robe glisse lentement sur ses épaules et dévoile une peau d’albâtre d’une délicatesse qui semble irréelle, lisse et sans défaut. Le tissu continue de descendre, révélant des seins parfaits, pleins, aux tétons arrogants d’un rose pâle presque translucide, appelant mes baisers. Son ventre est plat, marqué d’un nombril ravissant qui se meut imperceptiblement au rythme de sa respiration. Plus bas, ses hanches s’arrondissent avec une élégance naturelle, et son sexe se découvre, imberbe, telle une invitation irrésistible. Ses jambes interminables, fuselées, et ses pieds, délicats, sont la touche finale à ce corps sculpté par les dieux eux-mêmes, chaque courbe, chaque ligne éveillant en moi un désir profond et primal.


Je suis totalement sous son emprise. Mon regard caresse, savoure chaque détail, chaque parcelle de sa chair mise à jour. Mon propre être répond à cette vision par une excitation grandissante, irrépressible. Mes pensées se brouillent, ne laissent place qu’à un besoin viscéral de la posséder.


  • — Viens…, murmure-t-elle, tendant la main vers moi. Rassure-toi, j’exaucerai toutes tes attentes.

Je m’avance, presque malgré moi, comme si une force invisible me poussait à obéir. Elle entreprend à son tour de me dénuder. Lorsqu’elle pose ses doigts sur ma peau, une décharge électrique me traverse, exacerbant mon désir à un point tel que toute rationalité s’évanouit. Ses caresses sont à la fois tendres et affamées, éveillant des sensations que je n’avais jamais connues.


Elle me fixe intensément, ses yeux brûlant d’une lueur ensorcelante, bien que leur teinte émette maintenant un léger éclat rougeâtre à peine perceptible.


  • — Te sens-tu prêt à me prendre ? demande-t-elle, ses lèvres frôlant les miennes.

Je ne réponds pas, ma bouche s’écrase contre la sienne, nos langues se cherchent, s’explorent, et finalement, s’apprivoisent. Le goût est étrange, presque métallique, on dirait du sang. M’embrassant passionnément, Mara me fait basculer, m’incite à m’allonger dans l’herbe gelée.


  • — Je savais que tu viendrais. Tu ne pouvais pas résister, personne ne le peut…

Ses baisers arpentent mon cou, je frissonne. Elle sourit sournoisement, ses lèvres s’étirant de façon anormale.


  • — Mais il y a un prix à payer, chuchote-t-elle soudain, sa voix prenant un ton plus grave, presque menaçant. Es-tu prêt à tout sacrifier pour moi ?

Sans attendre de réponse, elle empoigne mon sexe dressé pour le guider vers le bas de son ventre afin que je le pénètre. Puis, assise à califourchon sur moi, cambrée, elle impose le rythme du coït, distillant un plaisir croissant me chauffant les entrailles. Je pourrais bien mourir après avoir connu tant de délices, mais alors que la jouissance approche, ses caresses se font plus fermes, presque douloureuses. Son corps, si parfait quelques instants plus tôt, commence à se transformer. Sa peau se couvre d’écailles rugueuses, ses ongles s’allongent en griffes acérées, et son regard, autrefois profond et envoûtant, devient incandescent, brûlant d’une lueur maléfique.


L’horreur me saisit alors que je réalise la métamorphose en cours. Mara, cette créature divine se change en un être cauchemardesque, un démon dont la beauté n’était qu’un masque pour dissimuler l’abomination qu’elle est véritablement. Ses yeux, deux flammes infernales, me transpercent, et je sens mon âme se faire aspirer.


  • — Tu es à moi, désormais, déclare-t-elle, dans un grondement sourd et guttural.

Je me débats, essaie de me dégager, de fuir cette étreinte ignoble, mais il est trop tard. Le monstre m’emprisonne, ses griffes enfoncées dans ma chair ; je suis sur le point de succomber dans une terreur absolue, un cri muet sur mes lèvres.


Je me réveille en sursaut, le cœur battant à tout rompre, le corps couvert de sueur. Pendant un instant, je reste allongé, immobile, fixant le plafond, tentant de reprendre mes esprits. Mon souffle est saccadé, comme si je venais de courir un marathon, et pourtant, ce n’était qu’un rêve… ou du moins, j’essaie de m’en persuader. Mon bras est marqué de légères égratignures, me les serais-je infligées dans mon sommeil ? Ce cauchemar m’a paru si réel que chaque sensation semble inscrite en moi comme un tatouage incrusté dans ma peau.


Je ferme les yeux, m’efforçant de chasser les images troublantes qui me hantent, mais elles reviennent, inlassablement. Je revois son visage, son sourire, et cette transformation terrifiante. Je ressens toujours le contact de ses doigts sur mon corps, une douce caresse qui se mue en une étreinte mortelle. Comment un simple rêve peut-il laisser une telle impression ?


Je me redresse péniblement et m’assieds sur le rebord du lit, le regard perdu dans le vide. Pourquoi ce rêve m’a-t-il semblé si tangible, si… prémonitoire ? Était-ce uniquement une manifestation de mes peurs inconscientes ou un avertissement que je devrais prendre au sérieux ? La frontière entre la réalité et l’imaginaire s’est estompée et me plonge dans un état de confusion profonde.


Je me lève, titubant légèrement, comme si le sol sous mes pieds n’était plus aussi stable qu’auparavant. Je sens un poids étrange sur mes épaules, une oppression que je n’arrive pas à dissiper. Durant toute la journée qui suit, le temps s’écoule au ralenti, chaque minute s’étirant indéfiniment. Les heures passent pourtant, et mon trouble ne fait que croître.


Mara ne me quitte plus, pas un seul instant. Chaque seconde, j’entends sa voix, lointaine, venue de partout et de nulle part à la fois. Elle murmure mon prénom, comme pour me rappeler qu’elle est toujours là, tapie, prête à surgir à nouveau. Je revois sa silhouette, encore et encore, une vision qui persiste où que se pose mon attention.


Je suis obsédé par l’idée qu’elle pourrait être bien plus qu’une simple légende. Et si Mara, cette sorcière sortie des ténèbres, n’était pas qu’une création de mon esprit ? Et s’il s’agissait d’une réalité que je ne peux plus fuir ? Je sens une pulsion grandissante, un besoin irrépressible de comprendre qui elle est en définitive, bien que je sache que cette quête pourrait bien me conduire à ma perte.




Le Pacte des Ombres



Le soir, alors que la lumière se fait déjà plus douce et que l’éclairage public s’enclenche, ma fixation devient insupportable. Je ne peux plus ignorer cette force qui m’attire et me décide enfin à affronter Mara, quoi qu’il m’en coûte. Je suis convaincu que je ne connaîtrai aucun répit tant que je n’aurai pas percé son mystère.


Je retourne à Villefranche-de-Conflent, espérant y retrouver les deux hommes rencontrés deux jours plus tôt. Lorsqu’ils me voient entrer dans le bar, je remarque immédiatement un changement dans leur attitude. Ils sont plus méfiants, presque réticents à m’adresser la parole.



Je persiste néanmoins, demandant où se trouvent les bois où Mara est supposée apparaître. Les hommes échangent un regard lourd de signification, puis, à contrecœur, m’indiquent le chemin. Avant que je ne parte, le plus jeune agrippe mon bras, l’expression de son visage hantée par une angoisse palpable.



Ses mots, empreints de peur et de résignation, me glacent le sang. Mais la curiosité est devenue trop forte pour que je l’ignore. Je le remercie d’un signe de tête et prends congé.


À la sortie du village, je croise une vieille femme que je n’avais encore jamais vue. Elle est penchée sur un bâton qui la soutient, un châle tiré étroitement autour de ses épaules, ses yeux perçants brillent dans la pénombre. Elle me dévisage, comme si elle m’attendait.



Je m’arrête, surpris qu’elle devine si facilement mon intention.



Son regard se fait plus intense, presque suppliant, mais je ne compte plus reculer.



Elle secoue la tête, semblant en proie à une tristesse infinie, puis pose une main tremblante sur mon avant-bras.



Le cœur battant, je la remercie d’un signe de tête et continue ma route en serrant son présent dans ma main.


Je quitte enfin le village et m’enfonce dans la forêt. L’obscurité est totale, la brume enveloppe tout. Je me sens vulnérable, exposé à quelque chose d’indéfinissable, mais suis déterminé à affronter Mara, à découvrir si elle est bien la créature envoûtante que décrivent les légendes, et celle démoniaque que m’a révélée mon cauchemar.


À chaque pas, la tension monte, mais seul le face-à-face pourra me délivrer de cette obsession. La forêt est devenue un labyrinthe d’ombres mouvantes. Le sentier qui me guide semble disparaître sous mes pieds, se diluant dans l’obscurité omniprésente. J’ai la certitude viscérale que c’est ici que tout se joue.


Puis, à travers les branches entrelacées, j’aperçois une lueur. Une petite maison de bois se révèle, vieille et décrépite, presque engloutie par la végétation. Un filet de fumée s’élève, perturbant l’immobilité sinistre du lieu. Je m’approche, chaque pas enfonce un peu plus mes bottes dans le sol moite. La porte du chalet s’ouvre brusquement, brisant le silence de la nuit. Une femme en sort, son apparition presque spectrale. Mon sang se fige. Elle est telle que je l’ai vue dans mon rêve : une silhouette gracile, drapée dans une robe sombre, de longs cheveux bruns flottant autour de son visage.


Conscient du danger et terrorisé, je m’efforce de ne pas croiser son regard tout en serrant dans ma main le sachet offert plus tôt par la vieille dame rencontrée au village.



Son ton est à la fois accueillant et menaçant, une mélodie aux accents dissonants. Chaque mot semble un piège tendu pour m’engloutir.



Elle fait un pas vers moi. Mon cœur bat plus vite.



Sa main se lève, et un vent glacial souffle autour de nous, les branches au-dessus de nos têtes s’agitent. L’atmosphère s’épaissit, devient plus oppressante. Une chouette ulule au loin. Mara s’approche encore.



Je tente de garder mon calme, mais les similitudes avec mon rêve sont trop frappantes. Je me trouve face à la sorcière que tout le monde craint. Je sens qu’elle me teste, jouant avec mes angoisses, mes doutes. L’envie de fuir est forte, mais quelque chose me retient. Le silence s’installe, lourd, avant qu’elle ne parle à nouveau.



Je lève enfin les yeux, timidement, pour rencontrer les siens d’un vert profond, et je suis aussitôt frappé par la réalité. Elle est adorable et terriblement désirable. Ses traits sont d’une finesse exquise, son sourire est irrésistible. Mais je ne ressens aucune malédiction ni aucun pouvoir occulte. Ne serait-elle juste qu’une femme dont la beauté authentique captive par sa pureté ? Je soupire, perplexe. Cette rencontre tant anticipée semble n’avoir rien de surnaturel, rien de la sorcellerie dont parlent les rumeurs. Elle est certes très charmante, envoûtante, mais humaine avant tout.


Je m’apprête à m’excuser pour mon intrusion, prêt à tourner les talons et à quitter cet endroit avec le goût amer de l’échec sur les lèvres, quand l’attention de Mara s’arrête sur mon poignet. Quelque chose dans son expression change.


Elle tend la main, presque avec précaution, puis ses doigts effleurent délicatement ma peau.



Un frisson me parcourt.



Une boule se forme dans ma gorge. Je marque une pause, puis reprends :



Elle esquisse un sourire énigmatique, mais ne répond pas tout de suite. Au lieu de cela, elle se recule et ouvre la porte de sa maison, m’invitant à entrer.



L’intérieur de la bâtisse est baigné par la lumière chaude du feu qui danse dans la cheminée. L’atmosphère est à la fois intime et étrangement oppressante. Nous nous asseyons face à face, elle ne me quitte pas des yeux, comme si elle sondait les profondeurs de mon âme.


Après un moment qui semble suspendu dans le temps, elle parle enfin, à peine plus qu’un murmure :



Ces mots, aussi simples soient-ils, me touchent sincèrement, et je sens mon cœur se serrer. Cette femme a partagé quelque chose d’intime avec mon ami disparu. Je tente de rassembler mes idées, mais elle continue sur un ton teinté de mélancolie et de tristesse :



Un ange passe, rapidement chassé par une tension différente, plus électrique. Elle se lève et me rejoint. Son parfum m’enveloppe, une fragrance enivrante qui brouille mes pensées. Ma respiration s’accélère, sa main effleure la mienne…




Épilogue



Le lendemain matin, une chaude lumière filtre à travers les rideaux. Le soleil, éclatant, brille à nouveau, inondant la petite pièce dans laquelle je me trouve.


Mara m’accompagne jusqu’à la porte. Avant de partir, je me tourne vers elle.



Alors que je m’éloigne, une étrange impression s’installe, renforcée par la dernière phrase énoncée par Mara. Mon pas est lent, incertain, et mes souvenirs semblent flous, voire absents… il ne me reste qu’une sensation diffuse, abstraite.


Machinalement, ma main glisse dans la poche de mon manteau, là où j’avais rangé le petit sachet que m’avait donné la vieille dame au bâton. Je le sens, mais il me paraît différent, plus lourd qu’auparavant. Intrigué, je l’ouvre avec précaution. Ce que j’y trouve me glace le sang : l’armoise censée me protéger a disparu, à sa place, une gourmette en argent brille faiblement. Je la prends entre mes doigts et l’examine. Gravé sur le métal froid, un prénom : Stéphane.


Ma gorge se noue, et une foule de questions refoulées resurgit, plus pressante que jamais. Qu’est-il vraiment arrivé à mon ami ?



— Fin –