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Temps de lecture estimé : 28 mn
08/07/25
Résumé:  Souvenirs et fantômes se mêlent pour un final plein d’espoirs.
Critères:  #psychologie #drame #bisexuel fh ff
Auteur : Jane Does      Envoi mini-message

Série : Conjugaison !

Chapitre 02 / 02
Délivrance

Résumé de l’épisode précédent :

Épisode I

Face à face !

La pluie sur les carreaux, et puis… les jours heureux qui s’évanouissent…




Passable ! Sans plus vraiment, ce qui résulte de mon long séjour devant la glace de ma salle de bain. Pas de miracle, je reste terne et ce n’est pas le trait de rouge sur mes lippes qui va changer quoi que ce soit. Aucune lamentation, mon cœur et mes yeux sont secs de trop de chagrin. De plus, ce que je veux appeler sourire n’est qu’une horrible grimace. L’épouse va devoir se contenter de cela, mais ça me rend hargneuse quelque part. Comment fait-elle pour avoir aussi bien récupéré ? Sa famille ? Ceux qui la côtoient quotidiennement y sont peut-être pour beaucoup. Je n’ai de mon côté que ma peine à opposer au vide sidéral laissé par la disparition brutale de celui qui hante mes pensées. C’est donc sobrement vêtue… encore que je n’ose pas le noir de peur de sentir la désapprobation de Sylvie.


Est-il vraiment réservé aux seules veuves légitimes ? En tout cas, devant elle, je ne paraîtrai pas dans cette couleur. Pas non plus des tons trop voyants ou flashy. J’opte donc pour un bleu marine qui sied mieux à ma position délicate de maîtresse. La route en suivant les indications de mon GPS me demande un nombre d’efforts substantiels. Je conduis ma voiture sans trop me soucier des usagers qui circulent également sur mon itinéraire, de nombreux coups de klaxon me font sursauter. Pas fâchée de voir enfin le toit de la maison de Michel. Vieux réflexe aussi de dire « Michel », puisque par la force des choses… il en est absent. Elle m’attend ? J’en suis certaine, quand à peine ai-je posé un pied au sol que la porte d’entrée s’ouvre.


Mes jambes ont du mal de me porter pour aller de la cour au perron sur lequel elle est figée, attentive à mon arrivée. J’aurais pu, j’aurais dû lui apporter des fleurs ? Elle se contentera de la bouteille de « Bordeaux rouge » que j’ai récupérée dans mon cellier. Bon sang. Un sourire triste éclaire son visage, et j’ai un mal de chien à lui en offrir un mille fois plus moche. À mon approche, elle s’écrie.



Benoîtement, je lui tends la main, celle qui porte la bouteille. Elle l’attrape délicatement.



Puis elle jette un coup d’œil sur l’étiquette.



Je me tais et j’entre dans ce qui fut le nid des amours de ce couple amoureux. Et j’ai la curieuse sensation qu’ici, ça ressemble bougrement à mon intérieur. Bien sûr, le mobilier est différent, mais il y règne une atmosphère assez semblable à ce qu’il trouvait chez moi. Un calme, un lieu reposant et une femme patiente. C’est vrai que cette Sylvie et moi avons également quelques points communs. Elle est brune, d’une taille sensiblement égale à la mienne, et sa façon de se déplacer, c’est à s’y méprendre. Réflexion toute personnelle alors qu’elle évolue sous mes yeux dans sa cuisine.



Nous trinquons et nous devisons gentiment. Elle me parle, j’écoute et réponds par quelques mots brefs par politesse. Puis nous passons à table. Un vrai dîner, concocté avec goût. Et c’est ensemble que nous sursautons à un bruit qui nous surprend. La sonnette de l’entrée ? Sylvie s’essuie les lèvres, pose sa serviette, et en me regardant d’un air interrogateur quitte son siège.



En deux ou trois enjambées, elle disparaît dans le corridor qui mène à la porte d’entrée. Des voix me parviennent. La sienne bien sûr et une seconde qui me semble masculine, plus jeune également. Et puis dans l’encadrement de la porte, la frimousse d’un jeune homme. Il me jette un coup d’œil intrigué, paraissant perplexe. Mon hôtesse le suit de près et elle me présente au garçon.



Les yeux de Sylvie croisent mon regard. Que répondre à ce jeune homme ? Et j’opte pour la vérité, aussi crue soit-elle. Après tout, pourquoi renier ce qui a fait mon bonheur ?



Il semble vaciller sur ses bases, puis sa tante tire une chaise sur laquelle il prend place. Sa bouille est comme figée par ma réponse et c’est sur le visage de Sylvie qu’il tente de percer le mystère de mes paroles. C’est donc d’un air tout naturellement détaché qu’elle aussi répond.



Il lève son verre, en contemple la robe rubis et humecte le bout de ses lèvres. Au bout de quelques secondes, il claque de la langue… puis s’écrie joyeusement…



Et nous achevons notre dînette non plus en tête à tête, mais bien à trois avec ce neveu tombé comme un cheveu sur la soupe. Il met un peu de couleur autour de la table et manie le verbe de superbe manière. Il a quelque chose de fougueux et d’empressé dans ses attitudes. Une énergie très communicative qui déteint fort heureusement sur les deux veuves que nous sommes. Une fin de repas qui nous redonne un semblant de sourire et de vie sociale. La bavette débutée à table se poursuit désormais au salon et je sens peser sur moi le regard de ce jeune loup qui visiblement louche trop sur ma poitrine. Et par instant sur celle de sa tante, ce qui me semble pour le moins surprenant.


Sylvie n’y prête aucune attention. Le perçoit-elle seulement ? Moi qui ne suis pas coutumière de ces situations, je sens d’emblée que ce neveu bave devant nous et ça me dérange plutôt. Quand je dis, nous, c’est bien sûr ce que nous représentons, c’est-à-dire : des femmes. Un peu tordu le gaillard à mon avis, bien qu’il soit le plus discret possible. Liam et sa tante sont assis sur le canapé et j’occupe un fauteuil et il n’a plus maintenant que moi en ligne de mire. Je tire sur le bas de ma jupe, histoire de ne pas trop montrer de mes cuisses. Et ce faisant peut-être que j’aimante plus encore les regards du jeune homme.



Il se lève et c’est bizarre, mais je jurerais que Sylvie a un soupir d’aise. Je n’ose pas lui demander ce qui lui arrive. Elle paraît soulagée de savoir que je vais ramener ce jeune. Est-ce parce qu’elle a peur de rester seule en sa compagnie ? Ou craint-elle qu’il ne lui arrive quelque chose sur la route ? La nuit, les piétons sont plus vulnérables, il est vrai. Pourquoi est-ce que je n’arrive pas à m’ôter de la caboche que c’est plutôt la version « trouille d’être en tête à tête » avec ce gars qui la chagrine ? Je suis donc du coup sur la défensive moi aussi. Et je sirote par petites gorgées une camomille brûlante. Voilà. Les tasses vides retrouvent leurs soucoupes, il est temps de prendre congé. Remerciements polis, et c’est elle qui fait un pas vers moi, pour une embrassade inattendue.


Elle est plus réservée avec Liam, et je juge que sa manière de le garder éloigné de son corps pour un bisou a quelque chose de peu normal. Difficile de me faire une idée précise des relations entre ces deux-là. En tout cas sûrement pas très saines, si j’en crois ce que je ressens. Elle nous accompagne jusque la porte et me serre de nouveau dans ses bras. Là, elle me chuchote quelques mots.



Le garçon entend, mais ne réagit pas. Sylvie me serre la main, trop pour que ce soit honnête ? Ouais, j’ai la curieuse impression que je vois le mal partout… ce soir. Et je traverse la cour pour rejoindre mon véhicule, suivie par Liam qui reste à bonne distance. Là encore, j’imagine qu’il me mate les fesses, qu’il a fait exprès d’être décroché d’un mètre pour me regarder marcher. Mes hanches ondulent, comment faire autrement avec des talons, pour ne pas chalouper un peu la démarche ? J’ouvre ma porte et il fait de même côté passager. La lumière qui illumine l’habitacle une fraction de seconde lui suffit-elle pour fixer ses quinquets sur mes cuisses ?


Je dois rabattre le bas de mon vêtement pour échapper à ses billes qui ne lâchent plus mes genoux. C’en est très déplaisant, mais quoi faire ou dire ? Nous quittons donc la maison de sa tante pour quelques minutes de promiscuité qui me paraissent une éternité. D’une voix traînante, gouailleuse même, dès les premiers hectomètres, il ironise déjà.



Aucune pause pour attendre ma réponse, il insiste.



Je freine brutalement. Il est secoué sur son siège et s’accroche au tableau de bord.



Je viens d’ouvrir la portière et ma ceinture à peine débouclée, je quitte la voiture, les clés à la main. Il sort également en rigolant.



Il fait un geste de ses doigts semblant signifier qu’il va être bouche cousue. Alors, je reviens et nous repartons. Il tient parole et ne bronche plus jusqu’à ce que je le largue aux abords d’un immeuble où il me désigne deux fenêtres.



Il éclate de rire et je m’empresse d’accélérer pour m’éloigner le plus vite possible de ce petit « trou du cul » qui se permet bien des choses. Il m’a mise mal à l’aise et je repense à ses regards vicieux tout au long du dîner, mais aussi dans le salon. Je comprends le soulagement de Sylvie de voir que j’écartais de son domicile ce crétin infect. Et… je me jure bien de ne plus jamais le revoir. Une fois chez moi, je me glisse dans ma salle de bain, y fais mes ablutions et vais me coucher dans des draps frais. De longues minutes, j’analyse la situation et surtout cette fin de soirée merdique. Comment Michel, un homme si gentil pouvait-il avoir un neveu sans aucun savoir-vivre, sans tact et encore moins de morale ?



— xXx —



Un réveil avec la bouche pâteuse, dû sans doute à mes difficultés pour m’endormir. Ce Liam m’a suffisamment inquiétée pour que j’aie eu toutes les peines du monde à trouver le sommeil. Ses mots me restent en travers de la gorge et plus prosaïquement s’inscrivent en rouge dans mon cerveau. Un petit con sans gêne, mais assez malin pour être dangereux ? Peut-être ! Puis il y a cette invitation incompréhensible de Sylvie. Celle-ci n’a pas vraiment manifesté d’animosité particulière à mon encontre. Puis, je l’ai sentie tendue également dès que son neveu est arrivé. Comme si elle craignait ou pressentait un danger. Mais pourquoi me l’avoir collé littéralement dans les pattes ? L’attitude du garçon dans ma voiture, tout est de nature à me turlupiner.


Et c’est de nouveau un appel téléphonique qui me permet de passer à autre chose. Cette fois, sur mon appareil s’affiche le nom de celle qui m’appelle : Sylvie !



Le silence me noue les tripes dès que le téléphone redevient silencieux. Bon sang ! Est-ce bien moi qui viens délibérément d’inviter Sylvie à me rejoindre ? Pourquoi ai-je fait cela ? Il n’y a pas de raison valable pour qu’elle et moi nous nous retrouvions encore face à face ! Aucune vraiment ? Sauf ce trait d’union qui nous a unies durant le temps de ma liaison avec notre Michel. Comment expliquer ce besoin de connaître celle avec qui il a tout partagé ? Une façon de me torturer un peu plus, mais ai-je vraiment envie de cela ? Il est cependant trop tard pour faire machine arrière et je ne vais pas la décommander. Pas plus la rejeter lorsqu’elle arrivera, c’est certain !


La voiture d’où s’extrait Sylvie, je la reconnais immédiatement. Dans celle-ci, Michel m’a fait l’amour lors de nos premières rencontres. En forêt ou sur des places isolées en pleine campagne, oui, rien que de revoir ce véhicule, j’ai un pincement au cœur. Mais celle qui avance vers moi ne se doute pas de ce que la vue de sa bagnole peut m’être difficile. Elle est élégante et ne montre rien de son chagrin. Je l’envie aussi pour un tel aplomb. Instinctivement, elle arrive bras largement ouverts, dans l’intention évidente de me prendre dans ceux-ci ? Nous ne sommes pas des copines pourtant ! Je ne la repousse pas du coup et ses lèvres qui se collent à mes joues pour un baiser amical me font l’effet d’une brûlure.


Mince ! Jamais je n’aurais cru qu’un jour j’embrasserais la femme qui longtemps est restée ma pire rivale. Je n’ai jamais souhaité de mal à cette femme, mais je l’ai sans doute jalousée plus que la moyenne. Et elle est là, à esquisser une risette à laquelle je réponds d’une manière plutôt… amicale. C’est de la folie douce, me semble-t-il, et néanmoins, je lui rends son smack. Il doit y avoir un truc de dérangé dans mon cerveau, alors que je la prie d’entrer dans ma demeure. Elle sait déjà où elle met les pieds, son passage précédent m’a marqué à vie, c’est certain. Mais ce matin, alors qu’elle s’assoit dans mon environnement proche, ses yeux enregistrent ce qui nous entoure. Elle soupire, se tient coite et silencieuse.


Pour garder une sérénité que je suis loin d’afficher, je dois me faire violence. Mes gambettes sont tremblotantes et je dois absolument dire ou faire quelque chose pour apparaître « normale ». Je ne trouve pas le joint pour nouer une esquisse de dialogue. Les antagonismes latents risquent fort de ressortir. Alors je dois faire un effort et ma voix n’est pas d’une assurance profonde lorsque je lui parle du menu de notre déjeuner.



Je ne sais pas ce qu’elle veut, pas non plus quoi lui rétorquer. Mais c’est vrai que sa présence chez moi, aussi incongrue soit-elle me rassure quelque part. Un peu comme si un morceau de Michel vivant me rendait visite ! C’est elle qui à ma droite frit dans une casserole le riz pilaf qui va accompagner le civet que je prépare. C’est dingue, ce sentiment que nous sommes… complémentaires, que c’est bien un zeste de l’amour de Michel qui touille dans la gamelle, juste là, à me frôler sans cesse. Mon Dieu ! J’ai presque l’impression que l’image de cet homme que j’ai tellement aimé se dessine sur la plaque de cuisson où nous officions de concert.


Il arrive à maintes reprises que sa hanche flirte avec la mienne, par inadvertance, sans provocation quelconque d’elle ou de moi. C’est juste naturel et de temps à autre, nos regards se croisent avec une brillance inaccoutumée. Dans ses yeux, les miens se noient sans que j’éprouve la nécessité de les baisser. Nous n’avons pas besoin d’exprimer ce que nous ressentons pour que notre communion soit presque parfaite. C’est comme si nous avions toujours connu cela, comme si nous étions sœurs. Oui des sœurs ! Dans l’amour d’un même homme, dans la vie de celui dont l’âme doit rôder dans cette maison. Et je suis si subjuguée par ce qui me tombe dessus que ma main heurte la cocotte brûlante.


Je pousse un petit cri sous la morsure de la chaleur qui me brûle la peau.



Elle s’empresse de m’attraper le poignet et me pousse dans un second temps vers l’évier. Là, elle ouvre le robinet et entraîne ma patte sous le jet d’eau froide. C’est vrai que je me sens soulagée presque tout de suite. Et mon cerveau me rapporte ses mots, notant au passage que le vouvoiement qui nous garde à distance n’est plus de mise pour elle. Un réflexe devant un accident domestique qui nous arrive à toutes ? Ou bien est-ce plus profond que ce que j’imagine ? Elle garde ma menotte un long moment sous la coulée qui atténue mon bobo. Et son souffle est dans mon cou, sa position pour retenir mes doigts sous le jet, la plaque à demi contre moi. Je hume son parfum, faisant l’amalgame avec celui de son mari.


Pourquoi ? L’eau de toilette qu’elle porte n’a rien de similaire à celle que Michel arborait, c’est sûr ! Que je fasse le rapprochement signifie-t-il que mes narines me jouent des tours ? Je réalise en fait que c’est bien mon envie de savoir ce qu’elle porte qui me fait faire cette comparaison. Oui ! Les deux fragrances se marient à merveille, surtout dans ma tête.



Elle est toujours dans la même posture, bien que sa main relâche mon avant-bras et je tourne le cou pour lui répondre. Et puisqu’elle bouge son corps aussi, nos bouilles se retrouvent à quelques millimètres l’une de l’autre. Qui d’elle ou de moi à un élan spontané qui… nous fait nous serrer l’une contre l’autre ? Et sont-ce mes bras qui ceignent son buste ou les siens qui viennent m’encercler ? À moins que notre mouvement ne soit simultané et que nous nous enlacions au même instant. En tout cas, je ne sais ni comment ni par quel miracle, nos lèvres se trouvent. Ce n’est plus une bise qui s’échange soudain, mais bien une vraie pelle qui se roule devant l’évier, sous la fenêtre de la cuisine.



— xXx —



S’ensuit un long moment de gêne dès lors que nous relâchons notre étreinte. Mal à l’aise, mais pas du tout déçue par ce qui vient d’arriver, je baisse les yeux et lorsque je jette un coup d’œil vers Sylvie, je dois dire qu’elle est dans le même état que moi. C’est-à-dire rouge comme une pivoine à l’apogée de sa floraison. Elle balbutie quelques mots inaudibles d’excuse. Et le mouvement de recul que nous opérons est simultané.



Mentalement, je note que le vous est de nouveau de circonstance, un peu pour remettre une certaine distance entre elle et moi. Un moyen simpliste de garder une limite, histoire de se préserver d’une peur identique à la mienne ? Parce que je sais que quelque chose d’impensable, de fort s’est produit, là. Une seule fraction de seconde durant laquelle chez moi en tout cas, un truc vient de basculer, une barrière est tombée. Si je ne fais pas le premier pas pour revenir vers elle, ça va me torturer l’esprit des jours et des nuits durant. Je ressens exactement ce que j’ai ressenti lors de ma rencontre avec le mari de cette femme. Un sentiment plus fort que moi, plus fort que tout. Est-ce bien correct de se sentir attirée par celle qui avait la plus belle part de l’amour de Michel ?


Ma cervelle est en marche et mouline tout ceci, m’envoyant des ondes positives. J’en arrive à trouver presque logique d’être attirée par quelqu’un qui aimait celui que, de mon côté, je vénérais. Et bien sûr que la réciprocité est une forme de « normalité » qui s’insinue dans ma tête. Pour me donner bonne conscience ? Pour m’interdire de culpabiliser d’avoir été amoureuse du mari de celle qui est somme toute venue au-devant de moi ! Réflexions ambiguës dont je fais force de loi. L’esprit s’accommode finalement vite de ces petits arrangements qui rendent supportables les pires vices ou les plus sombres instants de l’existence. Et à deux pas de moi, Sylvie me fixe intensément.


Je suis tentée de faire un nouveau pas vers cette femme, mais mon hésitation est palpable. La voit-elle ? Forcément et d’un coup, Sylvie m’attrape par le cou, tout en délicatesse. Elle attire mon visage contre le sien et… je n’en reviens pas. C’est un baiser tout neuf qui s’échange là, il est trop… vrai, trop parfait pour que je puisse résister. Il y a dans ce rapprochement soudain une douceur qui me fait fondre. Je réponds avec un feu sacré dont je ne me serais jamais crue capable. C’est… c’est un peu la bouche de Michel que j’embrasse par celle de sa femme interposée. Oui ! Je suis totalement chavirée et lorsque je rouvre mes paupières, que nos lèvres se désolidarisent, il y a sur le visage de mon embrasseuse, une interrogation analogue à la mienne.


Cette fois, mes bras entourent le buste gracile de Sylvie et je veux goûter à nouveau à ces lippes qui m’enivrent pour de bon. Et un voyage initiatique débute là, debout dans un coin de cuisine. Une balade dont je ne connais ni les tenants ni les aboutissants. Je me laisse simplement emporter par les délicieuses manœuvres de celle qui devrait m’en vouloir terriblement. Et c’est l’inverse qui se produit. Ses mains fureteuses jouent sur mon vêtement, se lovent sur mon cou, sur mon dos, m’attirant contre elle en écrasant ses seins contre ma poitrine. Deux fois, dix, et puis plus possible de compter pour ces nombreux bécots qui se distillent en moi telles des langues de feu. Un incendie qu’elle contrôle avec une maestria souveraine, en digne amante qui sait ce qu’elle désire.


Je n’ai plus les moyens de refouler ce qui chez moi, en moi plutôt, se traduit par un étrange engourdissement de tout ce qui devrait pourtant me faire ruer dans les brancards. D’abord, il s’agit d’une femme qui me roule des pelles. Ensuite, elle est celle à qui j’ai volé une part d’un amour immense. En fait une rivale que mon cerveau s’ingénie à encenser et surtout, il espère qu’elle va aller plus loin. Comment est-ce possible ? Il y a entre elle et moi un fantôme dans l’ombre. Est-ce pour cette épouse bafouée, une manière de se venger, de me faire mal aussi ? Tant d’images de cette sorte s’entrechoquent dans mon ciboulot.


Mais j’avoue que je ne suis plus en état de résister. Les doigts fins, bien manucurés qui s’attaquent à mon chemisier avec une frénésie quasi divine, ont tôt fait de mettre en lumière mon soutien-gorge dont les bonnets laissent entrevoir deux pointes de seins qui dardent sous la dentelle. Elle sait, pour en porter aussi, comment se défaire de cet encombrant objet. Pas un seul mot durant l’opération « déshabillage » que je subis sans me rebeller, avec même une jubilation qui en dit long sur mon ressenti de l’instant. Je ne réalise que lorsque la bouche qui par intermittence revient régner sur mon palais, que ma poitrine est à l’air libre et que ses doigts la caressent. Enfin, le suçotement haletant de mes tétons fait partie du plan qu’elle échafaude ?


Bien sûr que le museau ne saurait s’accommoder seulement de ce hors-d’œuvre, alors lentement sans paniquer les lèvres sensuelles empruntent un sentier qui obligent les mains à finir mon déshabillage. Et la trace luisante qui marque le chemin de ma poitrine à mon nombril prend vite la direction de ce toupet qui orne le sommet de mon pubis. Du reste, quand la tête entre dans cette zone « de tous les dangers », Sylvie est pratiquement à genoux, en prière devant mon corps debout. C’est l’instant qu’elle choisit, sans décoller sa bouche de ma peau pour lever des yeux d’une brillance inouïe vers mon visage. Et ce que je lis dans ces prunelles n’a rien d’inquiétant. Non, il me paraît qu’il s’agit juste d’une attente muette.


Celle peut-être de mon consentement plein et entier à ce qu’elle se prépare à faire. Je dois admettre que je suis dans un état tel qu’il me serait insupportable qu’elle n’éteigne pas l’incendie qu’elle a volontairement allumé. Et d’une main qui tremble, je lui attrape le poignet. Elle reste immobile quelques fractions de seconde avant de saisir que je ne veux que la faire se relever. Et dès lors qu’elle pige ça, je l’entraîne vers le salon, la pièce la plus proche et suffisamment confortable pour parachever son œuvre. En tirant la porte de la cuisine sur nous, le tas que forment mes vêtements abandonnés sur le carrelage me fait l’effet d’une incongruité monumentale.


Nous n’atteignons pas seulement le canapé que déjà nous nous lovons au sol sur la moquette de laine épaisse qui le couvre. La table basse entre fauteuils et sofa est repoussée par des bras impatients et débute là un joyeux emmêlage, un emberlificotage de nos deux anatomies et je fais des efforts pour que la femme de Michel n’ait plus sur elle que ce que je porte ; c’est-à-dire… rien. Elle aussi garde au bas du ventre un triangle velu plus fourni que celui que j’arbore. Son parfum… il a quelque chose de dément, d’aphrodisiaque peut-être. Et l’odeur de sexe qui se dégage très vite de nous m’obsède. Pas besoin de guide pour refaire avec cette femme ce qu’il n’y a pas si longtemps, je pratiquais avec son mari. Dans la pièce, il ne se trouve pas deux personnes de même sexe !


C’est seulement deux êtres qui ont un besoin « urgent » de faire l’amour. Comme pour renouer avec les sensations que l’homme que nous avons partagé durant des mois, chacune dans notre coin nous étions là à nous guider. Chacun de nos gestes devient donc caresse que nous renouvelons avec un égal plaisir c’est avec le goût de ce ventre que Michel a tant aimé, du sexe humide dans lequel mes doigts fouillent sans vergogne que je sais pourquoi il lui était si difficile de faire un choix. Elle et moi avons ce bonheur de nous aimer physiquement avec l’image de notre cher disparu qui flotte partout dans les alentours.


Ce ne sont plus que soupirs, gémissements qui résonnent contre les murs du salon. Sylvie se donne à moi, avec une énergie que je qualifierais du désespoir. Mais n’est-ce pas quelque part aussi mon cas ? Savoir à tout prix ce qui pouvait l’attacher à nous, qui lui interdisait également de se décider pour elle ou moi ! Est-ce elle qui jouit la première ? Aucune certitude, mais peut-être que c’est finalement à l’unisson que nos cris rivalisent de puissance dans un orgasme simultané qui nous fait trembler de concert. Est-ce que ça dure longtemps ? Impossible de juger du degré de l’intensité de ce que je ressens. Pas plus pour elle, à qui je ne pose pas la question évidemment.


Quand nous reprenons pied dans le monde réel, nos corps sont allongés l’un contre l’autre, visage visant le plafond. Elle a un sourire entendu et une bouille enjouée. De mon côté, j’affiche une risette tant j’ai apprécié ce qui vient de nous réunir. Elle redresse son buste, se tourne vers moi !



Elle se rhabille dans le salon et moi, je cours après mes fringues dans la cuisine. Elle arrive alors que je reboutonne mon chemisier. Elle a déjà remis une couche de gloss qui dessine la rose de sa bouche. Elle s’approche de moi, et je sens son hésitation. Alors… je comble cette fois le fossé qui nous sépare. Un baiser… « Élixir gloss rubis » … qui déteint sur mes lippes et Sylvie s’éloigne avec dans son sillage le fantôme de son mari… mais j’ai aussi des souvenirs et ça reste planté là, dans mon crâne alors que d’un geste de la main, une sorte d’adieu… d’au revoir, je n’en ai pas la moindre idée, dessine un sourire sur ma bouille…


Je suis de nouveau seule ! Les souvenirs restent cependant !


Fin !