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Temps de lecture estimé : 14 mn
05/02/25
Résumé:  Soirée exceptionnelle, la grande fête du cinéma sera retransmise en direct sur Canal +. Tout le monde se pose la même question, quel film sera sacré meilleur film de l’année ?
Critères:  #nonérotique #vengeance #confession jalousie
Auteur : Patrick Paris            Envoi mini-message
Le César d’honneur

21 heures 10, les Français sont devant leur poste de télévision, en direct et en clair sur Canal +, la grande soirée du cinéma va bientôt commencer.


Chers amis téléspectateurs, bonsoir… Nous sommes ce soir en direct du Théâtre du Châtelet où va se dérouler la traditionnelle remise des Césars, la grande fête du cinéma. Qui sera désigné meilleur acteur et meilleure actrice de l’année, qui recevra le César du meilleur film ? Nous le saurons très bientôt.


Tout le gratin du cinéma français et international s’est donné rendez-vous… Les derniers invités regagnent leur place… Nous reconnaissons au premier rang la grande Mélanie Duval que nous aimons tant, elle est accompagnée de Jacques son mari. Elle doit recevoir un trophée, mais chut, attendons. En gagnant sa place, tout le monde a remarqué qu’elle n’a pas salué Victor Tamar assis quelques rangs derrière elle, il est de notoriété publique qu’ils sont en froid depuis de nombreuses années.


La lumière s’éteint, le maître de cérémonie va faire son entrée, ou plutôt la maître de cérémonie, cette année, c‘est Sylvie Belle, la vedette bien connue du seule-en-scène, qui a été choisie pour animer la soirée.

Comme vous pouvez l’entendre, un tonnerre d’applaudissements salue son entrée sur la scène du théâtre.


Les différents Césars sont remis après une courte présentation de chaque lauréat qui vient faire un petit discours soi-disant improvisé, et qui repart avec sa statuette.


Comme tous les ans, la soirée est interrompue par plusieurs intermittents du spectacle qui envahissent la scène pour une déclaration. C’est maintenant un rituel, Sylvie les laisse s’exprimer et leur demande de quitter la scène.


Moment de nostalgie, dans un silence général, un petit film égrène le nom des acteurs décédés dans l’année. La remise des Césars peut se poursuivre, meilleure musique, meilleur montage, meilleur costume…


Moment que nous attendons tous, Sylvie Belle revient sur le devant de la scène, elle a encore changé de robe. Quelle élégance ! Avec un grand sourire, elle prend la parole :


  • — C’est un grand honneur pour moi d’appeler celle que l’on ne présente plus. J’ai l’honneur de pouvoir décerner un César d’honneur pour l’ensemble de sa carrière, à une grande dame qui fait honneur au cinéma français, j’ai nommé Mélanie Duval qui nous fait la joie d’être parmi nous ce soir.

Mélanie est habillée d’une robe Versace du plus bel effet… Toujours aussi élégante, toujours aussi jeune… Nous la voyons saluer la salle qui s’est levée pour lui faire une ovation bien méritée… Elle a l’air très émue… Moment touchant, elle embrasse son mari, avant de regagner la scène où le César va lui être remis.


Son trophée à la main, elle s’approche des micros… Écoutons-la :


  • — Bonsoir… Recevoir un prix est toujours agréable. Je ne vais donc pas cacher ma joie, même si cela peut signifier que je suis à la fin de ma carrière… Je voudrais, tout d’abord, remercier l’académie des Césars de m’honorer ce soir… J’ai une pensée particulière pour tous les acteurs avec qui j’ai partagé l’affiche depuis bientôt 50 ans, et pour tous les metteurs en scène qui m’ont fait confiance… Impossible de tous les citer ici.


Suit une longue liste de noms, interrompue régulièrement par une salve d’applaudissements.

La salle commence à trouver le temps long, personne n’osant interrompre Mélanie. Enfin, en triturant la statuette qu’elle tient à la main depuis le début de son discours, elle semble conclure :



  • — Une nouvelle fois, merci à tous.

Mélanie se dirige maintenant vers le petit escalier pour descendre dans la salle rejoindre sa place… Elle se ravise, hésite… Elle retourne derrière les micros… La salle retient son souffle, que veut-elle rajouter ? :


  • — J’oubliais… Le principal… Tous mes remerciements à Jacques de m’avoir supportée durant toutes ces années et qui m’a permis de faire la carrière que vous connaissez… Sans lui, je ne serais pas là aujourd’hui… Merci mon chéri, dit-elle en lui envoyant un baiser.

Comme vous pouvez l’entendre, Mélanie regagne sa place sous un tonnerre d’applaudissements.


La caméra la suit. En s’asseyant, elle embrasse une nouvelle fois son mari qui s’est levé pour la féliciter.


La cérémonie se poursuit jusqu’au couronnement du meilleur film de l’année, et le petit discours du président de l’académie des Césars.


La soirée est finie, la caméra s’attarde sur les personnalités qui quittent la salle. Tout le monde s’écarte pour laisser passer Mélanie, grande dame qui salue les gens venus la complimenter. Victor Tamar se dirige vers elle, le sourire aux lèvres, certainement pour enterrer la hache de guerre, mais elle ne tourne même pas la tête vers lui et passe fière au bras de son mari. La rancune est tenace. La gifle, filmée en direct, est manifeste.


Chers Téléspectateurs, c’est sur ces images que notre soirée s’achève… Vive le cinéma.



— --oOo---


Dans le taxi qui nous ramène à notre appartement de Neuilly, je m’appuie contre Jacques, serrant la précieuse statuette dans mes bras. Un flash, en quelques minutes, tout me revient, comme si c’était hier.


Mes premiers pas à onze ans, dans des films publicitaires… Les petits rôles de quelques minutes à l’écran, le plus souvent sans dialogue… Mes véritables débuts à l’âge de seize ou dix-sept ans. J’étais une de ces minettes dont le rôle essentiel était de montrer ses seins et ses fesses, dans des bluettes créées uniquement pour exhiber des jeunes filles nues. Le mouvement MeToo était loin de voir le jour.


Lors d’un de ces tournages j’ai rencontré mon premier, un ingénieur du son. Qu’il était beau, notre idylle n’a duré que le temps du film, je ne me souviens même plus de son nom. Par la suite, avec les techniciens et les acteurs, nous faisions la java tous les soirs, nous baisions sur les plateaux, dans les loges, passant de l’un à l’autre, personne ne s’attachait.


C’est à Nice, dans les studios de la Victorine, que j’ai rencontré Jacques. Son père, un industriel grand amateur de cinéma, finançait en partie le film, ce qui donnait l’occasion au fiston de venir sur le plateau. Il me plaisait bien. J’avais vite compris qu’il venait surtout pour lorgner les actrices peu vêtues. Je ne vais pas lui en vouloir, c’est comme ça qu’il s’est intéressé à moi.


Nous étions amoureux. À l’époque, difficile de vivre ensemble sans être mariés. Il m’a donc rapidement passé la bague au doigt.


Petit à petit, j’ai eu des rôles plus longs, plus sérieux. Je faisais confiance à Jacques, il avait un goût très sûr. Il lisait tous les scénarios que je recevais, mais il me laissait décider, sans intervenir dans mes décisions. Un jour, en arrivant au mot fin d’un script qu’il venait de lire, il me demanda :



Mon premier grand rôle. Comme toujours, Jacques me laissa libre de mon choix. D’autant que son père participait au financement du film, il n’allait pas offrir le rôle à une autre. Son travail dans l’entreprise familiale l’éloignait des plateaux, mais il trouvait du temps pour venir me voir tourner, ce que j’ai toujours apprécié.


Un soir, alors qu’il venait de visionner un vieux film en noir et blanc, il regarda le planning de travail du lendemain. Il me fit remarquer :



Mais il insistait.



Ça me plaisait à moitié, j’aurais préféré qu’il ne soit pas là. Je le lui dis gentiment :



Il a très bien compris, c’est un amour.


Le soir, après cette journée de tournage que j’appréhendais, je suis arrivé chez nous fatiguée et nerveuse.

Nous nous sommes couchés assez tôt, il a commencé à me caresser. Malgré ma fatigue, je ne pouvais pas lui dire « On verra ça demain », il n’aurait pas apprécié et j’en avais aussi envie. Je me suis donnée à lui comme rarement.


J’ai toujours été honnête, il fallait que je lui parle. Après nos ébats, nous étions dans les bras l’un de l’autre, je me suis lancée :



Je ne savais pas comment aborder la chose, peur de lui faire mal, peur de sa réaction quand il saurait. Mais je ne lui avais jamais rien caché. Le matin, je m’étais accrochée avec le metteur en scène : pour faire plus vrai, il voulait que je fasse une véritable fellation à Victor. Bien sûr, j’ai refusé. On a donc joué la scène comme d’habitude, Victor avait un string, j’ai simulé de dos, facile, il me suffisait de bouger la tête.

Mon chéri m’écoutait sans rien dire, il n’y avait là rien d’extraordinaire. J’hésitais à poursuivre. Le ton sur lequel il m’a dit « Bon, et après ? », me fit comprendre qu’il n’appréciait pas cette demande.


Dans la scène de l’après-midi, nous devions faire l’amour, étendus sur un lit, nus. Un assistant a fait sortir tous les techniciens superflus, les maquilleuses m’avaient préparée pour que mon corps ne brille pas si je transpirais. Sous les ordres du metteur en scène, nous savions ce que nous devions faire. Victor n’avait pas l’air plus rassuré que moi. Les blagues fusaient, nous avons ri ensemble pour nous décontracter. Le metteur en scène n’a pas été satisfait de la première prise, nous avons dû recommencer. C’est là que nous avons dérapé. Jacques a sursauté en entendant ces mots :



Je lui ai dit, sans détour, Victor m’avait pénétrée réellement. J’ai été surprise, mais tout a été très vite, trop, dans mon rôle, je n’ai pas réagi comme j’aurais dû le faire. Jacques ne disait rien, je me doutais qu’il m’en voulait déjà. Pour moi, ce n’était pas grave, ce n’était que du cinéma. J’ai bien précisé que Victor n’avait pas éjaculé, et que je n’avais pas joui. Jacques m’a choqué quand il m’a dit « Donc, je suis cocu ». Il n’avait pas compris, nous avions juste un peu dérapé, ça ne portait pas à conséquence.


Il est sorti de notre chambre sans un mot. C’est à ce moment que j’ai réalisé que tous les spectateurs verraient que nous avions réellement baisé, d’habitude les acteurs simulent. Je l’ai rejoint au bout de quelques minutes. Il était assis dans son fauteuil, je ne saurais dire s’il était en colère, triste, blessé, certainement un peu tout ça. Je m’en voulais. Il faut croire que cela avait plus d’importance pour lui que pour moi.


Nous devions encore tourner d’autres scènes où je serais nue, Victor allait encore m’embrasser, encore me caresser. Jacques le savait, il avait lu le script. J’ai voulu le faire revenir dans notre lit, sans succès. Il est resté dans le salon. J’ai regagné notre chambre toute seule, triste du mal que je lui avais fait, mais triste surtout de son manque de confiance. Maintenant, à bien y réfléchir, je me demande si j’avais été parfaitement honnête, ça ne m’avait pas déplu, et j’aurais certainement pu refuser. Enfin, c’était fait, autant oublier.



Le lendemain, il voulut m’accompagner pour assister à la projection des rushes de la veille. Je ne pouvais pas l’en dissuader, mais j’aurais préféré qu’il ne vienne pas.


Comme tous les jours, l’équipe du film s’est retrouvée dans la salle de montage. L’ambiance était très décontractée, chacun son café à la main, parlant de choses et d’autres. Tout le monde, sauf Victor qui n’osait pas regarder Jacques. Il a pourtant bien été obligé de le saluer.


Calée dans mon fauteuil, je me suis blottie contre mon mari, les scènes s’enchaînaient. J’étais nue, Victor m’embrassait, me caressait. Scène de fellation très classique, on ne me voyait que de dos, au spectateur d’imaginer. Pour la scène suivante, j’avais une boule dans la gorge, Jacques allait voir, et moi aussi. Sur l’écran, je m’avance entièrement nue vers le lit, un full frontal, heureusement qu’à l’époque je ne me rasais pas. Jacques était nerveux, je n’osais tourner la tête vers lui.


Première prise, la caméra tourne autour de nous, il est évident que l’on simule, ça ne plaît pas au metteur en scène, nous devons rejouer la scène. Cette fois, j’ai été surprise que la caméra se soit autant attardée sur mon entre-jambe, et de voir nettement Victor bander, je n’y avais pas fait attention avant de le sentir quand il s’est allongé sur moi. J’ai sursauté en voyant sur l’écran qu’il me pénétrait. Comme moi, les spectateurs n’auront aucun doute. Comme Jacques, certainement étonné de ma passivité. Il s’est crispé, je sens encore la pression de sa main sur mon bras. J’étais mal à l’aise, déjà que je n’aimais pas les scènes de cul, alors me voir en train de baiser, mon mari assis à côté de moi. J’ai fermé les yeux quelques secondes, quelle idiote !


Après deux autres scènes un peu plus softs, la lumière est revenue. Jacques serrait les dents, il était blême. Par contre, le metteur en scène était content de lui. Il m’a félicitée sur la qualité de mon jeu, alignant une série de superlatifs un peu exagérés. Jacques a refusé de serrer la main de Victor quand il s’est approché de nous un peu gêné :



La réaction de Jacques a été vive, je ne le savais pas si violent. Il envoya son poing dans la figure de Victor :



Aussi stupéfaite que le reste de l’équipe, je n’ai rien su quoi faire, quoi dire, j’avais surtout envie de pleurer. C’était vraiment trop bête. Nous sommes tous allés dans le bureau du producteur, pour régler rapidement ce problème.


J’avais hâte de retrouver Jacques, il fallait qu’on se parle. J’ai pu rentrer plus tôt que d’habitude, il n’y avait pas eu de tournage dans la journée compte tenu de l’état de Victor.


Jacques m’attendait, il faisait sa tête des mauvais jours. Je n’ai pas pu m’empêcher de faire une réflexion, à cause de lui, le tournage allait être arrêté une dizaine de jours, Victor avait un œil au beurre noir et sa joue avait gonflé, impossible de continuer sans lui.


Je voyais bien que Jacques était contrarié, qu’il m’en voulait. Cet incident, car pour moi, ce n’était qu’un petit incident, prenait beaucoup trop d’importance pour lui. Il voulait même que je porte plainte pour viol. Pff ! Ce n’était pas un viol. Si je l’avais fait, ma carrière était fichue. J’avais demandé au metteur en scène de ne pas garder au montage certains plans qui m’avaient choquée. Il me l’avait promis, mais Jacques doutait de sa parole.


Cet arrêt nous laissait le temps de nous retrouver, nous en avions besoin. Trois jours après, j’ai reçu un appel du metteur en scène, la production coupait le financement, le film allait être arrêté. Il n’a jamais été terminé.


Victor a eu du mal à décrocher un nouveau rôle, j’ai eu plus de chance. Quelques mois plus tard, avant de succéder à la tête de l’entreprise familiale, Jacques a créé une petite maison de production. Comme on disait autour de lui, « C’est la danseuse du président ». Grâce à lui, j’ai pu tourner à nouveau, un film à faible budget, mais le bouche à oreille a bien fonctionné, petit succès qui a permis de lancer ma carrière. À partir de là, les rôles se sont succédés, avec les plus grands acteurs, les plus grands metteurs en scène, jusqu’à la consécration de ce soir. J’ai même tourné deux films à Hollywood. J’avais une seule exigence, une seule, plus jamais de scènes dénudées, je m’y suis tenue.



Bercée par le ronron du moteur, je me suis assoupie, la tête appuyée sur l’épaule de Jacques. À l’arrivée, il m’a secouée gentiment.



— --oOo---


Mélanie pose son trophée sur la bibliothèque, en bonne place, à côté des trois autres gagnés les années précédentes, dont deux la sacrant meilleure actrice de l’année. Jacques la prend dans ses bras et l’embrasse :



L’air faussement timide, Mélanie baisse les yeux, pure coquetterie de sa part :



Jacques semble pensif :



Mélanie rougit, se tord les mains :



Prenant Mélanie par la main, Jacques l’entraîne dans leur chambre en souriant :