n° 22742 | Fiche technique | 40431 caractères | 40431 7475 Temps de lecture estimé : 30 mn |
05/11/24 |
Résumé: La vie n’est pas toujours aussi lisse qu’on le voudrait...
Et un non masculin est sûrement aussi respectable que le même refus de la part d’une femme ! | ||||
Critères: fh hplusag | ||||
Auteur : Jane Does Envoi mini-message |
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Résumé de l’épisode précédent :
Une étudiante, un petit boulot, de quoi vivoter… mais pas toujours si évident.
Les journées de cours se suivent à cette différence près qu’avec les soucis pécuniaires en moins, je peux un peu souffler. Qu’il est sympa de ne pas avoir à se demander comment payer son repas, ou se torturer la cervelle pour savoir de quelle manière trouver l’argent pour régler son loyer. Oui ! Les séances de pose de Monsieur Paul sont les bienvenues, vues sous un angle tout neuf. Je vois donc poindre l’horizon de ce mercredi matin et une troisième visite chez le peintre avec le sentiment que c’est plus facile que prévu.
Cependant, la grande inconnue, c’est bien ces réactions très curieuses de mon corps. Celui-là semble s’être réveillé et se met à faire des siennes. Il me prend au dépourvu, m’envoyant des signaux que toutes les femmes du monde savent interpréter de suite. Pourquoi ? Ce type, ce Paul, n’a rien d’un Apollon. De plus, il est beaucoup plus âgé que moi. Il pourrait être mon père et une réflexion farfelue me cloue sur place. Il se pourrait même qu’il le soit puisque je ne connais pas mon géniteur. Ma mère m’a souvent raconté comment il avait filé avant ma naissance…
Sans jamais aller plus loin sur le terrain des confidences, j’ai toujours vécu grâce à maman, avec l’image d’un père absent qui n’a jamais donné signe de vie. Mais si ma mémoire est bonne, je crois que, parfois, elle se libérait l’esprit par des phrases curieuses. Et si mes souvenirs sont intacts, ils me rapportent que son dada préféré, c’était le barbouillage. Alors, mon cerveau ce matin, est prompt à créer un pont entre les images de mon enfance et ce vieux bonhomme.
Durant le court voyage en bus qui me mène à son atelier, je songe en souriant à ce hasard qui ferait si mal les choses… s’il me mettait en présence de mon géniteur de la pire des façons. L’idée me fait rire… et je me doute que mes voisins de la rame me regardent avec méfiance. Une fille qui rit sans raison apparente passe vite aux yeux des inconnus pour une cinglée. Ces images fugaces d’une filiation hypothétique s’envolent aussi rapidement qu’elles sont arrivées. Elles laissent pourtant un goût amer au fond de moi. Ce qui nuance et remet en cause ma joie d’aller poser chez Paul. Et j’ai beau tenter de chasser cette vilaine impression, rien n’y fait.
Je n’ai de toute évidence pas très longtemps à me faire des nœuds au ciboulot. La station où je dois quitter le car est la prochaine. C’est donc avec une certaine réserve, sans vraie raison, que je suis anxieuse en demandant du bout de l’index l’ouverture de la porte de la rue. Aux mêmes causes, des effets identiques, et le retrait sonore du pêne de la gâche me surprend d’un coup. Ma main est moins ferme pour pousser le lourd battant de bois. Les marches, pour quoi ce matin ressemblent-elles à celles d’un échafaud ? Il me faut un sacré moral pour les gravir en silence.
Cette fois encore mon hôte sourit à mon entrée. Si son atelier est conforme à la vision qui me remonte de mon précédent passage, c’est chez lui qu’un changement s’est opéré. Il est plus élégamment vêtu. Son pantalon de toile a laissé la place à une sorte de jean aux plis parfaits. Ses liquettes de bûcheron sont remplacées par une chemise blanche, et une cravate orne son cou. Monsieur s’est mis sur son trente-et-un pour recevoir son modèle ? Je me fais cette unique réflexion, mais me garde bien de lui en faire part.
Mais ce qui est certain, c’est bien que Paul soit un homme différent de celui qui m’a reçu pour les deux premières séances. Qu’est-ce qui peut bien motiver ce changement radical ? Enfin, le visuel est impressionnant. Il est rasé également. Je réalise que la peau lisse de son visage lui donne un air bien moins vieux… enfin, ça le rajeunit bougrement. Les causes de ce revirement ? Inconnues, et je n’ai nulle intention de lui poser des questions. Il est affable et je suis de suite reçue avec les honneurs.
Une conversation bateau, une mise en place d’une ambiance qu’il veut plus amicale ? Me sent-il stressée par mon imagination galopante ? Allez savoir avec ces artistes, ces gens un peu bohèmes. Qu’est-ce qu’il peut bien avoir à faire de savoir si j’apprends mes cours, si je bosse ou pas ? Je réponds simplement sans me découvrir. Je parle là du sens littéraire du terme. Parce qu’au bout d’un quart d’heure… tout évolue.
C’est vrai que, sur l’accoudoir de gauche de l’autel sur lequel je vais me vautrer à poil dans quelques secondes, « L’ennui » forme une tache brune sur le blanc du drap. Un marque-page est glissé pile-poil là où j’ai délaissé ma lecture. Ce coupe-fil est une petite œuvre d’art. Je le tourne dans ma main, et lui me suit des quinquets.
Je viens de me couler derrière les trois panneaux de bois et me dévêts avec le cœur qui bat la chamade. Au moment de me saisir de la serviette, je remarque seulement son absence. Me voici dans l’obligation de revenir sur le canapé dans une nudité intégrale. J’ai beau me tortiller comme un ver, ça ne me couvre pas plus les fesses. Alors, je prends une grande respiration et, droite comme un « I », je joue la grande fille blasée. Paul me scrute en plissant les paupières. Il ne dit rien, se passe juste le bout de la langue entre les lèvres.
Une façon singulière de me montrer que ce qu’il découvre en totalité est à son goût ? Il le savait déjà, non ? C’est vrai aussi qu’il n’a eu qu’une vue de mon cul nu, et cette fois, il s’agit de la partie face bien plus suggestive. Heureusement qu’il n’ose pas un claquement de langue pour me dire ses appréciations. Pas certaine que je puisse le supporter ! Une fois étendue sur son divan, à demi appuyée contre le dossier, il a une vue générale de mon anatomie. Pas du tout entravée par la cotonnade en éponge, je dois lui paraître dans une obscène crudité.
Il se contente d’apprécier en silence et je lui en sais gré. Enfin, le voici qui s’empare de son pinceau et un slow se joue entre son outil et sa toile. Je me donne une contenance en reprenant mon livre. Je veux me perdre dans la lecture, me fondre dans la peau de la « Cécilia » d’Alberto. Enfin pas trop tout de même, parce que, sur le passage que je lis, elle se laisse caresser plus que de raison. Et lui, plus si impassible, continue son travail. Sa main tremble un peu, suffisamment pour que je m’en aperçoive.
Et en faisant mine de me concentrer sur les lignes sombres du bouquin, beaucoup trop précises et démonstratives, je guette, j’épie à la dérobée ce Paul qui s’évertue à ne rien montrer d’un trouble évident. Du reste, alors qu’il se tourne de trois quart vers le modèle que je suis, et puisqu’il ne porte pas son sacro-saint tablier, je peux me rendre compte qu’un endroit de lui, n’est plus tout à fait conforme à ce qu’il était à mon arrivée. En effet, au niveau de son entrejambe, une bosse caractéristique déforme son jean.
L’image est du coup enivrante. Mon sang ne fait qu’un tour, je rougis pour de bon. Le vieux bonhomme bande donc de me voir à poil. Ma peur ressurgit de je ne sais où, ou plutôt si, je ne le sais que trop bien. C’est celle du loup, celle que distille ce sexe qui étire le tissu d’une braguette à trois pas de moi. Ma nudité devient un grand moment de solitude. J’ai le sentiment d’être un appel au viol, ainsi étalée sur ce sofa devant un mec mûr qui ne se prive pas de me rezieuter. Il a le prétexte de sa peinture, et je n’ai que la fausse indifférence de ma jeunesse à lui opposer.
Il ne cherche cependant pas à tirer un quelconque profit de cette situation… hautement risquée pour ma pomme. Je dois trouver une parade, un dérivatif à ce qui m’arrive. Parce que, finalement mon imagination, si elle me rend vulnérable, attise aussi mes sens. Elle fait surgir en moi une sorte de chaleur malveillante et malsaine. Une perversité qui va croissante, et je sens bien que les réactions « humides » de ce qui chez moi est le pendant de ce qui bande chez lui… renforcent mon état de femelle. Je laisse glisser ma main derrière mes fesses et je ne rêve absolument pas. C’est si mouillé qu’une auréole très nette va être visible dès que je vais me relever.
Il ne pourra donc pas ignorer ce détail. Pas plus qu’il ne peut me masquer son érection. Je ne fais rien pour l’aguicher, lui ne tente pas un geste déplacé, ce sont seulement nos esprits qui suivent des courbes symétriques, nous donnant des chaleurs impossibles à réprimer. Il s’adresse soudain à moi. Et sa voix est éraillée, rauque, troublée.
Les trémolos dans ces paroles qui sortent de mon gosier, ma gorge sèche, tout concourt à ce qu’il comprenne que, chez moi également, il se passe un truc pas catholique. Mais il ne vient pas au-devant de ce que je souhaite soudain. Oui ! Là, en cet instant, je crois que s’il vient, s’il passe sa main sur ma joue, je ne vais pas résister à cette envie de… oui, j’ai réellement envie de baiser. Pas de faire l’amour, non ! C’est plus bestial que cela. Ma respiration se fait plus haletante, il me faut remettre de l’ordre dans tout ceci. Lui transige aussi et fait ce qu’il pense être bien.
De quoi parle-t-il du coup ? De celles qui le font bander, et moi de mouiller ? Ou de celles de sa capacité à se concentrer plus longuement sur son ouvrage ? Il dérive vers la cafetière et les effluves me chatouillent le nez. Mais pas suffisantes à mon sens pour me faire oublier mon envie pressante. Je n’ose plus bouger, malgré ma position et mon bras ankylosé à force d’être en appui sur l’assise du canapé. Mais faire un mouvement, me redresser et me rhabiller c’est aussi lui laisser entrevoir que je ne suis pas aussi bécasse qu’il le pense. Bon ! Je ne sais pas sincèrement ce qu’il pense de moi, alors, pourquoi lui prêter de mauvaises intentions ?
La tasse qu’il approche de moi, sur sa soucoupe, je dois la saisir et, pour ce faire, ma position horizontale n’est pas la plus commode. Et ses yeux marrons, tiens, oui au fait, ils sont sombres, mais rieurs, ses quinquets qui se fixent sur… cette rosée que mon ventre exsude depuis que je sais qu’il bande… Aucune réaction de sa part, un gentleman, quoi ! Je ne l’intéresse donc pas dans ce registre ? J’en pâlis de nouveau. Incapable de prendre l’initiative… de peur de ramasser une veste.
— xXx —
Plus riche que je ne l’ai jamais été, je rentre chez moi. Un fond d’amertume qui me crispe l’estomac est là pour me rappeler que je n’ai pas du tout rêvé, ce qui n’est justement pas arrivé. Mais avec des « si » le monde en tournerait-il mieux pour autant ? Il me faut une douche pour que mes nerfs reprennent une vie normale. C’est ce que je pense, en espérant que ça va suffire à effacer les affres de cette envie toujours latente. Quelle idiote ! Avec un zeste de courage, je ne souffrirais plus en ce moment de ce vide qui m’engloutit.
Bien sûr, je peux me tourner vers une des chambres occupées par des garçons, mais les réputations se font plus vite qu’elles ne se détricotent dans le milieu des études. Une fille qui se jette à la tête, voire à autre chose chez un jeune homme, et dans les jours qui suivent, c’en est fini de sa quiétude. Les bons plans se refilent plus facilement qu’une bouchée de pain dans les CROUS ! Qu’ils soient de cul ou dans des matières diamétralement opposées. Alors, non ! Pas possible que je m’abaisse à cela. Puis, j’ai plus d’une corde à mon arc !
Et la bonne vieille méthode manuelle a fait si souvent ses preuves, que l’employer une fois de plus ne peut que me sortir de ce mauvais pas. C’est donc sur un lit ravagé par mes soubresauts que je sors indemne d’une montée orgasmique particulièrement violente. Je dois, grâce à mes soupirs, avoir ameuté toutes les piaules environnantes, mais l’honneur est sauf. Lucidement, j’analyse la situation. L’argent, c’est un plus. Il va me permettre de vivre mieux, c’est un fait. Mais si je me mets à avoir des vapeurs à chacune des séances chez Paul… ça risque d’être vite un calvaire.
Je dois bien entendu me poser les bonnes questions. La première : est-ce que je suis amoureuse de ce type ? Pas du tout. La seconde suis-je capable de coucher avec un vieux, juste pour le fun ? De noyer mes envies ? Par contre, pour ces deux-là, je n’ai pas la solution. Dois-je me préparer à donner plus que ce qu’il veut ? Surtout que ce qu’il ne demande pas. Son érection est la preuve par neuf que je ne le laisse pas insensible, il me semble. Et me revoilà dans mes délires. Avec eux, derrière la frange brune qui coule sur mon front, l’image irréelle de cette bosse.
Pas seulement une déformation, plutôt un sexe d’homme viril qui sait bien comment on se sert de cet engin. Tout le contraire de ce que je suis, moi, pauvre fille sans expérience. Et ça y est, mes doigts refont quelques passages bien sentis sur deux lèvres qui bâillent d’impatience. Mince alors ! Qu’est-ce qui m’arrive ? Moi si peu sujette à ce genre de fantasme, je me propulse dans une histoire qui ne peut en aucun cas en devenir une. Ce type, il n’a rien qui me fasse rêver. Alors pourquoi ? Un éveil tardif aux choses du sexe ? Rien que le mot me fait grimacer un sourire.
Le sexe ! Comme si tout bonnement il ne s’agissait pas de « cul ». Oui ! Du bien graveleux, du gratiné ! Et cette fois encore mes draps prennent cher, à l’instar de celui du sofa de ce Paul. Dire qu’il n’a rien fait pour que j’en arrive à de telles extrémités. Il a simplement bandé et le message subliminal délivré par la tension de sa braguette est là à me bercer d’illusions. Un dimanche après-midi fait de branlettes récurrentes qui, toutes, me mènent à des extases successives sans parvenir à sortir mon corps de son excitation. Un comble tout de même.
Le lundi, sur les bancs de l’amphi, je me tiens à carreau… Mes sens au repos me laissent un répit appréciable. Et les quelques obsédés gestuels que sont les profs qui nous balancent leurs cours magistraux ne me donnent pas le temps de réfléchir. Suivre est une loi si je veux rester à un bon niveau dans mes études. Je ramasse les polycopiées distribués après que les bons apôtres aient délivrés, expédiés, devrais-je dire, leurs savoirs ! Dès que j’ai mis un pied à l’extérieur, Paul flotte dans ma caboche. Le peintre ? Ou plus justement son entrejambe déformé par la malice de ma nudité ? Pff ! Je vais finir par m’en rendre malade.
Le mardi… c’est pire encore. Mon attention n’est guère captivée par les voix monocordes des intervenants des cours de droit distillés ce jour. Et mes mains sont mises à contribution à la moindre pause pour stopper l’hémorragie débordante de mes sens en folie. J’en ai des poches, que dis-je, des valises sous les yeux. Les toilettes du bahut reçoivent plusieurs fois mes visites, toutes dans le but inavouable de me masturber. J’ai à chacun de mes retours sur mon banc, le sentiment que mes voisins de siège lisent sur mon visage les tourments que je m’inflige.
Réalité ? Illusion ? Je ne sais pas, plus. Et c’est sur mon paddock que se joue le final de cette course au plaisir inédite. Merde ! Qu’est-ce qui me prend ? Pourquoi est-ce que je me mets dans un pareil état ? J’en viens à supplier le ciel d’abréger ma souffrance. Je prie pour que ce mercredi me donne la clé, la solution. Je la sais, la connais parfaitement et m’y prépare. C’est dément de se sentir envahie de la sorte par un type qui ne veut que peindre mes formes, mon corps, quoi ! Mon ventre hurle de ce désespoir, de ce vide insupportable qui me poursuit.
À force de prendre ce bus, je vais finir par être reconnue. C’est avec un sentiment euphorique que je colle mes fesses sur la banquette arrière de ce véhicule qui se dirige vers chez Paul ce mercredi matin. Un soleil radieux accompagne mon voyage très rapide au demeurant. Et les escadrins me voient les emprunter avec moins de gêne. Il est toujours là, porte entrebâillée, et je suis reçue avec un sourire égal aux précédents. Côté vestimentaire, le vieil homme n’a pas relâché ses efforts. Cette fois, pas de cravate, mais un nœud papillon sur une chemise mode.
Je ne tremble plus cette fois. Mes fringues se retirent de mon corps et je n’ai pas la moindre hésitation pour venir archi nue m’asseoir sur le bord du canapé. Le café a toujours un aussi bon arôme et il m’est livré presque de suite. Nous le sirotons tous deux, comme si j’étais dans un salon mondain. La seule différence, c’est que Paul est fringué et moi… aussi à poil qu’au jour de ma naissance… Pas tout à fait, il ne faut rien exagérer, parce que ce jour-là, je n’en avais aucun. Et là, à mon avis, le buisson brun qui orne mon bas ventre est l’objet des regards discrets de mon généreux donateur.
Il s’est simplement assis à quelques centimètres de ma place et m’observe en silence. Je suis rouge comme une pivoine, bien sûr. C’est très bizarre comme situation. Et sans trop que je m’y attende, il vient du dos de sa main à plat, caresser ma joue.
La stupeur vient de changer de camp. Il est surpris par l’ingénuité de ma réponse. Évidemment que je sais ce qu’il ne dit pas, ce qu’il pressent. Mais je tiens à le pousser dans ses derniers retranchements, voir jusqu’où il est capable d’aller. Il est là, figé telle une statue. Ses billes sombres toutes rondes se demandent si je plaisante ou pas. Il choisit de nouveau la fuite en avant. Il se redresse et se dirige vers la toile encore recouverte d’un linge. Je n’ai pas encore seulement aperçu l’ébauche de son travail.
Soudain, j’ai froid sur ce canapé. Lui reste loin de moi et je me morfonds dans la position qui sied à sa peinture. Rien ne calme ma faim. Pourquoi ai-je la sensation qu’il bande de nouveau ? Sa façon de se tenir est telle que je ne peux distinguer le devant de son pantalon. Mais… quand il se retourne vers moi j’ai cette certitude que sa braguette souffre de ne pas pouvoir être plus extensible. De grands moulinets rageurs font virevolter son outil sur la toile. Malmenée, elle aussi gémit sous les assauts forcenés de son bras qui détaille ce que son regard perçoit. Conséquence immédiate, en plus de ma rage intérieure, je me sens fondre également.
Et lorsque je dis fondre, ça se traduit par une inondation pour la cotonnade sous mes fesses. Confuse, je me sens presque honteuse de cette envie rendue malsaine par son étrange refus. Salaud de type qui ne tient pas à me donner ce dont j’ai le plus besoin, là. Du sexe et de l’affection, un juste partage de ses sensations qui ouvrent mon corps à une envie monstrueuse. Il persiste à se perdre dans l’oubli de ses couleurs, à coller sur la surface plane ce qui ressort de sa vue. J’ai mal, j’ai froid, j’ai envie de… partir en courant. Mais je sens bien que rien ne va s’arranger. Alors, une dernière tentative s’impose-t-elle ?
Cliquetis de flutes qui s’entrechoquent, « pop » d’un bouchon qui s’évade du col de la bouteille et enfin le pétillement de bulles qui dégoulinent dans les verres. Un parfait bruit qui ne fait que rehausser mon désir. La main tendue me fait passer le précieux nectar, mais lui ne tient guère à s’approcher. J’insiste donc.
Hagard, les yeux qui ne veulent absolument pas me frôler, le peintre me donne satisfaction. Il s’assied au niveau de mes genoux, tentant désespérément de ne pas les voir. Je suis toujours allongée, gardant la pose qu’il a déterminée depuis le début.
J’attrape son poignet et tire sa main vers ce centre de moi qui mouille le drap. Il ferme le poing, résiste, et je me sens frustrée. Rien n’y fait, j’en ravale ma morve. Et je marmonne entre mes dents serrées par le dépit.
Il me sourit et sa main revient le long de son corps alors que sa poitrine laisse échapper un soupir à me fendre l’âme. J’en suis pour mes frais et mon ventre gargouille de cette envie inassouvie. Il détourne une énième fois le visage, pour ne pas me montrer la brillance de ses yeux. Pourquoi est-ce que j’ai l’impression toute bête que des larmes roulent de ses quinquets à son menton ? D’un mouvement sec, il essuie les perles qu’il ne tient pas à me montrer. Et sa patte me tape sur les fesses familièrement.
— xXx —
Les quatre billets de cinquante euros ne pèsent pas bien lourd dans ce sac que je trimballe à mon bras. Je suis assise sur le siège passager d’une petite voiture qui roule vers le fameux endroit où Paul m’emmène déjeuner. Je cache du mieux possible mon désarroi et lui lorgne le bout de cuisse que ma jupe trop courte ne parvient pas à soustraire à sa vue. Ma position sur le siège favorise le retroussage du tissu. Je tire sur l’ourlet sans vraiment réussir à en recouvrir plus d’un ou deux centimètres supplémentaires. Il s’en amuse ouvertement.
Ma réaction est mitigée, entre colère et rigolade. Mais après tout, dans son atelier, il a eu tout loisir d’en voir tellement plus s’en vouloir s’en servir, que ce qu’il reluque ici paraît dérisoire. Dans le flot de la circulation, nous finissons par quitter la ville et nous longeons une rivière. Encore plus de trente minutes sur un tapis relativement net et nous sommes sur les rives de cette eau paisible.
Je n’ai rien à dire et il se précipite pour m’ouvrir la portière. Une grande esplanade pratiquement vide, à l’exception de deux ou trois autres automobiles et dans une langue de verdure boisée, le toit rouge de ce qui ressemble à une maison. Lui tend la main et balaie les alentours.
Un homme de haute stature se tient à l’entrée de l’établissement sur la porte duquel un panneau annonce la couleur. « Fermé le mercredi ». Nous approchons de ce grand gaillard qui, je le remarque une fois que nous sommes proches, fume. Un large sourire naît sur deux lèvres bien ourlées et il écrase sa clope dans une jatte remplie de sable.
Ce Jean-Marc s’efface pour me laisser passer et nous pénétrons dans la salle où des tables vides sont déjà préparées pour un futur service.
Il me pousse vers une large baie vitrée d’où je peux apercevoir une sorte d’immense parquet.
D’un recoin où je ne distingue rien ni personne, une sorte de grognement se fait entendre pourtant. Et soudain, une frimousse s’élève de derrière un muret. Des tifs en bataille, un garçon d’une trentaine d’années se redresse. Il se tient maintenant debout et nous dévisage avec une sorte d’intérêt tout masculin.
Le vieux peintre s’adresse au garçon qui ne cesse de me dévisager.
Sa mère, son père, Paul, et moi, nous voyons donc ce Martin qui soulève un accordéon posé derrière ce petit mur d’où il a surgi. Il enfile les bretelles de son instrument flambant neuf et d’un coup, tout l’air autour s’emplit de quelques notes. Les doigts du jeune homme filent sur les boutons nacrés et son autre main caresse les notes allongées pour rythmer le tout. Je reconnais l’air qui entre dans mes oreilles… un morceau de circonstances…
« Ah, le petit vin blanc…
Qu’on boit sous les tonnelles… »
C’est Dorothy qui fredonne ces mots, mais curieusement, pas en français. Nous éclatons tous de rire et l’ambiance plombée entre Paul et moi, elle se remet devant ces notes, chapeautée par ce bout de chant aux intonations si particulières, dans la langue de Shakespeare.
Il rigole et, alors que Martin remet en place son accordéon, nous avançons vers un bar imposant qui tapisse le fond de la salle à manger. Jean-Marc se penche vers moi et me glisse délicatement quelques mots.
C’est au milieu d’une hilarité générale dirigée contre cette énormité que je viens de dégoiser que j’apprends d’une part ce qu’est une anguille, et ensuite que ce poisson se cuisine aussi au vin rouge d’où le terme « matelote » qui les fait tant rigoler. Martin est de nouveau à nos côtés et il me serre de près. Il est moins grand que son père, a certainement quelques années de plus que celles que j’affiche à mon compteur et je sens Paul amusé par la situation. Quant aux parents du garçon, ils se fichent royalement de la drague éhontée de leur fils.
Empressé, pour ne pas dire lourd, il tente une approche bien peu discrète. Jean-Marc disparaît dans les dédales du bâtiment, pris par les repas et ses poissons. Dorothy qui finalement s’exprime parfaitement dans notre langue, nous pose mille et une questions. Fine mouche, a-t-elle pressenti mon attirance physique pour l’artiste peintre ? En tout cas, elle me fait voir sur les murs de la salle à manger, les tableaux qui sont en exposition. Tous émanent de la patte de Paul et, effectivement, ce ne sont que des paysages. Très réussis, je dois l’avouer… Quelques-uns des cadres qui mettent en valeur les œuvres portent une gommette de couleur rouge.
La femme du restaurateur m’en donne l’explication sans que j’aie à poser une seule question.
Je me moque gentiment, mais je suis persuadée de l’exactitude de mes pensées. Et Martin revient à la charge. Il met carrément les pieds dans le plat d’une drôle de manière…
Le clin d’œil qu’il me destine me fait frémir et me donne une chair de poule sans que je sache pourquoi. Ce salaud s’en tire par une pirouette et me colle littéralement son pote dans les pattes ou plus justement sur les bras. Ça ne fonctionne pas tout à fait comme ça dans mon cerveau et je garde une dent tenace contre Paul. S’il s’imagine que je vais me laisser émouvoir par un accordéoniste doué, il se goure. Et je vois les deux silhouettes qui s’esquivent vers une porte où elles ne sont bientôt plus visibles.
Pourquoi est-ce que, quelque part, il me semble évident qu’une complicité très spéciale réunit cette Anglaise, ce cuistot et le peintre ? Un sentiment, une intuition, un petit je ne sais quoi qui s’impriment dans mon cerveau. Oui… je suis persuadée que ces trois-là sont bien plus complices que je ne peux l’imaginer. Ils sont heureux de se retrouver, les raisons m’échappent, mais je suis certaine qu’il y a anguille sous roche. Et dans les assiettes également, puisqu’elles reviennent dans les mains des trois personnages qui m’intriguent bien plus que je ne veux l’admettre…
Quant au fils de la maison… Je ne suis pas fan ! Alors, je le laisse faire ses ronds de jambe et s’enflammer. Seul Paul aurait pu… bénéficier de mes envies. Ça ne marche pas sur commande et le feu n’est pas ravivé par Martin qui pourtant fait tout pour souffler sur les braises. Mais non ! Il n’est pas à l’ordre du jour, pas au menu. Le repas est un moment de pur bonheur, mais je ne serai pas le dessert du jeune homme. Et c’est en milieu d’après-midi, après avoir goûté une « matelote » d’anguille que Paul me raccompagne jusqu’à son atelier… de là, un bus, celui que je vais finir par connaître par cœur me dépose près de ma piaule… Triste de cette journée pourtant si riche en évènements…
— xXx —
À suivre…