n° 23058 | Fiche technique | 8636 caractères | 8636 1460 Temps de lecture estimé : 6 mn |
14/05/25 |
Résumé: Société de consommation, quand tu nous tiens... | ||||
Critères: #société #nonérotique #fanfiction #coupdefoudre #rencontre #personnages | ||||
Auteur : Laetitia Envoi mini-message |
Projet de groupe : Une chanson, une histoire |
Chaque matin, Mickael se lève avec cette impression persistante de vide. Il ouvre les yeux avant même que son réveil ne sonne et fixe le plafond jauni de son petit appartement. Les jours passent, identiques, mécaniques.
Pourtant, Mickael a une idée fixe, trouver ce qu’il cherche. Mais il ne sait pas vraiment ce que c’est. Une impression, une sensation, une satisfaction qu’il n’a jamais connue.
Le goût amer d’un vide indescriptible hante ses journées et ses nuits.
Il enfile son costume froissé, avale son café tiède et réchauffé au micro-ondes et part travailler.
Il vit dans une ville bruyante et triste, où les publicités clignotantes à chaque coin de rue promettent bonheur et réussite. Ces messages tapageurs semblent lui hurler : « Achète ça ! Fais ceci et tu seras comblé… ». Il sait au fond de lui que ce ne sont que des mensonges. Ces slogans scandés tournent dans sa tête comme une ritournelle absurde.
«I can’t get no satisfaction…»
Sur le quai du tramway, une publicité géante vante les mérites d’un parfum de luxe. Un homme souriant y tient une femme parfaite dans ses bras, comme si une simple fragrance pouvait suffire à donner un sens à l’existence. Mickael détourne les yeux.
Dans la rame bondée, il glisse ses oreillettes et lance une radio au hasard, un vieux réflexe. Une voix commerciale, faussement enjouée, résonne :
Il soupire et éteint l’appareil. Il connaît par cœur ce genre de discours. Ces publicités insipides, ces corps parfaits, ces conseils de « coachs de vie » promettant des solutions miracle, tout cela sonne faux, creux, irréel. Les mots semblent sortir d’une machine dénuée d’âme. On lui promet sans cesse une satisfaction absolue, un bonheur prêt à consommer. Pourtant, il essaye, il essaye de trouver un sens à ce qu’il fait. Mais peu importe ses efforts, ses pensées reviennent toujours au même point, un sentiment de stagnation, de lassitude. Pire, plus il essaye, plus ce bonheur brille par son absence.
«I try, and I try, and I try, and I try…»
Mais la satisfaction lui échappe.
Arrivé à son bureau, Mickael s’assoit devant son ordinateur et commence à taper des rapports. Sa tâche consiste à analyser des données du marché, à compiler des statistiques que personne ne lira vraiment. Il voit défiler des chiffres, des courbes, des tendances, mais rien qui a un sens véritable.
Le téléphone sonne, il décroche machinalement.
C’est son supérieur, un homme jovial en apparence, mais dont la voix exhale un opportunisme calculé.
Mickael hoche la tête sans répondre. Cela fait des années qu’il participe à ce jeu, à ces illusions, à ce marché de dupes. Depuis longtemps, quelque chose se fissure.
«I try, and I try, and I try, and I try…»
Comme chaque soir après son travail, Mickael retrouve son tramway bondé, insensible aux conversations qui se perdent dans le brouhaha ambiant. Il vient juste d’éteindre son téléphone après une énième conversation stérile avec son ex-femme. En rentrant chez lui, il allume machinalement la télévision. Les images défilent, des publicités, des talk-shows superficiels, des discours préfabriqués. Tout semble si creux.
Il zappe sans conviction, puis tombe sur un reportage montrant des ouvriers dans une usine, interchangeables, usés par la cadence. L’image le frappe. Il se reconnaît en eux. Coincé dans une mécanique absurde, exécutant des tâches vides de sens, sans jamais ressentir la moindre satisfaction.
D’un geste brusque, il éteint l’écran. Il est las. Las de ces journées trop semblables, de ces soirées où rien ni personne ne l’attend chez lui à part son plat réchauffé et le silence de son appartement.
« Mais qu’est-ce que je cherche ? ».
Cette question le hante depuis des années, sans qu’il trouve la moindre réponse.
Il décide de ressortir et d’errer dans la ville. Il marche sans but précis, traversant des rues bruyantes, passant devant des vitrines qui annoncent que « tout doit disparaître », que « les premiers arrivés seront les premiers servis ». Il ignore ces affiches criardes promettant une vie meilleure.
Soudain, à un coin de rue, un son attire son attention. Au milieu du vacarme urbain, une mélodie vibrante s’élève, captant son attention comme un éclat de lumière dans la grisaille.
Une jeune fille, assise sur le trottoir, joue de la guitare. Ses doigts fins glissent sur les cordes comme s’ils racontaient une histoire intime et profonde. Sa voix est brute, loin des harmonies aseptisées, que l’on entend à la radio, légèrement éraillée. Elle chante avec une intensité sincère, comme si elle mettait son âme à nu devant les passants et portait toutes les émotions du monde.
Les gens continuent leur chemin sans s’arrêter, trop pressés ou indifférents. Mais, Mickael, lui s’immobilise. Il ferme les yeux et écoute.
La musique n’est pas parfaite, mais elle est vraie. C’est brut, c’est fragile, mais c’est réel. Cette jeune fille lui raconte quelque chose.
La chanteuse est jeune, peut-être 25 ans, vêtue d’un jean usé et d’un pull un peu grand pour elle, qui glisse négligemment sur son épaule. Ses cheveux blonds tombent en vagues souples, encadrant un visage à la beauté simple et sincère. Mais, ce qui le captive vraiment, ce sont ses yeux. Lorsqu’elle relève la tête en chantant, il voit leur éclat, un vert profond, presque hypnotique.
Le temps semble suspendu. Mickael reste un long moment sans bouger. Il ne sait pas exactement ce qu’il vient de ressentir. Mais il sait que c’est essentiel.
Autour d’eux, les gens continuent de passer, absorbés par leurs propres urgences. Mais pour Mickael, le monde vient de basculer. Il ne croyait plus aux coups de foudre. Il a toujours pensé que l’amour naît lentement, patiemment, au fil des rencontres et des confidences. Mais là, il le sent au plus profond de lui, comme un vertige, une évidence.
La dernière note s’évanouit dans l’air tiède du soir.
Un instant de silence flotte, avant que la réalité ne reprenne ses droits. Quelques passants déposent distraitement des pièces dans l’étui ouvert de la guitare, puis la foule continue de s’écouler comme un fleuve indifférent.
Mickael, lui, est figé. Il veut lui parler, lui dire quelque chose, n’importe quoi, juste pour prolonger cet instant. Alors, rassemblant son courage, il s’approche d’elle :
Elle lève la tête vers lui et un sourire éclaire son visage.
Le cœur de Mickael bat trop vite. Il veut lui demander son nom, lui dire qu’il vient de vivre le moment le plus intense qu’il a pu connaître depuis des années. Mais il reste muet, submergé par cette émotion soudaine.
Elle hausse légèrement les épaules en ramassant les quelques pièces qu’elle a récoltées.
Il hoche la tête, essayant de masquer l’agitation qui gronde en lui.
Elle le fixe un instant, comme si elle essayait de deviner s’il est sincère ou juste un de ces inconnus qui essayent de la draguer avant de disparaître dans la foule. Puis, avec un léger sourire, elle dit :
Et elle s’éloigne, disparaissant dans le flot des passants.
Mickael, lui, reste debout, le cœur battant, un sourire idiot accroché aux lèvres. Demain lui semble soudainement une promesse. Une note suspendue dans l’air, prête à éclater en mélodies.
Peut-être que la satisfaction, ce n’est pas ce que la société lui vend. Pas une satisfaction parfaite, lisse et conditionnée. Pas un bonheur acheté en trois fois sans frais, mais quelque chose d’authentique, de réel, même si cela implique des imperfections et des désaccords. Peut-être que ce n’est pas une finalité, mais plutôt une quête.
« Et si je cessais de chercher une satisfaction imposée pour trouver ma propre vérité ? »
Cette pensée lui fait esquisser un sourire, un vrai, pas un de façade. Le premier depuis longtemps.
Il reprend sa route d’un pas plus léger, le regard un peu différent.
Il n’a pas encore trouvé ce qu’il cherche, mais, pour la première fois, cela lui semble être une bonne chose.
« Et si la satisfaction était simplement de continuer à chercher ? »
Demain, il reviendra, et après-demain aussi…
Cause, I try and I try, and I try…
The Rolling Stones - (I Can’t Get No) Satisfaction
https://www.youtube.com/watch?v=nrIPxlFzDi0