Une Histoire sur http://revebebe.free.fr/
n° 23118Fiche technique10289 caractères10289
1848
Temps de lecture estimé : 8 mn
03/06/25
Présentation:  Quand j’étais ado, personne ne voulait me chanter ces chansons-là.
Résumé:  Dudule n’aime plus les murs.
Critères:  #humour
Auteur : Pattie  ((Grivoise))            Envoi mini-message

Projet de groupe : Une chanson, une histoire
Dudule le vagabond

Spéciale dédicace à mon petit frère, rugbyman amateur, qui avait refusé de m’apprendre quelques chansons paillardes. En guise de vengeance, je ne lui donnerai pas le lien vers ce texte. Spéciale dédicace aussi au cousin un peu éméché qui a bien voulu m’en chanter quelques-unes à un mariage. Je ne lui donnerai pas non plus le lien, parce que je ne suis pas éméchée !



J’aime bien août. La ville est quasiment déserte, les gens sont plus gais, on croirait presque qu’ils vont sautiller, tellement le soleil les détend. La journée, les rues ne sont longées que par quelques passants, les autres sont en vacances. Et la nuit, il n’y a quasiment personne dehors, car il y a nous.


Nous, les vagabonds. J’aime bien ce terme vagabond. Il me paraît plus élégant que sans domicile fixe. Ou pire essedéhèfe. Avouez quand même que vagabond, ça a de la gueule ! Ça vous pose un pauvre d’entrée de jeu. « Traîne-savate », j’aime beaucoup aussi, mais il faut vivre avec son temps.


Voilà. Les présentations sont faites. Non, suis-je balot ! Elles ne seront faites que quand je vous aurai donné mon nom. Je me présente donc : Dudule, vagabond aoûtophile.

Bien sûr, Dudule n’est pas mon vrai nom. Il m’a été décoché en pleine action par un damoiseau un peu ivre sur lequel je m’activais – c’était un soir de décembre, il faisait froid dans la rue, ça donnait chaud de faire l’amour… de la survie, quoi ! En pleine action, donc, voilà-t-y pas que le godelureau, dont les beaux yeux noisette m’avaient troublé, se met à rire et à chanter :


C’est la grosse bite à Dudule,

J’ la prends, j’ la suce, elle m’encule,

Ah ! que c’est bon que c’est chaud, que c’est rond

Quand il m’ la cal’ dans l’oignon

C’est pas un’ bite ordinaire

Quand il m’ la fout dans le derrière,

De foutre et de merde elle est toute remplie

Des couilles jusqu’au nombril,

À Dudu-ule


Ah non, mais j’vous jure ! Évidemment, le nid d’amour un peu à l’écart que nous nous étions trouvé fut vite entouré par toute la bande de pouilleux, écroulés de rire, qui reprenaient en chœur. Depuis cet intermède interrompu, on m’appelle donc Dudule.


~~~oooOOOooo~~~


Je suis vagabond par choix. Tout a commencé à Bali. J’étais couché, j’attendais patiemment que l’amour de ma vie soit remonté de la réception où il devait commander notre petit-déjeuner pour 14 heures du matin. Certains palaces n’ont pas d’heure limite, on vous sert des œufs au bacon et du jus d’orange à n’importe quelle heure, et ça arrange bien les jeunes mariés infatigables ! À cette époque-là, nous étions en quelque sorte de jeunes mariés infatigables. Le mariage entre hommes, même amoureux au point d’aller en informer les autorités, était interdit. Qu’à cela ne tienne, nous étions amoureux quand même ! Et infatigables.


Soudain, alors que je commençais à me caresser doucement (toujours ça de fait pour quand mon amant reviendrait), il me vint à l’esprit que je n’avais pas retourné le panneau Do not disturb. Aussitôt, je me lève. Je vais jusqu’à la porte, je l’ouvre. Elle se rabat assez violemment sur moi, et là, je découvre mon amour, falzar sur les guibolles, une demoiselle suspendue à son sexe par la bouche, comme une grosse morue qu’il aurait pêchée. N’ayant plus la résistance de la porte pour s’adosser, le voilà qui tombe dans mes bras – en hurlant, parce que la demoiselle Morue, déséquilibrée, n’avait pu se rattraper que par les dents. À sa bite, oui, comme quoi il y a un dieu pour les cocus !


Du coup je suis parti. En courant, même. J’ai longé le couloir, j’ai pris l’escalier, je suis passé devant la réception, et je suis entré dans la porte à tourniquet. C’est là que le groom m’a rattrapé, en me disant que je ne pouvais pas sortir comme ça.

Comment comme ça ? Ben… Nu.

Ah merde.

Hors de question de retourner dans la chambre chercher mes vêtements. Plutôt mourir. Ou assommer le groom et m’enfuir avec son uniforme.


~~~oooOOOooo~~~


De toute façon, Jean-Loup ne m’avait jamais apporté que des ennuis. Dès la première fois que je l’ai vu, j’ai senti qu’il allait m’apporter des ennuis. C’était un beau matin de juin.

On sonne. J’ouvre. Je le vois. Un immense éclair est tombé du ciel et m’a foudroyé. Tout est devenu gris, puis bleu, puis à nouveau gris, et puis trop blanc, et puis je n’ai plus vu que ses yeux verts. Je n’étais plus rien d’autre que ses prunelles dans lesquelles je me noyais.

Quand il a souri, les anges sont descendus du ciel et ont joué « Les Feux de l’amour » version jazz. Je vous jure même qu’un rayon de soleil s’est accroché à son sourire et ne voulait plus s’en défaire. Il ne manquait plus que la rose entre les dents. Il en avait tout un bouquet à la main, mais ça aurait été plus classe une seule, entre les dents.


J’ai ouvert tout grand la porte, le happant par l’épaule pour le faire entrer, surtout qu’il ne s’envole pas.

C’est quand j’ai voulu refermer la porte que les ennuis ont commencé. Ma fille l’a bloquée en rigolant et en disant, toute guillerette :



Et elle a ajouté à l’intention du dieu réincarné qui se tenait là :



Elle avait dit quoi, là ? Les mots se déformaient entre mes oreilles. Mona Moore… C’est qui, Mona Moore ? Un nom de scène ? Maunaamouuuuuuuuuur… Monamour… Mon amour ? SON amour ? Non…


~~~oooOOOooo~~~


Eh ben si. C’est ma veine ça. Je découvre que je préfère les garçons le jour même de mes fiançailles, en explorant les buissons du château beau-parental avec le cousin de ma promise, un curé aux beaux yeux noirs. C’est même lui qui nous a mariés, un an plus tard. Il avait dans le cou, sous la toge – enfin, le truc qu’ils portent dans ces cas-là – le suçon que je lui avais fait lors de la confession prénuptiale.


Je me décide à causer divorce et pension alimentaire cinq ans plus tard, pile le soir où ma femme m’annonce qu’elle est enceinte. (Oui, je préfère les garçons, mais elle était quand même gironde, ma duchesse.) Bon, j’ai pas regretté. La gamine, c’est ma vie. (Enfin, c’était ma vie. Parce que le coup de Jean-Loup, elle l’a mal digéré.)


Finalement, je décide de rester, parce que la petite, je ne peux pas m’en passer. Et cinq minutes après que j’ai brûlé mon carnet de numéros de téléphone patiemment glanés lors des « voyages d’affaires » qui m’avaient permis de faire le tour des boîtes gays du pays, voici que ma femme m’annonce qu’elle me quitte pour aller vivre une folle passion sur les crêtes de la cordillère des Andes avec la boulangère. Coup de bol, elle m’a laissé la gamine. Pas d’chance, le carnet était irrémédiablement cramé, sans espoir de résurrection.


~~~oooOOOooo~~~


Bref, ce n’est pas très étonnant qu’au moment où je rencontre Apollon, spécialement descendu de sa charrette pour m’en mettre plein les mirettes, je découvre que c’est mon futur gendre. Oui, parce que la gamine, elle fait pas les choses à moitié. Comme quand elle a repris les affaires de feu mon père, duc vigneron, que je dilapidais tranquillement. Du jour au lendemain, Château-Dudule est devenu LE vin à servir dans les repas huppés, alors paf : riches. Là, elle avait rencontré l’Homme de sa Vie.



Et vlan, je me suis pris encore un coup de ses yeux verts.


On a pris l’apéro, genre il ne se passe rien de bizarre, ma fille s’agitait, cherchait un vase, le remplissait d’eau, disposait les roses de son fiancé, et parlait, parlait, parlait. Les yeux verts se taisaient. Je regardais ma fille, intensément, comme si ça pouvait faire disparaître Mona Moore incrusté dans mon canapé. Son téléphone a sonné, c’était sa mère qui rappelait, parce que quand ta fille t’annonce sur ton répondeur qu’elle se marie, ben tu rappelles, pas le choix.

Ma fille est allée sur la terrasse pour répondre. Mona Moore toujours assis sur le canapé.


On n’a pas eu beaucoup de temps. Il a posé sa main sur ma cuisse, en penchant la tête pour me trucider de ses yeux verts, et puis j’ai un blanc. Je sais juste que ma fille pleurait, qu’elle est partie en claquant la porte, j’ai essayé de la suivre, mais je me suis cassé la gueule à cause de mon caleçon. On fait mieux, comme présentation fiancé / beau-papa.

Mona Moore est resté. Quelque chose me dit qu’il n’était pas vraiment amoureux de ma fille.


~~~oooOOOooo~~~


Enfin, bref, Bali. L’hôtel. L’enfoiré aux yeux verts avec sa bite mordue. Le groom qui ne trouve pas convenable que je parte en courant tout nu.


Là, j’ai re-rencontré Huguette, alias la demoiselle Morue. Elle était dame de ménage dans l’hôtel, mais elle ne comptait pas faire ça toute sa vie, elle comptait bien revenir en France, dans sa ville natale de Camaret, et voir venir. C’est moi qu’elle a vu venir, tout nu et pas dans mon assiette. Elle m’a recueilli, habillé, nourri, déshabillé, essayé de me chevaucher, mais j’étais trop triste, et il y avait trop de murs autour de moi.


Je suis parti dans la nuit, au hasard des rues. Les flics m’ont rattrapé au petit matin, sur la plage, seul sur le sable, les yeux dans l’eau. Il paraît que les notes d’hôtel, ça se paye, et il paraît que les yeux verts avaient fait leurs valises, et embarqué la mienne, tant qu’ils y étaient. La prison de Bali était nettement moins bien que l’hôtel. Ma fille ne voulait plus me parler, ma femme estimait que c’était bien fait pour moi. J’ai été extradé et j’ai fini de purger ma peine en France.


~~~oooOOOooo~~~


À la sortie, ma fille était là, au téléphone, garée à droite. Les larmes me sont montées aux yeux. J’ai eu une avance rapide dans ma caboche. Ma fille chérie me pardonnant, parce que c’est comme ça que je l’avais élevée : gentille. Moi, lui exprimant mes regrets éternels d’avoir saccagé ses espoirs d’épouser un bel arnaqueur infidèle. Nous deux, tombant dans les bras l’un de l’autre, réconciliés et prêts pour le premier jour du reste de notre vie.


Sauf que je ne suis pas comme ça. Je ne veux plus de murs et j’ai arrêté les regrets, c’est mauvais pour la digestion. Je veux être un vagabond de la vie, me laisser entraîner, de quidam en quidam. Et ça, ma fille, elle ne pourra pas.


Alors je suis parti de l’autre côté. Je me suis dit : un autre jour. Quand je serai prêt. Vieux, peut-être.




La grosse bite à Dudule


https://www.youtube.com/watch?v=EdQW0w08pOM