n° 23011 | Fiche technique | 46067 caractères | 46067 7854 Temps de lecture estimé : 32 mn |
16/04/25 |
Résumé: La vie d’un couple va subitement basculer pour se transformer en un véritable cauchemar où plus rien n’a de sens. | ||||
Critères: #psychologie #drame #rupture #regret #adultère #couple #libertinage #sexetarifé fh couple extracon prost amour humilié(e) chantage contrainte dispute préservati | ||||
Auteur : Rainbow37 Envoi mini-message |
DEBUT de la série | Série : Chuter, se relever, et avancer Chapitre 01 / 02 | Épisode suivant |
Martin pousse la porte de la maison, une légère euphorie enivrant son esprit. Il a bouclé son chiffre du mois, la prime va tomber. Encore une. Après vingt-six ans de mariage, une belle maison et trois enfants partis voler de leurs propres ailes, il se sent comblé. Et rien ni personne ne semble pouvoir troubler la sérénité de sa parfaite petite vie de cadre à qui tout réussi.
Ses yeux balaient le salon plongé dans un silence seulement troublé par le tic-tac de l’horloge. Il dépose sa sacoche à côté de la vitrine à trophées de Babeth, qui trône fièrement dans un angle du salon. L’endroit capte immédiatement le regard pour qui rentre en cette demeure pour la première fois, avec l’éclat de ses nombreuses médailles et coupes, la majorité en or. Mais son épouse ne se résume pas à une triathlète accomplie… Elle est une mère attentionnée, une épouse aimante, une manager efficace. Pour lui, elle est parfaite.
Martin entend quelques bruits provenant de l’étage, comme une très légère agitation, et, dès qu’il atteint l’escalier, il perçoit un parfum flottant dans l’air. Lorsqu’il pousse la porte de leur chambre, il la trouve devant le miroir, concentrée sur son reflet, un rouge à lèvres entre les doigts. Sa silhouette, mince et sculptée par le sport de haut niveau, est mise en valeur par une robe élégante. Babeth est belle, comme toujours. Trop belle pour une simple sortie entre amies.
Bizarre. Elle n’a pas fait autant d’efforts pour lui depuis des années, malgré ses supplications qu’il a fini par abandonner. Elle ne le regarde toujours pas, continuant juste de se préparer. Martin sent son impatience monter, est-ce qu’il y a un évènement particulier à fêter ? Ou simplement l’envie de faire plaisir à son doux mari ? Il se demande comment Babeth va le surprendre… Le silence dure et devient pesant, brisé seulement par le bruissement de ses vêtements contre sa peau.
Il s’avance, un sourire en coin.
Elle ne répond pas tout de suite, continue d’estomper la couleur sur ses lèvres, l’air absorbée. Puis, enfin, elle pose le tube sur la commode et se tourne vers lui.
Le ton est doux. Trop doux. Comme un prélude à une sentence inéluctable. Martin fronce les sourcils, un pressentiment étrange lui nouant la gorge. Les mots semblent choisis avec soin par Babeth, il essaie de les déchiffrer, se demandant ce qu’elle a bien pu vouloir dire.
Babeth incline la tête, esquisse un sourire résigné.
Elle le coupe et continue, déterminée.
Le silence s’installe, lourd, presque toxique. Martin déglutit difficilement.
Elle inspire légèrement, comme si elle rassemblait ses forces. Ses prochaines paroles tombent, froides et définitives.
Martin écarquille les yeux.
Le sol semble se dérober sous les pieds Martin. Il recule d’un pas, incapable de croire ce qu’il vient d’entendre. Ses oreilles bourdonnent.
Babeth pose une main sur son cœur, comme une mère apaisant un enfant capricieux.
Martin ouvre la bouche, mais aucun mot ne franchit ses lèvres. Une douleur sourde pulse dans sa poitrine. Tout son être réclame de réfuter, de nier, de réveiller Babeth de ce cauchemar absurde. Mais elle… Elle n’a jamais paru aussi sûre d’elle.
Une rage sourde monte en Martin. D’un geste qu’il ne se connaissait pas, il lui attrape le poignet, ses doigts se refermant avec une force involontaire et presque brutale. Jamais il ne l’a touchée ainsi.
Leurs regards se croisent, surpris, conscients tous les deux que ce n’est pas dans sa nature. Mais paradoxalement, Babeth ne semble pas effrayée. Au contraire. Quelque chose dans cette possessivité la conforte dans sa décision.
La mâchoire serrée, Martin lâche enfin un murmure rauque et étranglé :
Un klaxon retentit dans la rue. Babeth sourit puis, avec une détermination tranquille, dégage la main de Martin qui entravait son poignet. Elle attrape son sac et se retourne vers lui pour déposer un léger baiser au coin des lèvres, puis elle se détourne avant de descendre les escaliers. Le claquement de la porte le percute, comme un coup-de-poing en plein ventre. Il se précipite à la fenêtre, le souffle court, pour voir la voiture qui attend, moteur ronronnant. Babeth fait un signe de la main au conducteur, s’installe côté passager, sourit à celui qui l’accompagne.
Puis elle disparaît, emportant avec elle vingt-six ans d’une vie construite à deux, pulvérisant l’édifice du bonheur illusoire de Martin.
Il est encore sous le choc, incapable de comprendre pleinement la portée de ce qu’elle venait de dire. Il sort son portable et tente d’appeler Babeth, mais il tombe directement sur sa messagerie. Il jure un mot obscène et violent, puis, dans un accès de fureur incontrôlable, projette son téléphone à travers la pièce. L’appareil heurte le mur avec un bruit sourd, puis Martin reste figé de longues minutes, impuissant. À quoi bon prendre la voiture et la chercher désespérément, elle semble avoir longuement prémédité tout ça, il n’y a plus rien à faire que croire en sa femme.
Babeth est trop brillante, trop sensée, trop attachée à leur passé pour réellement commettre l’acte qu’elle avait annoncé avec une froideur calculée.
La maison, autrefois un cocon douillet et familier, s’est métamorphosée en une prison froide et silencieuse. Martin se dirige vers la cuisine, où il se sert un verre de Cognac, cherchant à calmer ses nerfs. Ses mains tremblent légèrement, il a du mal à empêcher la bouteille de rebondir sur le verre. Le cuir grince sous son poids lorsqu’il s’écroule sur le canapé, il soupire lourdement, les yeux embués. Les mots de Babeth résonnent dans sa tête comme un écho constant. Il essaie de comprendre ce qu’il vient de se passer, tente désespérément de déchiffrer le sens caché de ces paroles cruelles et de trouver une explication rationnelle à tout ça. Il ne l’a jamais trompé, il ne l’a jamais battue, il ne l’a jamais délaissé… Alors pourquoi ?
La lucidité revient et il comprend que la nuit va être longue. Ironiquement, il se résout à suivre les instructions de Babeth. Il se dirige vers la cuisine où il découvre le plat préparé, emballé avec soin et accompagné d’un mot doucereux : « Bon appétit. Je t’aime. » Il s’inflige sans plaisir le tournedos de paleron, dont le goût lui paraît fade et insipide. En mangeant, il tente de se distraire et zappe frénétiquement, passant d’un film à un documentaire, à une série, à du sport… Mais il se sent de plus en plus isolé, déconnecté, prisonnier d’une réalité absurde et cruelle.
Au fil des heures et des verres, les pensées de Martin s’embrument, deviennent plus confuses, plus contradictoires. Il oscille entre la colère, la tristesse, et une curiosité troublante pour ce que Babeth serait en train de faire, dans les bras de cet étranger. Cette vision le consume et le torture avec une perversité raffinée. Puis, quelque chose d’inattendu se produit. Au milieu de la douleur et de l’humiliation, une étincelle d’excitation s’allume en lui. L’image de sa femme, abandonnant ses tabous et se livrant à un autre, commence à le troubler, à le fasciner. Son corps se tend, son cœur s’accélère, il sent un désir étrange et pernicieux se réveiller en lui. La honte l’envahit, avec une vague de dégoût pour lui-même et pour ses pensées impures. Mais l’excitation persiste, le poussant à explorer plus avant cette voie interdite.
Dans un état second, il se remémore les conseils de Babeth, cette suggestion abjecte qui se transforme peu à peu en une obsession : « Regarde du porno… » Cela lui semble de plus en plus comme une option pour tuer le temps. Il se dirige vers la chambre, attiré par son ordinateur portable comme un papillon de nuit par la flamme. L’appareil l’attend, posé sur la table de chevet. Une page est déjà ouverte avec une vidéo, une offrande vicieuse laissée par Babeth à son intention. Le titre est terrible : « Mon ami m’a baisée fort devant mon mari cocu ». Son esprit vacille entre la révolte et une étrange excitation. Martin clique pour lancer la vidéo, cédant à une force irrésistible.
Les premières images le saisissent à la gorge, il reconnaît cette scène de sexe crue… Ces corps qui s’entrelacent avec une obscénité calculée, ces gémissements lascifs qui résonnent comme une provocation. Il a déjà regardé cette vidéo quelques jours auparavant, lors d’une de ses pérégrinations solitaires sur des sites amateurs, à la recherche d’une stimulation éphémère. Est-ce un hasard, ou le destin, peu importe, Martin n’arrive plus à penser de manière logique.
Cette fois, l’excitation n’est plus la même. Elle est plus sombre, plus complexe, plus chargée de culpabilité et de désespoir. Au fur et à mesure que les images défilent, Martin a l’impression de voir le corps de Babeth se superposer sur celui de l’actrice, ses traits se fondant dans ceux de cette inconnue. C’est bientôt avec la voix de sa femme qu’il entend ses gémissements de plaisir. Et puis, son regard finit par être attiré par la silhouette indistincte d’un homme, reléguée à l’arrière-plan, dans le flou artistique de la mise en scène. Un mari cocu qui se masturbe, un spectateur impuissant, un témoin silencieux de sa propre humiliation. Soudain, Martin réalise que cet homme, c’est lui.
Pourtant, l’excitation prend le dessus, submergeant ses scrupules et ses remords. Son corps se réveille, il enlève ses vêtements avec une hâte fébrile, abandonnant toute pudeur et toute retenue. Ses mains tremblent, caressent sa peau avec maladresse, cherchant dans le plaisir une échappatoire à la souffrance. Il se masturbe furieusement. Sa main serre son sexe avec une force presque douloureuse, cherchant une libération immédiate, un soulagement illusoire. Chaque image et chaque son amplifie son excitation, le rapprochant de l’orgasme qu’il désire désespérément. Ses muscles se contractent, sa respiration s’accélère, et un gémissement rauque s’échappe de sa gorge.
Martin éjacule abondamment sur son ventre et s’effondre sur le lit, haletant et couvert de sueur. Mais au lieu d’y trouver de la satisfaction, il a mal, il souffre, et il n’est en rien libéré. Au contraire, il ne ressent que de la confusion et un vide abyssal en lui, et ce sentiment d’être resté dans le piège tendu par sa femme. Il se pose des questions sur ce qu’il vient de faire, sur le sens de cette expérience troublante. Babeth a-t-elle raison ? Leur couple peut-il réellement être sublimé par un désir plus puissant, par une transgression assumée ?
Après une douche rapide, il se couche dans le lit, seul, face à ses doutes et à ses angoisses. Son esprit continue de tourner en rond, incapable de trouver le sommeil. Il se demande comment il pourra affronter le lendemain, comment il pourra se préparer à la confrontation inévitable avec Babeth. Il veut l’accueillir avec calme, mais avec une ferme résolution, prêt à mettre fin à cette mascarade, à reprendre le contrôle de leur vie. Il sombre progressivement dans une somnolence léthargique et agitée, se réveillant sans cesse, assailli par des pensées obsédantes, des images troublantes, des questions sans réponse.
*****
Le lendemain matin, un bruit de moteur réveille Martin. L’instant d’après, il est à la fenêtre, le cœur battant trop fort. Il reconnaît immédiatement la voiture. Celle de la veille. Son estomac se contracte.
Quelques secondes passent. La portière s’ouvre et Babeth en sort, un sourire éclatant aux lèvres. Elle fait le tour du véhicule, se penche à la vitre abaissée et dépose un baiser sur les lèvres du conducteur. Une banalité. Une scène du quotidien. Comme si de rien n’était.
Un cauchemar, songe Martin. Mais non, hélas. C’est bien la réalité.
Il dévale les escaliers, encore engourdi par la nuit tourmentée qu’il vient de passer, et arrive dans le salon juste à temps pour voir Babeth franchir le seuil. Toujours ce même sourire tendre. Elle l’embrasse doucement, comme n’importe quel matin.
Martin l’observe, fébrile. Ses doigts tremblent légèrement.
La question s’échappe avant même qu’il ne la formule vraiment. Et alors qu’il l’entend résonner dans la pièce, il comprend qu’il n’aurait peut-être pas dû la poser.
Babeth range son manteau dans la penderie de l’entrée, et lui répond sans daigner le regarder :
Aucune gêne. Aucune trace de regret. Juste une étrange franchise, désarmante.
Un bruit sec éclate dans la pièce. La chaise que Martin vient de fracasser contre le sol.
Babeth sursaute et fait demi-tour, abasourdie par la réaction de son mari. Puis comme une actrice qui entre soudain dans la peau de son personnage, elle reprend contenance et soutient son regard avec une sérénité dérangeante.
Martin s’étrangle d’un rire amer.
Il secoue la tête. Tout cela est insensé. Babeth a toujours eu une logique bien à elle, mais là, c’est du délire.
Elle lâche un soupir presque attendri.
Elle s’installe sur le canapé, un geste fluide et maîtrisé. Puis, lentement, elle remonte sa robe. Martin sent son estomac se nouer. L’espace d’un instant, il espère se tromper. Mais non. Babeth ne porte pas de culotte. Et plus encore, elle écarte les cuisses et expose sa vulve encore souillée du sperme de son amant. Martin a les yeux écarquillés devant son impudence. Il ne reconnaît définitivement plus son épouse. Il reste pétrifié, ses pensées s’emballant, son corps tremblant légèrement.
Martin ne répond pas. Il ne sait même pas s’il en est capable. Il voudrait fuir, vomir, hurler. Mais il est cloué sur place. Incapable de détacher son regard. Fasciné et horrifié à la fois. Il se bat avec ses pensées, cherchant désespérément un repère dans ce chaos.
Babeth hoche la tête.
Encore désorienté par les vapeurs de l’alcool, abruti par cette nuit sans sommeil et plus encore fragilisé par l’abîme qui s’est emparé de son couple, Martin n’est plus que l’ombre de lui-même.
Il s’agenouille devant elle, regardant fixement sa vulve souillée, incapable de détourner les yeux. Il est partagé entre l’envie de la repousser et celle de plonger dans cette nouvelle expérience pour ne pas la perdre encore un plus.
Babeth l’attire à elle. Ses mains se referment sur sa nuque, sa peau brûlante contre la sienne. Martin s’égare dans un baiser, plus profond et obscène que tous ceux qu’ils ont échangés après tant d’années passées ensemble. Et quand elle murmure à son oreille, un souffle lascif glissé entre deux soupirs, il sent la corde céder.
Et il capitule. Martin enlève son caleçon, comme s’il était pris au piège d’un scénario qu’il ne maîtrise plus. Elle l’attire alors vers le canapé, le guidant malgré sa résistance intérieure. Les mains de Babeth explorent son corps avec une urgence nouvelle, une fièvre qu’ils n’avaient pas ressentie depuis des années. Puis, elle appuie son dos sur le canapé dans un geste d’abandon provocateur, le regardant avec une intensité brûlante, et lui ordonne d’une voix suave :
Martin, grisé par la scène et assailli par une fatigue lancinante, se positionne entre ses cuisses offertes. Ses yeux se posent sur l’intimité dévoilée de Babeth, et il a un mouvement de recul involontaire en revoyant les restes de son amant. Un mélange de dégoût et d’ensorcellement le saisit à la gorge. Il trouve cela ignoble, certes, mais aussi étrangement… intime.
Il sait, au plus profond de lui, que rien ne sera plus jamais pareil, mais sa raison s’efface et il ne peut s’arrêter. Soudain elle s’empare de sa verge et elle le guide vers son entrée. Il sent ses lèvres chaudes et humides l’accueillir, l’envelopper. Lorsqu’il la pénètre enfin, il est surpris par la facilité avec laquelle il s’engage. D’habitude, il rencontre une résistance, une familiarité confortable entre un mari et une femme. Mais là, c’était différent. Il glisse sans entrave, comme dans un rêve dans ce cauchemar, comme si le corps de Babeth s’offrait à lui sans réserve. Il sent un mélange de fluides autour de lui, une combinaison troublante de sperme et de cyprine. Une friction unique, à la fois dérangeante et incroyablement excitante.
Babeth laisse échapper un gémissement et son corps se met à onduler sous lui. Elle répond à ses mouvements, l’invitant à la suivre dans une danse effrénée. Ils se synchronisent rapidement, leurs corps s’accordant dans un rythme de plus en plus intense. Martin agrippe fermement ses hanches, cherchant un point d’ancrage dans cette tempête de sensations. Sa respiration devient rapide et lourde, saccadée par l’effort et l’excitation. Chaque mouvement, chaque contact lui rappelle la présence de l’autre homme, intensifiant son désir de la posséder entièrement, de la marquer de son empreinte.
Elle laisse échapper des plaintes de plus en plus fortes, sa voix résonnant dans la pièce comme un appel à la jouissance. Il accélère le rythme, perdant le contrôle de ses gestes et de ses pensées. Il sent l’orgasme approcher. Dans un geste presque brutal, il saisit les cheveux de Babeth, tirant légèrement pour intensifier les sensations, pour se sentir plus proche d’elle, pour la faire sienne. Elle en redemande.
Il ne peut plus se retenir. Un grognement rauque s’échappe de sa gorge, un son animal qui témoignait de sa perte de contrôle. Il sent son corps se tendre, se contracter, puis se relâcher dans une vague de chaleur intense. Babeth frémit sous lui, son corps répondant au sien dans un spasme de plaisir. Elle laisse échapper un cri, un son aigu et perçant, qui se mêle aux gémissements de Martin.
Mais, même dans cet instant de jouissance intense et nouveau, une pensée le hante. Il imagine son propre sperme se mélangeant à celui de l’autre homme, une vision répugnante qui le dégoûte viscéralement.
Pourtant, ils restent ainsi un moment, enlacés, haletants et tremblants, avant de s’effondrer sur le canapé, épuisés. Martin s’éveille plus tard, engourdi, vidé de toute énergie. Il se détache lentement du corps alangui de Babeth, contemple un instant la peau marquée de leurs ébats. Puis il se lève, silencieux, et profondément triste.
Une douche. Il lui faut une douche.
L’eau brûlante l’apaise à peine. Il frotte sa peau avec une ferveur étrange, comme s’il voulait effacer quelque chose. Mais quoi, au juste ? Il ne sait plus.
Lorsqu’il sort de la salle de bain, enveloppé dans une serviette rêche, une voix feutrée attire son attention. Babeth. Au téléphone. Un murmure furtif. Il s’arrête devant la porte entrouverte, ses sens en alerte, cherchant à capter chaque nuance, chaque intonation, chaque mot.
Martin sent un frisson glacé le parcourir.
Le sol se dérobe sous lui.
Martin n’entend plus rien. Juste le martèlement sourd de son propre cœur, puis un bruit de gorge. Un réflexe. Babeth se tend, réalisant sa présence, et un éclair de panique traverse son regard, aussitôt maîtrisé. Elle met fin à l’appel avec une précipitation suspecte, cherchant à dissimuler son trouble.
Martin ne la quitte pas du regard.
Elle sourit. Comme si de rien n’était. Mais Martin, lui, sait.
*****
Les jours suivants ressemblent à une étrange mascarade, une pièce de théâtre absurde où les acteurs continuent de jouer leur rôle comme si de rien n’était, alors que le décor est en ruine et que le public a déserté la salle. Martin reste sidéré par ce qu’il a vécu et par l’attitude de Babeth, par son déni absolu du mal qu’elle fait. Il cherche les mots, tente d’échafauder un dialogue qui ne devient jamais réalité. Car en parler avec elle est presque impossible. Elle l’éconduit d’un sourire indulgent, le regard chargé d’une tendresse glaçante. Elle ne voit pas. Ou plutôt, elle refuse de voir l’impact dévastateur que cela a déjà sur leur vie, sur Martin.
Il dort à peine. Ses nuits sont courtes, peuplées de rêves brumeux qui s’effacent à l’aube, ne laissant derrière eux qu’une lassitude poisseuse. Il n’a plus d’appétit. Même son café du matin lui semble fade. Au travail, il peine à se concentrer, oubliant même un rendez-vous avec un client, incapable de structurer ses pensées. Mais surtout, il traîne des pieds en fin de journée. Rentrer chez lui devient un supplice et il fuit Babeth autant qu’il le peut, hanté par l’idée de croiser son regard et d’y lire cette sérénité délirante qui le dévore de l’intérieur.
Ce dérèglement insidieux dans leur routine est encore plus marqué chez Babeth. Depuis des années, elle n’a jamais manqué un entraînement. La nage, le vélo, la course, rythmant son quotidien avec une rigueur de métronome. Un dévouement total, parfois agaçant, qu’il ne lui a jamais vu remettre en question. Mais depuis cette nuit horrible, plus rien. Pas une sortie, pas une mention du triathlon. Aucune allusion à ses coéquipiers, à son programme d’entraînement, à ses prochaines compétitions. Juste elle, recroquevillée sur son téléphone, le regard absorbé par un écran qu’elle verrouille sitôt qu’il entre dans la pièce.
Martin sait désormais qu’elle lui cache quelque chose, qu’elle prépare un nouveau coup, qu’elle est en train de tisser une toile complexe dont il est la proie. Et ça rend son quotidien avec elle insupportable. Il accueille donc le week-end avec un soulagement amer. Mais enfin, ils auront peut-être le temps de parler franchement. Exorciser l’étrangeté de ces derniers jours. Remettre les choses en ordre.
Au petit-déjeuner, il dépose sa tasse sur la table avec un soupir et prend son courage à deux mains.
Babeth lève les yeux vers lui, un doux sourire aux lèvres.
Son ton est rassurant, presque tendre.
Martin serre les poings sous la table.
D’autres priorités.
Le soir même, alors qu’il la pense en train de lire dans le salon, il la surprend devant le miroir de leur chambre. Elle réajuste une robe qu’il ne lui a encore jamais vue. Noire, élégante, décolletée juste ce qu’il faut. Un parfum capiteux flotte dans l’air, trop fort, trop marquant. Comme une signature.
Elle esquisse un sourire fuyant, accrochant une boucle d’oreille avec soin.
Un écho brutal dans sa tête. Cette nuit n’a été qu’un prélude. Il le sait, bien sûr. Mais l’entendre dire avec une telle légèreté le terrifie plus que tout.
Il se place devant la porte, le cœur battant, les tempes en feu. Elle le regarde avec une douceur infinie, comme on rassurerait un enfant trop sensible.
Elle caresse sa joue du bout des doigts, comme si elle plaignait sa faiblesse.
Elle le contourne avec grâce et ouvre la porte. Un vide abyssal vient de s’ouvrir entre eux.
Elle se retourne lentement, un doute furtif traversant son regard, comme si elle hésitait, se demandant si elle n’allait pas trop loin. Puis un sourire faux réapparaît.
Martin la fixe, le cœur au bord des lèvres, puis murmure, la voix tremblante :
Un autre coup de klaxon, une autre voiture, un autre amant… Martin reste figé. Il la voit s’éloigner, disparaître au bras de cet inconnu qui va pourtant être si intime avec elle. Puis il laisse lentement retomber le rideau, comme s’il pouvait ainsi occulter l’inconcevable.
*****
Martin se tient devant l’appartement de Valentin, son fils aîné, une petite valise à la main. Il hésite une seconde avant de frapper doucement. Valentin ouvre et la surprise passe vite à l’inquiétude en voyant son père.
Quelques jours plus tard, Martin est assis dans la cuisine, une tasse de café entre les mains. Il a parlé à Valentin un peu plus tôt, et lui a résumé la situation sans s’étendre sur les détails. « Ta mère a rencontré quelqu’un » : des mots simples, aseptisés, loin du chaos qu’il ressent. Son téléphone vibre sur la table, son écran est saturé de messages. « Tu me manques ». « Reviens, s’il te plaît ». « On ne s’est pas bien compris ».
Un nœud de colère monte en lui. Il éteint son portable et le range au fond de sa valise. Pas envie.
La nuit venue, Martin peine à trouver le sommeil. Il ferme les yeux, respire profondément… Mais un bruit l’interpelle. Des gémissements, étouffés, puis plus nets. Il fronce les sourcils, tend l’oreille. Impossible de faire abstraction. Visiblement irrité, il rejoint Valentin encore dans le salon à regarder une série.
Martin met quelques secondes à comprendre. Puis il soupire.
Les jours passent. Et les nuits, elles, restent émaillées de soupirs et de râles, rendant le sommeil compliqué. Un soir, agacé, Martin décide de descendre et frappe à la porte de la voisine. Celle-ci s’ouvre sur une femme à la peau dorée, cheveux noirs et ondulants, vêtue de satin rouge qui épouse ses formes voluptueuses. Un verre de vin à la main, elle le scrute, un sourire fauve sur son visage.
Elle laisse glisser un ongle sur son bras, un sourire carnassier au bord des lèvres.
Martin recule, secoue la tête.
Elle effleure son bras avec une nouvelle caresse accidentelle.
Martin remonte, désabusé. Son fils l’accueille d’un sourire moqueur.
Mais les bruits ne cessent pas. Ils semblent même résonner plus fort, ou alors c’est lui qui y prête plus d’attention.
Un après-midi, Martin retourne chez lui pour récupérer quelques affaires. En entrant, un pincement le saisit : tout est à sa place. Comme s’il n’était jamais parti. Il rassemble quelques vêtements, puis la porte s’ouvre.
Babeth.
Ils se fixent. Elle avance, hésitante, et dépose un baiser sur sa joue.
Elle a une ombre de déception dans les yeux, mais elle ne répond rien et disparaît dans leur chambre. Martin entend sa voix assourdie par la porte, elle est au téléphone. Puis elle réapparaît portant des talons, un ensemble de lingerie fine et un porte-jarretelles. Il ne l’a jamais vue ainsi.
Martin ferme les yeux. Il la désire encore, bien sûr. Mais ce n’est pas la solution. Il secoue la tête.
Elle tressaille. Puis craque.
Il déteste la voir ainsi. Mais il ne cédera pas, car plus que tout il veut retrouver sa femme et leur vie d’avant. Alors il la repousse gentiment.
Il la laisse en larmes tandis qu’il prend ses affaires et se dirige vers la porte. Il se retourne une dernière fois avant de sortir, se retenant de pleurer lui aussi. Il sait qu’il a pris la bonne décision, aussi dure soit-elle.
De retour chez son fils, Martin a les nerfs à vif. Sa respiration s’accélère, sa gorge se serre, il ne peut plus supporter la tension qui le ronge. Il suffoque. Alors il se lève brusquement et descend d’un étage pour frapper à la porte de Patrizia.
Elle ouvre la porte, l’observe un instant, et lui sourit comme si elle s’attendait à le voir. Sans un mot, elle lui prend la main et l’attire à l’intérieur. Sa chambre, décorée comme un simulacre de pièce orientale, sent le jasmin et le vin.
Les vêtements tombent vite. Patrizia lui met un préservatif et se couche lascivement sur le lit pour l’inviter à la prendre. Martin la saisit par la taille, la rapproche de lui avec une force presque animale. Elle se laisse guider, ses mains se posant sur ses épaules. Il la pénètre sans préambule et, très vite, ils gémissent en chœur. Patrizia s’accroche plus fort à lui, ses jambes autour de sa taille, tandis qu’elle se cambre pour rencontrer chaque poussée. Ses cris de plaisir se mêlant aux bruits de leurs corps en pleine action. Martin, déterminé, accélère le rythme, ses mouvements deviennent plus sauvages. Finalement, son corps se crispe et il jouit intensément pour la première fois depuis longtemps.
Il reste collé contre Patrizia, haletant, ne sachant pas comment apprécier ce moment de proximité avec une femme qu’il ne connaît même pas. Puis il s’excuse.
Il ne sait pas comment qualifier son comportement, comment expliquer ce qui l’a poussé à agir ainsi. Babeth l’a peut-être changé malgré lui, et il ne supporte pas cette pensée. Mais Patrizia le regarde avec une douceur surprenante, puis lui répond d’une voix calme et rassurante.
Un besoin irrépressible d’affection le submerge après s’être laissé emporter de la sorte. Il a besoin d’un contact humain, d’une chaleur réconfortante, d’un geste de tendresse qui apaise sa douleur et sa solitude. Alors, il pose la tête sur la poitrine de Patrizia, enfouissant son visage dans la douceur de sa peau. Elle ne dit rien, se contentant de lui caresser doucement les cheveux. Et Martin se laisse aller, savourant cette étreinte furtive. Des larmes coulent, chaudes et amères, témoignant de sa souffrance et de son désespoir.
Finalement, Patrizia rompt le silence d’une voix douce, mais ferme.
Après de longues minutes, il relâche enfin son étreinte, le visage rouge et les yeux gonflés. Patrizia lui indique le chemin de la salle de bain pour lui permettre de se rafraîchir. Lorsqu’il ressort, plus calme et un peu détaché, il se rappelle la nature mercantile de leur échange, alors il lui demande combien il lui doit.
Pour la première fois depuis longtemps, Martin rit doucement, appréciant le moment de légèreté, cette parenthèse inattendue. Il glisse les billets dans la main de Patrizia, murmure un merci, puis remonte chez son fils.
Plus tard dans la soirée, allongé sur son lit, il fixe le plafond, les pensées en désordre, se demandant s’il n’est pas en train de vriller lui-même. L’ironie le frappe de plein fouet : il a trompé Babeth pour la première fois… alors même qu’il s’était refusé à elle un peu plus tôt. Un rire amer lui échappe. Comment en est-il arrivé là ? Il ferme les yeux, cherche le sommeil. Mais à peine l’obscurité l’engloutit-elle qu’un gémissement feutré s’élève, suivi d’un autre. En bas, Patrizia reprend son office. Martin soupire, amusé, fataliste. Décidément, elle a un emploi du temps bien chargé. Cette fois, pourtant, il n’y pense plus. Et pour la première fois depuis longtemps, il dort.
*****
Martin est chez son fils depuis plusieurs semaines, et malgré ses résolutions, il n’a pas pu résister à l’envie de revoir Patrizia. Ce soir, il se prépare même à sortir en sa compagnie. Il enfile une chemise propre, passe un coup de peigne dans ses cheveux et jette un dernier regard dans le miroir. Ça va mieux dans sa vie. Depuis le salon, Valentin l’observe avec curiosité.
Les yeux de Valentin s’élargissent, frappés par la surprise.
Valentin fait tourner son téléphone entre ses doigts avant de lâcher, presque détaché et sur un ton moqueur :
Martin hausse un sourcil, un sourire en coin effleurant ses lèvres avant de répondre, d’un ton léger :
Valentin croise les bras, sceptique, mais son père ne lui laisse pas le temps de répondre.
Un silence s’installe. Valentin finit par inspirer doucement avant de murmurer :
Martin baisse les yeux, passe une main dans ses cheveux, l’air songeur.
Valentin ne réagit pas immédiatement, puis hausse doucement les épaules.
Martin sort son téléphone de sa poche.
Martin acquiesce lentement.
Martin attrape son manteau et quitte l’appartement.
Au restaurant, lui et Patrizia rient et discutent avec légèreté. Il se laisse porter par l’instant, grâce à elle, à sa présence apaisante parfois, souvent pétillante. Après le repas, ils arpentent une rue piétonne animée, bercés par le murmure des conversations et les lumières tamisées des terrasses encore ouvertes.
Puis, la soirée prend une tournure inattendue.
Au loin, il aperçoit Babeth. Elle marche aux côtés d’un homme qu’il ne reconnaît pas. Leurs regards se croisent, et soudain, le tumulte de la ville s’efface. Seuls subsistent ce silence assourdissant et cette douleur lancinante, logée dans sa poitrine.
Babeth s’immobilise, visiblement troublée. Elle finit par s’approcher, la mâchoire crispée, hésitant une seconde avant de souffler :
Martin a un rire cynique. Après tout, qu’est-ce que ça peut lui faire à elle, alors qu’elle se tape d’autres types depuis quelque temps déjà.
Le visage de Babeth se ferme.
Martin soutient son regard, hésite, puis murmure :
Les yeux de Babeth s’embuent.
La colère prend Martin aux tripes et il la coupe sèchement.
Babeth blêmit. Elle cligne des yeux, déstabilisée par la brutalité de ses mots. Ses lèvres tremblent.
D’un geste mesuré, il retire son alliance et la glisse dans la paume tremblante de Babeth. Elle veut refermer la main, mais trop tard. L’alliance lui échappe des doigts et tombe sur le trottoir dans un petit bruit métallique.
Ils la regardent rouler jusqu’au bord du caniveau, mais aucun des deux ne réagit.
Elle le fixe, le regardant s’effacer dans la nuit.
Martin raccompagne Patrizia jusqu’à son étage. Devant la porte, il s’arrête, l’air absent :
Martin l’observe un instant, touché par sa bienveillance.
Elle rit doucement, puis lui dépose un baiser sur la joue avant de souffler, malicieuse :
De retour dans sa chambre, Martin s’affale sur le lit et rouvre son ordinateur. Le mail de son avocat est toujours là. Les mots se mélangent devant ses yeux, mais tant pis. Il inspire profondément, puis, d’un clic, il envoie sa réponse, acceptant cette version du contrat. Le divorce est acté dans son esprit. Il ferme son ordinateur, éteint son portable et se laisse tomber sur le lit et s’endort.
Martin est tiré de son sommeil par des coups insistants contre la porte de sa chambre. Une voix haletante, celle de Valentin, perce le silence nocturne.
L’esprit encore engourdi, Martin ouvre les yeux. Il sent son pouls s’accélérer brutalement sous l’effet de l’adrénaline. Il se redresse d’un bond, les pensées en désordre.