Je m’appelle Sébastien… Prisonnier dans un Bazar… Sans limites… Le sexe est roi… Nous sommes ses esclaves… Il y a une sortie… Il y en a une, quelque part… Encore faut-il la trouver. Mon ennemi est proche…. Je le connais… Je suis mon propre ennemi…
*
La voix fut un coup de tonnerre. Cela faisait un bon moment que je restais pratiquement immobile sur ma chaise, me bavant dessus, tranquillement. Mes muscles et mon esprit semblaient en vacances. Je voulus tourner la tête, pour connaître les environs, mais la nausée me monta aux lèvres.
- — J’ai dit : levez-vous !
Je ne perçus aucun mouvement de la part d’éventuel voisin et, comme j’étais le seul à être éclairé, je me sentis quelque peu visé. Tendant les bras dans l’ombre, je trouvai une espèce de barrière devant moi. Je m’en servis pour me redresser.
- — Accusé Sébastien ! Vous êtes coupable ! Le procès peut commencer. Assis !
Je me laissai retomber sur ma chaise et juste après, une autre douche de lumière éclaira un homme, habillé de rouge, affublé d’une longue perruque blanche et bouclée.
- — Accusé, dit-il. Vous êtes coupable, jusqu’à preuve du contraire, des faits suivants : Meurtre. Abandon de vos amis aux mains de l’ennemi. Non-paiement d’une amende d’un montant de trois mille quatre cent vingt-quatre euros et dix-huit centimes. Et, plus grave encore, de ne pas suivre les règles de votre folie. Plaidez-vous la raison ?
Je laissai échapper un rot. Le mot « drogue » me vint à l’esprit. La façon dont ma tête tournait dans tous les sens ne pouvait me laisser aucun doute. Quant à l’estomac, c’est classique chez moi. Toutes maladies, contrariétés, passent par mon ventre. Très gênant avant d’entrer en scène.
- — Plaidez-vous la raison ?
- — Pourquoi m’avez-vous drogué ? demandai je.
- — Plaidez-vous la raison ?
- — Pourquoi, si je suis coupable ?
- — Plaidez-vous la raison ?
- — Avec raison.
- — Vous avez tort.
- — Pourquoi ?
- — Parce que vous êtes fou.
- — Fou ?
- — Fou ! Et un fou ne plaide pas la raison. Il n’en a pas. Il n’a donc que des torts. Vous êtes coupable.
- — Pourquoi me poser cette question si vous avez la réponse ?
- — Pour faire le procès. Sans accusation, pas de procès.
- — Je ne suis pas fou !
La douche s’éteignit et le silence s’installa. La discussion m’avait quelque peu échauffé. C’était une bonne chose, car je parvenais à m’habituer à la drogue. En tout cas, les effets, sur mon estomac, se dissipaient peu à peu.
- — Je ne suis pas fou ! hurlai-je dans le vide.
Une nouvelle douche s’éclaira, juste devant mon nez et l’homme rouge apparut.
- — Mais si vous l’êtes, mon ami.
- — Qu’en savez-vous ?
- — Ne suis-je pas votre ami ?
- — Ami ?
- — Bien sûr, puisque je vous appelle « mon ami ». On se connaît bien depuis près de… Ho ! Cinq minutes. Nous sommes donc amis.
- — C’est logique. Oui, oui. Nous sommes amis.
- — C’est donc un conseil d’ami que je vous donne. Restez fou.
- — Si vous le dites, vous avez raison. Mais je suis gêné… Oui, très gêné.
- — Pourquoi donc ?
- — Quelle est ma folie ? Je ne la connais pas.
- — Evidemment, c’est embarrassant. Vous refusez votre nature profonde. Voilà votre folie.
- — Il faut donc que je plaide la folie.
- — Tout fou, logique, le ferait.
- — Mais je ne le suis pas.
- — Fou ?
- — Logique.
- — Folie !
- — Raison !
- — Folie !
- — RAISON ! RAISON ! RAISON ! RAISON ! RAISON ! RAISON ! RAISON ! RAISON ! RAISON ! RAISON ! RAISON ! RAISON ! RAISON ! RAISON !
La salle s’éclaira totalement, une foule de badauds scandait la folie tandis que les jurés se disputaient l’un des deux maux. La juge ne disait rien, mais gardait le rythme rapide en frappant son bureau à l’aide d’un marteau. L’intensité de la lumière devenait insupportable. Je cessai de crier et fermai les yeux. Aussitôt, tout le monde se tut. J’ouvris les yeux, le noir était total.
- — Le coupable refuse d’admettre sa folie. C’est la preuve qu’il est fou.
- — Objection, dit une nouvelle voix.
Une nouvelle douche éclaira un nouveau personnage. C’était une femme d’une vingtaine d’années assise à un bureau. Je ne vis pas son visage, mais fus impressionné par le biberon géant posé à côté d’elle.
- — Objection, l’accusé ne nie pas sa folie. C’est la logique de sa folie qu’il rejette.
- — Objection rejetée, trancha la juge. Le premier témoin, je vous prie.
La personne était restée dans le noir. Je n’avais pas eu le temps d’apercevoir son visage, tout à l’heure, mais j’étais certain de connaître sa voix. Je connaissais la juge. Je n’eus pas le luxe de m’attarder sur cette question, car une nouvelle douche s’éclaira. C’était la photo, grandeur nature, d’une femme. Mon ancienne prof de bio.
- — Nom prénom, âge et profession, demanda le juge
- — Nadia F., récita l’homme en rouge. Trente-cinq ans, Prof.
- — Pourquoi F. ?
- — Pour l’anonymat, Madame le juge.
- — On s’en fout. Qu’elle s’appelle… Ferra et basta.
- — Oui, mais, donner la première lettre du nom, ça donne un arrière-goût d’authenticité. Et puis elle s’appelle réellement Ferra. Or, Mademoiselle Ferra est la première femme pour laquelle notre coupable ait bandé. À chaque cours de biologie, il la déshabillait des yeux, rêvait de la toucher, de la lécher. La preuve !
La présidente donna un coup de marteau et les lumières éclairèrent toute la salle. Mais ce n’était plus la même. Il s’agissait de la classe de biologie. Mademoiselle Ferra était au tableau et m’interrogeait.
- — À quoi servent les glandes de Cowper ?
Je regardai autour de moi, un peu déboussolé. De position assise, je me retrouvai debout, près du tableau. Devant moi, il y avait les photos, grandeur nature, des élèves assis à leur table. Ils n’avaient pas tous le même âge. J’en voyais encore certains, dans ma vie d’avant le Bazar et ceux-là avaient l’air d’avoir 25 ans. La classe n’avait pas de murs. Autour de nous, c’était l’obscurité.
- — Alors, s’impatienta la prof, ces glandes de Cowper ?
Je ne savais même pas que ça existait. Pourtant, je m’entendis répondre.
- — Fabriquent un liquide qui dilue et nourrit les spermatozoïdes.
- — N’oublie pas la lubrification. Bien, à présent, identifie les différentes parties du système reproducteur masculin sur ce dessin.
Je restai interdit un moment. Comme par magie, le dessin d’un sexe masculin était apparu au tableau.
- — Ce n’est pas possible ! Tu n’as pas appris ta leçon !
Elle s’approcha de moi et déboutonna mon pantalon. Pendant l’opération, j’avais une vue plongeante sur son décolleté.
- — C’est bien, dit-elle en s’emparant de mon sexe, tu bandes déjà un peu. Alors, écoute.
Elle baissa totalement mon caleçon et, soulevant mon pénis, elle passa sa langue humide contre mes bourses.
- — Ooooooooooh ! firent les photos.
- — Ici, nous avons le scrotum ou les bourses. C’est un sac constitué de plusieurs tuniques, qui contient les testicules. Et là, qu’est-ce que je lèche ?
- — Le gland, vous me léchez le gland, dis-je en serrant les dents.
- — Bonne réponse. Qui peut me dire pourquoi Sébastien bande dur à présent… Oui, j’ai entendu la réponse. Stimulation !
Cette fois, elle engloutit totalement mon sexe dans sa bouche. Cette femme qui avait accompagné, d’une certaine manière, mes premiers émois, me suçait divinement. J’avais beaucoup de mal à bouger. Mais petit à petit, mes mains parvinrent à sa poitrine. Elle se redressa un peu pour que je puisse les caresser, à volonté. Dans le même temps, je m’entendais parler. Des mots que je ne connaissais même pas, comme épididyme ou smegma.
- — À présent, nous allons voir le sexe féminin.
À peine avait-elle terminé sa phrase que j’éjaculai. Ce fut brusque et violent, mais elle eut à peine un mouvement de recul et dit avec un grand sourire :
- — Je suis certaine que ça faisait longtemps que tu voulais me jouir au visage. Viens par là, maintenant.
Elle grimpa sur son bureau et retroussa sa jupe. Comme je l’avais toujours rêvé, elle ne portait rien dessous.
- — Alors, ici, nous avons quoi ?
- — La vulve, dit ma bouche.
- — Quelles sont les différentes parties de la vulve ?
- — Grandes lèvres, capuchon du clitoris, clitoris, petites lèvres, méat urinaire, entrée du vagin, récitai-je.
- — Et maintenant, dis-moi ce que je caresse, en ce moment ?
- — Le… Vo… Votre clitoris, mademoiselle.
- — Montre-moi. Non, avec la langue. Oui, c’est là, continue, amuse-toi avec lui. Combien de fois as-tu rêvé de me faire ça ? Tu as vu comme je mouille ? Dis-moi et tu auras le droit à une récompense. Quelles glandes sécrètent ma mouille ?
- — Les glandes… Les glandes de Bartholin, Mademoiselle. Elles servent à faciliter la pénétration.
- — Voyons ça. Redresse-toi. Parfait, tu es à la bonne hauteur. Allez, approche-toi. enfonce ton pénis. Ooh ! Tu vois, comme ça glisse bien. Laisse-toi emporter maintenant.
Le dernier conseil était inutile. J’allais et venais dans cette grotte humide et douce. Des frissons me parcouraient le corps. Ferra semblait, elle aussi, apprécier ce moment. Ses jambes tremblaient contre mes bras et ses petits soupirs se faisaient râles. Ses mains qui, tout d’abord, avaient libéré ses petits seins, parcouraient fébrilement son corps.
Les photos discutaient entre elles. Je ne comprenais pas leurs paroles. Sûrement parce que j’avais un centre d’intérêt plus passionnant. Au bout d’un temps, elles firent silence et j’entendis des coups de talons, sur le sol, accompagner en rythme mes coups de reins.
Ferra hurlait des insultes, se déhanchait dans tous les sens, proposait à d’autres photos de venir l’aider à jouir. Les coups de talons étaient de plus en plus rapides et je me sentis obligé de suivre leur rythme. Et, alors que je ne pensais plus qu’à me laisser aller, son corps se crispa brusquement et je fus pris dans l’étau de ses genoux. Je m’immobilisai. Elle s’apaisa doucement, se contracta de nouveau puis se détendit presque aussitôt en poussant un long soupir.
- — Bien, c’était très bien, dit-elle dans un souffle. Maintenant, mets-la-moi dans l’autre trou.
Je sursautai malgré moi, alors qu’elle essuyait les dernières traces de sperme qui lui restait au visage. Pourtant, je l’avais rêvé, ça aussi.
- — Sodomise-moi, supplia-t-elle.
- — Non.
- — Encule ta prof !
- — Non, non, non, non.
- — MAINTENANT !
Je retirai vivement ma queue de son sexe et, comme je la tenais par les hanches, je la rejetai et elle glissa de son bureau pour s’affaler, fesses en l’air, sur les photos.
Une main se posa sur mon épaule par derrière. Le directeur ?… La directrice. Femme d’une quarantaine d’années, le corps sec comme une momie.
- — Dans mon bureau, jeune homme.
- — Oui, Madame.
- — Alors comme ça, on se permet de malmener son professeur ?
- — Elle voulait que je l’encule.
- — Tu as refusé, je vois. Pourquoi ?
- — Pourquoi ?
- — Oui, pourquoi ?
- — Parce qu’elle est folle.
- — C’est toi qui es fou.
- — Pourquoi ?
- — Tu es intelligent
- — Comment vous le savez ?
- — Doué, même.
- — Vous êtes intelligente.
- — Pourquoi dis-tu ça ?
- — Parce que je suis doué d’intelligence.
- — Infirmière, faites entrer Mademoiselle Ferra.
L’infirmière entra en tirant Ferra, totalement nue, par une laisse maintenue à son cou par un collier de cuir noir.
- — Cet élève nous dit que vous êtes folle. C’est vrai ?
- — À chaque fois qu’il se branle en pensant à moi, je deviens folle, Madame. C’est arrivé souvent, vous savez.
- — Cela ne m’étonne pas. Tu es obsédé, jeune homme. Ferra te fait bander parce que tu rêves d’elle à poil et soumise. Tu veux soumettre ton prof. Je suis sûr que tu as préféré lui jouir en pleine gueule que de la baiser. Tu aimes que les femmes qui ont de l’autorité soient soumises !
- — C’est faux !
- — Pourquoi le nier ? Pourquoi nier ta nature profonde ? Tu es incapable de respecter une femme. À chaque fois, tu veux la prendre par-derrière, en position de force.
De leur coté, l’infirmière et Ferra s’embrassaient furieusement. La blouse de l’infirmière était déjà pratiquement déboutonnée. Ferra lui tordait le téton droit, ce qui semblait être apprécié.
- — Regarde-la, c’est comme ça que tu l’imagines ! Bête de sexe. Incapable de se retenir.
- — Vous êtes fou, dis-je.
- — Comment oses-tu ?
- — Gros.
- — Grosse !
- — Gras.
- — Grasse !
- — La cravate !
- — La cravate ?
- — La cravate est rouge, toujours rouge. Le directeur ne met jamais de cravate bleue.
- — La directrice !
- — Teur ! Je suis doué, vous le savez.
- — Trice !
- — Vous êtes gros, des lunettes carrées, la cinquantaine, la barbe grise, vous…
- — Un travail ! s’exclama-t-elle.
- — Quoi !
- — On t’attend pour un travail. Acteur. C’est pour le cinéma. Jeune premier.
- — Quoi ?
- — Cours vite. VITE !
Je sortis du bureau en courant. Tout était noir sauf un petit chemin de lumière blanche que je suivis. Je tombai rapidement nez à nez avec un groupe de personnages, masqués d’un voile blanc et qui ne cessait de répéter la même chose.
- — Rejeté ! Rejeté ! Rejeté ! Rejeté ! Rejeté ! Rejeté !
Je fus ballotté dans tous les sens. Certains essayaient de me retenir, d’autres ne se gênaient pas pour me frapper. Il ne fallait pas que je m’arrête. Un travail. Il me fallait ce travail !
- — Où ? criai-je. Où est-ce ?
J’étais dans la pénombre et j’avais perdu le chemin de lumière. Tout à coup une douche dorée éclaira l’infirmière qui tenait toujours Ferra en laisse. Elle était nue sous sa blouse totalement déboutonnée. Elle me fit un signe du doigt et, lorsque j’arrivai à leur hauteur, elle me montra la porte du directeur. Mais cette fois, le mot « Casting » était inscrit dessus.
Emu à l’idée de mon premier rôle au cinéma, j’inspectai ma tenue et me recoiffai avec mes doigts. Après avoir repris mon souffle, je frappai.
- — Entrez, dit la directrice.
- — Bonjour. Je suis comédien, je viens pour le rôle.
- — Bravo ! Vous l’avez. C’est vous qu’il nous faut.
- — Merci.
- — Attendez, ne partez pas tout de suite. Nous vous avons vu, sur les planches. Vous avez de la présence. Vous aviez le rôle d’un mari trompé, la dernière fois.
- — Exact.
- — Pour notre film, vous serez l’amant. Cinquante femmes mariées. Déçues par leurs époux. Vous êtes leur dernière chance.
- — Je fais don de mon corps, en quelque sorte.
- — Tout à fait ! Leurs maris seront présents, mais ils ne pourront rien faire.
- — C’est assez vicieux. Une torture, pour eux.
- — Oui ! C’est ce que veut le public. Vous contentez cinquante belles femmes et eux, pas une. Vous les humiliez ! En plus, ils en ont une petite et vous une grosse !!! Magnifique !
- — Je suis né pour ce rôle.
- — Mais attention, ces garces ne pensent qu’à se gouiner. Il faudra les faire crier, les prendre en force. Vous savez vous y prendre, j’espère.
- — Je…
- — Pas de sentiment ! Elles ne sont que des bouts de chair, après tout. Vous signez là, les filles sont justes dehors. Vous commencez tout de suite. Action !
- — Non !
- — Pourquoi ?
- — Non.
- — Pourquoi, pourquoi, pourquoi, pourquoi, pourquoi ?!
- — Je ne sais pas.
- — Elles sont actrices, c’est un jeu !
- — Non.
- — À cause d’Irina ? Dis-le que c’est à cause d’elle.
- — Irina ? Pourquoi Irina ?
- — Elle te retient. Tu veux plonger et elle te retient. Tu les veux, ces femmes. Elles se branlent en criant ton nom. Tu les entends ? Tous leurs trous sont ouverts à tes assauts. Tu en as envie. Avoue-le ! Oublie l’existence d’Irina. Elle te retient, je te dis.
- — Comment ?
- — Pourquoi ?
- — Comment ?
- — Pourquoi, pourquoi, pourquoi ???
- — Et moi je veux savoir comment, comment, comment ?
- — Dites ! Vous pourriez cesser lorsque l’on parle !
Mademoiselle Ferra était avachie, sur une chaise et écartait ses cuisses, au maximum, pour faciliter les mouvements de langue de l’infirmière. Un soudain vertige me prit. J’eus l’impression que le spectacle s’éloignait de moi. Je ressentis une brusque douleur derrière moi et je me retrouvai sur ma chaise d’accusé. Devant moi, seules les deux femmes, qui continuaient à se câliner, restaient visibles.
- — La voilà, la preuve ! dit alors l’homme rouge, en apparaissant devant Ferra. Il est clair que ses envies sont là. Et il se censure ! Il pourrait la dominer comme il l’a toujours rêvé. Il pourrait, dans notre univers, posséder cette femme. Mais il refuse. Non seulement il fait preuve de folie en refusant sa personnalité, mais en plus il est antisocial. Le sexe est le fondement de notre société, la domination est sa nature ! L’accepte-t-il ? Non.
Il écarta un pan de sa robe rouge et tendit sa queue en érection vers la bouche de ma prof de biologie. Cette dernière l’accepta dans sa bouche et le pompa dans toute sa longueur.
- — Comment peut-on, si on y réfléchit bien, ne pas vouloir de cette femme ? Cette bouche à pipes. Cette chatte si humide. Et ce cul ouvert à toutes les perversions ? Comment peut-on ? Notre univers lui permet tout cela et il se raccroche à des chimères, à une réalité qui n’est plus la sienne !
D’un brusque mouvement d’humeur, il tira sur la laisse de Ferra et l’expulsa hors de sa chaise. Elle eut à peine le temps de remettre à quatre pattes qu’il la sodomisa sans ménagement.
- — Ho ! OUI ! Défonce-moi !
- — Si ça, ce n’est pas une preuve ! C’est ce qu’elle veut, cette chienne !
- — CONNERIE ! hurlai-je. Je ne suis pas l’esclave de mes fantasmes !
Mais ma pauvre révolte ne calma guère le couple.
- — Objection ! cria mon avocate. Nous ne sommes pas au théâtre.
Au mot théâtre, mon sang se glaça. Ce mot, prononcé de cette manière… Ils n’auraient pas osé faire ça ! Une nouvelle douche s’alluma à côté de moi. Sûrement pour éclairer mon avocate. Je ne voulais pas la regarder et je suais à grosses gouttes. Nouveau style de tentation. Un simple coup d’œil me suffit. C’était elle, ce visage basané, perdu dans les boucles de ses cheveux noirs. C’était elle et elle souriait. Un sourire à incendier l’âme d’un De Vinci. Belle. Douce. Si proche. Trop proche.
Je me relevai brusquement et reculai. La douleur enfouie pendant des années éclata dans ma poitrine. Elle se mélangea avec la colère et l’indignation.
- — Vous n’avez pas le droit !! PAS LE DROIT !
- — L’accusé est prié de se calmer ! grogna la juge.
- — ESPECE DE PUTE ! Tu n’avais pas le droit… Alexandrine est…
- — Vas-y, mon salaud ! beugla l’ombre qui se faisait passer pour Ferra. Elle est bonne, ta queue.
- — Objection ! cria de nouveau Alexandrine.
- — Rejetée ! Rejetée ! Rejetée ! Rejetée ! Rejetée ! Rejetée ! scanda le public
- — Alexandrine…
- — Bourre-moi bien le cul… Accusé … Objection… Infirmière, ma chatte a la fièvre… Si vous ne calmez pas votre client… Rejetée ! Rejetée ! Rejetée ! … Faire évacuer la salle de classe… Théâtre… Rejetée ! Rejetée ! Rejetée ! … Influence le témoin… Avec ta grosse pine… Ils te passeront à la moulinette… Il refuse sa véritable nature… C’est un roc, c’est un cap, que dis-je, un cap, c’est… C’est un fou ! Encule donc ta prof et qu’on en finisse ! Je passe au numéro six ! … Dis-moi que je suis ta salo… Objection… Rejetée ! Rejetée ! Rejetée ! … Prenez garde, prenez garde, la dame blanche vous regarde… Faites évacuer la salle… Oh ! Ce que j’aime être prise comme ça… Promenons-nous dans les bois… Rejetée ! Rejetée !
Les voix se mêlaient aux coups de marteau de la juge. L’univers se mettait en branle et tournait autour de moi.
- — SIIII-LENCE ! hurla la juge.
L’univers, retrouvant ses marques, cessa de tournoyer. Et moi, naufragé toujours pris dans la tourmente, je fus expulsé de la salle par une force invisible. Mais je ne regardais pas ma destination. On m’éloignait encore d’Alexandrine.
*
- — Je suis mort ? demandai-je.
- — Non, dit Alexandrine. Tu n’es pas mort.
- — Il y aurait eu, au moins, une logique, à tout ça.
- — Tu m’en veux ? Oui, bien sûr, tu m’en veux.
- — Comment pourrais-je ? Tout bien considéré. Ce n’était pas vraiment ton choix.
- — En effet.
- — À chaque fois, dans mes rêves… À chaque fois, j’y parvenais, tu sais. Pourquoi reste-t-on dans le noir ? Et y a au moins cinq centimètres d’eau, ici.
- — C’est la saison qui veut ça. Et en plus, je suis nue.
Je ne pus m’empêcher de rire. Je n’avais pas l’humeur à ça, pourtant.
- — Ce foutu Bazar croit vraiment que je vais céder à cause de ça ?
- — Je ne suis pas là pour le Bazar. C’est toi qui l’as voulu.
- — Prends-moi pour un con. Tu n’es pas Alexandrine.
- — C’est vrai. Dans un sens. Mais je peux expliquer…
- — Rien à foutre. Les drogues vont se dissiper. Plus d’hallucinations.
- — Il n’y pas de drogue.
- — Parce que tu crois que Mademoiselle Ferra ou tout autre femme, se laisseraient baiser comme ça ?
- — Celle que tu voulais, oui.
- — J’suis vraiment malade.
- — Disons que tu es un mec.
- — C’est vrai que je suis parti avec un handicap.
- — Tu retrouves ton ironie.
- — C’est ça ou pleurer. Dis-moi… Le meurtre dont ils m’accusent…
- — Oui. C’est de ma mort qu’il s’agit. Mais je te défendrai, c’était un accident, tu n’y es pour rien. Je t’aiderai.
- — Laisse tomber. La drogue ne fait plus d’effet et le choc est passé. Tu n’es pas Alexandrine. Tu es une chose du Bazar. Si tu as un moyen d’allumer les lumières, fais-le. Te voir nue ne me fera ni chaud, ni froid.
La lumière m’éblouit un moment. Lorsque j’ouvris les yeux, l’ombre d’Alexandrine n’était plus là. J’étais dans une sorte de cave, inondée. De gros piliers de pierre soutenaient l’ensemble. J’entendis des pas dans l’eau. Je crus que c’était Alexandrine, mais non. Alexandrine n’avait rien d’une sorcière.
- — Salariée au rayon lingerie fine, énonçai-je, juge à tes temps perdus et directrice. Tu ne dois pas avoir de fin de mois difficiles, Madame.
- — On regarde plutôt les résultats, ici. On ne compte pas les heures supplémentaires.
- — Surtout lorsque le temps ne joue aucun rôle.
- — Tu sembles faire un blocage sur la sodomie. Crois-tu vraiment qu’elle est le symbole de la domination de l’homme sur la femme ? Il y a des positions où la femme est sur l’homme, tu sais.
- — Ce n’est pas la sodomie que je rejette. C’est ce Bazar et ce qu’il a fait de Céline. À chaque fois qu’une de vos choses me le demande, j’entends sa supplique. Je l’entends me supplier de la sodomiser. De la prendre comme une chose, une poupée gonflable, une chienne et non comme une femme. La drogue ne fait plus d’effet. Il n’y a plus de Céline, plus d’Alexandrine. Laissez tomber.
- — La première fois que je t’ai vu, dit-elle avec un sourire, j’ai compris que tu n’étais pas seul. Aussi, vous êtes devenus un défi pour moi.
Ce « vous » avait une signification qui m’échappait un peu. Enfin… Quand je dis « un peu », c’est en comparaison avec le reste.
- — Oh ! C’est vrai. Beaucoup résistent, mais pas comme vous. Ils cèdent, au bout d’un temps. Mais vous, c’est différent. J’ai connu d’autres cas comme le vôtre. Si je calcule bien, vous êtes le sixième cas.
- — C’est qui « vous » ? Les gens du grenier ?
- — Oh, non. Pas eux. Ils céderont, d’une manière ou d’une autre. Je n’interviendrai même pas personnellement. Ils sont un passe-temps agréable, sans plus.
- — Irina ?
- — Ah ! Cette chère Irina. Tu as tort si tu penses que le temps n’existe pas, ici. Il est un peu tordu, je te l’accorde, mais il existe. Il y a un ordre des choses. Je m’occuperai d’elle lorsque j’en aurai fini avec toi. Il y a quelque chose, c’est évident. Mais comment ça marche ? Tout autre mâle aurait craqué, mais il y a une raison qui te retient. La plupart craquent dès leurs premiers temps dans le Bazar. Qui n’aurait pas cédé devant cinquante belles salopes ? Quand tout sera fini, j’irai jouer avec elles. Hum, je mouille rien que d’y penser.
- — Rien à foutre, d’une momie en chaleur ! Réponds-moi ! ordonnai-je en lui bloquant le bras. Qu’est-ce qu’Irina a à voir avec moi ?
- — J’avais oublié. Dix-huit ans d’Aïkido. Tu es très doué au bâton, m’a-t-on dit.
- — J’attends la réponse.
- — À quelle question ? Il y en a plein dans ta tête. Laquelle est la plus importante ? Comment résister à la tentation ? Qu’est-ce que le Bazar ? Qui le commande ? Comment en sortir ? Où se trouve la clef ? La porte ? Existe-t-il vraiment une sortie, une porte, une clef ? Peux-tu faire confiance à Nick ? À Irina ? À Tess ? Tu t’es trouvé tout con lorsqu’elle t’a demandé de la baiser, hein ? Quoi d’autre dans ta tête ? Es-tu réellement avide de domination sur les femmes ou est-ce seulement un piège que je te tends ? Mademoiselle Ferra n’est-elle qu’un fantasme de jeune garçon ou est-elle cette salope que tu as vue tout à l’heure ? Pourquoi Alexandrine ? Que signifie ce « Vous » ? Pourquoi Irina ? Est-ce un hasard si, dans l’immensité du Bazar, vous avez pu vous retrouver deux fois ? Choisis. Tant de questions… mais tu n’auras qu’une seule et unique réponse !
Je resserrai mon étreinte. Je pouvais lui briser le bras. Et même la nuque, si je le voulais. Le pire, c’est que je commençais sérieusement à le vouloir. Des larmes. Je pleurais.
- — Oui, marmonna-t-elle. Au moins, tu auras appris ça. Je pense que c’est la vue d’Alexandrine qui l’a déclenchée. La haine. La vraie. Celle qui donne un goût de cendre dans la bouche. C’est une extase. Moins intéressante que le sexe, cela dit. Alors, tu l’as choisie, ta question ? Dépêche-toi. Les autres attendent. Le procès continue.