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Temps de lecture estimé : 5 mn
20/05/25
Résumé:  Les ailes de la Rolls effleuraient des pylônes quand, m’étant malgré moi égaré, nous arrivâmes ma Rolls et moi dans une zone dangereuse, un endroit isolé.
Critères:  #nonérotique #fanfiction
Auteur : Laetitia            Envoi mini-message

Projet de groupe : Une chanson, une histoire
Mélodie du crépuscule

Un récit autour de la fabuleuse chanson de Serge Gainsbourg, « Melody » sur l’album « Histoire de Melody Nelson ».

J’ai tenté de coller au style d’écriture du grand Serge Gainsbourg (tenté seulement) et de travailler sur l’atmosphère de la chanson. Un petit conseil, écoutez Melody avant de commencer la lecture, pour bien vous en imprégner. Un lien pour vous y conduire se trouve à la fin du texte.

Laissez-vous bercer par la ligne de basse, la guitare, le son de batterie précis et le groove imparable de ce morceau.

La musique à elle seule raconte une histoire. Si on rajoute les paroles envoûtantes, chaque mot est la bonne place et claque… alors là… on touche au chef-d’œuvre.





À l’heure où les réverbères allument timidement leur lueur jaunâtre et hésitent encore à trouer l’obscurité naissante, Londres s’effaçait sous un voile de brume. La ville semblait retenir son dernier souffle, bercée par le murmure lointain de la Tamise et le cliquetis discret des enseignes lumineuses.

Le Fog était telle une épaisse couverture grise, qui avalait les contours des bâtiments et étouffait les bruits de la cité.

L’air sentait l’humidité, un mélange de pluie fine, de pierre froide et de fumée de cheminée qui s’accrochait aux vêtements.


Loin du tumulte des quartiers animés, ces rues désertes semblaient hors du temps, comme figées dans une photographie jaunie.


Les halos tremblotants des pâles lumières des lampadaires, insuffisantes pour percer complètement l’obscurité, formaient des îlots de clarté, séparés par des pans d’ombre inquiétants. Parfois, une enseigne clignotait encore au-dessus d’un bar fermé, projetant sur le trottoir un reflet vacillant, un battement lumineux semblable à une respiration mourante.

Les pavés, luisants de pluie, réverbéraient ces lueurs sporadiques. Quelques détritus oubliés traînaient dans les caniveaux, ballottés par les courants d’air. Une bouteille roula doucement sur le trottoir, son écho se perdant dans le néant.


C’était une heure incertaine, entre la fin de la nuit et le début de quelque chose d’indéfini. Le monde semblait suspendu et attendre.


Au milieu de ce décor spectral, Melody avançait.


Elle ne marchait pas, elle glissait d’un mouvement fluide, presque irréel, comme si elle dansait au rythme d’une mélodie secrète. Elle semblait insaisissable, un mirage voguant entre l’ombre et la lumière, une silhouette fine et gracieuse. Les talons de ses bottes montantes blanches effleuraient à peine le sol, comme si elle flottait au-dessus du bitume humide. Elle portait une jupe courte en cuir blanc, comme ses bottes, et une tunique aux motifs psychédéliques, d’une matière fine, qui épousait ses gestes avec grâce et qui battait doucement au rythme de sa démarche. Son corps élancé et souple semblait sculpté pour le mouvement, une créature née pour la nuit et ses mystères.


Mais ce qui captivait encore davantage, c’étaient ses cheveux. Une cascade de cuivre et de feu, roux, presque rouges, qui s’échappaient en vagues désordonnées, comme une crinière indomptable. Chaque mèche captait la lumière des réverbères et s’embrasait d’une teinte incandescente sous les rares phares des voitures.

Ils encadraient un visage aux traits délicats, d’une beauté à la fois douce et tranchante.

Ses yeux, sombres sous une frange légère qui effleuraient ses sourcils, semblaient voir au-delà du visible. Profonds, insondables, teintés d’un éclat énigmatique, comme si elle portait en elle le secret de toutes les légendes de la ville. Ses lèvres, pleines et légèrement entrouvertes, portaient une moue indéfinissable, entre l’ennui et la promesse d’un sourire.



oooOOooo



Princesse des ténèbres, archange maudit

Amazone modern style que le sculpteur, en anglais

Surnomma « Spirit of Ecstasy »



oooOOooo



Mais Melody n’était pas seule.


Derrière elle, il y avait l’ombre.


Une silhouette sombre, col relevé, marchait à distance. Pas assez près pour être menaçante, mais trop présente pour être ignorée.

Il ne disait rien. Il se contentait de la suivre.


Et Melody savait.


Depuis combien de temps la suivait-il ? Elle n’aurait su le dire. Ce n’était pas la première fois. Une présence discrète, distante, mais toujours là, en retrait. Une silhouette d’homme, engoncé dans un imperméable sombre, le col relevé, un chapeau vissé sur le crâne. Il ne parlait pas. Il ne tentait jamais de la rattraper. Il se contentait de suivre ses pas, de l’observer.


Était-il un admirateur silencieux ? Un inconnu fasciné par sa beauté, incapable d’oser un geste ? Ou bien était-ce autre chose ? Un fou dangereux ?


Elle accéléra légèrement. L’homme fit de même.


Un grondement de moteur brisa le silence. Au bout de la ruelle dans laquelle elle venait de s’engager, une Rolls-Royce sombre avançait doucement. Son capot luisait sous la lumière blafarde des réverbères. Et son moteur ronronnait. Une voiture élégante, intemporelle, comme un vestige d’une autre époque.



oooOOooo



>Les ailes de la Rolls effleuraient des pylônes

Quand m’étant malgré moi égaré

Nous arrivâmes ma Rolls et moi dans une zone

Dangereuse

Un endroit isolé

Là-bas, sur le capot de cette Silver Ghost de 1910

S’avance en éclaireur

La Vénus d’argent du radiateur

Dont les voiles légers volent aux avant-postes



oooOOooo



Melody continua d’avancer au bord du trottoir.


La Rolls fit une embardée sur le côté, afin d’éviter un chat errant qui traversa la rue ventre à terre. Melody trébucha et se retrouva debout dans le caniveau.


La Rolls s’arrêta près d’elle.


La portière du conducteur, à l’avant droit, s’ouvrit dans un claquement feutré. Un homme descendit. Il portait un costume sombre à fines rayures. Il fumait, apparemment, ces cigarettes françaises sans filtre. Son visage était à demi dissimulé par l’ombre. Il avait les cheveux poivre et sel.



L’homme eut un sourire.



Aucune hésitation.


Melody posa une main légère sur la portière passager et s’engouffra dans la voiture avec la fluidité d’un chat. La portière se referma aussitôt, sans précipitation. Un dernier coup d’accélérateur et la Rolls disparut au coin de la rue.



L’homme en imperméable resta figé sur place. Il ferma les yeux, poussa un soupir, et d’un geste las, il sortit un carnet usé de sa poche. Il le feuilleta rapidement, cherchant une page libre parmi les notes griffonnées.


Il voulait rajouter, « Melody s’évanouit dans la nuit comme un air qu’on oublie. Et moi, pauvre auteur, je ne fais que l’écrire ».


Et là, il sentit quelque chose d’étrange. Toutes les pages étaient blanches. Pas un mot, pas une trace d’écriture.

Son souffle se suspendit, son cœur accéléra.

Il tourna les pages plus vite, cherchant désespérément la moindre inscription.


Rien…


Son carnet, qui contenait des mois d’observations, de pensées, d’instants volés, était désormais vierge.


Il leva les yeux vers le coin de rue où Melody avait disparu.

Une sensation étrange le traversa, comme un frisson glacé le long de l’échine.


Et si Melody n’avait jamais existé ?


Il tenta de se souvenir d’un moment précis où il lui avait parlé.

D’un son de sa voix.

D’un contact, un simple frôlement.

Mais rien ne lui venait.


Seuls restaient ces images floues d’une chevelure rousse s’évanouissant sous les néons, une silhouette qui disparaissant toujours au fond d’une ruelle, une voiture qui l’attendait inlassablement.


Il regarda ses mains, comme pour se raccrocher à quelque chose de réel. Puis, lentement, il rangea son carnet vide et s’éloigna dans la nuit.



Il remit son stylo dans sa poche, tourna les talons et s’enfonça dans la nuit. Cette fois encore, ce n’était pas son histoire.


Et ce n’était pas seulement une histoire qu’il n’avait pas vécue, c’était peut-être une histoire qui n’avait jamais existé.




oooOOooo




Melody Nelson a les cheveux rouges

Et c’est leur couleur naturelle





Serge Gainsbourg - Melody


https://www.youtube.com/watch?v=I3WeNexb2a8