n° 22683 | Fiche technique | 48703 caractères | 48703 8453 Temps de lecture estimé : 34 mn |
29/04/25 corrigé 29/04/25 |
Résumé: Je noue en quelques jours une complicité de plus en plus tendancieuse avec une inconnue sur internet, bien qu’elle ait dix-huit ans et moi trente, et alors même que nous sommes chacun déjà en couple. | ||||
Critères: humour fh hplusag jeunes frousses extracon inconnu telnet voir exhib | ||||
Auteur : Jaehaerys Envoi mini-message |
DEBUT de la série | Série : On n'est pas sérieux quand on a dix-huit ans Chapitre 01 | Épisode suivant |
La phrase d’Amélie me saisit à froid.
Non pas que ce coup de tonnerre survienne dans un ciel serein, loin de là, mais il me semble totalement disproportionné au regard de notre dispute.
Notre énième dispute.
Est-ce une énième provocation de sa part ou bien l’expression d’une authentique exaspération ?
Elle m’a annoncé au dernier moment qu’elle rejoignait ses parents dans leur location estivale, et voilà qu’elle me jette ça au visage au moment de me dire au revoir…
C’est donc sur ces paroles peu engageantes que je dépose ma compagne à la gare avant de prendre moi-même le chemin de Tours, où je vais passer la semaine en déplacement professionnel.
J’ai presque trois heures de route devant moi. Bien assez pour ressasser nos six ans d’histoire.
C’est avec une évidente amertume que je repense au vertigineux déclin de notre couple jusqu’à la situation actuelle où j’ai parfois le sentiment, à trente ans, de vivre une vie de petit vieux dans un huis clos permanent.
Au-delà de l’air maussade et plaintif que ma compagne affiche désormais en permanence, ce que je supporte le plus difficilement est, je crois, l’espèce de puritanisme intransigeant que, pourtant athée, elle a développé avec le temps, s’autorisant d’incessants jugements sur la vie des autres et, surtout, rendant notre vie sexuelle aussi sensationnelle qu’un épisode de Derrick. Elle, Amélie, que j’ai connue si légère !
Moi qui rêvais tant de vivre d’intenses moments, de croquer la vie à pleines dents ! Comment ai-je pu nous laisser nous enfermer là-dedans ?
J’ai su pourtant lui rester fidèle.
Ou presque. Je fus tenté il y a trois ans. Une nouvelle collègue ravissante et pleine d’esprit, elle-même en couple, avec qui je m’entendais très bien. Trop. Nous partageâmes une soirée à deux, presque en amoureux, sans aller jusqu’à craquer. Grâce à elle, je dois bien le reconnaître.
La brutale rupture de son contrat me choqua, mais en même temps me dispensa de tout dilemme à résoudre. Je ne la revis jamais.
Cette aventure qui ne le fut pas aurait dû me faire réagir. Je préférai pourtant fuir en avant en proposant à Amélie de nous fiancer, imaginant stupidement que ce nouvel élan nous sauverait. La préparation de notre mariage resta pourtant lettre morte.
À dire vrai, je suis déjà impressionné, et un peu effaré, d’avoir tenu trois années de plus, alors même que presque tout ce qui nous liait a déjà disparu et que nous n’avons ni d’enfant ni de propriété commune. Je me suis souvent menti en m’offrant le beau rôle de celui qui se sacrifiait pour sa compagne pour laquelle il avait encore, malgré tout, beaucoup de tendresse. En vérité, j’ai surtout peur de l’abîme de la solitude. Alors je reste, malgré l’impression de passer à côté de ma vie.
Et tout cela pour en arriver à l’absurde dispute d’hier. Nous avions passé un dimanche presque entier sans nous quereller, chose assez rare pour être soulignée. Le soir venu, je proposai pour une fois de choisir le programme TV, souhaitant regarder un reportage sur le naturisme.
Misère ! Voilà qu’en une minute nous nous étions envolés dans les décibels, jusqu’à ce qu’Amélie quitte le salon en furie et claque la porte en qualifiant le naturisme d’abomination et moi de pervers.
Je me visualise soudain septuagénaire en train de ruminer les cinquante années passées.
Mon Dieu, quelle angoisse ! J’en arrive résolument à une décision : cette fois, j’en suis sûr, je vais la quitter.
Oui, mais… que lui dire, comment lui annoncer ? Comment gérer l’après ?
Je décide de temporiser, m’accordant l’été qui vient de débuter.
***
Je passe mon lundi soir à l’hôtel, en tête-à-tête avec mon ordinateur.
Rôdant sur un groupe Facebook que j’administre, je constate sous une publication que Ninon Téléteubé est violemment prise à partie par une paire d’imbéciles.
Voilà déjà plusieurs semaines que j’ai repéré cette contributrice aux commentaires aussi plaisants que pertinents et à la photo de profil aussi joliment désuète que son prénom : son visage enjoué en noir et blanc, face caméra, au-dessus d’un habit noir à col Claudine.
Tel un fier chevalier blanc des internets, je rabats le caquet des deux fâcheux et engage un peu crânement la conversation avec la ci-devant demoiselle en détresse.
Qui a tôt fait de calmer mes ardeurs masculines avec une ironie mordante.
Diable, voilà un tempérament plaisant ! Taquin, je réplique en surjouant le cuistre. Elle entre dans mon jeu et notre conversation tourne bientôt au grand n’importe quoi pseudo-intello.
Ce n’est pas notre premier échange, mais assurément le plus jubilatoire. Je lui propose de continuer en messagerie privée.
Elle accepte et m’ajoute en ami.
Je parcours son album photos pendant que nous échangeons.
J’y découvre une petite rousse aux grands yeux verts pétillants d’espièglerie. Sans être exceptionnellement jolie, elle exhale un charme puissant, presque ensorcelant. À dire vrai je suis littéralement happé par son sourire et ne vois qu’elle sur les photos de groupe.
Son style vestimentaire et sa manière de s’exprimer me font pencher pour une étudiante en sciences humaines ou politiques. Son apparence est juvénile, mais elle s’exprime avec beaucoup d’élégance et fait preuve d’une mignonne propension à étaler son évidente érudition. Elle doit être en master.
Je lui demande confirmation.
Elle est à Sciences Po, gagné !
Comment ça, en première année ? Je lui demande son âge.
Dix-huit ans ??? Je regarde stupidement mon écran, totalement cueilli à froid. La vache, elle est jeune ! Bientôt dix-neuf, précise-t-elle. Ah, ben ça change tout…
Elle me renvoie la question de l’âge et je lui propose de deviner. Elle ne me donne que vingt-cinq ans, à mon grand plaisir. Je lui dis que j’en ai trente. « Ah », réagit-elle, avant d’ajouter « T’es vieux ! ». Euh…
Je réagis avec humour, me comparant à Mathusalem, mais dès lors la discussion s’essouffle rapidement, comme si nous étions chacun pris de court par nos douze ans d’écart. Elle met fin à notre échange d’un « je dois y aller », je la salue et me déconnecte à mon tour.
Mon Dieu, je viens de flasher sur une fille de dix-huit ans… Ce n’est pas sérieux !
Je calcule qu’elle est de 1996. La vache ! Elle est trop jeune pour avoir grandi devant le Club Dorothée, trop jeune pour avoir dansé la Macarena tout un été, trop jeune pour avoir exulté devant les buts de Zidane et Petit un fameux douze juillet… C’est une gamine, quoi !
Une « gamine » majeure et diablement attirante, cela dit.
***
Mardi soir, la voilà de nouveau connectée. Je réengage la conversation.
Mettant notre différence d’âge de côté, je mets en avant un gros point commun : j’ai fait les mêmes études qu’elle. Nous échangeons sur nos parcours respectifs, mes choix professionnels, ses ambitions.
Elle me parle du stage d’été qu’elle fait à Bruxelles, loin de la Bretagne où elle a toujours vécu.
Elle évoque son copain au détour d’une phrase et me demande si je suis en couple. Je réponds que oui et rebondis sur autre chose.
Elle devine, spontanément et à mon grand plaisir, l’origine iranienne de mon nom et montre pour la culture de mes ancêtres une curiosité qui me touche d’autant plus qu’Amélie n’a jamais manifesté le moindre intérêt pour mes racines moyen-orientales, les voyant au mieux comme une preuve de plus que personne n’est parfait.
Je raconte à Ninon l’arrivée en France de mon père pour ses études et le savoureux choc des cultures, en plein milieu des années 1970, entre lui, authentique bourgeois de l’empire d’Iran, et la famille de ma mère, paysans bretons cent pour cent pur beurre. Elle semble d’autant plus captivée que sa propre mère a elle aussi grandi dans une ferme du Morbihan.
Nous nous découvrons de nombreux autres points communs. Nos mères ont grandi tout près l’une de l’autre et ont fréquenté le même lycée. Nous avons la même chanson préférée, « Perfect Day » de Lou Reed. Elle vénère ce dernier ainsi que le Velvet Underground, que j’écoutais encore ce matin en allant au travail. Notre fruit préféré est le même, nos trois arbres préférés sont les mêmes, les lieux que nous rêvons de visiter sont les mêmes.
Pris par le jeu, nous nous dévoilons de plus en plus. Et relevons, encore et encore, des similitudes de plus en plus saugrenues entre nos vies ! Pour chacune, Ninon m’envoie un émoticône de cerveau qui explose. J’ai beau modérément croire au concept de l’âme sœur, je suis moi-même troublé…
Je lui propose de continuer la conversation par téléphone. Elle accepte.
Je l’appelle aussitôt.
J’aime son timbre de voix à la fois chaud et chantant.
Le dialogue est quelques instants une version orale de nos inepties puis prend une tournure plus classique.
Ninon parle relativement bas pour ne pas risquer de réveiller ses trois colocataires.
Euh, elle me trolle là, non ?
Oui, elle me trolle !
J’entre dans son jeu, lui posant moult questions candides ou absurdes auxquelles elle arrive systématiquement à répondre en surenchérissant. Je me délecte de son imagination et de sa répartie un brin tendancieuse.
L’heure tardive aidant, notre discussion dérive de fait vers une certaine grivoiserie.
Ninon m’apprend l’existence de la pratique du pony play. De là nous enchaînons sur nos fantasmes respectifs et nous retrouvons sur celui de l’amour à plusieurs. Oh, comme cela me change de l’insupportable puritanisme d’Amélie !
Ninon me confie en outre son attrait pour le voyeurisme et sa manie d’écouter aux portes… tout particulièrement ses sœurs aînées et leurs copains. Et cette polissonne d’enchaîner tranquillement, l’air de rien, en me demandant ce qui selon moi caractérise un bon rapport sexuel.
Me voilà donc à parler de sexe avec une inconnue, par moments de façon très explicite, mais comme nous parlerions de n’importe quel sujet technique a priori peu propice à la gaudriole… Cette sorte de réserve que nous entretenons, elle et moi, me permet de ressentir une certaine excitation avec une autre sans vraiment culpabiliser vis-à-vis d’Amélie.
Je me demande si Ninon ressent la même chose.
En tout cas, nos vies, notre humour, notre façon de réfléchir et notre manière de parler d’amour physique convergent de manière troublante.
Et, si chacun sait que l’autre est en couple, à aucun moment ce « détail » ne devient un sujet.
Nous raccrochons après un improbable débat technique sur le fist fucking.
***
Mon échange avec Ninon reprend dès mercredi au réveil, quand elle répond « aile eau ! » à mon « salle hue ! ».
Elle m’envoie ensuite un drôle de selfie ensommeillé.
Elle me répond avec un smiley puis le commentaire « thé bette ! ».
Ce ne sont que les tout premiers d’une longue série de messages échangés tout au long de la journée, y compris en pleine rue, y compris en pleine réunion.
En quelques heures seulement, dialoguer avec elle me devient impérieux. Je bois chacune de ses réponses, me nourris de l’empressement qu’elle met à me répondre.
C’est tout naturellement que nous nous proposons d’échanger sur Skype le soir venu.
Après quelques soucis techniques, la voici enfin devant moi, ou presque.
Je la découvre en gros plan sur mon écran, tête penchée et sourcils froncés comme si elle observait l’objectif de sa webcam.
De ravissantes boucles d’un roux chatoyant encadrent son front un peu large et cascadent jusqu’à ses épaules. Une trace d’acné ornant une pommette et deux autres sur le menton me rappellent soudain qu’elle n’est pas encore tout à fait sortie de l’adolescence. Mon cerveau prend soin d’occulter cette dernière information.
Je la regarde se mouvoir pour la première fois. Son visage, particulièrement expressif avec ses grands yeux et ses lèvres vermeilles aux mille et une mimiques, devient tout autre à chaque émotion.
Il est un spectacle à lui seul.
Nous passons des heures à échanger des traits d’humour, des mèmes ou des vidéos insolites et à parler de tout et n’importe quoi. Je m’enivre de sa vivacité d’esprit.
Mais aussi de son charme. D’abord assise à son bureau, elle s’installe ensuite à plat ventre sur son lit, habillée d’un jeans et d’une marinière lui découvrant partiellement l’épaule. J’aime la façon dont par moments elle balance doucement ses pieds nus au-dessus d’elle…
Estimant qu’il est tard, elle décide de se changer. Elle fait pivoter son ordinateur de manière à se mettre hors champ de sa webcam le temps de se mettre en tenue de nuit.
Une jolie nuisette à dentelle noire. Voilà qui me change des sempiternelles doudounes d’Amélie ! Je la trouvais craquante dedans avant d’en être écœuré à force de ne plus la voir autrement…
Ninon se rassoit à son bureau, offrant à ma vue ses épaules nues et son léger décolleté.
Et, toujours, son délicieux visage.
La conversation repart sur le rock alternatif des années 1990, qu’elle connaît étonnamment bien compte tenu de son année de naissance.
Une fois de plus, je suis frappé par sa culture.
Je la regarde s’éloigner dans un coin de mon écran avec une irrésistible démarche sautillante.
Elle revient quelques minutes après avec un grand sourire coquin.
Elle se met à regarder le plafond avec un grand sourire malicieux. J’adore ! Et me demande au passage à quand remonte la dernière fois que j’ai vu Amélie sourire aussi franchement…
Elle jette un coup d’œil appuyé derrière son épaule, comme si elle s’assurait qu’elle était seule, et chuchote la suite tout près de l’écran comme si elle me glissait un secret à l’oreille.
Hein ? J’écarquille les yeux.
Ninon rit de ma surprise. Son expression est charmante…
À quel point est-elle sincère ? Dans quelle mesure en rajoute-t-elle ? Je ne saurais trancher.
Elle m’a déjà parlé, hier, du contraste entre sa grande sœur Clotilde, dont elle est proche, et leur aînée Constance qu’elle m’a décrite comme intellectuellement brillante, mais moralisatrice et hautaine.
Je l’écoute avec un certain plaisir disserter encore un bon moment sur la vie sexuelle présumée de ses colocataires, onanisme inclus.
Je me mets à rire, incrédule.
Sa réplique me rappelle quelque chose sans pour autant que je relève la référence.
Mon grand sourire aussi spontané que niais répond à ma place. Combien de fois ai-je repensé, rêveur, à la divine poitrine de Séverine !
J’écoute Ninon en pensant à Amélie. Je la revois au début de notre histoire, à vingt-sept ans, toujours prête à « s’envoyer en l’air » – c’était l’expression qu’elle employait – y compris dans des toilettes de bar, devant la fenêtre grande ouverte de son studio parisien ou derrière l’arbre d’une aire d’autoroute. Mais comment a-t-elle pu changer à ce point ?
Nous voilà à échanger sur nos moitiés.
Je parle à Ninon d’Amélie, un peu, en présentant notre couple sous son meilleur jour, quelque part entre ce qu’il fut et ce qu’il aurait dû être aujourd’hui.
Je prends soin d’inventer que nous sommes un couple assez libre, imaginant même les clauses de notre pacte sur la base d’une interprétation assez libre de propos d’Amélie énervée m’invitant à me trouver « d’autres chattes où me vider les couilles » entre autres incitations poétiques au lieu de l’importuner avec ma libido frustrée.
De son côté, Ninon me décrit le couple qu’elle forme depuis le lycée avec Thomas, en IUT à Brest, où ils ont grandi, tandis qu’elle étudie à Rennes.
Et, pour la première fois, elle évoque son regret qu’il ne s’attache guère à passer plus de temps avec elle et que ce soit toujours à elle de le rejoindre plutôt que l’inverse. Je l’écoute sans vraiment rebondir, gardant néanmoins l’information dans un coin de ma tête.
Vers trois heures du matin, elle m’annonce qu’elle va se coucher.
De nouveau, elle fait pivoter la caméra. Cette fois, je la retrouve sous la couette. Je devine à l’absence de bretelles sur ses épaules qu’elle a retiré sa nuisette.
Elle ne tarde pas à me souhaiter bonne nuit avec un délicieux sourire ensommeillé. C’est un tantinet excité que je lui rends la pareille.
***
Mon réveil est douloureux jeudi matin, mais j’ai le plaisir de recevoir en arrivant au bureau une salve de messages de la part de Ninon, très en retard, car elle vient seulement de se réveiller. Elle m’envoie même, pour étayer ses dires, un selfie prouvant qu’elle est encore en nuisette !
Mais… elle la porte nettement plus décolletée que la nuit dernière ! Je contemple, un peu hébété, l’ébauche d’une poitrine éminemment saillante, presque insolente, que je n’avais jusque-là que devinée. Waouh.
Et Ninon de m’envoyer un selfie, clairement assise sur le trône.
Même dans cet improbable contexte, elle se montre plus que séduisante avec son sourire énigmatique et la lumière faisant étinceler sa chevelure cuivrée. Elle est décidément douée pour se mettre en valeur !
Je salue la réussite de son cliché. Elle m’envoie alors un gros plan grimaçant un peu flou, puis une troisième photo, sûrement prise le téléphone posé au sol, où elle fait l’imbécile, perchée sur la cuvette avec un pied en l’air. Eh bien, quelle agilité !
Mais… Je zoome pour vérifier… On dirait bien qu’elle ne porte pas de culotte sous sa nuisette ! Ce détail lui aurait-il vraiment échappé ? En soi, je ne vois rien, mais l’idée qu’une si craquante inconnue m’ouvre son intimité ne manque pas de m’aguicher.
Lui envoyer ces quelques mots accélère mon rythme cardiaque.
Je repose mon téléphone sans vraiment y croire et reprends mon travail, guettant tout de même mon écran.
Je reçois une notification : Ninon m’a envoyé une photo ! Je me précipite.
Son visage enlaidi en train de tirer la langue. Beuh.
Je repose mon téléphone, vexé par ma propre réaction d’affamé.
Nouvelle notification. Cette fois hors de question de me précipiter.
Je tiens presque six secondes.
La vache, elle l’a fait ! Son bras dissimule l’essentiel de sa poitrine, certes, mais de toute évidence elle est bel et bien nue. Négligence ou action délibérée de sa part, sur la vitre de sa douche s’esquisse le vague reflet de son dos, et même du haut de ses fesses.
Et puis elle me sourit. Un sourire à la fois doux et malicieux qui me transporte.
Je suis émoustillé comme un adolescent.
Je me rends compte que Ninon est toujours connectée à Messenger. Peut-être attend-elle une réponse de ma part ?
Je lui envoie quelque chose comme « Beau travail sur la lumière, avec les encouragements du jury ». Elle y répond par un sourire et se déconnecte.
Très pris par mon travail, je suis moins disponible dans la journée pour répondre à Ninon, à mon grand regret. Au sien aussi, si j’en crois ses messages.
Je participe ensuite comme convenu à la soirée d’inauguration de la nouvelle filiale que j’ai contribué à mettre en place et me force à faire la conversation près du buffet tout en me retenant de ne pas passer toute la soirée sur mon téléphone.
N’y tenant plus, je prétexte une grande fatigue et la route du retour à faire au réveil pour enfin m’éclipser. J’en informe Ninon, que j’appelle sur Skype dès mon retour à l’hôtel.
Elle répond immédiatement. Elle m’attendait en nuisette, allongée à plat ventre sur son lit.
Je me régale les yeux en même temps que l’esprit.
Et notre conversation de repartir sur mille et un sujets. De nouveau, nous alternons traits d’humour absurdes, allusions sexuelles et confidences. De nouveau, nous arrivons rapidement à une heure indécente sans même y prêter attention.
Cette fois je relève la référence, merci Google !
En tout cas, voilà déjà deux ou trois fois qu’elle évoque une rencontre « pour de vrai », sans pour autant trop s’avancer…
Ce qu’elle ne sait pas, c’est qu’à toutes fins utiles j’ai déjà consulté ce matin les horaires des trains pour Bruxelles.
Pressé par Ninon, je lui raconte alors la manière dont j’ai sauté dans un Eurostar sur un coup de tête et traversé la Manche pour rejoindre cette fille le temps d’un week-end, et avec quelle fougue elle s’était jetée dans mes bras à ma sortie du train.
En réalité, nous nous étions retrouvés devant la gare de St-Pancras après quinze minutes de vaines recherches et agaçants malentendus, mais c’est plus joli, raconté ainsi.
Je me retiens de lui dire que je suis tout à fait disposé à récidiver… et que c’est à dessein que je lui ai raconté cette histoire.
Je choisis d’être un peu plus subtil.
Ninon fait un dédaigneux rictus.
Et boum ! Torpilleur touché.
Je continue à savonner la planche de mon rival, l’air de rien.
Ninon continue sur sa lancée, exprimant toute sa déception, et bientôt sa rancœur, envers son copain. Je tâche quant à moi de ménager la chèvre et le chou en me montrant compatissant envers elle tout en jouant à l’avocat du diable. Parfois sincèrement.
Comme je l’escomptais, ma défense de son copain pousse Ninon à le critiquer avec encore plus de virulence. Mais c’est qu’il prend cher, le garçon ! Porte-avions coulé.
Plus j’écoute Ninon et plus je ressens une faille croissante entre cette jeune femme à l’esprit vif, cultivée et pleine d’ambitions et son copain bien plus ancré dans le présent, bien plus… banal.
Les similitudes que je relève avec ma propre situation me poussent à me dévoiler un peu plus sur ma vie avec Amélie : pour moi aussi un fossé grandissant entre ses aspirations et les miennes ; pour moi aussi un manque d’humour et de « fantaisie intellectuelle » dans mon couple ; pour moi aussi une sensation de découragement et d’ennui.
Par pudeur, je ne veux guère plus en dire.
Ninon m’écoute avec intérêt, me posant quelques questions et faisant des parallèles avec sa propre vie. J’ai l’impression qu’une fois de plus nous nous retrouvons, et même nous reconnaissons l’un dans l’autre.
Aiguillé par ses interrogations, j’en viens finalement à m’épancher plus que je ne l’escomptais, jusqu’à presque monologuer sur la morne monotonie de mon quotidien monacal. Je termine en me demandant intérieurement à quoi ma vie ressemblerait si j’étais en couple avec une fille drôle, vive et portée sur la chose comme Ninon. Voire en couple avec Ninon.
Holà, tout doux ! Je la connais à peine et seulement à distance, et elle est déjà prise ! Et moi aussi, maintenant que j’y pense…
Tout à mon introspection, je ne réalise pas tout de suite que Ninon n’a pas ouvert la bouche depuis deux bonnes minutes. Et qu’elle est immobile, le visage hors champ de sa webcam.
Mais… elle ne s’est quand même pas…
Mais si, elle s’est bel et bien assoupie !
Elle a des excuses, vu l’heure. Mais ce serait frustrant de finir la conversation comme ça !
J’ai des scrupules à la réveiller. Je me donne bonne conscience en me disant qu’elle ne peut décemment pas dormir dans une telle position et avec la lumière allumée, et que ça finira de toute façon par la réveiller.
La dame de mes pensées esquisse un mouvement avec un gémissement.
Elle revient après quelques instants et fait pivoter sa webcam vers la porte.
J’esquisse dans ma tête le spectacle que je suis en train de rater. Je l’imagine baisser une bretelle, puis l’autre, et se tortiller comme un serpent pour faire tomber sa nuisette.
J’essaye de la visualiser en tenue d’Eve à l’aune de ce que j’ai déjà vu d’elle.
Je vois la lumière de la pièce s’éteindre, sa couette bouger et, quelques secondes plus tard, la webcam repivoter vers Ninon emmitouflée dans la couette.
La lueur bleutée de l’écran fait joliment ressortir sa chevelure et, surtout, ses lèvres.
Elle accentue son sourire.
Et se pousse dans son lit.
Elle rit silencieusement en plissant les yeux.
Dieu que son expression me plaît dans la pénombre…
Je revois soudain Amélie, dimanche dernier, qualifier le naturisme d’abomination avant de claquer la porte. Décidément Ninon coche toutes les cases de ce que j’aimerais retrouver chez ma copine !
L’expression gênée qu’elle a un instant affichée me laisse néanmoins croire que non.
Je ne veux surtout pas la braquer… Je tâche d’y remédier en jouant une certaine candeur.
Et Ninon de me narrer avec force détails croustillants, dont certains probablement authentiques, une partie de strip poker entre étudiants ayant fini en orgie.
Sauf la concernant, évidemment, car elle est fidèle à son copain. Elle se serait contentée d’encourager les autres et de les regarder copuler…
Je la soupçonne fortement de surjouer ses hésitations à se confier, histoire de maintenir le suspense.
Le pire, c’est que ça marche…
Ninon pouffe.
Ah, mais elle m’énerve à ne pas aller au fait !
Oh ! Je me rappelle avoir vu ladite Adèle taguée sur plusieurs photos de l’album Facebook de Ninon. Une blonde vénitienne aussi charmante que potelée avec les yeux rieurs, plein de taches de rousseur et une poitrine allègrement galbée.
Imaginer Ninon la téter ne peut me laisser indifférent… mais je tâche de n’en rien laisser paraître.
Je soupçonne Ninon d’avoir grandement enjolivé cette soirée, tout comme sa fidélité envers son copain, mais je serais mal placé pour lui jeter la pierre !
Elle a néanmoins un vrai don de narration. L’écouter est un régal et, honnêtement, assez excitant…
M’abstenant donc de relever une incohérence ou deux dans son récit, j’en reviens au sujet précédent.
Elle tique, avant de se ressaisir.
Encore une perche tendue !
J’hésite un instant.
Et puis je la saisis.
Ses yeux s’écarquillent avec stupeur, mais son sourire s’élargit.
Elle semble réfléchir.
De peur de m’être un peu trop avancé, et de la faire reculer par la même occasion, je botte en touche en relançant le sujet du naturisme et de sa pratique en Allemagne.
Ninon rit d’un de mes souvenirs de Munich avant de prendre une expression mélancolique.
Mais c’est qu’elle y tient pour de vrai, on dirait !
Acquiesçant d’un simple « mmh », je regarde les Thalys pour Bruxelles que j’avais repérés ce matin. Je rafraîchis la fenêtre toujours ouverte sur mon ordinateur.
Hein ? Comment ça, « trains non disponibles à la réservation » ? Et ça vaut pour vendredi comme pour samedi… Oh non, m’y prendrais-je trop tard ?
Le sourire de Ninon s’estompe.
Elle semble aussi déçue que moi.
Ah, quelle frustration ! Nous pourrions plutôt nous voir le week-end prochain, bien entendu, mais il me semble inconcevable d’attendre sept interminables journées avant de la rencontrer. Et puis, il peut se passer tant de choses dans cet intervalle… Le soufflé peut retomber, déjà ! Non, battons le fer tant qu’il est chaud. Mais comment ?
Sur l’écran, Ninon fronce les sourcils.
« Tilt ! », fait mon cerveau.
Bon sang, mais c’est bien sûr ! Je n’ai qu’à faire tout le trajet en voiture !
Voyons Google Maps.
Tours-Bruxelles. Pratiquement six heures. Ah oui, ce n’est pas rien ! Sans compter d’éventuels ralentissements. En prime, il me faudrait des vêtements propres et moins formels que les costumes et cravates que j’ai emmenés à Tours. Quid d’un détour par chez moi, en banlieue parisienne ? Trente-cinq minutes de plus. Oh là là…
Je rebascule sur la fenêtre Skype. Ninon est quand même diablement attirante, même avec la moue ennuyée qu’elle affiche.
Elle vaut bien quelques heures de route.
Elle semble retenir un énorme sourire.
Celui de la sale gosse qui a trouvé une grosse bêtise à faire.
Ninon rit silencieusement, les yeux plissés. Dieu que j’aime son sourire…
Elle semble de nouveau réfléchir, hésiter.
Cette fois, je patiente.
Je savoure la vue de son très engageant décolleté sans commenter. Et en essayant de ne point trop m’exciter.
Bon, assez joué. On parle de huit heures de trajet tout de même, sans compter le retour… ni la potentielle mise en péril de nos couples respectifs !
Je prends un ton grave comme pour sonner la fin de la récréation, mais avec un sourire avenant.
Elle marque un temps d’hésitation.
Oh, c’est un petit oui, ça…
Je lui refais le coup du « les yeux dans la webcam », cette fois avec un air un peu sceptique.
Mon cœur s’accélère. Je sens que je vis un moment marquant.
Je suis en couple, elle aussi. Mais c’est bancal des deux côtés. Et on se plaît.
Le champ des possibles est immense et terriblement séduisant.
Ninon me sourit jusqu’aux oreilles… avant de soudain sembler réaliser quelque chose.
Elle retrouve instantanément son sourire.
Elle est réellement en train de se projeter. À mon tour d’être rassuré.
Mon rythme cardiaque accélère encore : elle est implicitement en train de prévoir de passer la nuit avec moi !
J’ai envie de marquer le coup et d’impressionner Ninon. Il faut un hébergement avec sauna, forcément ! Avec maillot accepté, ne poussons pas le bouchon trop loin…
Je vais sur Booking.com. Tiens ? C’est étrange, tous les hôtels de ma sélection affichent complet… Décidément ! C’est sûrement un bug, je réessayerai plus tard.
Ninon et moi fixons ensuite les modalités pratiques de notre rendez-vous.
Avec un grand sourire, je fais pivoter mon écran et la webcam vers le mur en prenant le temps de savourer l’air scandalisé de Ninon.
Désormais en T-shirt et caleçon, je refais pivoter mon PC sous le regard moqueur de Ninon.
Je reconnais immédiatement la réplique et de quel film elle est tirée.
Et notre échange de repartir de plus belle alors même que le jour pointe à travers mes volets ! Nous aurons littéralement passé la nuit à parler.
Je viens de faire rire Ninon avec une caricature d’André Rieu quand elle me demande si je connais le violoneux Ronald.
Je découvre bientôt sur mon écran un étrange personnage, à l’accent québécois à couper au couteau, montrant à la caméra une tête de mannequin en plastique coiffée d’une perruque blonde qu’il présente comme étant le violoneux Ronald.
Je regarde, déconcerté, le vidéaste amateur parler à son violoneux trônant sur un canapé puis lui jeter un jeans noir, une chemise blanc cassé et un violon avant de le saisir par le cou.
Et je n’ai pas fini de l’être : après quelques divagations monomaniaques sur la coupe de cheveux de son violoneux, voilà que le truculent Canadien fait mine de lui dévorer sa perruque sous mes yeux ahuris. Mais qu’est-ce que c’est que ce délire ?
Bonté divine.
Elle est seins nus.
Elle a retiré sa couette.
Je conserve mon air ahuri.
Dans le coin de l’écran, au premier plan, son sourire luit comme une lune en croissant. Au loin s’esquisse la silhouette de ses cuisses.
Et, au centre, il y a ses seins.
Ils ont une nette forme de poires replètes et d’amples aréoles particulièrement pâles, presque indistinctes de sa peau. Dans la position de Ninon, ils pendent légèrement, tétons saillants, accentuant l’excitation que je ressens. J’ai soudain de sérieuses envies de succion face à ces seins aussi exquis qu’inaccessibles.
Elle affiche un air déçu et change de position comme pour mieux offrir à mon regard ses fabuleux appâts mammaires que, soudain poisson affamé, je ne pense plus qu’à gober.
Mais que fait-elle avec sa bouche ? On dirait… Mais oui, elle commence à simuler une fellation devant sa webcam !
En temps normal, je me serais gaussé d’un tel spectacle, mais ma frustration, chauffée à blanc par mes discussions avec Ninon, me fait admirer, comme hypnotisé, bouche sèche et cœur battant, le ballet de ses lèvres ourlées d'indécence et de sa langue avide brillant à la lueur de son écran.
Tout en parlant, je la regarde pivoter sur le ventre, buste relevé. Je peux désormais contempler, outre ses outres lactifères, les dunes jumelles de son postérieur au-dessus desquelles viennent se balancer nonchalamment ses pieds.
Elle est effroyablement sexy.
Non, mais franchement… Perdre mes moyens pour une paire de seins !
Des seins hors norme cela dit, que Ninon cache soudain sous la couette avec une jubilation espiègle. Eh !
Bon Dieu comme j’ai envie d’être avec elle !
Tout contre elle.
En elle.
C’est à pas moins de neuf heures de visio que nous mettons fin en raccrochant.
Je me couche fort troublé par l’inédite attraction qu’elle exerce déjà sur moi. Seule la volonté d’être en forme pour la voir me motive à enfin m’endormir.
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Générique de fin : Lou Reed, Vicious
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