n° 23070 | Fiche technique | 7142 caractères | 7142 1286 Temps de lecture estimé : 6 mn |
18/05/25 |
Résumé: Un petit air qui flotte dans la tête... et les mots suivent le rythme ! | ||||
Critères: #lesbienne f | ||||
Auteur : Jane Does Envoi mini-message |
Projet de groupe : Une chanson, une histoire |
Je n’ai d’yeux que pour ses deux mains. Celle sur la table, posée au bord de la soucoupe et la seconde qui tourne la cuillère dans le liquide noir. Ça sent le café, l’eau de parfum aussi. Comment définir la fragrance qui flotte dans l’air, prolongement de la peau visible de ce décolleté qu’arbore Barbara ? Un zeste épicé, un délicat fumet de rose et de jasmin. Puis mon regard quitte son cou et la naissance de deux seins que j’imagine doux comme du velours. Sur son visage ouvert et rieur, joues subtilement maquillées, encadrées par une chevelure brune qui tombe sur ses épaules, ressort un coquelicot brillant. Une corolle traversée de temps à autre par un point rosacé qui court sur deux rangées nacrées parfaitement alignées.
Bouche divine que rehaussent encore deux billes rondes et d’un ton vert émeraude, et qui me déverse un flot de paroles dont je ne capte que si peu de choses. Un léger accent, et cette menotte qui vient dans un geste simple, si naturel, se placer sur la mienne. Est-ce que je l’attends depuis longtemps ? Peut-être. Un rapide coup d’œil à droite et à gauche, mouvement que je juge discret, pas suffisamment cependant pour qu’il ne fasse pas sourire Barbara. Et du coup, elle éloigne sa menotte de la mienne.
La fleur de sang tremble au milieu de ce visage qui me fait face. Un voile sur les prunelles, léger brouillard qui me glace jusqu’aux os. C’est si facile pour elle. Elle est libre, sans attaches familiales, bien loin des préoccupations qui sont les miennes. Et mon foutu cœur bat à cent à l’heure, prêt à déraper, à rater un virage. Je glisse mes doigts pour raccrocher ceux qui griffent la nappe blanche d’une rage contenue. Cette fois, elle ne refuse pas la visiteuse que je lui offre. Et c’est une onde de chaleur qui m’envahit, qui dégouline en moi, par tous les pores de mon épiderme. Mes propres lippes esquissent des mots d’amour qui ne franchissent pas le stade du murmure.
La langue en face humecte les babines vermeilles et un soupir arrête le reproche prêt à fuser de la gorge de Barbara.
De nouveau, la colombe quitte ma main, me retirant ce soleil qui me réchauffe et la tasse se vide alors que les bijoux dans leurs orbites me flattent de leur fièvre. Est-ce que dans les miens aussi, de quinquets, se lit une même ferveur ? Le bruit mat de la porcelaine qui retrouve son socle, tintement cristallin qui me résonne dans le crâne, ô combien je me sens riche en cet instant de la couverture de ce regard qui me dénude. Qui de nous deux se relève la première ? Sur la table, deux tasses vides et la monnaie pour régler nos boissons, seules traces de notre passage, avec les empreintes de nos lèvres, sur les rebords de nos timbales. Le serveur, d’un hochement du menton, nous salue et la rue nous happe avec son anonymat précaire.
Lui sait, a sûrement senti ce courant si violent que nos corps dégagent. Eux ne peuvent pas mentir, pas taire non plus ce qui fait de nous deux amantes. La traversée de l’avenue, puis une ruelle transversale et, enfin, le nid qui garde tous nos secrets. Son alcôve, dépositaire de tant d’ébats indescriptibles… la porte se referme sans grincer sur nous. Un pas dans le hall d’entrée que déjà deux bras me ceinturent la taille, et qu’un baiser d’une douceur insoupçonnée nous réunit. Enlacées, nous dansons un de ces slows amoureux qui nous rapproche d’un lit qui nous a si souvent vues sans fard. Et l’effeuillage se déroule tout en grâce et sans heurts. L’union de nos deux corps qui s’offrent sans fausse pudeur, qui nous embrase et fait gémir le sommier, renouvelle toutes nos promesses.
Barbara est belle dans sa nudité la plus totale et j’en apprécie tout le grain de sa peau, j’en compte et recompte tous ceux plus sombres, dits de beauté. Les paumes rejouent tous les serments du jeu entre adultes qui nous pousse l’une vers l’autre. Les mots sont-ils si utiles pour se raconter mille histoires que nos ventres inventent ? Quelle place ont des paroles insipides que nos bouches avides interdisent dans de langoureux baisers de braise ? Chacune à tour de rôle explorant le tréfonds de l’autre, osant dans cette intimité curieuse créer un monde, et savourer l’étrange bonheur de nous sentir aimées follement. Il nous faut jouer d’astuce, d’ingéniosité également pour oublier pour un temps que l’attribut mâle qui sied si bien aux autres dames nous fait défaut.
Mille ruses sont donc accomplies pour déjouer cette nature impudente qui nous a forgées différentes de nos consœurs, mais l’amour doit-il s’arrêter à de si simples détails physiques ? Barbara et ses astuces finissent toujours par me ravir et combler ce manque, dans des duels dont je tairai jusqu’aux noms des artifices qui nous viennent en aide. Et nous nous moquons de tous ceux à qui ça pourrait déplaire. Des heures durant, jusqu’à l’épuisement, nous nous embrassons, et cajolons nos corps qui n’ont que faire d’une morale désuète. Instants fragiles, instants magiques où deux amantes se vautrent dans une débauche d’amour, sans souci du « qu’en-dira-t-on ». Puis un long temps de repos.
Barbara, dont je caresse le visage, me fixe de ces deux pierres précieuses et je peux lire toute la tendresse de la terre dans un seul de ses regards. Elle attend sans doute que j’ose plus, que je sorte de ma réserve et… que je me collette à la vérité. Cet amour ne peut en aucun cas demeurer secret… Qui aura l’audace de nous refuser ce à quoi nous avons droit ? Et nous refaisons le monde en imaginant, toutes deux, la meilleure manière de m’en ouvrir à ceux qui vont être les plus concernés… Là, sur des draps froissés, sur une couche tiède encore de nos amours à peine achevées, nous échafaudons des lignes que je veux apprendre par cœur.
Oui… demain, puisque c’est le jour du repas dominical… demain, face au clan familial, à la sortie de l’office et de l’église, je ferai face à mes juges… mais…
« Qui arrête les colombes en plein vol
À deux, au ras du sol
Une femme avec une femme »
Mecano - Une femme avec une femme
https://www.youtube.com/watch?v=nG1fWSxSqBI